À ceux qui parlent d’expérience utilisateur sans en avoir rencontré récemment…

Guewen
Demain sera bien. Par Haigo.
4 min readMar 27, 2018

Maintenant que le Design Thinking n’est plus un simple phénomène de mode, que l’on n’a plus à justifier les mérites d’une approche centrée sur l’utilisateur final et que l’on voit fleurir les Chief Customer Officers, j’ai pris pour habitude de poser 2 questions très simples en rendez-vous :

1/ Êtes-vous client de votre propre marque ? A défaut, avez-vous déjà réellement vécu l’expérience client que vous proposez ?

2/ De quand date votre dernière rencontre réelle avec un de vos utilisateurs ? Qu’il s’agisse d’un(e) client(e), d’un(e) candidat(e), d’un(e) partenaire, d’un(e) salarié(e)…

Je ne demande pas le PPT de la dernière étude d’un cabinet de conseil, ni les résultats de la dernière enquête terrain auprès de milliers de répondants, ni la segmentation client issue d’une plongée dans un data lake de plusieurs millions d’entrées…

Je ne parle même pas d’argent.

Non, je ne parle que de temps, et d’une volonté sincère de les rencontrer.

Concrètement, il s’agit de prendre quelques heures, avec un peu de matériel et un minimum de préparation pour cultiver cette fameuse empathie que prêchent tant de Design Thinkers. Les mêmes qui tentent de vous faire innover à grand renfort de post-its dans des espaces de créativité où l’utilisateur n’est quasiment jamais invité.

Ces questions, je les pose à des DRH ou des Directeurs Marketing de grands groupes, mais aussi à des designers, des architectes, des consultants ou des start-upers.

Dans la majorité des cas, un léger malaise s’en suit.

Je suis fasciné par la capacité du marché à négliger (ou simplement oublier) une démarche très simple : sortir le plus souvent possible de son bureau pour poser quelques questions ou tester une idée, une hypothèse ou un prototype, auprès d’un utilisateur réel.

Selon la légende, ceci est une fenêtre du Government Digital Service UK (qui a faitéconomiser quelques milliards à la couronne en remettant l’utilisateur au centre de ses travaux).

Quand l’utilisateur disparaît derrière des sigles, des outils et des écrans

Dans les agences de publicité, les Planneurs Stratégiques sont les spécialistes des tendances, ceux qui alimentent les briefs créatifs avec de précieuses observations sur les comportements. Et pourtant, Ogilvy UK a du demander à ses experts de lever le nez de leur Mac pour parler à de vrais gens.

Je lisais récemment une tribune dans un magazine référent sur l’expérience utilisateur comme atout indispensable au marketing digital. On y trouve toute une liste de technologies et d’abréviations mais jamais la mention d’un être humain.

80% des User Interface ou User eXperience Designers que je rencontre sont des gens très doués en terme de Design. Le problème, c’est qu’ils sont restés dans un open space, à produire des écrans au kilomètre, pour qu’ils soient mis en ligne sans avoir été testés par un utilisateur. Certes, ils ont parfois assisté à un focus groupe ou lu les résultats d’un test externalisé, mais ce fut généralement en fin de projet, quand les améliorations ne pouvaient se faire qu’à la marge.

Je lis des interviews de Directeurs Marketing sur les Data Management Platform ou les outils de Customer Relationship Management les plus poussés, entretenus par des Data Scientists brillants. Ces derniers mettront-ils un visage derrière les terabytes de données qu’ils segmentent à longueur de journée ? Est-ce vraiment plus facile de tirer des enseignements d’une stack technologique que de poser des questions à des clients ?

La plupart des briefs que je lis pour faire ou refaire un dispositif ne comportent que trop rarement les besoins ou les frustrations d’utilisateurs. Encore trop souvent, on parle de technologies avant de parler de la tâche qu’elle devra faciliter pour une audience donnée.

Je suis amusé par la quantité d’ateliers Design Thinking dans lesquels on s’égaye à résoudre des problèmes théoriques pour des utilisateurs que l’on ne va pas rencontrer. Sauf à considérer qu’un persona imprimé au mur suffit. Mais ce dernier a-t-il été construit à partir d’une enquête terrain ?

Et pourtant, c’est simple et rapide de se rapprocher de ses utilisateurs

Il suffit de rencontrer 5 représentants d’une population cible pour couvrir 80% des attentes de cette population (selon Nielsen Norman Group).

Vos premiers utilisateurs sont souvent dans vos locaux, à portée de main à la cantine, à la machine à café ou dans votre rue (eat your own dog food, comme on dit).

Les outils pour faire et enregistrer des tests sur tout type de support digitaux ne coûtent presque rien (votre téléphone mobile, un outil comme Marvel ou Silverback, du papier, un crayon) .

Pour rappel : dans UX, il y a “user”

S’il vous plaît, amis, clients, partenaires, étudiants : n’oubliez pas que derrière la User, Customer ou Candidate Experience, il y a le besoin de faire un minimum de recherche, auprès de vraies personnes.

Avant d’organiser un appel d’offre, de repenser un produit, de produire un contenu ou d’organiser un atelier, prenez le temps de rencontrer ceux qui les utiliseront.

Ce n’est qu’une question de volonté, tout en étant d’une simplicité et d’une efficacité rares ces temps-ci.

PS: chez Haigo, nous ne commençons pas un projet sans avoir fait cette recherche. Cela nous a mené à Singapour, Cambridge, Sablé Sur Sarthe ou encore Saint Avit (entre autres). Nous y avons rencontré des centaines de salariés, étudiants, membres de Comex, candidats, journalistes, clients ou personnes à mobilité réduite pour trouver de vrais problèmes à résoudre mais surtout concevoir et produire des solutions utiles. Nous formons chaque année une centaine d’étudiants d’HEC, ESSEC, 42 ou le Celsa à avoir les bons réflexes et sortir de leur salle de classe. On en parle?

Note : cet article a initialement été publié sur LinkedIn le 1er Juin 2017

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