Beep-Beep et Coyote ou la théorie de l’impossible

Thomas bart
6 min readNov 2, 2015

Je ne regarde jamais la télévision. Ce n’est pas par snobisme ou manque d’intérêt. Je pense qu’il y a de nombreux reportages et émissions intéressants. J’en ai juste perdu l’habitude. N’ayant pas eu de télévision pendant plus de 10 ans, c’est un réflexe que je n’ai pas. Il se trouve que le seul endroit où j’ai du plaisir à zapper, c’est ailleurs que chez moi.

Il y a quelques jours, j’animais un séminaire de réflexion sur le digital chez un client. L’objectif était de brainstormer sur la transformation numérique de leur société. Sur les objectifs, les besoins, … Cette entreprise est située assez loin de chez moi. En me levant à 5h du matin, je n’arrive pas à avoir l’énergie nécessaire pour une bonne animation. Comme le projet est potentiellement assez important, je souhaitais être en forme. J’ai donc passé une nuit à l’hôtel à proximité.

Et me voilà, la veille, seul dans un hôtel au milieu de nulle part. J’aurais pu surfer pendant des heures sur YouTube. Ou lire un livre. Ou écrire un article. Mais non, je me suis lancé dans un zapping frénétique sur près de deux cent chaînes du câble et satellite. Je suis tombé par hasard sur un épisode de Beep-Beep et Coyote qui était diffusé sur une chaîne Allemande. Ce qui est agréable avec ces cartoons, c’est que la langue n’est pas vraiment une barrière.

Au cours du brainstorming, une idée faisait débat autour de la table. Tout le monde était d’accord pour dire que l’idée était impossible. Que cela allait à contre courant du secteur. Le dirigeant s’est tourné vers moi et m’a demandé mon avis. Est-ce que je pensais le projet impossible ?

Je lui ai répondu que la question n’était pas de savoir si le projet était possible ou impossible. Mais quel serait le gain pour l’entreprise ? Un peu comme Coyote qui court après Beep-Beep.

Les VC comme modèle de management

Depuis près d’un an, je me suis passionné pour le monde des VC. Non pas que je compte lever de l’argent pour ma start-up. Ou bien que j’ai l’intention de me lancer comme investisseur. Mais quand on prend le temps de lire des articles, c’est un univers très intéressant. Et surtout, c’est aux antipodes de ce que l’on pourrait penser. J’ai été abasourdi par les critères de sélection de nombreux investisseurs. A tort, j’avais le sentiment que la prise de décision était très irrationnelle. Alors que l’on est dans un secteur hyper rationnel.

Les plus connus d’entre eux Fred Wilson, Andreessen & Horowitz & Paul Graham. (Paul Graham n’est pas vraiment un VC mais bon, je laisse ce débat aux experts). Je vous conseille vivement la lecture de leur blog ou de leurs articles passées. (Andreessen-Horrowitz ne publient presque plus. Et le twitter de Marc Andreessen est assez illisible à mon sens).

Le conseil le plus surprenant a été très bien résumé par Craig McCow ici dans son point 2. “Les idées les plus absurdes sont la source des plus grands succès”. Et aussi ici (toujours le point 2). “Les idées qui font consensus ne permettent pas le grand succès”. C’est un peu le contraire de ce que l’on vit en entreprise chaque jour. Ce qui ne fait pas consensus est remis à plus tard. Voire à jamais.

Et c’est ici que je compare Coyote au conseil de Fred Wilson et Marc Andreessen.

Coyote ou la volonté de réussir l’impossible

Si je regarde un épisode de Beep-Beep et Coyote, il y a plusieurs points qui me frappent. Avec les yeux d’une start-up, cela donne la chose suivante :

  • Le pivot du business model ne sera pas facile. Le terrain sur lequel Coyote chasse beep-beep est hostile. Pas de végétation. Du désert à perte de vue. Pas de points d’eau. Il n’y a pas d’autres animaux à chasser. Si j’étais un prédateur, je ne choisirais pas cet endroit pour chasser.
  • Le fondateur est dans une situation financière précaire. Coyote a la peau sur les os. Il est maigre comme un clou. Visiblement, il ne doit pas attraper grand chose.
  • La taille du marché est incertaine. Le marché sur lequel chasse Coyote semble très petit. Beep-beep est toujours seul. On ne lui connaît pas de famille. Pas de troupeau avec lui. Une fois qu’il aura attrapé Beep-beep, il risque de devoir changer de domaine d’activité.
  • Le business model est constamment en échec. Coyote dépense une énergie folle pour attraper Beep-beep. Mais il n’a pas de petites victoires pour se faire du bien. De plus, il prend des risques physiques pour accomplir son but.
  • Le ROI sur le client n’est pas évident. Je ne suis pas un chasseur ni un spécialiste en animaux. Mais j’ai le sentiment qu’il n’y a pas grand chose à manger sur Beep-Beep. Autant dire que Coyote ne va pas se rassasier pendant 3 jours sur lui.
  • Le burn rate est très important. Coyote dépense beaucoup d’argent pour attraper Beep-beep. Il se fait régulièrement livrer du matériel. Des bombes, des machines, …

Ce sont des arguments qui vont contre le fait que Coyote continue de chasser Beep-beep. Et pourtant. Si on regarde sous un autre angle :

  • Coyote est en mode d’apprentissage permanent. Il pourrait continuer à tenter toujours la même chose. Au contraire, il varie les méthodes pour tenter d’attraper Beep-Beep. Je n’ai pas vu tous les épisodes mais il n’utilise jamais deux fois la même technique. Un expert en A/B testing lui conseillerait d’itérer plus sur une idée et de changer moins souvent.
  • Coyote fait travailler sa créativité en permanence. Il utilise de nombreux moyens extrêmement différents. Dans certains épisodes, on le voit même lire et chercher de nouvelles techniques. C’est une bonne habitude que de chercher à penser “en dehors de la boîte”
  • Coyote croit à sa mission. Il est investi corps et âme dans sa volonté d’attraper Beep-Beep. Ce n’est pas quelques échecs qui vont le faire reculer.

La nécessité de tenter l’impossible

Sortir des sentiers battus, c’est difficile. Cela semble parfois impossible. On sort de sa zone de confort. Mais si l’innovation ne vient pas de vous, elle viendra de vos concurrents.

Je pense que la réussite d’un projet ne doit pas être le seul objectif. Il faut qu’au sein d’un projet, il y ait plusieurs objectifs. Il est fréquemment dit qu’une start-up doit résoudre un problème. C’est vrai. Mais pour le fondateur de la start-up, résoudre ce problème et devenir riche ne sont pas les seuls buts. Je pense que cela doit être aussi un chemin initiatique. Une autre manière d’apprendre, de sortir de sa zone de confort.

Je viens de lancer mon agence. Et quelle est la différence par rapport à avant ? Je fais la même chose. Dans des conditions plus difficiles. Je gagne moins bien et j’ai plus d’emmerdes. Et à la fin de la journée, j’ai un vague espoir de devenir riche. Mais il est plus qu’incertain. Mais voilà, je crois que l’apprentissage et sortir de ma zone de confort sont plus importants. Le succès est un bonus en plus à la fin.

Donc oui, comme Coyote, l’entreprise doit se lancer dans ce projet impossible si cela est bénéfique pour elle. Si cette entreprise ne se lance pas, quelqu’un d’autre le fera pour elle. Peut-être qu’elle ne réussira pas mais elle apprendra peut-être quelque chose qui la fera réussir ailleurs.

Je pense que nous devrions tous nous lancer dans des projets qui paraissent impossibles. Mais en prenant soin de ne pas tout risquer et de faire all in comme au poker. En mesurant le risque. Pas vraiment comme Coyote pour l’occasion.

Le brainstorming a repris.

Les managers ont envisagé de réfléchir à comment réussir ce projet impossible. Et pour prendre l’exemple d’un projet un peu ambitieux, tout le monde a cité Steve Jobs. Être visionnaire comme lui. Être aussi intransigeant dans l’exécution que dans la vision. Ce à quoi j’ai répondu que Steve Jobs, c’est un peu comme la machine à laver de ma grand-mère. Mais c’est une autre théorie…

Prochainement :

Steve Jobs ou la théorie de la machine à laver.

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Thomas bart

Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland