Mode d’emploi pour trouver des corsaires

Thibaud Gangloff
7 min readAug 9, 2017

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Vous l’aviez celui là ?

Dans le précédent billet, je parlais transformation et tentais de faire un état des lieux des différentes formes d’accompagnement qui émergent actuellement au sein des entreprises.

Surtout ce billet permettait d’introduire une nouvelle approche, que l’on a pu tester auprès de grands groupes ces derniers mois.

Et pour que ça marche, il nous fallait trouver nos premiers “hacktivateurs”.

Le point de départ

Accompagnons les salariés à hacker leurs entreprises en les aidant à lancer leurs propres initiatives.

Au début de la mission, une grande partie de notre temps consistait à s’assurer la confiance de nos sponsors internes, de leur expliquer la démarche afin d’éviter tout malentendu.

Notre approche:

s’immiscer dans les différents départements tel des électrons libres, aller sans filtre au contact des salariés en privilégiant le canal humain, afin de créer une relation de confiance et de transparence avec eux.

Je vous l’accorde, la libre circulation de notre équipe au sein du groupe pouvait paraître un peu bizarre…

Qui sont ces gens ?

D’autant que, dans un premier temps, nous souhaitions le faire sans communication de la direction et des managers. Le but étant d’éviter d’être considéré comme la ‘Nième’ initiative lancée par la direction.

Les premiers pas

Une fois les règles avec nos sponsors bien établies, notre quête:

Trouver des voyageurs, des explorateurs, des corsaires qui souhaitent explorer le monde sous un autre regard.

Trouver des collaborateurs qui veulent se bouger, en passant au delà des limites et barrières qui peuvent s’imposer au sein de leur organisation.

Ce sont eux qui seront les déclencheurs pour la suite du voyage.

Mais comment les trouver ? surtout quand on ne connaît pas la société dans laquelle on arrive.

La direction RH et les managers, …

On aurait pu demander à la direction et/ou aux managers de nous donner des noms afin de travailler avec ces salariés. D’autant que les grands groupes ont maintenant lancé différentes initiatives afin de créer des communautés composées d’acteurs du changement.

Le hic, c’est qu’on ne sait pas vraiment comment ces groupes ont été formés. Il se peut qu’on l’ait conseillé à certains, imposé à d’autres, que certains aient décidé de prendre le train mais ne soient pas prêts à remettre en cause l’organisation… Pour quelle cause se battent-ils ?

Venant de l’extérieur, bâtir sur un historique qu’on ne connaît pas peut être compliqué pour lancer l’expérimentation.

Néanmoins, nous avons pris le temps de rencontrer tous les collaborateurs participant à ces initiatives. Il était important pour nous de se tenir au courant de ce qui avait déjà été fait afin de ne pas venir court-circuiter l’élan interne.

Les actions présentes et la nôtre pouvaient exister en parallèle, chacune enrichissant les autres et vice-versa.

… les collaborateurs, …

On aurait pu aussi aller parler à chaque collaborateur de l’entreprise, installer un climat de confiance avec chacun et essayer de voir ce qui en ressort.

Le challenge de cette approche, c’est le temps qu’il nous aurait fallu.

“Mon passe-temps favori, c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps, vivre à contretemps.”

— Françoise Sagan

On a quand même débuté par cela. Ça nous a permis de faire un état des lieux de la situation.

Cependant, utiliser seulement cette approche restait incompatible avec le besoin de résultat des grands groupes.

Il nous fallait concentrer nos efforts sur quelques occasions ponctuelles.

… Ou on fait (un peu) de bruit.

C’est la solution qu’on a retenu 😄 Que les collaborateurs viennent à nous !

Faire du bruit une fois, pour que les salariés entendent parler de nous, viennent nous rencontrer, et en profiter pour lancer une première dynamique.

Guide pour faire du bruit

En rentrant dans les cases de tout ce qu’on a le droit de faire, sans jamais tester ce que l’on a pas le droit de faire, il y a peu de chance qu’on vous remarque.

Par contre, en créant des évènements non prévus, autour d’un sujet volontairement clivant, on peut commencer à faire un peu de bruit, et ainsi faire émerger des groupes de collaborateurs mûrs à passer à l’action de manière sincère.

  1. Prendre l’initiative de créer un évènement/rassemblement au sein de votre entreprise, sans validation de tous les services internes responsables, permettra de maintenir la fraîcheur de votre initiative, et de maximiser l’impact auprès de vos participants. De plus, vous vous évitez de mettre tout le monde d’accord et de tuer toute la spontanéité. Spontanéité qui sera nécessaire pour créer la confiance et démasquer les corsaires.
  2. Le sujet clivant, à ceci de particulier qu’il nous dresse le poil, qu’il vient toucher à des convictions et des valeurs ancrées en nous, et pour lesquelles on est prêt à se battre.

Comme vous l’aurez compris, en assemblant les 2, on dispose d’une bonne occasion de lancer un vrai débat interne, et ainsi faire émerger les positions de chacun.

Par contre, pour garantir le succès et ne pas bloquer les participants, il est nécessaire de maintenir le respect et la bienveillance entre eux.

À la sortie de ce genre de moment, les bruits de couloir font généralement le reste du travail: le bouche à oreille dont vous avez tant besoin.

Concrètement, dans la vie réelle

Sans passer par le département de communication interne, vous décidez, en cachette, de rassembler des collègues afin d’échanger autour du sujet :

Le manager est-il mort ?

Tips: parlez-en d’abord à des gens de confiance. Ça ne sert à rien d’essayer d’avoir le maximum de monde… Ce sera pour après ça 😁

Il se peut que beaucoup de gens ne viennent pas, car ce n’est pas passé par les tunnels de communication normaux, voir le sujet peut-paraître choquant. C’est Ok, dites-vous que si ça les arrête c’est qu’ils ne sont pas prêts.

Focus sur ceux qui sont venus, ça c’est très intéressant.

L’idée n’est pas de mettre tout le monde d’accord et encore moins de savoir qui a raison. Le but c’est de voir émerger ceux qui sont mûrs à faire bouger les lignes et ceux qui ne le sont pas.

Ceux qui ne sont pas prêts

Ils sont généralement sur la défensive. Ils ne sont clairement pas disposés (pour le moment) à faire bouger l’organisation. Ils ont leurs raisons, et ce n’est pas discutable.

Il ne faut surtout pas essayer de les convaincre, il vaut mieux ne pas les intégrer dans un premier temps. Le risque qu’il fasse perdre la motivation aux autres est trop grand.

Ceux qui ne parlent pas

Ils sont plutôt là en observateur. Difficile de savoir ce qu’ils veulent.

S’ils ne viennent pas vous voir à la fin pour vous dire qu’ils souhaitent que ça change, acceptez que ce n’est pas encore le moment pour eux de se lancer.

Ceux qui disent Oui

C’est bien sûr dans cette catégorie, qu’on va trouver nos corsaires. Cependant, il tient de séparer 2 typologies:

Les supporters: Ils semblent avoir envie mais sont encore tiraillés à l’idée de sauter le pas. Il faudra certainement continuer à les garder dans la boucle, en espérant qu’ils s’activent dans le futur. Pour le moment, acceptons qu’ils ne soient pas déterminés.

Les corsaires: Eux sont engagés, sincères. Ils sont force de proposition et prêts à transgresser de manière raisonnée pour le bien de leur société. C’est cette typologie qu’il vous faut absolument embarquer. Si vous les trouvez lors de votre rassemblement, 90% du job est fait.

Basé sur nos différentes expérimentations, les vrais corsaires sont généralement entre 5 et 10% d’un groupe. Pour en trouver un maximum au sein d’une entreprise, c’est simple, il faudra multiplier ce genre d’initiative.

Ceux qui sont disposés à se lancer sont généralement peu nombreux et c’est tant mieux.

La dernière étape

Une fois les corsaires trouvés, il ne reste plus qu’à les rencontrer en face à face, afin de comprendre les initiatives qu’ils aimeraient lancer et leur proposer de les accompagner.

Conclusion

C’est en utilisant cette même approche que nous avons pu faire émerger les premières initiatives à accompagner de manière naturelle, sans l’aide de la direction.

Les corsaires sont les leaders qu’il vous faut trouver afin de lancer une dynamique auprès des autres collaborateurs.

Il se peut que tout ne se passe pas aussi facilement 😉 Et qu’il y ait quelques peurs au démarrage mais n’oubliez pas: Essayer c’est apprendre 😉

Comment être sûr que l’on a affaire à des corsaires ?

Il se peut que vous vous posiez encore cette question. C’est légitime.

Cependant, je n’ai malheureusement pas de grille à cocher. Le meilleur moyen reste de se fier à son intuition.

Si on se fait confiance, on est généralement capable de savoir si la personne en face de nous est vraiment sincère, si elle est prête à prendre des risques, si l’initiative qui l’anime est plus forte que tout.

Si cette impression se révèle alors il y a peu de chance que vous vous trompiez, elle a vraiment envie d’y aller et faire bouger les choses.

On reste humain, faisons confiance à nos impressions.

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Depuis un an, en tant qu’indépendant, je retourne dans les grosses structures pour les aider à évoluer, à se transformer via des ateliers de Design Thinking et des missions de Corporate Hacking. Dans une série d’articles, je raconterai ce que j’y ai vu, appris et j’y donnerai un point de vue.

Pour en discuter, vous savez où me trouver ;)

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Thibaud Gangloff

Family & Friends 1st. Interested by the new world and how to re-educate.