Ode à Medium

Je nage en plein bonheur!

Catherine Leduc
9 min readMar 25, 2016

Après avoir commencé par ressentir et exprimer une peur abyssale d’être le petit plancton avalé par la grosse baleine, à ne pouvoir que balancer des bouteilles à la mer, je crois maintenant que je vais bien m’amuser.

Je suis un peu comme un grand enfant qui, d’abord effrayé par la nouveauté, puis curieux du nouveau jouet qu’on lui donne, se met à l’explorer pour comprendre comment il marche, et ensuite, si le jeu est suffisamment riche et puissant, prend du plaisir à y jouer, y jouer et y jouer encore.

Mon nouveau jouet, c’est toi Medium.

Tu es très beau, très excitant, très addictif, très surprenant et aussi très sérieux. Tous les ingrédients pour un très bon jeu.

Je m’explique.

Depuis que je suis toute petite, j’écris. Je me suis servi de l’écriture parce que j’avais peur de parler. Je passais des petits billets sous la porte de la chambre de mes parents pour leur dire ce que j’avais sur le cœur, et hop le lendemain j’étais guérie. Même pas besoin d’en reparler! Soulagement. De toute façon, ils ne montraient pas beaucoup de réaction. Tu apprends à t’en passer, de toute façon. Plus exactement, tu apprends qu’écrire doit suffire. Pas besoin de parler.

Longtemps j’ai cru que j’avais peur de parler, et que l’écriture allait me sauver de cette peur. Alors, j’ai écrit pour moi, un peu pour mes proches. Mais finalement ça n’a pas eu les effets escomptés. Ça n’a absolument rien changé, ça a même été contre-productif à bien des égards. Je me suis rendue compte qu’écrire pour s’affranchir de la peur de parler fait oublier que l’écriture s’adresse à quelqu’un d’autre que soi. Je me suis rendue compte qu’écrire n’évite pas le malentendu. J’arrête donc d’écrire. Je sèche. En fait, je me dis que je n’ai pas peur de parler. Je me rends compte que je n’ai jamais eu peur de parler. J’oublie l’écriture, je range mes cahiers, je décide que parler c’est mieux, et je le fais. La parole devient même le substrat de mon métier.

Et voilà que toi, cher Medium, tu arrives jusqu’à moi! J’ai été obligée de creuser la question….

Écrire… Pourquoi écrire bon sang??

Est-ce que écrire, c’est faire preuve d’autorité?

Quand j’écris un mémoire de fin d’études, une thèse de doctorat, un article scientifique, un compte-rendu de bilan, je cherche à faire preuve d’autorité en m’adressant à mes pairs, je leur livre mon travail en cherchant à ce qu’ils le comprennent, le critiquent puis le valident. J’imagine qu’un journaliste qui écrit a aussi ce genre de rapport à l’écriture. J’imagine qu’un rédacteur de service marketing doit devenir un expert dans ce type d’écriture, c’est-à-dire celle qui doit convaincre. Le but est toujours clair, le cadre relativement bien défini. Tu déroules tes arguments avec des liens judicieux, des exemples percutants, des références bien choisies. C’est une écriture tellement à destination de l’autre que, mise à part le sujet abordé, on n’apprend pas grand chose de celui qui écrit. Ce cadre peut être rassurant, adapté aux discours socio-politiques, économiques, scientifiques et commerciaux.

Ce cadre peut aussi être étouffant, pour celui qui écrit, et pour celui qui lit. Je suis toujours frappée par le fait que le lecteur est comme pris en otage, kidnappé, et qu’il lui faut de la force pour savoir prendre du recul sur ce qu’il lit, une force à la mesure de la force de conviction déployée. Cette force n’est pas innée, elle s’apprend. Combien de lecteurs l’ont-ils apprise? Je crois que beaucoup de lecteurs ne se posent pas la question, se laissent happer par ce genre d’écriture, et s’y endorment presque. Au final, ils adhèrent ou n’adhèrent pas à ce qu’ils ont lu. Ils ne savent pas trop bien pourquoi.

Je n’avais plus tellement envie de m’investir dans ce genre de lecture ou d’écriture, jusqu’à ce que je te rencontre, Médium. Quand je te visite, je suis face à un foisonnement d’articles qui cherchent à faire preuve d’autorité. Crois-moi, ça fait peur au début. Je me dis: “Wouah! C’est qu’il y en a des penseurs qui veulent te convaincre! C’est un peu la jungle!” Il y a de quoi me faire fuir. Mais ma curiosité prend le dessus, et mon désir grandit au fur et à mesure que je comprends, à mon petit rythme, comment me frayer un chemin dans cette jungle, et surtout, quand une espèce de lueur joyeuse s’allume enfin. Médium, tu changes tout! Que tu existes change tout!

D’un seul coup, grâce à toi, je prends le pouls de la société, et même potentiellement du monde entier, c’est moi qui choisit les thèmes sur lesquels je veux me focaliser, et en plus j’ai le droit de réponse!

Terminée la prise d’otage! Autoritaire, autoritaire et demi! Si j’ai envie, je réagis, je rebondis, je commentes, je mets mon petit grain de sable et parfois la sauce prend. Et là, ça peut devenir vraiment intéressant parce qu’il y a du débat, de l’agitation, du remue-méninges. Exemple récent de ce que tu permets: une discussion entre deux “personnalités” sur Medium, Jon Westenberg “I Accept Your Challenge.” et Henry Wismayer “I Accept Your Surrender”, une émulation saine et musclée (très masculine au demeurant) qui me rassure. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de débats à la télé que le débat est mort! Ouf!

Est-ce que écrire, c’est communiquer?

Il me faut d’abord poser mon postulat de départ pour éviter tout malentendu (aïe! ça commence mal). La communication, ce n’est pas la publicité. Une agence de Com fait de la publicité, pas de la communication. La communication n’a de sens pour moi que dans l’idée de l’échange entre un émetteur E et un récepteur R, chacun étant E ou R à son tour, avec un médium pour support (Ferdinand de Saussure). Bon! Pas que toi Medium! Tous les médium, média, oh mon dieu j’en perds mon latin! Donc, l’écriture étant un médium, c’est un support de communication, d’échanges. Jusqu’ici, Médium, tu n’as rien révolutionné parce que tu as prévu le bouton “répondre”. L’écriture est depuis des millénaires un moyen d’échange sans l’interactivité immédiate. Si l’Homme a inventé l’écriture, c’est qu’il a compris que l’échange n’a pas nécessairement besoin d’exister dans la même dimension, le même espace-temps (comme il est intelligent!). L’Homme a compris la valeur singulière de la trace écrite au IVe millénaire avant J-C et depuis il s’en sert à toutes les sauces, des plus triviales aux plus ésotériques.

Est-ce que la communication écrite doit être réservée à une certaine catégorie de personnes? Lisez Le nom de la rose de Umberto Eco, vous comprendrez que cette question se pose et se repose et se reposera encore à l’humanité. Et à l’issue, moi j’ai vraiment envie de répondre non, il n’y a pas d’écriture et de lecture qui ne doit pas se partager. Et toi, Medium, tu déboules, avec tes airs de démocratisation de l’Ecrit! Je ne peux pas dire encore si ce ne sont que des airs, ou de véritables opportunités de changement de nos sociétés, mais je suis très très excitée!

Est-ce que écrire, c’est raconter des histoires?

Donc, voilà la question centrale à mon avis. Moi, j’aime qu’on me raconte des histoires, n’importe quelles histoires, de n’importe quelle manière, pourvu que ce soient des histoires, et qu’elles soient bien racontées. M’est avis que je ne suis pas la seule.

Des histoires, moi aussi j’en ai à raconter.

“Tell your story!” you said!

Well, well, well…

Où sont-elles les histoires? Est-ce que les lecteurs et écriveurs sur Médium (désolée du néologisme, mais “écrivains” ne convient pas et “rédacteurs” n’est pas très joli) ont envie d’écrire et de lire des histoires? Des histoires qui parlent d’eux, des histoires qui parlent des problèmes de société, des histoires qui parlent du passé, du présent et du futur, des histoires qui parlent!!!

OUI! oui! oui! Plus je creuse, plus je passe du temps à te visiter, Medium, plus je lis et je “follow” des gens qui ont vraiment du talent pour raconter des histoires. Tu n’imagines pas à quel point ça me réjouit, me ragaillardit, m’émoustille. J’en oublierai presque d’aller bouquiner le dernier roman qui m’attend sur ma table de chevet. Rien n’est facile dans la vie, mais j’ai dû bosser pour les trouver!

Ce n’est pas si facile que ça d’écrire et de raconter des histoires. Ce n’est pas non plus réservé à une espèce d’élite. Il y a plein d’histoires écrites qui ne sortent jamais de leur tiroir, sans lecteurs, toutes seules avec leur auteur, non pas parce qu’elles sont mauvaises mais parce qu’elles ne trouvent pas le moyen de sortir du tiroir. Et toi, Medium, tu leur dis: “ Venez à moi, racontez et partagez vos histoires!” Et moi, je me dis: “Wouah! Médium est un chouchouteur de raconteurs d’histoires! C’est génial!”

On n’écrit pas une histoire comme on écrit un article de publi-communication ni comme un discours. Les influenceurs, les communicants sont toujours les premiers à investir la place, ils foncent quand on leur donne un nouveau et bon moyen d’exercer leur art, et ils ont bien raison. Ils n’ont besoin de personne pour les aider à être visibles, ils savent comment faire. Ils écrivent même des articles pour expliquer comment devenir viral! Et, si moi ça me fait peur d’être intoxiquée par leur virus, je fais quoi? Je te quitte? Ah, non alors! Zut! Je ne vais quand même pas laisser tomber mon nouveau jouet comme ça!

Ecrire, c’est faire preuve d’autorité, c’est chercher à convaincre, à vendre, à influencer, à lancer des débats d’idées, à philosopher. C’est parfois pénible, et parfois très intéressant, très informatif, très stimulant.

Oui, écrire c’est tout ça, mais pas que….

Ecrire, c’est aussi raconter des histoires.

Tu sais, Médium, les gens qui veulent raconter des histoires sont des êtres à peu près aux antipodes des influenceurs et des communicants. Ce n’est pas qu’ils soient forcément introvertis ou timides, ce n’est pas qu’ils aient forcément moins confiance en eux, non, non, tout ça ce sont des stéréotypes à la con. On écrit pour être lu. Tous les gens qui écrivent ont une confiance suffisante en eux pour exposer quelque chose. Seulement, quand on raconte une histoire, ce que l’on expose, c’est toujours un peu soi-même. Qu’on l’enrobe avec plus ou moins de couches, qu’on le dissimule habilement, ou qu’on le livre en pâture, on ne peut pas raconter une histoire si on ne puise rien en soi. Et cela fait du raconteur quelqu’un de singulier. Et moi, lecteur sur Medium, c’est précisément ce que je viens chercher en lisant des histoires: apprendre d’un autre que moi, qui se singularise, ce qui résonne en moi de singulier.

Tu vois, cher Medium, la seule mais grande différence entre un communicant et un raconteur d’histoires, c’est que l’un veut être fort, puissant, et l’autre cultive sa fragilité.

Moi, aujourd’hui, je nage en plein bonheur parce que tu existes, Medium. Ça me fait chaud à mon petit cœur! J’ai juste envie de faire l’enfant de la vieille pub pour les Fingers de Mr Cadbury: “Dis Monsieur, tu pourrais pas les faire un peu plus long?”

Dis, Médium, tu pourrais pas le faire pareil, mais en mieux?

Je crois que tu t’en rends compte, Medium, mais il se trouve que des personnes très très différentes t’aiment et attendent de toi que tu les chouchoutes. Big big challenge! Comment plaire à tout le monde? Surtout, comment tu vas continuer à me plaire à moi qui veut tout!

J’ai confiance en toi, Medium. Tu réfléchis. Tu nous donnes les tags à customiser, tu nous expérimentes les “collections”, je suis même sûre que tu payes des chasseurs “d’autres choses” pour contre-carrer l’influenceur mainstream. J’ai confiance en toi! Est-ce que tu ne pourrais pas chouchouter un peu plus les raconteurs d’histoires? Je dis ça, je ne dis rien… Mais bon…

Que vais-je faire avec toi, Medium? Franchement je n’en sais rien encore. Tout ce que je sais aujourd’hui, c’est que tu es un sacré bon jouet! J’ADORE!

Je crois que je vais continuer à jouer avec toi un bon paquet de fois, peut-être jusqu’à ce que mort s’en suive (parce que depuis que je te connais, je me remets à me coucher à 3 heures du matin alors que j’ai un métier, moi monsieur! et des artères un peu vieillissantes), et j’espère ne jamais me lasser de toi…

Let’s wait and see…

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Catherine Leduc

Passionnée idéaliste en quête de sens et d’énergies. J’aime les renards et les petits princes #utopieréaliste (et j’adore mon métier d’orthophoniste!)