Les 9 prédictions média de Datagif pour 2023

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9 min readDec 22, 2022

Avec le repli sur soi de Facebook puis Twitter, n’est-ce pas l’opportunité pour les médias de moins dépendre des réseaux sociaux ?

Facebook ferme son outil de newsletters Bulletin, a des soucis avec son service News ; Twitter ferme également les vannes des newsletters, bannit des journalistes, bloque les liens vers des plateformes tierces… Une opportunité pour les marques-médias, alors que les utilisateurs de réseaux sociaux voient leurs outils d’information se dégrader ? Créer un écosystème complet et autonome, permettant à l’audience de consulter aussi bien de l’actu chaude que des articles de fond, de se divertir, échanger, participer : un objectif qui semble plus que jamais réaliste. Au vu de toute notre veille réalisée au sein de l’agence, voici 9 signaux qui nous semblent dessiner ce que sera 2023 🔮

1 • Le développement des communautés privées

2022, l’année des errements des réseaux sociaux traditionnels. Face à ce constat, les internautes cherchent des espaces plus confidentiels et les médias l’ont bien compris. Depuis quelques années, des titres de presse expérimentent la création de communautés fermées via des plateformes qui fonctionnent sans algorithme telles que Discord, Signal, Telegram ou Whatsapp. Dans la pratique, les médias se servent de ces messageries de manière plus ou moins poussée. Certains, comme le Washington Post qui couvre sur Telegram la guerre en Ukraine, y publient leurs derniers contenus sans possibilité pour les membres de participer. D’autres, comme Le Monde sur Discord, expérimentent de nouveaux principes de conversations ouvertes avec leurs lecteurs.

Des médias se lancent même directement via ces plateformes, c’est le cas du média italien à succès Will qui s’est lancé sur Telegram. Il est fort à parier qu’en 2023, les médias tendent de plus en plus à utiliser ces réseaux privés avec des communautés plus petites mais qualitatives pour nouer des relations plus intimes et directes avec leurs lecteurs.

2 • Le retour de la revanche des blogs et annuaires

Le retour des blogs ? Une prédiction qu’on ressort assez régulièrement mais qui s’est finalement concrétisée indirectement avec la montée en puissance de Substack, à la base une plateforme de blogs à laquelle on a greffé un système d’envoi d’e-mails et de paiement simplifiés. Même si on a l’exemple inverse du concurrent Medium, échouant suite à des choix stratégiques trop fluctuants, il y a encore de la place en France pour de nouveaux acteurs. Comme Kessel, qui se présente d’ailleurs comme un outil centré sur les auteurs et le partage, en gommant l’aspect newsletter.

Et si les réseaux sociaux ont actuellement un petit goût d’apocalypse, le blog semble être un support parfait pour revenir à une lecture plus apaisée et à une éditorialisation contrôlée, démarquée de l’influence des algorithmes de Meta ou Twitter. Leur aspect décentralisé permet également de retrouver un climat plus propice aux échanges, de se retrouver autour de communautés. Allez, on peut même ressortir les blogrolls et webrings, qui n’ont de toute façon jamais totalement disparus. 2022 l’a montré : le bon vieux web est toujours là, autopublié par des passionnés et le blog reste l’outil de choix pour l’alimenter en préservant son indépendance. On vous conseille notamment d’aller vous perdre sur ooh! Directory, la résurrection de l’annuaire Yahoo qui regroupe et catégorise tout ce qu’on aimera toujours avec l’INTERNET !

3 • Pour engager son audience : faire jouer !

Ce qui était autrefois une rubrique oubliée dans un menu est devenu carrément l’une des entrées principales dans la tap bar de nombreuses applications médias : les jeux. Il n’y a plus aucune honte à s’accorder quelques divagations d’esprit, à tel point que certains en ont fait un produit d’appel pour l’abonnement. L’effet Wordle, certainement. Pourquoi cette obsession ? L’objectif recherché est mécanique : créer le réflexe quotidien, développer la préférence pour un média, et croiser évidemment toute l’offre éditoriale. Alors que certains ont déjà musclé cette année leur proposition ludique, on est prêts à parier sans trop de risques que les jeux occuperont dès les prochains mois une place prépondérante dans l’offre de chaque média.

4 • La montée en puissance de l’IA pour le texte, les images et bientôt les vidéos ?

Depuis septembre 2022 l’IA continue de faire parler d’elle avec deux nouveaux venus sur le marché : ChatGPT, une intelligence artificielle permettant de produire des textes et des réponses à des requêtes écrites et DALL-E 2, qui succède à l’outil DALL-E 1, générant des images à partir de descriptions textuelles. Les deux outils, signés OpenAI, spécialiste de l’intelligence artificielle, rejoignent les acteurs déjà existants. Ils bluffent autant qu’ils questionnent, tant sur les problématiques de modération et de droits d’auteur qu’ils soulèvent que sur les métiers qu’ils chamboulent.

Certains médias comme The Atlantic, Cosmopolitain ou l’ADN commencent déjà à utiliser ces outils pour illustrer leurs articles. La vidéo est également concernée : Google, Meta ou encore Stability sont dans les starting blocks pour lancer un générateur de vidéo assisté par intelligence artificielle. En 2023, l’IA va continuer sa percée, reste à savoir à quel point elle va bouleverser les métiers du journalisme et de la création selon ce que les médias voudront ou non lui déléguer.

5 • L’attention portée à la cohérence des visuels

À contrepied des visuels randoms ou générés par intelligence artificielle, le choix de visuels travaillés et cohérents pour illustrer les articles constitue un enjeu majeur pour les médias. Notamment lorsqu’il s’agit de traiter le réchauffement climatique. Face à l’été 2022, le plus chaud jamais enregistré en Europe, les médias ont publié des articles sur ces épisodes caniculaires en les illustrant de manière pas toujours très adaptée. Des enfants près des fontaines, des rayons de soleil, des glaces, des vacanciers sur la plage… plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer ces clichés éloignés des réalités. Ces choix peu judicieux sont entrés en dissonance avec la gravité du sujet. Conséquence pour les médias ? Desservir le message alors même qu’ils ont un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique et sociale. Plusieurs rédactions, comme par exemple celle du Monde ou du média indépendant Vert, ont déjà commencé à lutter pour un changement de pratiques. Le défi reste à relever pour l’année à venir.

6 • La priorité donnée au traitement de l’urgence écologique

En septembre dernier, une « charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique » a été signée par une cinquantaine de médias et 500 journalistes. Alors qu’un français sur deux estime que les questions environnementales sont mal traitées dans les médias, cette charte en 13 points veut servir de boussole pour repenser leur traitement de l’information liée au climat et au vivant. Elle invite aussi les rédactions à réduire leur bilan carbone en s’opposant « aux financements issus des activités les plus polluantes » et en « consolidant leur indépendance ». On espère qu’en 2023, les médias qui relèveront le défi de l’urgence écologique ne réduiront plus le sujet à une seule rubrique dédiée mais le traiteront de manière transverse à l’ensemble de leur offre éditoriale.

7 • Médias accessibles = médias pour tout le monde

L’accessibilité est un sujet crucial traversant autant qu’il hante un monde digital l’effleurant du bout des doigts quand il ne le snobe pas. Une tribune, publiée en cette fin d’année dans le Monde, rappelle l’évidence de l’urgence : il y a 12 millions de personnes concernées par l’accessibilité numérique en France. Si sur ce sujet, nous avons clairement du retard par rapport au monde anglo-saxon, quelques médias font cependant figure de bons élèves, comme Arte qui mène depuis plusieurs années une politique volontariste, Le Monde avec des efforts d’expérience utilisateurs fonctionnels notamment sur la colorimétrie dont on vous faisait part dans notre Newsletter #96, ou France Info qui a récemment repensé la navigation et le rafraîchissement de sa nouvelle page d’accueil pour en faciliter l’usage avec les outils d’assistance. Un sujet qui devra s’échapper des pages société pour s’épanouir dans la structure des productions médias en 2023.

Attention toutefois aux solutions rapides des vendeurs d’élixir, comme nous le rappelle cet article du NYT sur les effets négatifs d’un traitement automatisé des problématiques d’accessibilité. Mieux vaut s’orienter vers l’écoute, en commençant par cet épisode de design Master Class réalisé par Gladys Diandoki sur l’accessibilité. Alors, l’accessibilité au cœur des évolutions médias en 2023 ?

8 • Les maquettes desktop des médias retrouvent des colonnes

Soyons honnêtes, un certain désintérêt des maquettes desktop s’est installé depuis la mise en place du travail ‘mobile first’. Pourtant, les internautes sur écran d’ordinateur sont toujours là, peut-être même davantage depuis la vague de télétravail. Certains médias pouvant s’affranchir de quelques formats publicitaires remettent au goût du jour un concept désuet : multiplier les colonnes en desktop. Cela peut sembler contre-productif, pourtant ces exemples ingénieux montrent que sans surcharger la page, ces explorations peuvent marquer une tendance de fond pour les mois à venir. À voir (sur desktop, donc) dans ces articles de Bloomberg, du Washington Post, du NYT, ou de The Verge ; en France chez Regain avec une colonne consacrée aux photos ; et enfin chez Asterisk Magazine, où une colonne est dédiée aux notes et légendes et une autre au chapitrage de l’article. Voilà de quoi briser la monotonie de la colonne unique !

9 • Des newsletters toujours au top

Ces dernières années, les newsletters ont explosé dans le domaine des médias. Que ce soient les médias installés, les producteurs de contenus indépendants, les médias spécialisés dans la newsletter… un grand nombre d’acteurs continuent de croire en ce médium pour diffuser le contenu. Surtout face à la défiance envers les réseaux sociaux traditionnels comme Twitter. Mais le pic des newsletters est-il atteint ? Selon une enquête de la World Association of News Publishers, 82% des éditeurs médias interrogés indiquent qu’ils envisagent de lancer des newsletters supplémentaires en 2022. Si aujourd’hui peu de newsletters en France sont rentables et si l’enjeu de trouver un modèle économique viable reste d’actualité, tout laisse à penser que les newsletters qui apportent une réelle plus-value aux lecteurs vont continuer de se développer tandis que les autres, notamment les plus promotionnelles, seront amenées à disparaître.

✌️ Ces prédictions ont été réfléchies et partagées par toute l’équipe de Datagif : Aurore, Anouk, Julia, Florian, Leonie, Charly, Julie, Jonas, PAM, Ashvin et Gaëtan.

👀 Pour plus de veille média : vous pouvez relire et comparer nos prédictions de 2022, et bien évidemment vous abonner à notre newsletter 📬 de veille innovation et design médias, tous les 15 jours dans votre boîte mail. Nous partageons également notre veille sur Twitter.

💛 À propos de Datagif : Datagif est une agence de stratégie et design d’information. Nous travaillons pour des entreprises, institutions, médias, sur des problématiques de circulation de l’information et de design. Rendez-vous sur notre site pour découvrir notre approche et nos projets ou sur cette page pour une retrospective de 2022. Et peut-être que l’une de ces prédictions vous donnera des idées ? 👀

Merci pour votre lecture et bonnes fêtes ✨

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