TAKE OFF

Une semaine de surf pour se donner envie de décoller.

julie.brun
6 min readMay 22, 2016
Taghazout, Maroc — Surfer Paradise

Dans mon élan de vouloir découvrir de nouvelles choses et de sortir de ma zone de confort, j’ai décidé il y a peu d’aller m’initier à un nouveau sport : le surf.

J’ai toujours eu envie d’apprendre à surfer ; peut être ce fantasme de la silhouette blonde sur une plage au soleil couchant, les cheveux dans le vent, que je ne serai donc jamais !

Pour moi, le surf reflète aussi la liberté et la possibilité de se dépasser face aux éléments : le vent et la mer notamment. Mais je ne savais pas encore que la mer et le vent n’allaient pas être les seuls éléments contre qui j’allais devoir me battre… L’autre élément majeur auquel j’allais devoir faire face et que j’allais devoir affronter, et il n’est pas des moindres, c’est mon MOI. Ou plutôt mes MOI. Et ce n’est pas chose facile quand on sait que ces deux là sont toujours en contradiction.

L’affrontement allait donc bel et bien avoir lieu, face à la mer, face au vent et face à moi-même. Chacun dans leur camp, mes moi étaient partis pour s’opposer.

Mon moi profond d’un côté, qui ne souhaitait qu’une chose : lâcher prise, arrêter de penser, ne pas trop réfléchir, faire taire un moment les éternelles questions tout en continuant à explorer et à expérimenter. Ce MOI qui cherche, en ce moment, à se faire une place plus importante au soleil.

De l’autre, mon moi du quotidien. Le moi ancré, représenté par cette fameuse “bonne élève” qui cherche à tout bien faire parfaitement et à réussir quelque soit ce qu’elle entreprend, qu’elle soit débutante ou non, et surtout quelque soit la difficulté.

Mon moi du quotidien (la “parfaite petite bonne élève) dont j’avais déjà parlé ici et que je cherche à mettre de côté un peu plus souvent qu’avant. Et c’est justement ce MOI qui, pendant cette semaine, m’a un peu pourri la vie. Elle n’a évidemment pas compris quand je lui ai demandé à presque 30 ans de repartir de zéro. De, pour une fois, ne pas savoir. C’est là tout l’enjeu de l’expérimentation : tester, essayer, se tromper. Se retrouver dans une situation où il n’est pas possible d’être parfaite. Ne pas être en mesure de tout maîtriser. Comprendre la théorie sans réussir dans la pratique. Échouer. Souvent. Beaucoup. Vraiment beaucoup en ce qui me concerne pour le surf.

L’échec. C’est la raison principale pour laquelle je pourrais comparer le surf à l’apprentissage de la vie. Vue de loin, depuis la plage, quand on regarde les gens surfer, cela a presque l’air facile.

Cela donne l’impression que tu prends la vague et que tu te laisses porter. Oui mais voilà, tout comme dans la vie, c’est un peu plus compliqué que ça. Il y a tout un tas de conditions et de paramètres à prendre en compte : l’environnement, les autres, soi, les conditions météo puisque nous ne sommes pas à l’abri que le vent souffle fort et que le temps soit tumultueux, tout comme dans la vie. Et en surf comme dans la vie, si tu veux vraiment kiffer et te confronter aux grosses vagues, il faut ramer, vers le large, vers l’inconnu.

Avant de prendre une vague, il faut être patient, mais pas trop.
Surtout, avant de bien prendre une vague, il faut tomber 100 fois.
Se relever. Remonter sur sa planche. Ramer au large pour prendre la prochaine. Ramer, dans tous les sens du terme. Physiquement, mentalement. Pendant la rame, se prendre des claques. Des vagues en pleine face qui vous rappellent que le chemin n’est pas simple, mais pas insurmontable non plus puisque comme nous le disaient nos sages enseignants de surf :

“Si tu penses que c’est impossible alors oui c’est impossible. Après tout, c’est toi qui te fixes tes limites ».

Le surf, c’est aussi faire face à l’imprévu. Encore une fois ne pas pouvoir tout maîtriser. Attendre aussi, souvent. J’ai du me confronter à ce que je ne suis pas le moins du monde : la patience. Se tromper de vague et recommencer. Faire confiance à son instinct. Et surtout, se faire confiance.

Prendre le temps d’échouer. Prendre le temps de kiffer pleinement les deux secondes où tu es debout sur ta planche. Deux secondes pour te sentir vivant et te rendre compte à quel point tant d’efforts peuvent faire de deux secondes un moment si précieux. Comprendre à quel point aucun effort n’est vain mais qu’un seul effort ne fait pas tout non plus.

Mais laissons de côté les sentiments pour parler un peu plus de technique. Parlons du TAKE OFF.

Le TAKE OFF en surf, c’est le moment où tout commence.
C’est le mouvement qui permet de se mettre debout sur la planche et de prendre la vague. C’est en quelque sorte le moment de décoller.

Mais avant ça, il faut recentrer tout son corps. Réunir tous ses membres, ne faire qu’un, rassembler le corps et le mental. C’est là où les quelques sessions de Yoga pratiquées durant cette même semaine ont pris tout leur sens.

Le TAKE OFF, c’est aussi respirer.

Remplir ses poumons d’un bon air de confiance en soi. Se répéter que l’on peut le faire puisque c’est à nous de fixer nos limites.

Ne pas trop penser.
Ressentir. Pousser sur ses bras au bon moment et se donner l’impulsion nécessaire pour se mettre debout. Garder les mains sur la planche pour trouver son équilibre malgré le déferlement.

Regarder droit devant soi.
Ne surtout pas regarder ses pieds car si on regarde ses pieds, on est sûr de n’aller nul part. Continuer à regarder droit devant soi. Ne jamais lâcher la ligne d’horizon. Regarder le plus loin possible. Toujours.

Toutes ces pratiques sont, en y repensant, exactement ce que j’aimerai m’appliquer au jour le jour.
Pour toutes ces raisons, la découverte du surf aura été pour moi une nouvelle manière d’appréhender la vie. Dans la continuité de l’expérimentation du switch, il s’agit là de consolider les acquis et de continuer à sortir de sa zone de confort pour finalement se rendre compte à quel point on peut aussi être bien en dehors de cette zone (ou tout du moins tellement mieux).

Bien entendu, même en soignant le moindre des détails, même en faisant de son mieux pour y arriver, on perd souvent l’équilibre, on n’est pas toujours bien placé, la vague est parfois trop forte ou déferle trop vite pour nous, et on tombe. Mais l’envie de recommencer est toujours là.

Au surf comme dans la vie, on échoue forcément. Et j’ai échoué. 100 fois au départ, puis un peu moins souvent.

J’ai passé mes deux premiers jours à tenter d’intellectualiser tout ça. À me foutre la pression de voir les autres réussir et pas moi. Jusqu’à m’entendre dire par “les sages” que je pensais trop. Jusqu’à comprendre que oui, je pensais trop. Jusqu’à prendre conscience que je n’étais pas dans le moment présent mais dans la chute passée ou déjà dans le futur échec.

Échouer. Puis réussir aussi. 1 fois. Parfois 2 ou 3 par sessions. Parfois pas du tout.

Mais surtout, kiffer. Profiter de ce moment présent. Etre assez folle pour prendre du plaisir dans ce sport et commencer à aimer se prendre des claques de vagues en pleine face, celles-là mêmes qui te remettent bien en place.

Profiter de la force d’un groupe et de la sagesse de ceux qui ne vivent pas comme nous mais de qui nous avons beaucoup à apprendre.

Ceux qui te demandent d’arrêter de penser.
Ceux qui te disent aussi avec un large sourire mais une conviction sans faille que :

“Au Maroc, il n’y a que les oranges qui sont pressées”

Accepter que le décollage soit parfois approximatif. Continuer à travailler les take off pour être prêt le jour où la vague de sa vie arrivera. Et en attendant, accepter d’en refaire, sans cesse. Et surtout, prendre du plaisir à ça et avoir envie de continuer à décoller pour passer à la vitesse supérieure.

Un immense merci à ceux qui ont su faire de cette semaine d’apprentissage du surf une bien belle aventure. Ce sont vos sourires durant les sessions qui m’ont fait comprendre à quel point ces moments étaient si précieux.

shoukran & namasté.

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julie.brun

“Les mémoires d’une jeune femme dérangée”. Regard sur le monde, questionnements et débats intérieurs.