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5 min readDec 3, 2018

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Et si pour ce Noël, on privilégiait l’occasion ? Rencontre avec Claire Tournefier, fondatrice de Rejoué

À l’approche de la conférence « Faut-il encore fêter Noël ? », nous avons rencontré Claire Tournefier, la fondatrice de Rejoué, une association de loi 1901 qui collecte, trie et revend les jouets usagés dans le cadre d’un chantier d’insertion.

© www.rejoué.org

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Comment l’association Rejoué est née ?

Après la naissance de mon premier enfant, j’ai été témoin d’une surconsommation énorme. Tout le monde voulait offrir quelque chose. Dans le même temps, j’étais bénévole à la Croix-Rouge et je voyais que l’afflux de dons devenait de plus en plus problématique.

Ensuite, à mon retour de maternité, la société dans laquelle je travaillais a fusionné avec une autre. J’y ai laissé ma place. Compte-tenu de mon engagement associatif, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir à une activité autour du jouet. J’ai recueilli les conseils de Carijou, à Strasbourg, et R’2 jeux, puis j’ai lancé Rejoué en mars 2010.

Rejoué a-t-elle un but solidaire ou écologique ?

L’écologie et la solidarité sont pour moi totalement indissociables. Si la finalité a du sens pour l’environnement et pour les êtres humains, cela donne encore plus de sens au travail : les deux se nourrissent énormément.

Dans une interview au Monde, vous dites que vous avez pensé ces ateliers pour les femmes exclues du marché du travail suite à leur congé maternité, qui ont ensuite des difficultés à trouver un chantier d’insertion qui ne soit pas trop physique… Est-ce toujours le cas ?

Aujourd’hui il y a 64 % de femmes qui travaillent dans nos chantiers d’insertion. D’emblée, j’avais une volonté d’aider les femmes. Lors de leur retour de congé maternité, il arrive qu’elles perdent leur place et se retrouvent dans des situations très précaires. Au cours de mes échanges, j’ai aussi compris que les chantiers d’insertion s’adressent plus aux hommes. Il n’y a pas beaucoup de tremplins pour l’emploi des femmes, les horaires et les métiers proposés ne sont en tout cas pas compatibles avec le fait d’élever seule des enfants.

L’implantation territoriale est aussi cohérente avec cette volonté.

Dans le 14e arrondissement, où se situe l’une des boutiques Rejoué, il y a énormément de femmes sans emploi. Nous adaptons nos horaires de travail pour qu’elles puissent aller chercher leurs enfants à l’école. Nous essayons de rendre ce travail un maximum accessible.

Quelle est votre valeur ajoutée ?

Pour moi, la qualité et la propreté comptent énormément. C’est l’aspect très qualitatif qui donne de la valeur au travail. Selon moi, à force de « brader », on oublie le coût des matières premières, le coût pour la planète, la valeur du travail humain qui se cache derrière.

Comment se passent les échanges entre les riverains et le personnel en réinsertion ?

En boutique ou lors des collectes, les salariés reçoivent des ondes positives. Les objets que l’on reçoit ont une dimension affective : les gens qui les donnent racontent une histoire « celui-là, c’était le cadeau de la tante, de la grand-mère… ». Les salariés trouvent ainsi une réelle utilité dans leur travail et cela contribue à leur moral et leur confiance en elles·eux.

© www.rejoué.org

La France est le deuxième plus gros consommateur de jouets en Europe (chaque année, 243 millions d’objets vendus et 270 euros de dépense par enfant), dont certains ne sont même pas déballés avant d’atterrir dans les associations caritatives ou à la poubelle. Pourquoi la France est-elle si fan de jouets ?

C’est un indicateur de natalité. C’est tout bête. En France, nous étions le pays d’Europe avec le plus haut taux de natalité. La consommation de jouets a suivi.

En tant que particulier, comment se déroule les récoltes ?

Il est possible de faire des dons directement dans les deux boutiques en région parisienne ou lors des collectes que nous organisons un peu partout en France. Actuellement, nous en organisons une avec l’enseigne Monoprix. Tous les points de collecte sont présents sur le site.

Si vous deviez convaincre des familles d’acheter des jouets d’occasion ce Noël, quels seraient vos arguments ?

Par la parole, c’est compliqué. Il faut se rendre en boutique : tous les jouets sont bien présentés, propres… Souvent l’occasion est assimilé à la brocante, alors qu’ici il s’agit de jouets triés et nettoyés ! Sinon, il faut présenter à ses proches un jouet d’occasion leur raconter son histoire.

Enfin, je dirais que cela permet de ne pas systématiquement acheter des jouets complets mais de compléter ce que l’on possède déjà : des vêtements de poupée, de la dînette, choisir ses billes, ses lego au kilo… Les enfants peuvent aussi tester les jouets sur place. C’est une autre façon de consommer.

Compléter ce que l’on a plutôt que s’encombrer avec d’autres objets.

Vous participez bientôt à une table ronde Edeni nommée « Faut-il encore fêter Noël ? ». Aujourd’hui, face aux abus : surconsommation, plats majoritairement carnés, gaspillage alimentaire et gaspillage des jouets… On se questionne sur les valeurs de cette fête devenue très commerciale. Pensez-vous qu’il faille encore fêter Noël ?

Il faut préserver la magie de Noël astucieusement. C’est-à-dire, ne pas tomber dans l’extrême (et ne plus rien s’offrir) et privilégier la surprise et la qualité des objets plutôt que la quantité.

Je suis plutôt contre l’idée d’une liste au père Noël : c’est à ce moment que l’on inculque aux enfants l’envie de consommer.

Comment faire alors pour éviter la liste au père Noël à partir du catalogue de jouets dans ce cas ?

Il y a plusieurs astuces à mettre en place : dessiner, écrire ou faire un jeu, prioriser… Pour sensibiliser les enfants, nous avons créé un jeu de l’oie géant afin de leur apprendre comment les jouets sont fabriqués et ce qu’ils deviennent ensuite. Nous mettons en place ce jeu collaboratif dans les écoles où lors des événements pour la prévention des déchets, et cela fonctionne très bien !

À quoi ressemblera votre Noël cette année ?

Cette année, j’ai décidé de surprendre ma famille en achetant des produits qui ont du sens et qui changent leurs habitudes… un shampoing solide, des vers en apéritif… Je crois beaucoup à la surprise lors de ces événements. Il faut essayer, et plus on est nombreux, plus ça a de l’impact : et le bonus, ça fait parler ! L’échange dans ces moments, est un précieux cadeau.

Propos recueillis par Léa Dang, du blog www.iamadrop.com

Rendez-vous le mardi 11 décembre pour la table ronde organisée par edeni “Faut-il encore fêter Noël ?”, avec la participation de :

Claire Tournefier, fondatrice de l’association Rejoué

Axel Lattuada, co-auteur de la série Et tout le monde s’en fout

Benjamin El Zein, responsable solidarité et matériel au Secours populaire de Paris

Hélène De Vestele, fondatrice d’edeni

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