Le rôle des fournisseurs de liquidités dans le Margin Protocol

Pascal Tallarida
Jarvis Network (France)
12 min readDec 17, 2019

Dans cet article nous allons détailler la relation au sein de notre premier protocole, le Margin Protocol, entre les utilisateurs qui spéculent, les traders, et ceux qui apportent de la liquidité, les fournisseurs de liquidités (que l’on appellera LP, pour Liquidity Provider, par commodité, et qui font référence aux market makers).

Les protocoles de Jarvis permettent l’uberisation du courtage ; un peu comme AirBnb est le plus grand hôtelier du monde, sans ne posséder aucun hôtel, notre protocole a pour ambition de devenir la plus grande place de courtage au monde, sans ne posséder aucun courtier.

TLDR: le Margin Protocol permet aux utilisateurs de trader n’importe quel actif, du Forex aux actions en passant par les crypto-monnaies, contre des pools de liquidités alimentées par d’autres utilisateurs. Les plus aguerris peuvent automatiquement couvrir leur exposition sur les vrais marchés via leurs propres brokers.

Comment ça marche ?

Les traders tradent contre les pools de liquidités du protocole, alimentées par les LP. Chaque pool est différente, et les traders sont libres de choisir avec laquelle trader, en fonction de ses paramètres : certains sont prédéfinis par le protocole (source des prix, spread et apport minimum) quand d’autres sont à la discrétion du LP alimentant la pool (effet levier, système de marge isolé ou général, instruments supportés, spreads et/ou commissions, frais de financement, règlement différé ou instantané, etc.).

Source de prix

Les sources de prix sont choisies en fonction de la possibilité pour les LP de pouvoir se couvrir (explication plus bas) ; par exemple la source de prix peut provenir de FXCM, permettant aux LP de se couvrir en ouvrant un compte avec ce courtier.

Cependant, dans un système décentralisé, utiliser des données extérieures à la Blockchain, comme le prix d’une action, comporte un risque : un attaquant pourrait s’intercaler entre la source de prix et la Blockchain, et alimenter cette dernière avec des données erronées ; il pourrait faire croire qu’une action a doublé pour encaisser un profit à la défaveur de sa contrepartie. A l’avenir, un réseau de validateurs contrôlera l’intégrité des données en comparant les prix de la source aux prix donnés à la Blockchain. En cas de fraude, l’attaquant ne pourrait pas en profiter.

Règlement des trades

Certains LP optent pour un règlement toutes les heures ou tous les jours, d’autres pour un règlement instantané. Il s’agit de calculer les gains et les pertes des traders à intervalle de temps régulier dans le cas d’un règlement différé, et de ne faire qu’un paiement final plutôt que de réaliser autant de paiements qu’il n’y a de trades, dans le cas du un règlement instantané.

Pour un trader, le règlement instantané lui permet de retirer son capital à tout moment, alors que le règlement différé ne lui permet de retirer son argent qu’aux intervalles définis, toutes les heures ou tous les jours. Pour un LP, un règlement journalier permet une meilleure gestion de son risque, de sa couverture et de sa trésorerie, et peut lui permettre de proposer de biens meilleurs prix qu’un LP concurrent qui opterait pour un règlement instantané.

Effet levier

Chaque fois qu’un trader ouvre une position, une partie de leur dépôt et une partie de la pool de liquidités — la marge requise — sont immobilisées et servent de collatéral pour leurs positions respectives. En effet, puisque le protocole est la contrepartie des traders, les deux parties détiennent chacune une position opposée.

Toutefois le collatéral de la pool de liquidités peut varier : par exemple dans le cas ou un trader ouvre une position inverse à celle d’un autre trader, une compensation s’organise au sein même de la pool, et cette dernière peut ne plus être la contrepartie. Dans les faits, la pool de liquidités immobilise une marge correspondante à son exposition totale, soit la somme agrégée des volumes acheteurs et vendeurs des positions ouvertes (cette somme peut donc être positive, nulle ou négative).

Puisqu’une partie des fonds des pools de liquidités est immobilisée pour le collatéral de leurs positions, leur taille limite leur exposition maximale, et il se peut donc que plus aucune position ne puisse être ouverte faute de liquidité. Auquel cas le LP est invité à en rajouter au risque que les traders préfèrent se diriger vers une pool de liquidités plus fournie, ou au risque de subir un appel de marge…

Appel de marge`

La marge sert à limiter l’exposition maximale et à protéger le capital des parties. Les pools peuvent proposer un système de marge isolé ou général.

Pour le trader, avec un système de marge isolé, sa perte maximale sur une position sera limitée à son collatéral : la position se fermera automatiquement si sa perte égale sa marge requise.

Par exemple, si le trader a un compte de 500 euros, et qu’il ouvre une position de 10 000 euros, 100 euros seraient requis pour le collatéral de cette position (effet levier de 100), et celle-ci se fermera automatiquement si la perte sur cette position égale 100 euros.

En cas d’appel de marge général, les positions ne se fermeront que si le solde de son compte moins du résultat net de toutes ses positions ouvertes — communément appelé l’equity — tombe sous un certain niveau.

Avec le même exemple, si l’ensemble des positions ouvertes du trader nécessitaient 200 euros de marge, si ces positions étaient perdantes de 300 euros, alors elles se fermeraient.

Dans les deux cas, il n’est donc pas possible de perdre plus que le capital déposé ; la perte maximale est toutefois plus petite dans le système isolé.

Pour le protocole, le système d’appel de marge est toujours général. En tant que contrepartie de tous les traders, le résultat net de toutes les positions ouvertes peut être positif (les traders gagnent plus qu’ils ne perdent) ou négatif (les traders perdent plus qu’ils ne gagnent) ; si l’equity d’une pool passe en dessous d’un certain niveau, elle sera en état d’appel de marge, et n’aura plus assez de collatéral pour assurer le maintien de ses positions. Elles seraient automatiquement toutes fermées, que les positions soient gagnantes ou perdantes, et payées. Pour éviter cette situation, les LP sont invités à contrôler le niveau de la collatéralisation des pools, et à le maintenir au-delà d’un certain niveau, en continuant à apporter de la liquidité le cas échéant. S’ils échouent, le reste de leur dépôt sera confisqué, et partagé entre tous les traders en position, pour les dédommager. Dans le futur, lorsqu’une pool serait dans une telle situation, d’autres LP pourront venir à son secours et être récompensé pour cela.

Les LP qui failliraient à apporter suffisamment de liquidités, ou qui laisseraient un appel de marge se passer, perdra confiance des utilisateurs, qui cesseront probablement de trader avec lui.

Dans tous les cas, maintenir suffisamment de liquidités, et en fournir, fait porter un risque aux LP, qu’ils peuvent annuler en utilisant une stratégie de couverture et de market making

Stratégie de couverture

En échange de leurs liquidités, les LP perçoivent du spread et des commissions. Fournir de la liquidité peut être une activité très lucrative, mais fait supporter un risque de pertes aux LP : en effet, dans le cas où les traders d’une pool gagnent plus qu’ils ne perdent, et que le résultat net des positions est supérieur aux commissions perçues par le LP, celui-ci commencera alors à perdre de l’argent jusqu’à la potentielle perte totale de son dépôt. Toutefois ce risque peut être annulé.

Les LP ont deux options, que l’on a couvert en détails dans l’article sur les market makers :

  • A Book : couvrir l’exposition des pools de liquidités sur les marchés réels pour neutraliser le risque et se rémunérer sur les spreads ou les commissions.
    Rappelez-vous, les sources de prix du protocole viennent d’entités choisies et compatibles ; par exemple, si la source de prix est FXCM, les LP pourront ouvrir un compte chez de courtier et y connecter l’API au protocole de manière à pouvoir se couvrir : chaque fois qu’une position est ouverte sur le protocole, une position similaire est ouverte sur le compte de trading du LP, couvrant ainsi le risque de l’ensemble des positions de la pool.

Lorsqu’un trader gagne 20 euros, la pool, et donc le LP, les perd ; mais, la position ayant été couverte, le LP gagne 21 euros sur son compte de trading FXCM ; il encaisse donc un spread de 1 euro (chiffre fantaisiste pour l’exemple). Inversement, lorsqu’un trader perd 50 euros, la pool et donc le LP les gagnent, mais ce dernier perd 49 euros sur son compte de trading ; il encaisse la encore un spread de 1 euro.

  • B Book : ne pas couvrir l’exposition des pools pour se rémunérer sur les pertes des traders.
    La plupart des traders sont perdants, poussant les LP à ne pas se couvrir et préférer prendre le risque d’être la contrepartie. Auquel cas, il s’agit d’un jeu à somme nulle : les pertes des traders vont dans la poche des LP, et inversement. Il n’y a pas de conflit d’intérêt puisque les fournisseurs ne peuvent en aucun cas manipuler les prix de la plateforme, ou faire en sorte que les traders soient désavantagés et perdent.
  • Dealing desk : un algorithme complexe permettant plusieurs options de couverture pour les LP.
    Par exemple, le DD permettra d’analyser les historiques de trading des utilisateurs pour les classer, afin de couvrir les traders gagnants (A Book) et ne pas couvrir les perdants ou débutants (B Book). Les LP auront la possibilité d’acheter aux utilisateurs leurs données afin de pouvoir les classer. Cependant, pour ceux qui ne vendraient pas leurs données, et comme un utilisateur est anonyme et peut créer un nombre illimité de compte, il pourra être difficile de les catégoriser ; auquel cas le DD permettra aux LP des stratégies de couverture à seuil : un LP choisirait un seuil, soit une somme à risquer périodiquement (quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle) ; tant que ce seuil n’est pas atteint, le DD optera pour stratégie de B Book ; mais s’il l’est, le DD basculera les positions de la pool vers une stratégie de A Book. Cette option a de nombreux avantages et beaucoup de nuances qui seront détaillées dans un futur article lorsque le DD sera opérationnel.

Tout le monde peut devenir un LP, il suffira pour cela de déposer un collatéral en DAI dans une pool existante ou d’en créer une nouvelle et en établir des règles, annoncer sa stratégie (A Book, B Book ou DD), et le cas échéant se connecter à la source de prix pour couvrir les positions.

Toutefois, au lancement, il n’y aura qu’un seul LP, avec une stratégie de A Book, opéré par une entité tierce, et fournissant le prix d’un echange institutionnel sur le Forex et les indices.

Revenus, spreads et commissions

Il existe une différence entre la source de prix brute et le prix affiché sur la plateforme ; le protocole ajoute par défaut une commission de 0.1%, incluse dans le spread pour plus de commodité, et laisse le choix aux LP d’ajouter la leur également. Les LP qui optent pour une stratégie de A Book facturent en général des frais de financements (swap, rollover, etc.) puisqu’ils y sont sujet lorsqu’ils couvrent les positions.

Les commissions perçues par le protocole sont reversées à la DAO et aux détenteurs de JRT, qui ont la responsabilité de gouvernance en définissant les règles (dépôt minimal pour être LP, collatéral accepte, source de prix, politique de prix, etc.).

A la conquète du monde

Ce protocole permet à n’importe qui dans le monde de spéculer sur n’importe quel marché financier, sans avoir besoin d’ouvrir un compte, et ce en quelques secondes (sous réserve d’avoir du Dai et un wallet compatible comme MetaMask, Portis, Trust Wallet etc. ou Jarvis Wallet bien sûr).

Il permet aussi à n’importe qui dans le monde, un particulier au Venezuela, un broker Japonais, un hedge funds allemand, de fournir de la liquidité pour supporter leurs marches locaux, et offrir ainsi à tout le monde un accès aux marchés boursiers japonais, allemands ou vénézuéliens.

Évolutions futures

Le premier objectif est de concrétiser cette vision, et d’atteindre le plus haut niveau de décentralisation pour ensuite ouvrir de nouveaux horizons à la limite de la science-fiction.

Différents collatéraux pris en charge

Au lancement, seul le DAI sera accepté. Il sera ultérieurement déposé sur Compound et Bzx (Fulcrum) pour générer des intérêts, et le protocole acceptera les dépôts en cDAI et iDAI. D’autres stablecoins comme l’USDC seront aussi supportés.

Le protocole Synthetic, qui est le second protocole que nous développons, permettra de supporter les dépôts dans quasiment toutes les monnaies fiduciaires, et pourra éventuellement proposer de convertir les gains dans l’actif de son choix ; il serait alors possible de déposer des francs suisses et de gagner des bitcoins, des euros ou des actions Tesla.

Outre les actifs synthétiques, le protocole s’ouvrira à d’autres tokens Ethereum, comme le MKR ou le DGX, voire à des actifs tokenisés tels que les biens immobiliers, et les cryptomonnaies d’autres blockchains, grâce notamment au Ren Protocol.

Tokenisation de position

À terme, nous permettrons aux utilisateurs et aux LP de tokeniser leurs positions, c.-à-d. de créer des tokens qui traqueront la valeur de positions ouvertes.

On peut imaginer que ces tokens, qui représentent un ou plusieurs trades, puissent être utiliser en collatéral pour financer de nouvelles positions ; ainsi une position acheteuse sur Apple pourrait être utilisée pour acheter une action Tesla. Pourquoi pas également imaginer un money market comme Compound, ou l’on pourrait emprunter du Dai contre son portefeuille boursier tokenisé pour le trading. Ou, l’utilisation de tel tokens pour servir de collatéral pour le Synthetic Protocol.

Conclusion

Ce premier protocole, nait d’une idée farfelue en 2017, d’unifier les marches financiers et de les rendre interopérables, permet de faire entrer la DeFi dans une nouvelle ère, puisque pour la première fois les traders et investisseurs habitués aux marchés traditionnels vont pouvoir goûter à la supériorité de la DeFi ; ce protocole va permettre d’inviter des centaines de milliers de traders Forex et CFD à gonfler des rangs et a leur proposer, en un clic, l’accès à toutes les opportunités de cette nouvelle finance. Enfin, ce protocole va permettre à tout le monde de pouvoir accéder aux marchés financiers, repoussant encore plus les limites de la finance inclusive.

Enfin, le protocole Margin sera l’une des briques de la DeFi. Pour certains projets évoluant autour des actifs synthétiques comme UMA, Market Protocol, Rainbow Network ou Synthetix, il leur permettra de créer des stratégies de couvertures pour rendre les actifs plus robustes et scalables ; pour les projets tels que MelonPort, Betoken, Cotrader voire Set Protocol, la tokenisation des positions leur permettra de spéculer sur différents marchés ; enfin, il permettra à tout investisseur d’ajouter une nouvelle ligne à leur portefeuille de revenus passifs.

Cet article décrit notre vision à long terme et peut faire référence à des éléments non-développés à l’heure actuelle; créer un produit décentralisé est un long voyage qui passe par différentes étapes, et nous n’en sommes qu’au tout début, avec un protocole non-dépositaire (nous n’avons pas accès aux fonds des utilisateurs) ; c’est le strict minimum pour s’engager dans la voie de la décentralisation ; par contre, les flux de prix sont centralisés, il n’y a qu’une pool de liquidités et qu’un seul LP, le backend hébergé sur nos serveurs n’est pas open-source (il a été développé sur la base d’un logiciel sous licence) et conserve tous les historiques et l’activité. Au bout du voyage, les flux de prix seront décentralisés, il y aura un réseau de LP, et une partie du backend sera distribuée et open-source, et les historiques seront sur la Blockchain.

Pascal.

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