Will Conway (House of Cards) : quand l’action de communication guide la politique

Valentine Serino
4 min readMar 10, 2016

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Depuis le 4 mars dernier est disponible la tant attendue saison 4 de House of Cards, et évidemment je n’ai pas résisté à la regarder en entier. Vous êtes prévenus : si vous ne l’avez pas (encore) vue, mieux vaut arrêter votre lecture ici.

[Spoilers inside]

L’un des personnages marquants de cette saison est un nouveau venu : il s’agit de William Conway, gouverneur de l’Etat de New York et candidat républicain à l’élection présidentielle. Présenté au départ comme un beau gosse un peu lisse, son rôle connait une montée en puissance lors de la seconde partie de la saison. Mais en quoi vaut-il la peine d’écrire un billet ?

A la recherche de la couverture presse…

Dès l’épisode 7 nous « rencontrons » donc un candidat trentenaire, William Conway, ainsi que sa famille. Le ton est très différent du couple Underwood, et de la culture du secret que partagent Frank et Claire. Des Conway au contraire, l’électeur sait tout. Très vite, l’on réalise que toutes les actions de ce jeune loup sont guidées par un impératif : « Il faut que les projecteurs soient braqués vers nous ».

Le politique incarné par Conway apparait comme un Narcisse qui ne vit que pour briller, voir son reflet dans les lentilles des caméras, et dont l’action publique sert avant tout l’action de communication. Il s’agit d’agir pour se montrer. D’où un usage presque abusif d’Instagram, Twitter, de vidéos de réaction à chaque actualité chaude ; en bref, d’une communication qui valorise spécifiquement l’image et la reprise par les médias traditionnels.

Frank Underwood : « tout le monde a un point faible et voilà celui de Conway : il adore être en pleine lumière, il se sent presque invisible sans ça »

Si cette vision de la « génération Twitter » qui arrive au pouvoir est quelque peu exagérée, force est de constater que beaucoup de responsables politiques, américains ou non, possèdent certaines des caractéristiques de Conway… Au risque de faire oublier leurs idées derrière leur personnalité (quoi, ce serait fait exprès ??).

Une mise en scène permanente de la vie privée

Ressort classique pour s’humaniser, se rapprocher de la population, se rendre sympathique — et faire parler de soi : monter que derrière l’homme politique, il y a surtout un homme (fonctionne aussi pour les femmes politiques, n’y voyez aucun sexisme). Dans sa quête de transparence, Conway va jusqu’à rendre publics ses mails, vidéos, images de sa vie privée sur son site de campagne. Ou quand l’intimité niveau zéro devient un argument politique (« moi, je n’ai rien à cacher »).

Là où en France, certain(e)s créent encore des blogs pour s’exprimer, ici c’est l’usage de la webcam qui est préféré pour supprimer toute intermédiation entre le candidat et ses électeurs :

« Comme vous pouvez le constater, on ne vit pas dans la maison du Gouverneur. On vit dans une maison classique, comme la majorité d’entre vous ». Ah, montrer que l’on est du peuple !

Le candidat républicain a donc bien compris une leçon, sans doute évidente mais dont la logique est poussée à l’extrême : dans toute campagne, la persuasion vient du discours, des idées ; mais aussi en grande partie de la personnalité qui les porte.

Un parti pris de la série : les selfies comme symbole du couple Conway

Frank Underwood appartient quant à lui à une autre espèce d’animal politique, pour lequel le véritable travail du président est réalisé à l’abri des regards. Il rappelle en ce sens qu’à une époque où les citoyens sont en demande de transparence — demande que Conway satisfait — le secret reste une part non négligeable de l’exercice du pouvoir.

« 99% de ce boulot se déroule dans l’ombre. Aujourd’hui vous avez eu votre petit moment dans la lumière mais vous ferez quoi, quand vous aurez à prendre 1000 décisions dont personne n’entendra jamais parler ? […] Je pense que vous êtes excellent dans la course à la présidence, mais je ne pense pas que vous soyez équipé pour en être un ».

Underwood pointe du doigt LA faiblesse de la stratégie de son concurrent : la communication sert un projet, des idées, une personnalité. Mais à elle seule, elle ne saurait combler des défaillances programmatiques, et encore moins permettre de diriger un pays…

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