Phase II — Challenge accepted : business planning et test terrain du modèle économique
Résumé de l’épisode précédent
Petit retour en arrière et exercice d’introspection sur les 3 premières années de construction de Grow Up. Nous vous expliquions ces dernières semaines (lien ici) comment nous avions abordé les réflexions menant à la mise en place d’une offre répondant au besoin spécifique que nous avions détecté, en partant de nos points forts, en nous basant notamment sur une très bonne connaissance de notre marché et de nos concurrents. Nous continuons cette série de 3 articles où nous faisons ici un focus spécifique sur la façon dont nous avons abordé la problématique du modèle économique, en suivant un axe principal de réflexion : comment abaisser les barrières à l’entrée de nos services et permettre à des sociétés aux fondations économiques encore fragiles de bénéficier de cet apport d’expertise externe, à un moment où elles en expriment fortement le besoin ?
Là encore, notre connaissance du métier fût source de plusieurs observations pour dégager des pistes de réflexions et tenter d’imaginer des solutions :
1ère observation terrain : Le coût global des missions de conseil est souvent élevé et donc peu abordable pour des jeunes structures, et ceci pour deux raisons (parfois cumulées) :
1. Une mission de conseil est de façon classique ordonnancée en une suite d’étapes indissociables qui sont facturées en totalité sans précisément prendre en compte le besoin du client. La métrique utilisée pour chiffrer les missions étant principalement un coût horaire environné (corrélé à des coûts fixes et variables propres au fournisseur de conseil ; une grande partie des missions de conseil sont ainsi vendues plus chères que le temps effectif qu’elles nécessitent pour répondre au besoin spécifique du client.
Notre solution pour pallier à ce point : découper l’offre de service Grow Up de façon beaucoup plus fine pour tenter de 1) coller au plus près au besoin du client afin d’avoir un impact maximum, et ainsi 2) rendre plus abordable l’accès à nos services en abaissant le coût d’entrée et ainsi nous permettre de démontrer la valeur ajoutée de notre intervention, afin de créer de la récurrence.
2. Le mode de facturation des cabinets de conseil n’a pas foncièrement évolué depuis des décennies : facturation en 1 ou 2 étapes importantes avec des sommes significatives en jeu (notamment en cas de facturation au succès qui intègre de forts multiples — très souvent déraisonnés — pour « valoriser la prise de risque »), lourdes à supporter pour des structures ayant une tension forte sur leur flux de trésorerie (ou cash-flow pour les initiés) du fait de leur forte croissance.
Notre solution pour pallier ce point : proposer un modèle de facturation calé sur les solutions SaaS (Software as a Service ou logiciel en tant que service) avec un abonnement mensuel à nos services sur une durée limitée dans le temps et créer en quelque sorte une « facilité de paiement » pour nos clients. Ce point était le plus « exploratoire » : aucun autre cabinet ne pratiquant alors, à notre connaissance, ce type de modèle qui impliquait une part de risque significative mais qui aurait pour but d’instaurer un climat de confiance et une relation de long terme, qui forment aujourd’hui le socle du modèle Grow Up.
2ème observation terrain : le chiffrage d’une mission de conseil incorpore un taux important de dépenses « indirectes » ou « d’environnement ».
Pour faire simple, si un cabinet chiffre une mission à 5 jours de travail au taux journalier de 1500€/jour, ce coût journalier incorpore non seulement le coût margé du consultant intervenant sur la mission (selon son profil) mais également une portion significative de dépenses de fonctionnement (loyer, coût des fonctions support, chargés de veille, charges externes…remboursement de la dette en cas de LBO 😊). Cela provient du fait que l’activité de conseil n’est intrinsèquement pas scalable et que les process métiers sont encore très peu automatisés et fonctionnent « à l’ancienne ». Il existe également énormément de « temps de perte » sur une mission où la valeur ajoutée est faible, voire nulle (récupération de documents d’entrée, vérification de document, extraction d’infos pertinentes), ce qui peut alourdir significativement la facture finale.
Notre idée pour pallier ce point : Développer une solution en propre qui nous permette de 1) considérablement fluidifier les échanges avec nos clients, 2) automatiser le maximum de tâches à plus faible valeur ajoutée, et 3) diminuer les temps de perte afin de répercuter ces gains sur le taux journalier, et le calcul du temps à passer sur une mission.
Ces différentes réflexions nous ont amenés à imaginer et maquetter les flux de ce qui deviendra « La SERRE », pour permettre à nos clients de pousser au chaud (😊), avec le soutien d’un outil dédié à la production de nos missions et qui automatise un grand nombre de tâches de back-office (prise de commande, contractualisation, facturation, récupération de document, modèles de production préremplis, gestion des échanges et demandes clients…). Voulant toujours appuyer sur ces aspects de pédagogie et de communication décalée qui nous sont chers, nous avons également lancé la conception de « TIPS », une base de données avec des articles et des vidéos informatives sur certains points plus ou moins techniques de notre métier. L’idée était de livrer l’information gratuitement, pour laisser les gens se l’approprier, et démontrer que certains sujets étaient tout à fait abordables, même pour des personnes n’ayant aucune expertise spécifique de l’entrepreneuriat.
Premiers concepts de la SERRE et TIPS ⬇
Armés de nos convictions et persuadés que la SERRE et TIPS nous permettraient de conquérir le monde, ou plus modestement (dans un premier temps !) notre segment de marché, nous nous sommes lancés dans la rédaction du BP et dans l’établissement du prévisionnel financier. Notre stratégie consistait à progressivement pousser au maximum le modèle économique CaaS, basé sur de la prise d’abonnement avec une tarification très accessible (à partir de 100€ HT/mois) pour notre première offre de service en stratégie, qui propose pourtant une très forte valeur ajoutée (traditionnellement tarifée à plusieurs milliers d’€ chez des cabinets classiques). Les prévisions initiales de notre BP étaient ainsi les suivantes :
Si notre BP reposait en partie sur un modèle tel que classiquement utilisé dans le CaaS (missions) ; celui-ci devait également reposer sur la Serre, pour tendre progressivement vers des opérations récurrentes, et s’éloigner de l’aspect « one shot » de certaines missions. L’idée est plutôt bonne non ? Sur le papier, en tous cas…
Notre BP et prévisionnel financier en main, nous nous sommes dit qu’il s’agissait du bon moment pour se faire challenger et obtenir un feedback externe. Car, si nous maîtrisions parfaitement la méthodologie pour générer les documents de base permettant de cristalliser nos hypothèses (BP, prévisionnel financier, plan de financement), nous avions besoin de ce regard critique externe sur notre projet pour déceler les points que nous aurions inévitablement manqués lors de notre analyse. Ce fût un vrai plaisir de travailler avec plusieurs entrepreneurs et structures d’accompagnement (nos collaborateurs aujourd’hui !) qui, avec un œil acéré et leur expérience de ces phases de planning, ont su rapidement mettre le doigt où ça fait mal ! Un échange spécifique nous revient particulièrement en tête, car il nous avait, à l’époque, un peu bousculé :
Intervenant — « Votre modèle économique me paraît un peu exotique, les clients ne sont pas du tout habitués à ces tarifs… Et ce fonctionnement par prise d’abonnement avec engagement me paraît un peu difficile à comprendre… Vous avez au moins testé ça sur différents prospects potentiels j’imagine ?»
Nous — « Testé ? Euh ouais on en a parlé entre nous, ça peut marcher hein »
Intervenant — « Ok, allez discuter avec au moins 50 clients potentiels, obtenez un max de feedback et revenez me voir avec vos conclusions !! »
Dans notre enthousiasme, nous avions un peu oublié la phase cruciale de test terrain… Nous étions juste convaincus que notre connaissance du métier nous avait apporté des solutions adaptées, sans trop considérer les habitudes et modes de fonctionnement solidement en place.
Nous nous sommes alors lancés un challenge (assez déroutant à ce stade où les incertitudes sont encore très fortes) : trouver 50 prospects qui entrent dans la cible de notre offre et qui n’étaient pas issus de notre réseau direct (afin d’éviter tout biais de réponses associées au syndrome du « Je ne vais pas être désagréable avec mon pote, il a beaucoup bossé et est très enthousiaste… et en plus ça ne me coûte rien à ce stade »), puis les inviter à prendre un café et leur présenter notre offre de service, nos tarifs, notre mode de travail (la SERRE avec quelques mockups qui désignent un prototype d’interface utilisateur) et notre modèle économique.
Avec du recul, cette phase fût assez brutale et, bien entendu, immensément riche en enseignements. C’était la première fois que nous faisions face à notre nouvelle réalité : convaincre une population d’entrepreneurs et de dirigeants que nous ne connaissions pas si bien que cela finalement, sans pouvoir bénéficier de track record ou de recommandations externes, en présentant un concept un peu novateur et qui amène beaucoup de questions… Sans que nous ayons vraiment les réponses à apporter dans la plupart des cas. Toutefois, nous avons pu sentir, à travers la trentaine d’échanges très qualifiés que nous avons pu avoir, que notre offre et notre modèle étaient très attractifs et se différenciaient fortement de ceux des autres acteurs en place. L’intérêt était réel, au point que plusieurs de ces échanges ont rapidement donné lieu à des premiers contrats et à l’instauration d’une relation de long terme avec ces « early adopters ». Nous les remercions d’ailleurs pour leur confiance du premier jour !
Retour chez notre expert accompagnateur pour un débrief de cette phase de test :
« Alors… Quelles sont vos conclusions ? ».
S’il était clair que l’opportunité était réelle et que nous avions bien identifié le besoin et imaginé une réponse pertinente, la phase de test terrain avait fait apparaître plusieurs warnings, notamment sur la perception de notre offre (faible prix = faible valeur ajoutée ? Alors que nous voulions démontrer le contraire !), mais aussi sur le modèle de tarification et sur les potentielles faiblesses du modèle CaaS. Tout ceci nous a permis d’affiner plusieurs hypothèses du prévisionnel financier avant d’aller nous confronter aux banques et agences de financement, pour nous aider à financer la mise en développement de la SERRE et de TIPS.
Toutefois à ce stade, nous n’avions pas encore assez avancé sur ces outils pour les présenter et les faire tester par nos early adopters, ce qui fut une réelle erreur, comme nous le verrons au prochain épisode…
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