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On le sait moins, à côté du logement social, d’autres opérateurs immobiliers mettent en location des logements publics ou à finalité sociale à Bruxelles. Il y a les Agences Immobilières Sociales (les AIS) mais il y a aussi les communes et les CPAS. Ces derniers louent, ensemble, plus de 9500 logements à Bruxelles.

9500 logements, ce n’est pas rien ! Attention, précisons d’emblée que ces 9500 logements ne sont pas tous loués à des prix sociaux. Loin de là. Une partie de ces logements — les logements dits moyens — qui constitue le patrimoine propre des communes et CPAS, est louée à des prix proches du marché privé et réservée à la classe moyenne. L’autre partie — les logements dits socialisés — ce sont les logements qui ont bénéficié de subsides régionaux pour être construis ou rénovés, et qui, en contrepartie, sont abordables et destinés à des ménages à revenus plus bas.

Quels types de logements ?

Compte-tenu du manque criant de logements sociaux en Région bruxelloise, on est en droit d’attendre de bailleurs publics, tels que les communes et CPAS, un effort quant aux conditions de location de leurs logements. De notre point de vue, les communes et CPAS ne sont pas des bailleurs comme les autres et devraient, en toute logique, tout mettre en œuvre pour proposer des loyers abordables réservés aux ménages à revenus précaires ou modestes, qui constituent l’essentiel des locataires bruxellois rappelons-le. Pour ce faire, plusieurs possibilités que certains acteurs communaux utilisent ou combinent pour socialiser leur parc.

Proposer des loyers accessibles aux ménages à bas revenus

Comment y parvenir ? Tout d’abord, en profitant des subsides régionaux et en respectant les obligations qui y sont liées tant pour le calcul du loyer que pour le public cible (cf. tableau). Les communes bruxelloises font appel de manière très inégale aux subsides régionaux pour rénover ou étendre leur parc. C’est pourtant une option très intéressante pour les communes (les subsides pouvant atteindre 95% des couts engagés !) qui leur permet — elles y sont même obligées — de proposer des loyers socialisés.

Pour les logements plus anciens, issus des premiers programmes de subsidiaition, le loyer était proportionnel au cout des travaux engagés : de 2 à 5%, soit une fourchette large qui laissait la liberté aux opérateurs d’appliquer des loyers pouvant aller du simple au double! ( soit de 333€ à 830€ pour un logement ayant couté 200 000€ par exemple)[1].

Les dernières modifications de ces dispositifs (contrats de quartiers durables et politique de la ville), à saluer, imposent désormais un seul mode de calcul du loyer des logements ainsi produits : ils doivent tous respecter la grille AIS !

Toutefois, et malgré les incontestables avantages qu’offrent ces programmes de subsidiation pour les communes, le bilan reste mitigé : depuis les premiers subsides (rénovations d’îlots — 1977), le nombre de logements qu’ils génèrent reste en deçà des attentes et objectifs[2], certaines communes n’y ont jamais eu recours et le critère social des logements produits est souvent contourné, faute d’un dispositif de contrôle effectif.

Zoom sur le parc de 3 communes bruxelloises

Certaines communes ont franchi un pas supplémentaire en imposant des loyers socialisés à l’ensemble de leur parc de logements. C’est le choix qu’a posé la commune de Saint-Josse en 2016[3], dans un souci de simplification administrative et d’équité entre les locataires[4]. Depuis lors, les locataires des logements non-subsidiés bénéficient aussi des loyers proposés par les AIS bruxelloises. C’est également l’option privilégiée par la commune de Molenbeek, qui pousse un peu plus loin les efforts de socialisation de ses logements, en réduisant encore les loyers des logements énergivores (20% de moins que le loyer AIS)[5].

Enfin, signalons encore que plusieurs communes s’inspirent du mode de calcul du loyer en vigueur pour le logement social et tiennent compte des revenus des locataires pour déterminer le loyer des logements socialisés qu’ils mettent en location. [6].

Faire appel à l’allocation loyer communale

Pour s’assurer que les logements des communes et CPAS soient accessibles aux ménages à bas revenus, le Gouvernement régional a mis en place, en 2008, une allocation-loyer réservée à ces logements. Comment ça fonctionne ? L’allocation, plafonnée à 220€ par mois, est déduite du loyer demandé par la commune, pour que celui-ci ne dépasse pas le tiers des revenus du locataire. La Région rembourse ensuite la différence à la commune. Si l’idée semble séduisante en théorie, on regrettera la très faible utilisation de ce système par les communes en pratique. La raison principale tient en l’une des condition d’octroi : pour être éligibles à l’allocation loyer communale, les logements ne peuvent pas dépasser un plafond de loyer, déterminé par type de logement[7]. Et les communes rechignent à faire correspondre les loyers de leurs logements à ces plafonds, et, par voie de conséquence, d’ouvrir leur parc aux locataires moins fortunés.

Résultat : le nombre d’allocations octroyées reste très bas (seuls 6 communes et 111 ménages en bénéficient en 2012 — derniers chiffres disponibles), il en va de même pour le nombre de communes participantes. En 2016, seuls 7 communes (Etterbeek, Schaerbeek, Bruxelles, Molenbeek, Saint-Josse, Koekelberg et Saint-Gilles) et le CPAS de Bruxelles-ville[8] ont activé l’allocation. Nous ne pouvons que répéter notre souhait de voir les autres communes favoriser l’utilisation de l’allocation loyer en ne dépassant pas les plafonds de loyers de l’allocation pour la mise en location de leurs logements.

Peu connue du grand public, les communes ont également le devoir de faire connaitre cette allocation, en informant les candidats locataires des possibilités et conditions qui y sont liées. D’ailleurs en 2013, dans l’espoir de donner un nouveau souffle au système, la Région impose aux communes de « mentionner l’éligibilité à l’allocation-loyer des logements concernés »[9], via leurs règlements d’attributions. Un effort somme toute limité, mais qui n’est pas accompli par toutes les entités : seules 11 communes respectent cette obligation[10].

A noter que le Gouvernement bruxellois envisage une réforme globale de tous les systèmes d’allocation-loyer en place à Bruxelles (voyez : Une allocation généralisée : mon œil! ). Le projet prévoit une modification de taille pour l’allocation-loyer communale : les locataires pourront eux-mêmes introduire la demande à l’administration régionale, et ne seront donc plus tributaires bon vouloir de la commune comme c’est le cas aujourd’hui, car seules les communes et CPAS peuvent initier une demande d’allocation. Ne nous méprenons pas, les acteurs communaux restent à la manœuvre pour la fixation des loyers, déterminante quant à l’éligibilité, ou non, du logement à l’allocation.

Pour conclure sur l’allocation-loyer communale, saluons l’initiative de la commune de Molenbeek, qui applique une réduction de loyer, portée par la commune, comparable à l’allocation-loyer proposée par la Région lorsque les logements n’y sont pas éligibles.[11]

Transférer les logements à la Société Immobilière de Service Public (SISP) ou à l’AIS

C’est l’option qui a été choisie par Schaerbeek. Les motivations qui poussent la commune à transférer[12] ses logements au profit du Foyer Scharbeekois sont multiples : il s’agit d’abord de simplifier les démarches pour les candidats locataires, il s’agit ensuite de leur offrir des conditions de location homogènes et avantageuses, et il s’agit enfin de confier la gestion des logement à une structure professionnelle disposant des ressources humaines adéquates et plus spécialisées dans gestion locative sociale que l’administration communale schaerbeekoise (la commune ne dispose pas de régie foncière).

Une opération bénéfique pour les locataires qui verront leur loyer s’adapter à leur revenu, et qui, en outre, gagnent un interlocuteur plus accessible et mieux armé pour assurer l’entretien régulier des logements, c’est essentiel pour les locataires.

Signalons qu’une petite partie des logements (15) communaux a été transférée à l’AIS Scharbeekoise, l’ASIS, et que les deux séniories communales ne sont pas concernées par ces transferts, la commune les conserve. Elles représentent 132 logements, donnés en location aux plus de 65 ans. Les locataires âgés de ces logements craignaient ce transfert, ils risquaient de ne pas être dans les conditions d’accès au logement social, et dès, lors de devoir quitter leur logement en fin de bail.

Pour conclure

Des lignes qui précèdent, il ressort très clairement qu’il est tout à fait possible pour les communes et CPAS de proposer des loyers bas pour les logements qu’ils mettent en location et ainsi offrir des solutions de logement abordables aux bruxellois modestes. Encore faut-ils qu’ils le veuillent ! Ce ne sont pas toujours des préoccupations sociales qui guident les opérateurs locaux lorsque ceux-ci produisent des logements destinés spécifiquement à la classe moyenne. A Bruxelles, là où les logements des commune et CPAS sont les plus nombreux, on fait souvent le choix de produire sur fonds propres[13], sans faire appel aux subsides régionaux, excluant, ainsi, de fait les ménages les moins fortunés de ces logements mis en location par des pouvoirs publics, pourtant dépositaires de l’article 23. La Régie foncière de la ville de Bruxelles estime que les biens qu’elle loue sont 14% moins chers que ceux loués par le privé[14]. On est en droit d’en attendre plus de tels opérateurs immobiliers publics !

Cette publication est éditée à l’aide de subsides de la Région de Bruxelles-Capitale, Insertion par le logement et avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[1] Pour plus d’info, voyez : « A qui bénéficient les logements du CPAS de la Ville de Bruxelles », RBDH, 2013.

[2] Depuis l’origine des dispositifs, ils ont amenés la production de :

[3] Séance du 3 octobre 2016 du conseil communal de Saint-Josse.

[4] Le patrimoine immobilier communal privé, Saint-Josse, Rapport d’activités 2017

[5] Règlement locatif communal de Molenbeek

[6] C’est le cas pour les logements subsidiés des communes de Watermael-Boitsfort, Woluwé-Saint-Pierre et Woluwé-Saint-Lambert, mais nous ne connaissons pas la façon dont sont déterminés les loyers de base pour ces logements.

[7] L’allocation loyer ne peut être octroyée que pour des logements dont le montant du loyer mensuel, repris dans le bail, ne dépasse pas les montants suivants : Studio : 397, Appartement 1 chambre : 461, Appartement 2 chambres : 532, Appartement 3 chambres/ Maison 2 chambres : 647, Appartement 4 chambres/ Maison 3 chambres : 763, Appartement 5 chambres ou plus/Maison 4 chambres ou plus : 956

[8] Source : observatoire Bruxelles Logement. A noter que d’autres communes ont pu participer les années antérieures. C’est le cas de Jette et Evere.

[9] Code du Logement, art.29, alinéa 4

[10] Il s’agit des communes d’Anderlecht, Berchem, Bruxelles, Etterbeek, Forest, Koekelberg, Molenbeek, Saint-Gilles, Saint-Josse, Watermael-Boitsfort et Woluwé-Saint-Pierre. Rappelons que toutes les communes bruxelloises disposent d’un parc de logement et d’un règlement d’attribution disponible en ligne, à l’exception de Ganshoren qui ne dispose que de 4 logements communaux.

[11] Règlement locatif communal de Molenbeek

[12] C’est une emphytéose de 27 ans, renouvelable, qui lie la commune au Foyer Scharbeekois.

[13] La Ville de Bruxelles et le CPAS de Bruxelles sont de gros producteurs de logements. Ils ont notamment assuré, durant la législature 2007–2012, la construction de 1000 logements publics neufs (via le plan 1000 logements), produits sur fonds propres, et donc réservés aux ménages à revenus moyens. Les loyers sont présentés par les opérateurs comme « compétitifs » (« La Ville de Bruxelles veut d’avantage encadrer les loyers dans le Pentagone », la dernière Heure, 16 décembre 2017), « non spéculatifs » (CP ville de Bruxelles : la politique communale quant à la diminution des loyers, 17 mars 2017) ou encore à des prix « inférieurs à ceux du marché » (Site web BRUDOMO, le site du parc immobilier du CPAS de la Ville de Bruxelles).

[14] « La Ville de Bruxelles veut d’avantage encadrer les loyers dans le Pentagone », la dernière Heure, 16 décembre 2017

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