Tinder ou la théorie du choix

Thomas bart
8 min readOct 19, 2015

Récemment, une amie est venue dîner à la maison. Célibataire, elle a décidé de s’inscrire sur Tinder. Bien que je connaissais cette fameuse application de rencontres, je ne l’avais jamais touchée. Encore moins essayée. J’ai pu donc me lancer dans le grand plaisir du swipe. Pour ceux qui l’ignorent, c’est le mouvement de pouce vers la gauche ou vers la droite sur une photo. C’est une forme de like comme pour Facebook. (De mémoire). A droite, vous rejetez la personne. A gauche, vous l’autorisez à vous contacter. Cela peut-être l’inverse, je ne me rappelle plus. Cela n’a pas beaucoup d’importance. Il faut que les deux personnes se “swipent” mutuellement pour pouvoir se parler.

Pour décider, vous n’avez comme seule information que des photos.

A mon avis, le physique est le critère le moins important pour la stabilité d’un couple. C’est dire si Tinder vous permet de démarrer sur de bonnes bases votre quête de l’Amour !

Mais au fond, est-ce que Tinder a été fait pour chercher l’Amour ?

Le lendemain, un de mes clients m’a demandé un conseil sur un recrutement. Je ne suis pas un spécialiste du sujet. Mais il apprécie mon opinion sur des sujets qui sortent de mes prestations. De par mes expériences de management, il voulait mon avis sur des candidats pour un poste.

Je lui ai répondu que cela était assez simple. Je lui ai demandé si il avait déjà utilisé Tinder. En effet, son processus de recrutement était similaire à celui de Tinder.

  • Dans quelle mesure le “swipe” avait de l’importance ?
  • Dans quelle mesure les photos étaient bonnes ?

Il resta un peu bouche bée.

La vie est un jeu de poker permanent.

J’adore le poker. C’est passionnant ! On appelle cela un jeu à information incomplète. Vous devez prendre des décisions sans connaître toutes les informations. Mais c’est le pain de notre vie quotidienne. Nous prenons des décisions tous les jours sans avoir toutes les informations :

  • On choisit des plats dans les restaurants sans savoir lequel est le meilleur.
  • On prend un moyen de transport plutôt qu’un autre qui serait peut-être plus rapide le même jour.
  • … bref de multiples micro décisions.

Dans notre quotidien, il est facile de prendre ces décisions car :

  • Nous avons l’expérience. “Ayant goûté de nombreux plats, nous savons ce que nous aimons ou pas”. “Nous avons pris plusieurs itinéraires à cette heure-ci”. “Nous sommes habitués à acheter des vêtements dans cette marque”. L’itération de nombreux choix successifs nous donne de l’expérience qui aide notre décision.
  • Ce sont des décisions peu impliquantes. “Arriver 5 minutes en retard, ce n’est pas grave”. “Je veux tenter une nouvelle expérience culinaire même si je peux être déçu”. On ne joue pas sa vie sur un dîner ou un trajet de bus. Et souvent ces mauvaises décisions n’auront pas de conséquence néfaste.

La prise de décision pour une entreprise est exactement la même que pour un individu.

Parfois, les situations se compliquent et nous ne pouvons prendre de décision seul. Et cela pour une raison très simple : notre aversion au risque. On préfère parier pour gagner 100 € avec une chance sur 3 que 1 000 € avec une chance sur 20. (Alors que statistiquement, c’est plus intéressant de jouer pour 1 000 €). Dans le langage commun, on résume cela : “Un tien vaut mieux que deux tu auras”.

Dans les cas de figure de décisions complexes, nous utilisons des aides à la prise de décision. Ils peuvent se manifester sous plusieurs formes :

  • Humain. Notre confiance repose sur des avis glanés en masse. Comme TripAdvisor. Ce n’est pas une expertise mais le reflet de la multitude qui l’emporte parfois contre le système. (je vous recommande les article de Nicolas Colin à ce sujet ici et ).
  • Technologique. L’app citymapper vous donne le meilleur trajet en temps réel. Nous utilisons des applications ou des logiciels qui nous donnent des informations. L’optimisation dans le monde du digital se fait grâce à ces éléments. Que ce soit pour la conversion d’un site web ou pour l’UX d’une app, nous utilisons ces outils d’analyse. Ces analyses sont issues de traitement de données automatiques par des logiciels.
  • Expertise. Une entreprise fait appel à une agence ou à un consultant pour faciliter le projet. Nous lisons des critiques sur des guides spécialisés. On achète des études à des cabinets spécialistes d’un secteur. On reconnaît une autorité intellectuelle à l’entité expert sur le sujet. Son avis compte plus que celui des autres.
  • Confiance. On demande son avis à quelqu’un dont l’opinion nous importe. Même s’il n’est pas un spécialiste du sujet.

Parfois, ces aides ne suffisent pas. Nous sommes de fait dans une situation similaire au poker. Comment savoir si cela est une bonne décision ? Et comme c’est la vie d’un joueur de poker, cela a été théorisé.

Les conditions d’une bonne prise de décision

Il y a deux théories à comprendre au poker si vous voulez devenir un bon joueur :

a) L’EV + ou l’expected value positive. C’est la proportion de votre prise de risque par rapport à votre gain potentiel. Vous devez investir 15% de la taille d’un pot (l’argent déjà au centre) pour tenter de gagner :

  • Vous avez plus de 16% de chance de toucher une carte qui vous donnera le meilleur jeu. Vous devez jouer. Vous aurez la certitude de gagner. C’est intéressant sur le long terme car vous gagnerez plus d’argent.
  • Si vous avez moins de 16% de chance de toucher une carte qui vous donnera le meilleur jeu. Alors il faut arrêter car ce sera un gain nul voire une perte.

L’EV+ vous permet de connaître votre espérance de gain en fonction de votre risque. Dans le langage commun, on résume cela par : “Il faut que le jeu en vaille la chandelle”. ​

b) Le bankroll management. C’est la proportion entre ce qu’il faut investir pour jouer et votre trésorerie. Un bankroll management vous permettra de ne pas perdre plus que ce que vous pouvez perdre. Si vous voulez être prudent, il ne faut pas mettre plus de 5% de son compte en banque sur une table de poker. Si vous perdez votre mise complète, il vous reste 95% de votre épargne pour jouer. Ce qui vous laissera le loisir de pourvoir continuer à jouer.

Pour un joueur de poker, ces règles favorisent les situations pour prendre les bonnes décisions :

  • Quel est mon risque ? Si vous pouvez perdre une somme sans affecter votre capital …
  • Quel est mon gain ? Si vous jouez dans une optique de gain long terme …
  • Quel est le timing de mon risque ? On choisit ou non de s’asseoir à une table de poker …

Il en résulte un contexte de prise de décision optimale. Vous êtes serein et pouvez jouer à votre meilleur niveau.

Les critères d’une bonne prise de décision

De retour à mon client interloqué avec ses problèmes d’embauche. Je lui pose la question de ce qu’il recherche. C’est un bon orateur et bon entrepreneur. Il me présente la description du poste en faisant le lien avec la mission de l’entreprise. Comme il est bon, il me fait un portrait robot du candidat avec un poste enthousiasmant. Ce à quoi, je lui demande les qualités essentielles pour ce poste. Et de nouveau, on repart dans des compétences de développement et de management. Je finis par lui répondre qu’il cherche les mauvaises qualités.

Est-ce que Tinder est une application faite pour trouver l’amour ? La réponse est non. Tinder aide à faire des rencontres. En prenant des décisions peu impliquantes (peu de risques et peu d’investissement). Cette application facilite la rencontre. De la même manière, poster une annonce pour un job n’est pas hyper impliquant et l’on peut rencontrer moultes candidats facilement.

Mais le critère de sélection n’est pas le bon. Le grand amour ne repose pas sur ce critère (le critère du physique pour le grand amour). Le choix risque fort de ne pas être le bon. (Néanmoins, il n’est pas exclu que l’une de ces rencontres se concrétise en grand amour.)

Pour prendre de bonne décision, il faut réunir à la fois le contexte (risque/gain/timing) mais aussi les critères. Quels sont les éléments indispensables à la réussite de ma décision ? Si je ne devais en garder que un ou deux, quels seraient-ils ?. En analogie avec le poker, quelles sont les seules cartes qui vont m’aider à gagner. À me donner le meilleur jeu. Et pas aussi celles qui me donnent un jeu qui pourrait me faire gagner.

Il en va de même pour le recrutement de mon client. Il a rencontré 35 candidats avec un portrait robot en tête et des compétences associées. Sauf ce que ce robot n’existe pas dans la vraie vie. Il s’est trompé sur deux points :

  • Le swipe à gauche ou à droite n’avait pas d’importance. Il a passé des heures pour un recrutement de commercial. Il était facile de lancer une annonce et de recevoir de nombreux CV. Par contre, la sélection et les entretiens se sont avérés plus compliqués. Mais surtout, comme il a mal axé son univers de choix avant de commencé, il n’a pas pu effectuer de choix. Rien ne pourra rattraper son temps perdu.
  • Mauvais critère de décision. Les photos n’avaient pas d’importances car elles n’étaient pas le bon critère. Il s’est focalisé sur les compétences. Alors que les critères primordiaux devraient être la personnalité. On n’apprend pas à être humble. Par contre, on peut apprendre à coder. On ne peut pas apprendre à être très minutieux. Par contre, on peut apprendre à faire des macros sur Excel.

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Thomas bart

Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland