Sur le chemin de l’école française…

Marine Kervella
7 min readSep 27, 2015

On le sait, on le vit, nos bébés grandissent très vite ! Nous les avons maternés. Nous les avons accompagnés avec bienveillance. Peut-être vous aussi avez-vous essayé de leur transmettre les valeurs propres à la parentalité positive. Peut-être êtes vous convaincus des bienfaits du parentage proximal ou de la communication non violente dès le plus jeune âge….ou pas. Peu importe, c’est maintenant admis : un environnement bienveillant, rassurant, stimulant et respectueux du rythme de l’enfant est essentiel dès les premières années de vie.

Mais que se passe-t-il quand ces bambins rentrent à l’école ? Nous stoppons tout à 3 ans (même parfois 2 ans !) et nous nous conformons au système éducatif imposé ? Certes, l’éducation des parents reste primordiale. Mais l’enfant passe quand même une très très grande partie de son temps à l’école. C’est donc légitime de s’interroger de la sorte : notre enfant va-t-il vraiment s’épanouir dans cette école qui se veut exclusive et compétitive ? Cette école hiérarchique qui a si peu évolué depuis Guizot, Ferry et Savary.

C’est si évident que l’école n’est plus adaptée aux enjeux d’aujourd’hui. La société a tellement évolué dans différents domaines économiques, écologique, social. Et les mutations sont encore en cours. Les apprentissages d’aujourd’hui devraient donner les clés aux enfants pour être autonomes, respectueux et responsables pour faire face à ce nouveau monde. Et pourtant…

Pour lire cet article et bien d’autres, suivez-moi sur mon tout nouveau blog. C’est ici que ça se passe ! https://marinekervella.com/blog/

L’éducation en crise

Il y a manifestement un problème de transmission des valeurs aujourd’hui. Autrefois, c’était plus simple, les valeurs faisaient consensus. Mais le chemin le plus simple n’est pas forcément le plus enrichissant. Plusieurs conceptions de la vie sont possibles, plusieurs conceptions de l’éducation sont admises. C’est cool, c’est un progrès, c’est la démocratie. Mais du coup, aucune de ces options en particulier n’a autorité pour construire un système éducatif. La finalité de l’éducation est complètement brouillée et peine à se réinventer.

« La démocratie rend l’éducation impossible », Guy Coq [1]

De nombreux penseurs (G. Coq [1], P. Meirieu [2], Edgar Morin [3], N. Chomsky [4], P. Rabhi [5]…) n’hésitent pas à affirmer que nous vivons une crise de l’éducation. On le voit, dans notre société, le rapport aux savoirs est devenu un rapport de souffrance. Loin de l’image décrite dans « Sur le chemin de l’école » de Plisson dans lequel les enfants croient encore aux vertus de l’école. La joie de comprendre ne semble plus si évidente. L’accès aux savoirs devient juste la somme de difficultés qu’il faut franchir et en plus si on peut l’éviter c’est mieux ! A l’école, les difficultés d’attention sont alarmantes et les enseignants se démènent pour capter l’attention. Ou bien ils baissent les bras, épuisés de se débattre dans ce sytème sclérosant.

Le système éducatif actuel a été construit sur une société du siècle passé. Depuis J. Ferry, des réformes se succèdent, certes. Mais les réformes ne sont pas assez : ça ne sert à rien d’essayer de réparer un système inopérant. Il faut le transformer, il faut révolutionner l’éducation. Réveillons-nous, ayons le courage de nous désengager de choses que l’on tient pour acquises alors qu’elles sont inefficaces au mieux, destructrices au pire.

Un système périmé depuis longtemps

Oui, je trouve que le système actuel anesthésie nos enfants. Cette standardisation a été mise en place dans les années 60. On a voulu démocratiser l’accès à l’éducation…. sans démocratiser la réussite . Résultat : tout le monde est scolarisé mais l’accompagnement est absent.

  • Selon les tests PISA, les enfants de milieu populaire sont de plus en plus en difficulté. Et certains établissements sont identifiés comme établissement de prestige ou établissement poubelle. [6]
  • Sous prétexte de donner sa chance à tous, la standardisation de l’école n’intéresse plus grand monde. Le modèle simultané ( = le maître enseigne la même chose par niveau et par âge) est mis en place en 1833 par Guizot. En 1833 ! Le monde a un peu évolué depuis non ? Les réformes se succèdent, oscillant entre classes homogènes et hétérogènes mais l’analyse est toujours périmée et simpliste.
  • Et que pensez-vous de l’emploi du temps saucissonné par heure ? Pour moi, ça n’a pas de sens. Comment développer un intérêt, comment mettre en place un projet, comment laisser s’exprimer les uns et les autres lorsqu’on est interrompu toutes les 50 minutes. Comment peut-on intéresser des élèves avec des savoirs cloisonnés par matière ? Les enfants apprennent à interpréter la réalité comme un puzzle géant.
  • En insistant en plus, sur la hiérarchie des savoirs. Même l’esprit et le corps sont fragmentés. Le corps est séparé des émotions.
  • A fortiori, c’est dans notre culture, on les forme dès le plus jeune âge à la compétition par un système de notation/sanction. Alors que les recherches abondent pour démontrer que le système de classement, la notation, la sélection conduisent naturellement à l’exclusion des plus fragiles. Pourquoi faire une fixette sur les notations qui ne sont qu’une photographie de l’échec ? [7]
http://www.reflexes.org/Une-affiche-d-une-autre-epoque

Il est grand temps de réviser tout cela. Aujourd’hui, soit on a intégré le « métier d’élève », soit on est foutu.

Il est temps d’en finir avec cette machinerie pyramidale, avec cette relation frontale entre élèves et enseignants.

“Ce que tout le monde appelle “éducation” est une machine à fabriquer des soldats de la pseudo-économie, et non de futurs êtres humains accomplis, capables de penser, de critiquer, de créer, de maîtriser et de gérer leurs émotions, ainsi que de ce que nous appelons spiritualité.” Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse [5].

  • A cela s’ajoute le problème des inégalités. En France, on se vante de défendre la mixité sociale. C’est très bien mais est ce vraiment appliqué ? Non. L’argent va aux établissements les plus riches car 1) les profs sont plus payés grâce à leur CV à rallonge, 2) les établissements proposent plus d’options ce qui suggère plus de moyens… c’est la spirale de l’échec. L’hétérogénité sociale n’est quasi plus vraie. Et pour couronner le tout, Phillipe Meirieu rajoute que l’écart entre les garçons et les filles s’accroît dans toutes les disciplines. [2]

Stop aux généralisations abusives

Il y a heureusement des écoles et des enseignants qui font exception. Tout le monde pourra contrer ce déballage morose avec des témoignages positifs. J’en suis sûre. Je serais ravie de les entendre mais nous ne pouvons malheureusement pas en faire une généralisation. Ouvrons les yeux : nos convictions limitantes naissent de généralisations abusives. Bien sûr, nous sommes nombreux à ne pas avoir eu une scolarité traumatisante mais a-t-elle été pour autant épanouissante comme elle devrait l’être ?

D’ailleurs, ma famille aussi est bien lotie. Mon ainée est en maternelle, en moyenne section. Sa première année s’est très bien passée. Nous avons été heureux de la voir épanouie et ravie d’aller à l’école. Son institutrice était formidable : passionnée, à l’écoute, créative, dynamique, bienveillante. L’école a été pour Avril une expérience joyeuse et enrichissante. C’est une chance mais cela devrait être une règle pour tous et pendant toute la scolarité.

Aïe, aïe, aïe, je vous ai perdus ? Je peins là un tableau bien sombre de l’éducation française. J’en suis navrée, je m’étais promis de parler de sujets positifs et enthousiasmants dans mes articles. Cette première partie est bien tristounette. Alors, transformons l’essai et réfléchissons aux pistes de sortie de crise. Oui, il existe des solutions adaptées au monde d’aujourd’hui et de demain…. des solutions déjà mises en oeuvre en France et à l’étranger en plus…. alors qu’attendons nous ? Pourquoi nos gouvernements ne changent-ils pas les choses ?

Allez, la prochaine fois, je vous ferai un joli tableau de l’école de mes rêves (A lire ici)

A bientôt !

Suivez mes articles sur Medium

Pour aller plus loin

[1] “La démocratie rend-elle l’éducation impossible ?”, G. Coq, 1999

[2] Conférence de Philippe Meirieu, “Quelle éducation pour quelle société ?”, Nantes, 30 mars 2015.

[3] “Enseigner à vivre — Manifeste pour changer l’éducation”, Edgar Morin, Actes Sud, 2014.

[4] “Pour une éducation humaniste”, Noam Chomsky, L’Herne, 2010.

[5] “Vers la sobriété heureuse”, Pierre Rabhi, Actes Sud, 2010.

[6] “L’école française démocratique ou élitiste ?”, Pierre Merles, 2015.

[7] “Faut-il en finir avec les notes ?”, Pierre Merle, 2014.

[8] “Ces écoles qui rendent nos enfants heureux”, Antonella Verdiani, Actes Sud, 2012.

[9] “Une école du 3ème type ou la pédagogie de la mouche”, Bernard Collot, 2002.

--

--

Marine Kervella

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques