“L’éco-lieu urbain, une utopie du passé pour une réalité de maintenant et d’avenir”.

En ces temps de distanciation sociale prolongée, l’émergence du télétravail et l’incertitude pleine face au dérèglement climatique : les lieux de vie, de travail évolueront pour répondre à des nouveaux besoin de sens, de qualité de relations sociales, d’innovation. De nouveaux modèles émergent et l’éco-lieu urbain peut être bien l’un d’entre eux.

Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions
7 min readJun 23, 2020

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“Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre” Winston Churchill

Imaginer des lieux ou la gouvernance serait partagée, le développement humain/économique et la protection du vivant serait au cœur des préoccupations de la collectivité, de la communauté n’est pas récent. Dans l’histoire de notre humanité, il y a toujours eu des hommes et des femmes qui ont mis en oeuvre des initiatives dans ce sens. Elles étaient plus ou moins grandes avec une variation dans la longévité. Je vous invite à découvrir, une de ces initiatives bien connu des historiens de l’économie sociale et solidaire et des passionnés de ces sujets.

Revenons deux siècles en arrière, au milieu du 19ème, à l’époque, l’espérance de vie avoisinait les 40 ans, il n’y avait pas de sécurité sociale, pas d’école gratuite et obligatoire, pas de retraite, pas de droit au chômage, pas de congés payés, pas de tourisme, pas de syndicats, pas de droit du travail, une inégalité sociale et genrée très accrue. Les ouvriers travaillaient dans des conditions exécrables d’un point de vue sécuritaire et sanitaire, 6 jours sur 7 entre 12 et 15h par jour. Donc le temps libre pour penser, se reposer, voyager, changer le monde, innover était inaccessible pour une immense majorité de la population française. A l’époque, c’était l’incarnation du vélo, boulot, dodo.

Et pourtant, pour des personnes, ceci n’était pas une fatalité. Prenons l’exemple de Jean-Baptiste André Godin, apprenti ouvrier en tant que serrurier à l’âge de 11 ans. Il fait le constat que les travailleurs de l’époque vivent dans des conditions à la limite de l’inhumanité. Après un mariage heureux et une forte dot, en 1840, il créa une entreprise fabricant des poêles de cuisine en fonte de verre. L’entreprise évolue et 6 ans après, il décide d’agrandir l’entreprise et se déplaça dans le village de Guise, dans l’Ain car la main d’oeuvre était présente. Il découvrit les idées du socialisme utopique.

Godin mis en pratique à Guise cette idée de phalanstère de Charles Fourier. En 1857, il devient propriétaire d’un vaste terrain dans ce petit village du Nord de la France. Fort de son expérience douloureuse d’ouvrier et d’aspiration forte pour réduire les inégalités sociales, il décida de s’inspirer du phalanstère. Le principe de Fourier est simple : pour avoir une révolution sociale et pacifique, il est impératif que les forces du capital et du travail soient pleinement en synergies. Godin inventa alors le Familistère de Guise.

Image du Familistère dans l’Ain

Il y fit construire d’immenses bâtiments et logements qui permis aux ouvriers et à leur famille d’avoir accès à des conditions de vie, de consommation, de loisirs et d’éducation inégalable à l’époque. Le Familistère accueillait à son apogée, plus de 2000 personnes qui travaillaient et logeait. En 1880, une coopérative est née avec son impulsion. Les ouvriers entrent dans la gouvernance de l’Usine et du Familistère, leur lieu de vie. Il décéda quelques années après mais cette expérimentation durera jusque dans les années 1960, soit 100 ans d’expérimentation de lieu d’habitation, de travail et de vie cogéré par les ouvriers eux-mêmes.

Le Palais social, lieu d’hébergement et de logement du Familistère.

Preuve qu’il est possible d’être rationnel économiquement, tout en agissant avec un regard différent avec une prise en compte de l’importance de chaque humain. L’environnement joue beaucoup, c’est une des raisons à mon avis de la longue longévité de ce lieu emblématique de cette époque qui se visite aujourd’hui. Avec cette belle idée : mettre l’humain au centre des préoccupations.

Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui s’est passé autrefois ? D’observer leurs erreurs et de lancer des initiatives proches sur les valeurs mais adapté au contraintes et à la société du 21ème siècle ?

Mon expérience au sein d’Officaire

J’ai découvert Officaire lors de mon engagement en service civique dans une association liée au développement durable, à Paris. Je suis resté 8 mois dans ce lieu si atypique et singulier. Plusieurs choses m’ont profondément marqué dans ce lieu d’échange et de travail, la bienveillance et l’authenticité de toutes les personnes qui se rejoignent autour de causes communes.

A Officaire, on vient d’abord en tant qu’être humain singulier, authentique avec son vécu, son expérience et l’envie de faire vivre les causes que l’on a en nous et qui sont en lien avec l’esprit du lieu. Ces causes rassemblent et dépassent le projet professionnel de chacun. Cette approche permet faire reculer ses intérêts uniquement professionnel pour laisser la place aux flux non marchands et aux interactions sociales humaines fortes. Dans mon expérience dans l’univers de la transition, je n’ai jamais vu un lieu et une communauté aussi forte dans la création, le partage de ces liens sociaux. De nombreux projets, de nombreuses connaissances ont émergé d’Officaire. Une majorité de personnes se sentent “Offi” car cette confiance, cette entraide et l’envie de célébrer est forte.

L’esprit Offi, c’est l’humain en premier et mutualisons les connaissances, les réseaux, les idées, les projets, les business pour faire grandir les hommes, les femmes et leurs projets économiques, associatifs en liens avec des causes qui nous dépassent.

Bien sûr, quand on travaille en communauté avec des projets si diverses et variés, il y a des tensions, des marronniers qui reviennent sur la gestion du lieu de vie, des personnalités avec qui on s’attache plus que d’autres. Mais il y a toujours cette envie de trouver des solutions, de les mettre en place le mieux possible avec une intense écoute et communication pour que chacun trouve sa place. C’est l’expression de notre vulnérabilité en tant qu’individu. A Offi, il est difficile d’assumer des “masques” que nous portons car le climat de bienveillance et de non jugement sont le socle de valeurs communes.

Mon soutien à l’éco lieu urbain à The Family ou ailleurs

Avec le confinement, nous avons tous vécu collectivement le manque de liens sociaux, de célébration, de moment de groupe et d’échange. Certains parlent de monde d’après, d’autres de monde d’avant avec des multitudes d’écrits. La seule chose certaine, l’avenir ne sera pas fait par ceux qui parlent, rédigent des tribunes ou articles ( comme moi), tentent d’inventer de nouveaux récits qu’ils soient utopiques, dystopiques, progressistes ou conservateurs.

Les certitudes pour le futur est que: nous aurons moins d’énergie et de ressources à nous partager ensemble, le dérèglement climatique va impacter beaucoup de business et provoquer une incertitude beaucoup plus intense, des tensions sociales grandissantes…

Après plusieurs années d’expérimentation, rue du Caire à Paris, il est temps d’évoluer et de changer d’échelle pour réinventer un lieu de travail, d’hébergement en plein milieu urbain. Un lieu à la fois résilient économiquement, d’interaction sociale forte, d’échange et d’innovation. Il est important qu’ils soient centré sur l’humain dans son activité professionnelle, son développement personnel par le biais de la “tribu”, communauté diverses et réunis autour de causes communes.

Cela tombe bien, fonctionner en collectif, c’est garantir une meilleure santé pour soi et les autres. Selon cette étude en cours de Harvard sur 80 ans et plus de 2500 personnes en ce moment, pour vivre plus longtemps, il est vital d’avoir une très grande qualité de liens sociaux.

L’avenir sera fait par ceux qui se réunissent autour de projets, d’actions communes portés par une diversité d’acteurs qu’ils soient liés à de l’impact social ou non maintenant. Il est important de revenir à l’essentiel, à notre qualité d’humain, d’innovation collective pour faire émerger les nouvelles tendances de demain avec les contraintes du 21ème siècle.

Pour ceux qui disent que c’est une utopie, l’exemple de Godin cité plus en haut ( 100 ans d’expérimentation) ou celle du village autogéré de 2500 habitants de Marinaleda ( 40 ans d’expérimentation toujours en cours) montre le contraire et que c’est possible.

C’est pour cela que je soutiens totalement tous les acteurs, les personnes qui se réuniront et agiront pour faire que cette éco-lieu urbain se lance, se développe et devienne pérenne dans le temps. Je serai très heureux d’aider par des flux marchands ou non-marchands pour la réussite de ce lieu.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les intentions, voici cette série d’articles de Duc Ha Duong et si vous souhaitez vous investir, voici ce document à remplir.

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Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions

Passionné par l’ #ESS #educationpopulaire #innovationsociale, #sharingeconomy @pfbaloo.