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Les communes bruxelloises portent ou parfois soutiennent des initiatives innovantes, positives pour le logement. Habitat «mixte» et solidaire, habitat accompagné, logements mobiles, occupations de bâtiments vides : des pistes pour tenter de composer avec la crise du logement sur lesquelles nous nous arrêtons dans ce nouvel épisode «pré» élections communales. Aucune prétention à l’exhaustivité cependant.

Des communes à la manœuvre…

A Jette, la commune est le maître d’œuvre d’un projet immobilier qui mise sur la mixité des locataires et des manières d’habiter. La commune d’Anderlecht a, quant à elle, créé des logements adaptés, semi-communautaires, destinés à des personnes avec handicap physique. Dans les deux cas, c’est l’offre de logements destinés à des publics plus fragilisés qui est étoffée.

Oasis à Jette : un seul mot d’ordre, la diversité

Oasis[1] est né de la reconversion d’une structure hospitalière (ancien bâtiment du CHU Brugmann) dans le cadre du 1er contrat de quartier décroché par la commune de Jette. La rénovation des 3500 m² de béton a conduit à la création de 24 logements, tous loués à des conditions sociales, et à la mise à disposition d’équipements publics dont une crèche et une halte-garderie. Le coût de l’opération s’est élevé à 5 millions d’euros, financés à 80% par Beliris, le reste étant amené par la commune. Les logements sont occupés depuis 2015.

La spécificité du bâtiment est d’accueillir des occupants aux parcours de vie contrastés. Des jeunes, des moins jeunes, des familles, des personnes en difficulté et d’autres pas. La force du projet, ce sont aussi ces nombreux partenariats tissés avec le milieu associatif qui accompagne certains habitants. La commune assurant, pour partie, la gestion locative[2] des lieux.

Au total, on compte un tiers de logements une chambre et la même proportion de deux et trois chambres. Les loyers varient de 372 à 521 euros et sont calqués sur ceux de la grille AIS. A l’exception des logements de transit, où la durée d’occupation est limitée à 6 mois (renouvelable deux fois), les autres logements sont loués pour 9 ans, soit directement aux occupants, soit aux associations partenaires (qui sous-louent).

Le projet se veut solidaire et communautaire et plusieurs éléments y contribuent dont notamment : le respect de la philosophie kangourou pour les logements intergénérationnels, impliquant entraide mutuelle entre familles et seniors, l’engagement social des étudiants vis-à-vis du reste de la communauté comme condition au contrat, la création d’un comité d’habitants, la mise à disposition d’espaces collectifs… D’après l’administration, l’attachement des habitants au lieu et leur identité commune facilitent la gestion de l’immeuble.

Van Lierde à Anderlecht : miser sur l’autonomie

Nouvelle construction érigée sur un terrain communal, l’habitat accompagné ‘‘Van Lierde’’[4] compte 12 studios totalement adaptés aux personnes souffrant d’un handicap physique moteur ou sensoriel[5]. Le projet a été financé grâce aux moyens de la Politique des Grandes Villes (avant régionalisation) et complété par la commune, soit un total de 3 millions d’euros. Les locataires se sont installés en 2016. Van Lierde est le fruit d’une collaboration entre l’échevinat du logement et celui des affaires sociales.

Un premier point d’attention, c’est l’accompagnement social des locataires. Contrairement à d’autres projets, l’accompagnement n’est pas externalisé, mais assuré directement par le service social de la commune, au total deux assistants sociaux. Van Lierde est reconnu et financé par la COCOM[6] comme service d’habitat accompagné pour personnes handicapées adultes autonomes. Les locataires peuvent se débrouiller seuls et n’ont pas besoin d’assistance dans les actes de la vie quotidienne. Le soutien individuel vise alors plutôt à renforcer cette autonomie : aide à la formation, à la recherche d’emploi, bénévolat… L’accompagnement a aussi une dimension collective vu le partage d’espaces communs et la volonté de créer une dynamique communautaire. Les travailleurs sociaux ont leurs locaux au rez-de-chaussée du bâtiment.

Deuxième point d’attention, c’est l’aménagement des studios et des espaces communs (chaque étage compte une cuisine, une salle à manger et un espace de détente partagés). Tout a été pensé dans les moindres détails pour permettre à chaque habitant de vivre en toute indépendance : sanitaires, cuisine, hauteur des interrupteurs, armoires, penderies et tables amovibles via télécommande… Les habitants ont encore accès à une salle polyvalente et un jardin en arrière-cour.

Les 12 studios comptent un logement de transit. Il sert notamment à des personnes qui ont séjourné à l’hôpital et qui ne peuvent plus réintégrer leur logement sans adaptation ou doivent en changer. Elles peuvent ainsi être accueillies 6 mois au Van Lierde, avec prolongation possible.

Des communes soutenantes…

Parfois plus simplement et sans devoir financer et gérer un projet de bout en bout, les communes peuvent aussi accompagner la créativité et l’engagement de la société civile ou du milieu associatif. Certaines communes acceptent ainsi de laisser occuper leurs bâtiments temporairement vides pour y installer du logement certes provisoire, mais nécessaire vu la rareté de l’offre locative abordable à Bruxelles.

La commune d’Ixelles y est favorable. Elle accueille plusieurs occupations dans des bâtiments vides des propriétés communales. Elle travaille avec différents partenaires sur des projets variés qui n’intègrent pas toujours exclusivement la dimension logement. La FEBUL est une des associations partenaires depuis plusieurs années. La collaboration a débuté à l’époque de l’expulsion du couvent du Gesù, la commune d’Ixelles participant à l’effort de relogement[7] via la mise à disposition d’un logement pour une famille Rom. D’autres projets sont en cours ou sur le point d’être finalisés, dont une occupation de mineurs non-accompagnés en collaboration avec l’asbl Mentor-Escale qui suit ce jeune public, et la FEBUL. Le collectif Comuna occupe, lui, cinq bâtiments communaux ixellois et si le logement n’est pas leur seule préoccupation, une vingtaine de personnes y sont néanmoins logées. La société de logement social locale, Binhôme, accueille elle aussi plusieurs occupations. D’autres communes comme la Ville de Bruxelles et Forest s’engagent dans le même sens.

Ce genre d’initiatives ne coute finalement pas grand-chose aux communes, elles sont même plutôt gagnantes puisque l’occupation va éviter la dégradation rapide liée au vide et le conventionnement avec le partenaire associatif, va leur garantir une occupation à des conditions négociées. Toutes les communes bruxelloises qui ont un patrimoine immobilier sont, à un moment ou un autre, confrontées à du vide de longue durée parce que rénover prend du temps. Toutes ou presque pourraient donc s’inscrire dans cette démarche. L’expérience montre que ces occupations ne ralentissent pas le processus des travaux, même si le relogement n’est pas une tâche facile.

Solidair mobiel wonen (swotmobiel) à Jette

Ce projet est porté par l’asbl samenlevingsopbouw brussel , engagée de longue date vis-à-vis du public sans-abri. C’est une des réponses innovantes de l’association aux difficultés d’accès au logement auxquelles sont confrontés les publics les plus vulnérables. Il s’agit concrètement de développer 8 habitations mobiles de 22 m² comprenant tous les équipements de base (sanitaires…) et un espace communautaire ouvert sur le quartier. Des logements modulaires en bois qui peuvent être déplacés. L’association est subsidiée par innoviris, l’institut bruxellois pour la recherche et l’innovation et par la Fondation Roi Baudouin[8]. Elle travaille en collaboration avec la faculté d’architecture de la KUL.

Les objectifs sont multiples, en voici quelques-uns. Permettre à des personnes sans-abri de se loger dignement, même si cette formule reste temporaire. Leur donner l’occasion de s’impliquer très largement dans la conception de leur futur lieu de vie, espaces privés et collectifs. Le projet est ainsi réfléchi depuis ses débuts avec les futurs occupants. Enfin participer à la vie de quartier, en proposant des lieux ouverts vers l’extérieur sur des terrains en friche.

Et c’est sur ce dernier point qu’intervient la commune de Jette, puisque ces logements doivent bien trouver à s’installer quelque part. Les recherches pour dénicher le ‘‘bon’’ terrain ont occasionné beaucoup de travail, car si du potentiel foncier existe, il ne correspondait pas toujours aux attentes du groupe en termes de taille, de durée minimale d’occupation, de critères de proximité avec les commerces et les transports en commun, de qualité du sol… A cela s’est parfois ajouté un manque d’intérêt de la part des propriétaires fonciers publics. C’est finalement dans le cadre du nouveau contrat de quartier jettois Magritte (2017–2022) qu’une solution a pu être dégagée. Le programme du CDQ prévoit en effet la mise à disposition d’un terrain en dent creuse. Le projet doit encore être finalisé mais sans accroc, les installations devraient être en place fin 2018 et ce jusqu’en 2020 au moins[9]. Le terrain sera ensuite dévolu à la construction d’une nouvelle maison de quartier.

La volonté de créer une dynamique de quartier au travers du projet est une dimension fondamentale pour les porteurs. C’est aussi une demande de la commune et un plus pour l’acceptation des nouveaux logements par les riverains.

Après 2020, le swotmobiel devra déménager. Il faudra trouver de nouvelles opportunités foncières qui pourraient passer par d’autres bonnes volontés communales.

Cette publication est éditée à l’aide de subsides de la Région de Bruxelles-Capitale, Insertion par le logement et avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[1]C’est le nom que les occupants du bâtiment lui ont donné. Celui-ci est situé Chaussée de Wemmel, 229.

[2]Certains logements sont gérés par l’AIS de Jette ou directement par les associations partenaires.

[3]Les locataires sont ceux qui, inscrits sur la liste d’attente des logements communaux, se sont vus attribués un appartement selon les règles prévues par le Code du logement. Notons que les habitants des logements kangourous sont eux aussi issus de cette liste.

[4]Rue Jean Van Lierde 16

[5]Le handicap doit avoir été reconnu officiellement par la Direction générale des personnes handicapées.

[6]Commission communautaire commune

[7]Ixelles n’est pas la seule commune à avoir répondu à l’appel au relogement du Secrétaire d’Etat au logement de l’époque Christos Doulkeridis. C’est aussi le cas entre autres de Watermael-Boitsfort, Moleenbeek, Saint-Josse ou d’opérateurs comme le Fonds du logement, le Foyer Forestois… Rappelons que 211 personnes ont été expulsées du couvent en 2013 et n’ont pas toutes été relogées.

[8]Via le Fonds Baronne Monique van Oldeneel tot Oldenzeel

[9]Le terrain est privé. La commune doit encore l’acquérir. La durée d’occupation espérée par le groupe a dès lors été réduite et on espère qu’elle ne le sera pas davantage encore.

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