Engagement authentique ou green-washing ?
Le casse-tête du développement local avec les moyens mais l’étiquette d’une entreprise minière.
En 2013–2014, j’ai pris une année sabbatique pour prendre le temps de concrétiser mes projets personnels, découvrir de nouveaux coins du monde… et prendre le temps tout court ! Je me suis particulièrement intéressée à ce qui fait une “économie durable”, où l’entreprise est un moteur incontournable du progrès sociétal et environnemental. Je republie ici des extraits choisis de mon blog de voyage, ceux qui peuvent inspirer la construction d’un monde “Durable et Solidaire”.
La Asociacíon Los Andes de Cajamarca : le bras social de l’entreprise minière Yanacocha
L’entreprise minière Yanacocha, qui exploite plusieurs mines d’or dans la région de Cajamarca, a créé dans le cadre de son Programme de Responsabilité Sociale, l’association « Los Andes de Cajamarca ». Entreprise et association agissent dans le cadre d’un “Plan de Développement Concerté” avec les autorités locales, qui permet de fixer les priorités d’actions.
- Renforcement du leadership des institutions régionales sur le développement de base
Il s’agit d’aider les institutions régionales et provinciales à s’organiser de manière plus efficace afin d’éviter le gâchis d’argent et d’énergie, qui doivent profiter au mieux aux projets de développement local. Cela passe par les aider à s’équiper en matériel informatique, les conseiller en termes d’organisation, mais également les pousser à l’autonomie et au travail en partenariat entre structures publiques et privées.
2. Amélioration de l’accessibilité à l’éducation et la santé dans la région de Cajamarca
Sur le plan de l’éducation, il s’agit de réaliser des formations pour les directions et équipes éducatives des établissements scolaires, de distribuer de matériel scolaire aux enfants (cartables, livres, cahiers, encyclopédies…), de créer des bibliothèques locales… Ainsi que de travailler avec les directions des écoles pour réaliser des travaux structurels.
Sur le plan de la santé, ALAC travaille avec les institutions locales au sein d’une “Alliance pour la Nutrition” à la fois sur le plan de la sensibilisation et la fourniture de matériel. Par exemple, le projet “Malnutrition Chronique Infantile” vise à la fois à sensibiliser les parents et femmes enceintes, mais également à distribuer du lait maternel. La sensibilisation à l’hygiène et la propreté dans les foyers fait également partie de ses actions. Dans les cas d’urgence, comme l’épidémie de dengue particulièrement aigue connue par le Pérou en 2012, ALAC a appuyé financièrement et logistiquement les autorités locales dans la mise en œuvre de son programme d’information et de prévention contre la maladie.
3. Contribution au développement des capacités entrepreneuriales dans des secteurs à potentiel de croissance
Ce volet consiste surtout à appuyer des organisations de producteurs locaux afin de leur permettre de mieux s’organiser, et ainsi de pénétrer des marchés qui leur étaient jusqu’alors inaccessibles.
4. Promotion des projets d’infrastructures de base du développement, principalement dans le domaine de l’eau
Ces projets s’échelonnent depuis l’amélioration des cuisine familiales à l’implantation d’unités de production d’eau potable.
Discuter en direct pour aller au delà des apparences.
J’avais découvert le site Internet d’ALAC depuis la France, et la rencontre d’un représentant de l’association a constitué une motivation forte pour venir passer ces quelques jours à Cajamarca.
Ma rencontre avec Flavio Flores, Directeur des Programmes et Projets d’ALAC, était donc attendue. Il m’a semblé de prime abord un peu tendu, mais s’est ouvert au fil de la discussion. La raison ? Porter des projets de développement durable pour le compte d’une entreprise aussi controversée que Yanacocha (fortement décriée par de nombreux acteurs nationaux et internationaux par rapport aux conséquences sanitaires et environnementales de son exploitation minière) n’est pas une chose simple. Et Flavio reçoit régulièrement des personnes qui, se présentant sous des profils de curieux, sont en fait des activistes.
Sans doute mon travail au sein de la Direction de la Production Nucléaire d’EDF (au moment de mon année sabbatique) m’aide-t-il à comprendre sa position : une étiquette décriée favorise l’incompréhension de tout engagement, quel qu’il soit. Cela m’aide également à voir, au delà de l’étiquette sur laquelle je n’ai aucun recul pour porter une opinion, la volonté et la vision de l’homme qui m’accorde un peu de temps.
L’étiquette “Yanacocha” a d’ailleurs largement compliqué les relations d’ALAC avec les parties prenantes avec lesquelles l’association travaille. Flavio décrit quatre années de dur labeur pour créer une relation de confiance avec les institutions locales, les associations et ONGs, les groupements de producteurs.
Des projets variés à impact étudié, dans un contexte national d’une économie durable peu développée.
Les priorités d’ALAC, c’est le “Plan de Développement Concerté” de la province qui les fixe. Personnellement, Flavio croit en deux piliers prioritaires: la création d’emplois et l’éducation.
– La création d’emplois doit soulager immédiatement des familles en leur apportant des revenus supplémentaires, et par voie de conséquence servir à améliorer leur nourriture, l’éducation des enfants…
– L’éducation doit améliorer les opportunités des jeunes de la région, mais aussi la compréhension par les acteurs locaux des projets en cours et la reconnaissance nationale du Pérou par ses interlocuteurs internationaux.
Sur chaque projet, des études d’impact sont réalisées. Mais bien qu’ayant une formation de statisticien, Flavio préfère une vision pragmatique et concrète des résultats de chaque projet.
“Bien sûr, nous réalisons des études d’impact… Mais quand on a un projet de renforcer l’enseignement mathématique dans un établissement secondaire, j’ai beau avoir un pavé sur l’étude d’impact, en quelques minutes, en interrogeant quelques élèves sur le théorème de Pythagore ou les fonctions, je sais si nous avons réussi ou non.”
C’est donc la proximité du terrain qu’il privilégie. Tout en admettant qu’il n’y a pas toujours d’impact visible à la clé. Dans ce cas, il faut arbitrer sur l’éventuelle fermeture sur projet et s’attacher à en tirer les leçons pour mieux réussir à l’avenir.
L’économie durable, au Pérou, ne peut guère s’appuyer sur des entreprises sociales, celles-ci étant quasi inexistantes (quelle chance d’être tombée sur la Heladería Holanda, certes peu représentative ce l’économie locale des mots même de ses fondateurs). En comptant également un certain désintérêt du gouvernement, le développement durable se construit donc au Pérou en se basant sur deux briques : les associations nationales ou internationales, et les actions des entreprises ayant les moyens d’investir sur ce champ… Ces dernières étant peu nombreuses.
Le monde comme un livre ouvert
L’engagement personnel de Flavio est palpable. Yanacucho ou non, j’ai face à moi un homme convaincu par la nécessité d’agir pour le développement de la région et par la capacité des locaux à sortir la tête de l’eau.
Comment est-il parvenu à cette conviction ? A force de voyages, car il a eu la chance de parcourir des pays multiples sur les 5 continents. Il a vu des situations enviables, d’autres beaucoup moins. Né d’une famille très simple, il souhaite pour son pays et ses habitants un avenir meilleur, et, selon ses mots, “le monde est un livre ouvert pour apprendre comment y arriver”. À bon entendeur…
Je termine mon interview en demandant à ce personnage engagé quel message il aimerait transmettre aux jeunes, quelque soit leur nationalité. Il n’hésite pas une seconde :
“On peut tout enlever à une personne. Mais pas ce qu’il est à l’intérieur. Et cela, c’est sa personnalité, son éducation. Il faut éduquer à la liberté”.
Originally published at social-et-solidaire.fr.