Au sein de toute activité design, la pratique du designer est singulière et réflexive. Singulière car son déroulement est unique et propre au sujet qui, par son expérience et ses habilités réfléchit, assimile et pratique à sa manière. Réflexive car le sujet développe et questionne sa pratique simultanément pour la transformer et se transformer. Puisque non prédéfinies, les composantes caractéristiques de chaque pratique fixent la limite de notre instrument et nous contraignent à identifier par récurrence statistique seulement certaines typologies d’entités à représenter.

En exploitant dans notre recherche à la fois les inscriptions intentionnelles de connaissances et les traces de l’activité du sujet, nous pouvons réfléchir l’essentiel du processus design sous-jacent de la pratique. Bien qu’incomplet, ce réfléchissement permet au sujet d’éclaircir la chronologie de sa pratique, de prendre un recul nécessaire sur l’activité et sur sa manière de pratiquer, de créer et de rendre intelligible des relations entre les artefacts, et d’optimiser ses habilités de réflexion et d’assimilation en substituant en partie le rôle cognitif du sujet.

En représentant les états successifs de la pratique sur une chronologie, l’instrument est un support sensible exploité par le sujet pour actualiser à la fois sa réflexion et les schèmes utilisés au cours de la pratique. Nous définissons comme meta modèles de représentation l’aperçu miniature des inscriptions qui permet au sujet de se projeter et d’interpréter instantanément ce qu’il a généré, et le détail des interactions des traces de l’activité qui reflètent des caractéristiques de la pratique du designer (outils utilisés, gestion du temps, récurrence des connaissances, etc.). Nos expérimentations exploreront d’autres formes de représentation et induiront de nouvelles interactions.

Notre instrument permet au designer d’annoter sa pratique, afin d’expliciter des relations et de donner du sens en inscrivant de nouvelles connaissances. Ces annotations sont les témoins d’une démarche réflexive externalisée opérée sur une visualisation de la pratique, et se prêtent à une itération approfondie. Par essence informatique, l’instrument peut communiquer avec le sujet et lui émettre des feedbacks sur sa pratique. Ceux-ci sont une manière de collecter des informations ou de suggérer des ajustements de la pratique par la représentation de statistiques.

Malgré tout, notre recherche ne peut pas qu’être technocentrée et se limite à la coopération du sujet, à son utilisation de l’instrument et à sa compatibilité avec les caractéristiques exploitées par l’instrument. Le projet de réfléchir la pratique du designer se confronte à une question plus large qui est celle de la définition des paramètres impliqués dans le comportement du designer au cours de sa pratique. Puisque chaque pratique est sociale et intrinsèquement liée à son praticien, notre instrument ne se révèle pertinent que pour quelques designers mais sert de prétexte à une réflexion épistémologique plus large sur le design et au déroulement de ses diverses pratiques.

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