Réussir ses user interviews pour réussir sa startup

Gabriel de Vinzelles
Frst
Published in
6 min readDec 18, 2020

Mener des interviews utilisateurs factuelles et non biaisées est une compétence rare dans l’écosystème français et pourtant déterminante pour réussir sa startup. Sans méthode, il est très fréquent de collecter des informations biaisées lors de sa User Discovery. L’obtention du Product-Market Fit devient alors extrêmement aléatoire et douloureuse.

Cet article a pour objectif d’aider un entrepreneur à réussir sa phase d’User Discovery en menant de bonnes User Interviews. Il a été construit en recoupant les recommendations du Y Combinator, de The Mom Test, livre référence sur ce sujet, mais aussi des feedbacks d’entrepreneurs spécialistes de ce sujet (Jonathan, CEO de Maze, Adrien, CEO de Mozza) et d’User Researcher (Marine, Senior User Research chez Algolia).

Vous trouverez également ici notre guide d’entretien standard pour un projet tech et B2B.

Frst est un fonds de seed dédié à la nouvelle génération d’entrepreneurs français aux ambitions mondiales

Les premières semaines d’une startup sont consacrées à une période intense de discovery dont l’objectif est de cerner le problème identifié et comprendre s’il est suffisamment profond pour justifier la création d’une nouvelle solution capable de grandir très vite.

Le principal outil de cette phase de discovery est l’interview des futurs utilisateurs du produit. Ce sont eux qui expérimentent le pain point que l’on souhaite régler. Pour une startup, dont l’avantage compétitif est d’offrir une meilleure expérience à ses clients, la capacité des fondateurs à collecter des retours utilisateurs pertinents lors d’interviews qualitatifs est donc absolument clé et déterminante pour, dans un second temps, tester quantitativement ces hypothèses et trouver son Product-Market Fit.

Et pourtant les meilleures pratiques permettant de réussir cette phase de User Discovery sont peu connues. En conséquence il est fréquent que les entrepreneurs construisent leur produit à partir d’un feedback utilisateur partiel, voire faux, et perdent de précieux mois dans leur recherche du Product-Market Fit.

I. Préparer ses User Interviews

Créer un guide d’entretien afin de standardiser la collecte d’informations

Ce guide d’entretien comporte les questions que l’on posera aux utilisateurs. En suivant ce guide, c’est-à-dire en posant les mêmes questions aux utilisateurs on obtient une information suffisamment consistante pour apprendre de ces utilisateurs. En suivant cette logique, il est préférable de poser un nombre limité de questions choisies, plutôt que de démultiplier les interrogations et se perdre dans trop d’informations.

Ces questions recouvrent généralement trois interrogations : 1/ Qui est l’utilisateur, 2/ Quel est son environnement et 3/ Comment expérience t il ce problème.

Afin de ne pas partir d’une feuille blanche nous avons réuni au sein de ce guide d’entretien une liste de questions standards. Ce guide d’entretien est spécifique à un projet tech et B2B.

Segmenter objectivement vos utilisateurs

Afin de collecter des informations consistantes d’interview en interview, et d’éviter de vous noyer sous un torrent d’informations, il faut concentrer votre recherche sur un segment précis d’utilisateurs. Sans cette segmentation le problème sera exprimé et rencontré avec une variance trop forte et le mécanisme d’apprentissage sera bloqué. Dès que possible, essayez de zoomer sur un segment, et réaliser au moins 5 interviews de ce sous-segment (chiffre à partir duquel vous devriez normalement arrêter d’apprendre de nouvelles choses)

Exemple
Projet : SaaS automatisation du marketing pour retailers
Segment : retailers
Sous-segment 1 : restaurateurs
Sous-segment 2 : restaurateurs indépendants
Sous-segment 3 : restaurateurs indépendants réalisant plus de €5m de CA
-> Réaliser dès que possible 5 interviews du sous-segment 3

II. Réaliser ses User Interviews

Collecter des faits, pas des opinions

Une User Interview a pour unique objectif de collecter des faits sur qui sont vos utilisateurs et comment ils expérimentent le problème que vous souhaitez régler.

Une astuce simple à mettre en oeuvre et qui supprime instantanément de puissants biais consiste à ne pas mentionner le produit que vous voulez construire. En mentionnant votre produit vous sortez d’une discussion factuelle en exposant votre ego. La discussion prend une tournure commerciale, et vous invitez implicitement l’utilisateur à valider votre projet. Lorsque ce mécanisme se met en place, l’utilisateur est alors contraint de vous encourager (il est socialement contraint de le faire). Encore pire si votre produit ne raisonne absolument pas avec sa problématique, vous complimentez ne coûte rien et est le meilleur moyen de se débarrasser de vous. Fuyez les compliments, privilégiez les faits !

L’interviewer doit veiller à ce que la conversation reste factuelle en évitant notamment les structures de phrase hypothétiques (le conditionnel par exemple) ou les structures de phrase imprécises ou trop génériques.

Exemple pratique :
- Mauvaise question : “Est-ce que vous seriez prêt à acheter cette fonctionnalité d’export de vos données sous format excel ?”
- Correction : “Combien de temps passez-vous par semaine à exporter manuellement vos données excel ?”

Exemples de question factuelle :
- Parlez-moi de la dernière fois que vous avez rencontré ce problème ?
- Pourquoi était-ce difficile ?
- Avez-vous déjà essayé de régler ce problème ? Comment ?
- Pourquoi n’avez-vous pas acheté cette solution ?

Demander à vos utilisateurs de s’investir pour jauger leur motivation réelle

En fin d’entretien, si cela est possible, demander à vos utilisateurs de s’engager. L’objectif n’est pas de forcer une vente, mais de vérifier que l’utilisateur est prêt à s’engager pour vous. Un compliment ou une promesse sont gratuites. Afin d’évacuer ces faux positifs il faut demander à vos utilisateurs de s’investir davantage lors de votre prochaine échange, par exemple avec de l’argent (pre-order, LOI, etc.), avec leur temps (donner des feedbacks sur des maquettes, etc.) ou leur réputation (quote client, case study, introduction à un partenaire, etc.).

Autrement dit, plus un utilisateur s’engage à vos côtés, plus il faut considérer ses feedbacks.

Parler moins

Laissez parler le plus possible l’utilisateur sans chercher à orienter sa réflexion. Ne pas chercher à combler les silences de la discussion qui permettent à l’utilisateur de préciser ses idées. Eviter de trop vite rebondir à ses remarques. C’est un exercice difficile mais nécessaire. Si vous parlez plus que les utilisateurs que vous interviewez, vous êtes probablement davantage en train de chercher à convaincre votre utilisateur plutôt que de comprendre sa problématique.

Noter / Enregistrer les discussions

Il est probable que des informations notez à un instant t ne révèlent leur valeur que plus tard dans la vie de votre startup. En conséquence prenez le maximum de notes et conservez-les précieusement. Comme il est difficile de prendre correctement des notes en même temps que poser des questions, enregistrez les discussions.

III) Objectiver les informations collectées

Les résultats de ces interviews qualitatifs devront ensuite être validés par des tests quantitatifs avant d’être définitivement intégrés dans votre produit. Néanmoins une méthode simple pour rapidement objectiver le résultat de vos User Interviews consiste à rattacher dans un fichier excel pour chaque question des citations complètes d’utilisateurs. Ainsi vous assurez une certaine robustesse de votre analyse, limitant la ré-interprétation des résultats ainsi que votre biais de confirmation.

IV) Organiser la diffusion de l’information au sein de l’équipe

Le principal enjeu est d’éviter la création d’un information bottleneck liée à la concentration des feedbacks utilisateurs dans les mains d’une seule personne (généralement le CEO). Cette concentration peut mener le propriétaire de l’information à se positionner comme l’unique sachant des besoins du client, augmentant le risque qu’en cas de collecte d’une information erronée l’équipe construise un produit inutile.

Il convient alors de limiter ce risque en intégrant plusieurs co-founders dans les interviews et en partageant méthodiquement chaque Interview entre co-fondateurs. Cette exercice de partage de l’information permet également de veiller à ce que les questions déterminantes obtiennent des réponses consistantes.

Un immense merci à Marine Dias, Jonathan Widaski et Adrien Montcoudiol pour leurs insights 🙏🙏🙏.

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