Angoisse et peur de l’avenir : portrait d’une éco-anxieuse

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5 min readDec 13, 2019

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L’éco-anxiété, ou solastalgie, est un mal de plus en plus répandu dans nos sociétés confrontées au réchauffement climatique et aux dérèglements et responsabilités qu’il implique. Après avoir découvert ou redécouvert ce concept dans notre dernier article, nous allons désormais entrer dans le coeur du sujet en l’appréhendant de l’intérieur. Quelles sont les conséquences de l’éco-anxiété au jour le jour ? Quels sentiments implique-t-elle pour ceux qui en sont victimes ? Pour mieux comprendre ce mal, nous vous présentons les réponses et le point de vue d’une jeune femme éco-anxieuse.

Quand avez-vous pris conscience de votre éco-anxiété ?

“J’ai toujours été très sensible aux questions environnementales : j’ai arrêté la viande à 11 ans et déjà à l’époque je ne supportais pas d’entendre parler de la fonte de la banquise et du déclin des ours polaires. Etant assez jeune, je n’avais personne avec qui partager ce stress, cette tristesse, ce sentiment d’urgence et d’injustice. J’avais du mal à l’exprimer à mes parents car je ne parvenais pas à mettre des mots sur ce qui se passait dans ma tête. Je ne sais pas si l’on pouvait déjà parler d’éco-anxiété à ce stade, mais je sais que j’en pleurais beaucoup, et que je souffrais de me sentir incomprise et isolée. Je ne comprenais pas pourquoi les autres enfants ne ressentaient pas mon angoisse, pourquoi ma famille continuait à manger de la viande alors qu’ils disaient aimer les animaux. Je ne comprenais pas non plus pourquoi, à la télé, l’on allongeait sans cesse la liste des grands maux de la société sans prendre de mesures concrètes pour y remédier. J’étais en colère contre le monde entier.

C’était il y a 12 ans déjà. En grandissant, j’ai refoulé tous ces sentiments, j’ai arrêter de regarder les journaux télévisés et de suivre l’actualité : si le monde allait mal et qu’on ne pouvait rien y faire, je préférais ne pas savoir. Mais en grandissant, ces émotions sont revenues au galop, plus fortes que jamais. J’ai alors réalisé, que je ne pouvais plus faire semblant, qu’il fallait que j’écoute ces émotions et que j’agisse en conséquence. Je pense que je suis une éco-anxieuse de nature. J’aime trop la vie sur Terre pour ne pas être affectée.”

L’éco-anxiété est un terme assez récent et peu répandu, mettre un mot sur cette angoisse vous a-t-il aidé à mieux la cerner et l’appréhender ?

“OUI. Déjà parce que cela m’a permis de comprendre que je ne suis pas seule à ressentir tout ça. Avant cela j’avais l’impression d’être la seule à avoir conscience du désastre de la situation actuelle, et surtout que ce que je ressentais n’était pas valide, exagéré. Mettre un mot sur ces sentiments m’a permis de comprendre qu’ils étaient justifiés, que mon réel problème était surtout d’avoir un entourage peu sensible à ces questions, et qui me répétait à longueur de journée que j’étais “trop sensible”, qu’il fallait que je grandisse et que j’arrête d’être si naïve. Je devenais dingue à essayer de faire taire tout ce qui se passait en moi, de changer ces sentiments qui sont pourtant aujourd’hui une grande partie de la manière dont je me définis.

Entendre parler d’éco-anxiété m’a permis de me rendre compte que je pouvais ressentir ce que je voulais, que je pouvais être moi. Ça été une libération totale. Bien sûr la découverte du terme n’est pas seule responsable de cette prise de conscience, j’avais déjà enclenché une démarche de travail sur moi-même, mais je dois dire que c’est tombé à pic !”

Comment votre éco-anxiété se traduit-elle au quotidien ?

“Je dirais que c’est par période. Il arrive que je me sente extrêmement stressée, extrêmement coupable aussi, j’ai l’impression de ne pas en faire assez. Je suis de nature assez détendue, mais je dois dire que ma solastalgie est toujours quelque part dans un coin de ma tête et de ma personne. La plupart du temps je vis assez bien avec, mais n’importe quelle nouvelle ou événement peut la réveiller. Dans ces moments-là, j’ai le moral au plus bas, j’ai envie de tout plaquer, de rester au lit, je m’agace plus facilement de mes proches, de leurs reproches et leur manque d’action et de cohérence.

Heureusement, j’ai la chance de travailler pour une entreprise qui est parfaitement alignée à mes valeurs et qui me fait me sentir utile, qui me donne l’impression de participer chaque jour à la construction de la société que je souhaite voir émerger. Et je peux parler de mes sentiments à mes collègues, c’est un véritable soulagement !”

Quelles solutions recommanderiez-vous pour lutter au jour le jour contre ce mal ?

“Il y a mille et une façons de vivre avec son éco-anxiété, mais je dirais que la première et la meilleure, c’est d’aligner ses actes à ses valeurs. Nous avons tous une responsabilité individuelle dans la résolution de cette crise, et savoir que je fais ma part, que je donne de mon temps pour des causes qui me tiennent à coeur, que j’apprends et que je progresse chaque jour dans le bon sens me remplit de fierté et me permet de continuer à avancer. Mais attention, comme c’est vrai pour son entourage, il ne faut pas s’enfermer dans une bulle ! Apprendre sur ces sujets est génial, mais il faut savoir profiter d’autres petits plaisirs de la vie, comme il faut réussir à se lier à des personnes qui nous comprennent, sans se perdre dans un entre-soi où l’on ne parle plus que de ça !

Je dirais aussi qu’il est primordial de s’accepter, d’accepter ce que l’on ressent sans en avoir honte. Être conscient peut parfois être ressenti comme une malédiction, mais c’est aussi et surtout une chance ! Avoir conscience de la beauté du monde et de sa préciosité est une qualité qu’il faut préserver et communiquer au maximum : il y a tant de choses qui valent le coup de se battre ! Nous sommes tous plus ou moins sujet au manque de nature et il est important de pouvoir se reconnecter à celle-ci !

Sur une note plus légère, la compagnie des animaux et les bons petits plats sont aussi pour moi un super moyen de se changer les idées !”

Retrouve tous les épisodes de notre série sur l’éco-anxiété ici :
https://medium.com/edeni/tagged/ecoanxiety

Si vous vous retrouvez dans ce portrait et que vous souhaitez rencontrer et partager avec d’autres personnes eco-anxieuses, rendez-vous en janvier 2020 pour notre retraite en éco-sérénité !

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