Changer de vie sans changer de job.

Parce que notre vie ne se résume pas à notre profession !

Stéphanie Piou
Durable et Solidaire
10 min readApr 9, 2018

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Il y a quelques temps, j’ai eu l’occasion d’échanger quelques messages avec un ami qui fait partie de ces personnes qui débordent d’énergie, qui incarnent de très belles valeurs, qui sont à fond dans tout ce qu’elles font. Lorsque nous échangeons des nouvelles, il y a souvent un leitmotiv : “oui, ça va, débordé de boulot et pas le temps pour l’essentiel, mais j’ai quand même fait ci ou ça, vécu ci ou ça, donc ça va. Parfois je t’avoue quand même que j’ai envie de tout envoyer balader, de ce boulot qui me bouffe. Mais bon, ça m’intéresse quand même, disons que j’y vois plus d’avantages que d’inconvénients”.

Cette petite phrase, “j’y vois plus d’avantages que d’inconvénients”, m’a fait beaucoup réfléchir. De prime abord, il m’a semblé qu’il était tout à fait possible pour cet ami, moyennant une reflexion personnelle approfondie, d’avoir un job intéressant ET la place pour une vie épanouissante. Mais à plus y réfléchir, je me suis rendue compte que le plus marquant, c’est que changer de vie semblait automatiquement passer par un changement de job, ce qu’il a des raisons pour ne pas faire actuellement.

Or, j’en suis intimement persuadée, il y a bien plus dans le changement de vie qu’un changement de job. Celui-ci n’est qu’un moyen comme un autre. Cela vous interpelle ? Parlons-en…

Le piège de l’identification à notre profession

Nos vies professionnelles peuvent prendre une place considérable, que ce soit par le temps passé comme par le fait que les préoccupations professionnelles ont tendance à se déverser dans nos vies privées. Ajoutez à cela notre culture, qui nous assène qu’il faut “travailler dur” pour mériter dans la société, que quelqu’un qui ne rentre pas dans ce moule (par exemple parce qu’elle choisit de vivre de peu de revenus et donc a besoin de peu de travail) est d’office associé à un marginal, voire pour les plus extrêmes, à un parasite. Dans cette vision, notre métier, c’est notre place dans la société, donc c’est nous. La société accorde plus de crédit à la profession que nous exerçons qu’à notre façon d’agir envers les autres, ou la façon dont nous vivons nos valeurs !

Quand on y pense, c’est un non-sens, car chacun peut apporter énormément à la société, quel que soit son métier… ou son absence de profession. Tous sont nécessaires pour que la société fonctionne. Et à chaque place, on peut être quelqu’un de bien, qui se préoccupe des autres et contribue à l’intérêt général, ou quelqu’un de cynique et égoïste… Et ne pas avoir de profession “officielle” ne signifie pas rester sans rien apporter à la société. On peut contribuer de manière incroyable (mais non mesurable) en éduquant ses enfants dans de belles valeurs, en contribuant dans l’ombre à telle ou telle cause, en inventant un quotidien respectueux de l’environnement pour sa famille et en le partageant…

Cette pression de la profession déteint insidieusement sur notre perception de nous-même, et de notre identité. Avez-vous remarqué comment, souvent, les gens se présentent d’abord par leur profession ? “Bonjour, je m’appelle Machin.e, je suis ingénieur.e/instit/manager/technicien.ne/etc”. Avez-vous déjà réfléchi à comment vous vous présentez quand vous rencontrez des gens nouveaux, notamment hors du cadre professionnel ? Il y a tellement de choses à dire sur nous-même, mais souvent nous nous résumons d’abord ainsi. C’est dire si nous avons ancré en nous cette identification à notre métier !

Mais heureusement, au fond, nous savons bien que nous sommes bien plus que cela.

Alors comment faire quand nous sentons un besoin profond de changement, un déséquilibre, mais que nous avons de bonnes raisons de ne pas changer de job ? Ou qu’on n’a pas de job à changer ?!

Alors je lance mon pavé dans la mare : en réalité, votre vie ne se résume pas à votre profession. Et donc, changer de vie, ce n’est pas obligatoirement changer de job. Simple comme bonjour ! Il y a TANT de choses qui peuvent nous apporter du mieux-être et améliorer radicalement nos vies, si on n’est pas (encore) prêt à poser notre démission !

Faire la part des choses

Vous êtes un peu sceptiques ? Je vous guide à travers une méthode très simple pour réaliser si oui ou non, changer de job est le coeur du changement de vie auquel vous aspirez.

La Liste de nos envies

Crédit photo : Jan Kahanek / Unsplash.

Il s’agit de commencer par identifier vos Moteurs de changement. Munissez-vous d’un “Carnet du Changement’” (vous n’en avez pas encore ? rooooohhhh… allez, une bête feuille de papier peut faire l’affaire, mais je vous aurais prévenu.e, votre Carnet magique, c’est votre meilleur allié).

Une façon simple de travailler sur vos Moteurs, c’est d’envoyer promener un instant toutes vos limites et les approches “raisonnables” qui vous font vous contenter de ce que vous avez, et de noter d’une part tous vos “Je veux” et d’autre part tous vos “Je ne veux plus”.

Tous ceux qui vous passent par la tête, petits ou grands !

La seule règle, c’est qu’il faut que chaque proposition dépende de vous. Par exemple, vous ne pouvez pas écrire “je ne veux plus qu’Untel m’empoisonne la vie”, car vous n’avez pas de prise sur son comportement. Par contre, vous pouvez tout à fait écrire “Je ne veux plus être autant affecté.e par les remarques désobligeantes d’Untel” ; ici c’est quelque chose qui ne dépend que de vous, et qui se travaille.

Balayez tous les aspects de votre vie, que ce soit au niveau de votre relation aux autres (voir l’exemple précédent) dans le travail mais aussi dans votre vie de famille, vos relations amicales, vos activités personnelles… ; cela peut avoir trait à votre organisation concrète (“je ne veux plus être en speed le matin et finir par crier sur mes enfants parce que l’on est en retard”…), votre gestion du temps (“je veux avoir du temps pour ci ou ça”), des objectifs qui feraient réellement une différence dans votre vie ou sur votre estime de vous-même (“je veux savoir jouer tel morceau que j’adore”, “je veux finir deux courses par an qui soient un challenge pour moi”…), etc.

Pour faciliter la prise de recul ensuite, je vous propose de séparer ces Envies en fonction des domaines de votre vie (travail, famille, relations aux autres, organisation…). Dans l’optique de cet article, on voudra en particulier séparer ceux qui ont trait au travail, et ceux qui n’ont rien à voir. Vous pouvez aussi sentir une gradation dans “le poids” de vos Envies. Je vous parle ici de là façon dont les choses vous pèsent au quotidien. Pour les “Je ne veux plus”, il y a des choses qui vous épuisent ou vous dévorent de l’intérieur ; pour les “Je veux”, il y a ceux qui constituent un manque pressant ; d’autres éléments se distinguent en comparaison comme étant plus du “confort”, moins “urgents”.

Vous ai-je dit de laisser votre raisonnement de côté ? Je me répète, à dessein, parce que ce qui est important dans cette phase, ce n’est pas de relativiser, ce ne sont même pas les faits, c’est purement votre ressenti. Vous avez la sensation d’être oppressé.e par quelque chose, mais vous vous dites depuis des mois (des années ?) que franchement, ce n’est pas si grave, que cela pourrait être bien pire ? Certes, et cela sera important de savoir garder du discernement. Mais à cet instant, ce qui compte, c’est ce sentiment d’oppression, ce stress que cela vous génère. Écoutez-vous, et notez-en la source, en “Je veux” / “Je ne veux plus”. L’écrire peut déjà libérer un peu, en reconnaissant votre souffrance.

J’entends les adeptes des “bucket lists” qui s’éveillent en vous ! Vous avez peut-être des tas de “je veux” à long terme, ces choses dont vous vous dites que vous ne voudriez pas mourir sans les avoir faits. Ils n’ont rien à voir avec votre vie quotidienne, mais ils éveillent en vous de l’enthousiasme, ils vous font rêver. Génial ! Notez-les précieusement, mais sur une autre page de votre carnet (ne vous avais-je pas dit qu’il serait indispensable, ce carnet ?). Ce n’est pas d’eux dont nous parlons aujourd’hui, mais ils ont toute leur place, ailleurs dans notre démarche !

Votre Liste mérite de vivre. Elle s’enrichit au quotidien. Laissez-vous donc au moins une semaine pour la compléter avant de prendre du recul. Au fil de vos journées, vous allez tomber sur tel ou tel aspect de votre vie dont vous allez vous dire “ça, typiquement, je n’en veux plus !”, ou “aah, vraiment je voudrais…”.

Identifier les autres domaines d’épanouissement

Une fois votre Liste constituée et mûrie sur plusieurs jours, vous pouvez la reprendre. Je vous propose de vous questionner ainsi :

  • Quelle part de mes “je veux” et “je ne veux plus” n’a rien à voir avec le travail ?
  • Dans quel domaine de ma vie sont situés une majorité des éléments particulièrement “pesants” (pour les “Je ne veux plus”), ou “pressants” (pour les “Je veux”) ?

Il y a fort à parier pour que vous vous rendiez compte qu’un ou plusieurs autre.s aspect.s de votre vie cristallise.nt beaucoup d’éléments de votre Liste. C’est une très bonne nouvelle, si vous n’êtes pas mûr actuellement pour un changement de travail ! Car votre vie peut se trouver améliorée de manière significative par des petits ajustements que vous ferez dans d’autres domaines.

A partir de votre Liste, vous allez pouvoir décider consciemment de ce que vous allez changer dès demain. Surlignez les Envies que vous voulez implémenter, ou notez-les vous à un endroit où vous les verrez souvent. Mieux encore, relisez-les au réveil ou le soir, voire les deux. Une fois votre décision prise, les comportements ou situations associés deviendront plus visibles pour vous, ils agiront comme un girophare vous disant par exemple “attention, on arrive dans une situation où tu ne veux plus réagir comme avant”. Les premières fois seront peut-être difficiles, et vous essuierez quelques échecs, car les habitudes sont longues à changer. Mais si vous êtes décidé.e, que vous vous rappelez à chaque fois pourquoi vous voulez ce changement et ce qu’il apportera à votre vie, alors tout est possible, même de changer un comportement bien ancré.

Croyez en vous.

Décidez.

Et jetez-vous à l’eau !!!

Jetez-vous à l’eau… Même si elle a l’air un peu froide ! Photo by Tommaso Fornoni on Unsplash

Gardez en tête que personne ne peut le faire à votre place. Et vous êtes seul.e responsable de votre bonheur, de votre vie.

Quand le domaine professionnel écrase tous les autres…

Bien sûr, il se peut que la très grande majorité des éléments de votre Liste se concentre sur un domaine, et que ce domaine soit professionnel. Dans ce cas, l’analyse plus en profondeur de votre Liste mérite tout particulièrement votre attention.

Vous allez devoir déterminer :

  • ce qui peut être implémenté dans le cadre de votre travail, moyennant des efforts particuliers de votre part (savoir dire non et poser vos limites, réorganiser votre travail et faire du tri, négocier du télétravail voire un changement de poste, vous blinder / éviter les personnes qui vous polluent,…) ;
  • ce qui est totalement incompatible avec votre emploi actuel (philosophie, objet ou valeurs d’entreprise auxquels vous ne voulez plus être associé.e par exemple).

On me répondra peut-être : “vous êtes bien utopique, ma brave dame, c’est la crise ici, alors quand on a la chance d’avoir un toit et de quoi manger, on s’en contente, hein”. Effectivement, la peur de l’inconnu, la peur de perdre ce qu’on a, peut inciter à ne pas bouger. C’est tout à fait normal, humain, “raisonnable” et c’est bien pour cela que ceux qui osent finalement se lancer sont rares. Souvent, cette peur paralyse même toute reflexion : “je ne vais surtout pas réfléchir à ce que je pourrais faire d’autre, ou différemment, ce n’est que m’exposer à être déçu.e car de toute façon je ne pourrai pas / n’oserai pas changer”.

Loin de moi l’idée de vous dire de tout plaquer du jour au lendemain, de vous mettre en danger. D’où toutes les étapes précédentes. Ceci étant dit, amorcer une démarche de recherche intérieure ne vous coûte rien, et ne fait prendre aucun risque.

Se mettre en danger, risquer notre équilibre (trouvé tant bien que mal au sein du grand déséquilibre de notre vie) en espérant trouver mieux ? Risquer celui de notre famille ? Est-ce réellement égoïste ?

Je vous propose de regarder les choses sous un autre angle : quand on vit au quotidien un déséquilibre important, quand on nie une grande part de notre personnalité, on étouffe du même coup une grande part de l’énergie que l’on pourrait transmettre autour de nous. A contrario, quand on vit en étant pleinement nous-mêmes, on peut rendre au centulple. Imaginez !

Réfléchissez un moment, trouvez l’image de quelqu’un qui semble vivre pleinement, qui rayonne. Je vous souhaite d’en connaître beaucoup ! Cette personne ne vous semble-t-elle pas extraordinaire ? Ne donne-t-elle pas envie d’atteindre ce même état ? Il n’est sans doute pas si loin de votre portée, je parierais même qu’il est juste au bout de votre Liste, pour peu qu’elle se transforme en actions. Ne me croyez pas sur parole, abordez le sujet avec la personne que vous venez d’identifier, pour découvrir le secret de l’énergie qu’elle rayonne !

Finalement, le cheminement que nous venons de faire ensemble vous aura au moins donné une vision claire des choses : votre vie professionnelle est, ou non, le coeur des changements que vous souhaitez dans votre vie. Et même plus : vos aspirations sont compatibles, ou non, avec le métier ou l’entreprise où vous travaillez actuellement. Fort.e de cette clarté, il ne tient plus qu’à vous de prendre des décisions qui s’imposent. Mais vous avez déjà fait un très grand pas !

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Stéphanie Piou
Durable et Solidaire

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