Les trois points de Valentin

Saison 1 (2016–2017)

Les 3 points de Valentin
43 min readSep 5, 2016

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Depuis septembre 2016, j’envoie une lettre mensuelle pour partager trois points marquants. Abonnez-vous pour la recevoir directement dans votre messagerie, avant de retrouver toutes les éditions dans cet article.

Les trois points du 3 août 2017

Pourquoi 3 points tous les 3 du mois ?
Pour vous témoigner ma reconnaissance le jour de mon anniversaire :)

1. UN ANNIVERSAIRE

30 ans. 10 958 jours. Bientôt un milliard de secondes !
Je mesure chaque jour ma chance d’avoir des gens que j’aime et que j’admire autour de moi, d’être en bonne santé, de voyager librement, d’avoir de nombreux projets devant moi pour donner du sens à cette chance… Mes expériences en Chine, à travers l’Europe, à Aubervilliers, en politique et dans le numérique m’ont fait beaucoup évoluer depuis dix ans. Je profite de cette date symbolique pour tester la fonction “série” de Medium et tenter de résumer en 30 phrases (un peu tarabiscotées) ce que je comprends de notre monde. A suivre jour après jour sur l’application mobile de Medium à partir d’aujourd’hui !

2. UN VOYAGE

Un joli mariage nous a donné la chance d’un voyage merveilleux à la rencontre de trois joyaux naturels du Brésil : la lente et reposante descente du fleuve Amazone, puis les baignades dans les piscines naturelles formées entre les dunes des Lençois Maranhenses, et enfin les randonnées de cascades en sommets dans les Chapada Diamantina. En attendant le carnet de voyage et l’album complets, quelques photos sont visibles sur Instagram !

Le paysage unique des Lençois Maranhenses

3. UN SITE

Après des années de procrastination, je me suis fixé la bonne résolution de lancer enfin mon site internet. J’ai déjà eu des blogs, j’écris sur Medium, je suis actif sur plusieurs réseaux sociaux… mais je veux donner de la cohérence à ces publications et en développer de nouvelles. www.valentin.earth sera ce petit bout de terre numérique que je vais cultiver dès les prochaines semaines !

Oui, je sais, pour l’instant il n’y a rien… mais ça avance, promis !

Les trois points du 3 juillet 2017

1. UNE VIE

Simone Veil, décédée le vendredi 30 juin à 89 ans, gardera une place unique dans l’histoire politique et sociale française et européenne. En lisant, il y a quelques années, son autobiographie Une vie, je me souviens avoir été marqué par trois principaux enseignements qu’elle tirait de son parcours.

Arrêtée à Nice à 16 ans en 1943, Simone Veil a survécu à un an dans l’enfer d’Auschwitz. Ce salut fut aussi un poids, l’encre des camps demeurant indélébile : avant de lire ses lignes, je n’avais pas pleinement réalisé la stigmatisation et les tabous que continuèrent à subir les anciens déportés, aussi bien au sein des élites françaises qu’au cœur de leurs familles.

Simone Veil estimait rétrospectivement dans le chapitre sur ses années au Conseil constitutionnel qu’être une femme avait plutôt été une chance pour elle, pendant la guerre comme au Gouvernement lorsqu’elle incarna la loi sur l’IVG, mais soulignait que “la réussite des femmes dépend trop du hasard et pas assez de la règle”. La question est toujours d’actualité.

Enfin l’engagement de Simone Veil fut celui d’une “citoyenne de l’Europe” comme elle l’écrivit elle-même. Première présidente élue du Parlement européen en 1979, son mandat fut un symbole de la réconciliation franco-allemande. Elle n’aura cessé de regretter le peu d’intérêt de notre classe politique pour les enjeux européens ; ce qu’elle a résumé dans cette belle formule : “L’Europe se nourrit plus de symboles que de réalités.

Il est des vies qui forcent le respect et l’admiration de tous bords.

2. UNE ENTREPRISE

Les figures telles que Simone Veil étant rares, les héros de notre temps semblent être les entrepreneurs. Médias, salons et grandes écoles sont tellement focalisés sur le récit de quelques succès extraordinaires que d’aucuns pensent que les autres vies ne sont rien. Après avoir partagé des idées d’entreprises européennes en avril et les déclics qui font de nous des citoyens actifs le mois dernier, je m’interroge également sur les facteurs qui nous transforment en créateurs d’entreprises (lucratives ou non), c’est-à-dire en porteur d’une idée qui résonne particulièrement en nous.

Mon premier souvenir de “l’excitation entrepreneuriale” remonte à la marée noire de l’Erika en 1999. Voyant les images des hydrocarbures souillant les plages atlantiques, j’imagine l’installation de gigantesques bâches qui seraient financées par des publicités géantes vues du ciel. Pas simple de concrétiser une telle idée à 12 ans… Je me suis longtemps heurté à ce mur de l’exécution, préférant de loin le fécond brainstorming au laborieux passage à l’action. Ainsi, à la fin de mes études, quelques belles idées sont restées lettres mortes :

  • CrossNews (2010) était un Netflix de la presse en ligne permettant de ne payer qu’un abonnement pour accéder à l’ensemble des contenus payants. En plus de trouver un modèle économique à ce secteur en crise, l’objectif était de présenter l’actualité en fiches pour rendre compréhensible un enjeu complexe en quelques paragraphes.
  • Kidiweb (2011) partait de la baisse de l’âge de la première exposition des enfants à Internet pour créer un navigateur web dédié aux 6–12 ans, en intégrant un premier réseau social pour échanger avec famille et amis, un Youtube des contenus pédagogiques et une horloge interne pour que les puissent paramétrer le temps maximal de connexion.
  • Tookan (2011) voulait transposer en France le nouveau modèle de TaskRabbit, un site américain de services géolocalisés et payants entre voisins. C’était avant l’essor d’Uber et Foodora, mais nous avions déjà été freinés par la difficulté de combiner ses nouveaux modes d’échanges avec les principes du Code du Travail… SolSol aurait pu être une déclinaison basée sur le troc de solutions solidaires à l’échelle locale.
  • Quest Engine (2014) m’a convaincu qu’il était indispensable de comprendre le fonctionnement d’Internet. Basé sur le concept de sérendipité — cette attitude de découverte qui nous conduit de lien en lien vers des contenus que nous ne nous recherchions pas initialement — ce moteur d’aventure reposait sur un seul bouton… qui nous envoyait aléatoirement sur n’importe quel site !
  • Kalendr (2015) voulait être le réseau social de partage de calendriers. Le concept était un Instagram où l’on se serait abonné aux rendez-vous d’amis ou de personnalités, pour suivre et partager l’actualité des grands événements ou encore définir instantanément le meilleur créneau disponible pour une réunion en comparant plusieurs agendas.

Pour passer à l’exécution sur toutes ces idées, il me manquait ce que j’ai trouvé dans l’aventure Open Source Politics : une équipe complémentaire et la conviction profonde que le projet d’entreprise apporte la réponse qui me correspond à la question “Pourquoi ?”

3. UNE ETAPE

Un mois avant mes 30 ans, je relis les 30 points partagés dans cette lettre mensuelle depuis septembre dernier. Cette expérience m’a apporté beaucoup. Grâce à cet objectif contraignant, je me suis forcé à écrire des idées qui trainaient sur des dizaines de brouillons depuis des années. J’ai parlé de mes hésitations devant le jeu politique, j’ai imaginé des projets européens et raconté des initiatives citoyennes, j’ai publié quelques extraits de voyage… Bref, j’ai consacré du temps à ce que j’aime et ce qui compte pour moi. Et vous verrez bientôt que ce n’est qu’un début !

Quel que soit le projet qui vous tient à cœur, essayez la même méthode !

En chiffres, les 3 points ont un taux d’ouverture moyen supérieur à 55 % sur 125 lecteurs volontaires. Abonnez-vous pour les rejoindre !

Les trois points du 3 juin 2017

Récit d’une transition active ce mois-ci, avec des idées qui m’ont accompagné depuis deux ans et demi dans la direction d’une citoyenneté plus forte, d’un esprit d’entreprise libéré(e) et d’une qualité de vie renforcée.

1. UNE CREATION POETICIENNE

D’où vient l’intérêt que nous portons (ou non) pour la politique ? Qu’est-ce qui explique que certain-e-s y soient plus sensibles que d’autres, y compris au sein du même milieu social ou de la même famille ? Comment « activer » la part de citoyenneté qui réside en chacun de nous ?

Je me pose ces questions depuis des années. Des mouvements pro-européens aux campagnes locales à Aubervilliers, mes observations empiriques m’ont conduit à la conclusion qu’il n’y a pas de recette ou de déterminant unique, que tout est affaire de rencontres, de déclics et d’opportunités. De mon côté, je suis tombé dans la marmite de potion magique dès l’enfance. Parmi mes souvenirs les plus forts de l’école primaire, je garde la soirée électorale du second tour Chirac-Jospin de 1995 et l’enterrement de François Mitterrand l’année suivante. So geeky pour un CE2, je le confesse.

Puis ce furent les cours d’histoire et de latin au collège et au lycée qui me transmirent les idéaux d’Athènes et de Rome, de la Renaissance et des Lumières, de la Révolution et de la République. Ils ont façonné mon modèle d’une société juste et démocratique dans laquelle chaque citoyen doit avoir l’opportunité d’alterner entre des rôles de représenté et de représentant. Il ne peut y avoir de régime démocratique sans cette condition d’égalité. Dans cet esprit d’un équilibre entre droits et devoirs, entre délégation et exercice du pouvoir, j’ai toujours su que ma vie serait politique.

En 2013, alors que je commençais à préparer la campagne de Jacques Salvator à Aubervilliers, une citation de Jacques Rancière dans cette brillante interview croisée avec Pierre Rosanvallon m’a percuté : « Les partis qui, en principe, regroupent des militants également dévoués à l’idée du commun qu’ils incarnent pourraient parfaitement tirer au sort leurs candidats. Sinon, c’est qu’ils pensent qu’ils n’ont qu’un petit noyau d’hommes compétents et que les autres sont des crétins, mais dans ce cas, il faut le dire clairement ! » Cette phrase fut à la fois un électrochoc et le germe d’une évolution de mon engagement qui a mis plusieurs mois à éclore.

Elle s’est matérialisée dans une contribution au collectif #MAVOIX, qui vise à faire élire à l’Assemblée nationale les 11 et 18 juin prochains des citoyens volontaires, formés en ligne et tirés au sort qui, une fois élus, suivront nos décisions collectives exprimées grâce à un outil numérique. J’ai écrit un article pour expliquer la force et la créativité politique et poétique de cette initiative :

Les questions posées par #MAVOIX seront au centre de la conférence que nous organisons avec point d’aencrage au Liberté Living-lab ce mardi 6 juin à 19h30, avec la participation de membres du collectif Regards citoyens et de la rédaction du site Contexte.

2. UN REVENU EMANCIPATEUR

Autre idée nouvelle dans le débat public : le revenu de base. Il en existe diverses formes, sous des appellations variées, avec des visées idéologiques sans doute contradictoires, comme le rappelait Diana Filippova de OuiShare. En synthèse, il s’agit d’un revenu versé par la société à tous ses membres, sur une base individuelle, sans conditions de ressources ni obligation de travail. Vu comme une réponse à l’automatisation de nombreux métiers, à la croissance des inégalités et à l’émergence de modes de travail alternatifs, le concept transcende le spectre politique et intéresse des économistes comme Thomas Piketty et les grands dirigeants de la Silicon Valley comme Mark Zuckerberg et Elon Musk. Malgré les doutes sur la soutenabilité financière (Fondation Jean Jaurès) et la pertinence réelle du dispositif (Nicolas Colin), les premières expérimentations sont en cours.

Si j’aborde cette question aujourd’hui, c’est parce que j’ai moi-même fait — d’une certaine manière — l’expérience du revenu de base, à travers l’indemnité chômage que j’ai perçue pendant les mois qui m’ont conduit de la mairie d’Aubervilliers à mon premier salaire dans l’entreprise que j’ai co-fondée, Open Source Politics. J’en retiens trois leçons principales, qui ont précisé mon analyse de cette proposition qui m’intéresse depuis ce rapport sur la lutte contre l’exclusion sociale co-rédigé pour point d’aencrage en 2013 :

  • Ce “revenu de base-indemnité chômage” est le premier financeur de l’entrepreneuriat en France. Je ne compte plus les exemples autour de moi de jeunes qui couvrent ainsi leur risque car ils n’ont pas hérité d’un patrimoine familial et/ou parce qu’ils s’engagent dans un social business qui n’intéresse pas tout de suite les fonds d’investissement.
  • Un revenu à durée déterminée — mais longue — est un excellent moteur créatif. “Prendre six mois” pour réfléchir, rencontrer, se former, tester, rater, recommencer, doit être vu positivement. Avoir ensuite un à deux ans pour faire ses preuves doit être suffisant. Autrement, il faut sans doute repartir sur un cycle salarié… jusqu’à la prochaine idée !
  • Avec la confiance que procure le fait d’être libéré de l’urgence financière, tout le monde peut trouver un projet qui a du sens et s’y consacrer. Les dispositifs d’accompagnement et les tiers-lieux accueillants se multiplient. Les exemples inspirants aussi. Foncez !

J’observe que le pouvoir émancipateur d’un revenu de base qui protège les transitions d’une activité à une autre apporte aussi un développement des capacités collaboratives et contributives, pour ne pas dire citoyennes. Nous en avons besoin pour rendre vivante une démocratie continue entre les élections.

3. UN PONT SUR LA LOIRE

Un beau weekend prolongé de mai fut l’occasion de découvrir enfin Nantes. Ville d’Histoire comme en témoigne la visite du Château des Ducs de Bretagne, haut-lieu marqué par le destin d’Anne de Bretagne et de sa fille mariée à François Ier, la signature de l’Edit de Nantes par Henri IV en 1598 et la Révolution française. Réconciliée avec son passé de port principal du commerce triangulaire, avec un émouvant mémorial de l’abolition de l’esclavage en bord de Loire, Nantes se transforme en une sorte de Berlin de l’Atlantique — ouverte sur de larges espaces publics, rénovée pour le bien-être et agréable à parcourir, post-industrielle et alternative lorsque l’aventure nous guide sur les quais de l’Ile aux Machines où le grand éléphant articulé côtoie la Grue Titan et les anneaux lumineux de Buren. Les amis qui s’y sont installés ne semblent pas regretter leur choix !

Toutes les photos sont à retrouver ici.

Les trois points du 3 mai 2017

1. UNE RECOMPOSITION POLITIQUE

Rétrospectivement, j’ai tiré une croix assez tôt sur cette élection présidentielle. Le mandat de François Hollande a achevé de me convaincre que nous plaçons trop d’importance dans ce vote et cette fonction, alors que la démocratie doit continuer entre les élections. Il m’apparaissait fatalement qu’il était trop tôt pour que les dynamiques numériques et citoyennes aient un impact décisif — même si laprimaire.org a admirablement porté son ambition de faire émerger une candidature non partisane jusqu’au couperet des 500 signatures. Alors, puisque je ne m’impliquais pas autant qu’en 2007 et 2012, j’ai pensé à ce projet farfelu des 50 nuances de gauche, puis expliqué les raisons de mon hésitation, qui ne s’est dissipée que lors des derniers jours avant le premier tour.

Si j’ai eu tant de mal à me positionner dans cette élection, c’est parce que je ne vois que des limites à la recomposition politique qu’elle consacre. Le politologue Thomas Guénolé avait décrit dès le début du mois de janvier — donc avant la primaire socialiste — l’apparition de l’actuelle quadripolarisation. Faute d’avoir su se transformer depuis tant d’années, le PS est dépassé de part et d’autre par les dynamiques créées par Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Le premier a placé l’écologie et les biens communs au centre d’une nouvelle matrice idéologique intéressante, mais menace de renoncer à la construction européenne et à nos options géopolitiques. Le second peut parvenir à rafraîchir le personnel politique, mais risque de tourner le dos aux victimes du déclassement analysé par Louis Chauvel.

Notre monde produit des inégalités. Les centres métropolitains concentrent les activités créatrices de valeur économique pendant que des territoires relégués périclitent. La traduction électorale de ce clivage paraît flagrante sur toutes les cartes : les villes se rassemblent derrière les progressistes qui amplifient l’ouverture pendant que les périphéries se replient sur un souverainisme qui se présente comme protecteur. Ce phénomène manichéen se manifeste dans le monde entier. J’ai commencé à nuancer ce schéma binaire après la lecture de cette analyse des résultats du premier tour par Hervé Le Bras. Le démographe s’appuie sur le développement depuis le Moyen-Age de deux sociabilités opposées selon que la vie s’est plutôt faite dans des villes et villages (nord-est et pourtour méditerranéen) ou dans le bocage (centre et ouest). Ces modes de vie distincts ont construit des rapports différents à l’étranger et à la modernité… jusqu’à l’opposition totale entre les cartes des votes Macron et Le Pen. A lire !

Vous n’en doutiez sans doute pas, mais c’est important de le dire : le 7 mai, je voterai résolument Emmanuel Macron, avec l’espoir que son mandat cherchera à réduire nos déséquilibres avant que les factures ne deviennent irréparables.

2. UNE ESCAPADE SCANDINAVE

Parenthèse idéale pour échapper aux débats d’un entre-deux-tours agité, la Norvège est présentée à la fois le pays le plus heureux et la démocratie la plus forte au monde. En marge du séminaire des Jeunes Européens “Shaking Politics: Civic Tech For The Political Sphere” que j’ai co-animé, la visite d’Oslo et les rencontres locales m’ont permis d’émettre quelques hypothèses sur le succès d’un pays riche de ses ressources naturelles et de son puissant modèle social, qui s’engage désormais dans la transition énergétique et le défi de préserver la qualité de vie dans ses villes petites et moyennes. Découvrez les secrets de la capitale norvégienne sur mon compte Instagram !

3. UNE BLESSURE MARQUANTE

En Norvège, le système de santé est intégralement gratuit et de haut niveau. Au Congo, Félicité doit récolter des sommes délirantes pour payer la chambre d’hôpital, les médicaments et l’opération de son fils adolescent blessé dans un accident de la route. Le combat de cette femme qui chante tous les soirs dans un bar de Kinshasa pour sauver son fils dans un système défaillant prend le spectateur aux tripes. Le film n’est pas parfait, mais il marque.

Le cinéma Le Studio, qui fait un travail formidable pour développer une offre d’arts et d’essai à Aubervilliers, a organisé mi-avril une projection de Félicité en présence du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis. Ses commentaires nous ont permis de retracer l’histoire du long métrage — dont la seconde moitié déboussole le spectateur autant que les personnages à l’écran — et de rendre hommage aux acteurs locaux Véronique Beya Mputu et Papi Mpaka, remarquables et puissants, qui incarnent dans le film le combat quotidien pour la dignité humaine.

Les trois points du 3 avril 2017

J’ai fait le choix de n’inscrire personne à la newsletter sans avoir un accord préalable. En ce mois d’élection — n’oubliez pas vos procurations — je reprends une vieille stratégie électorale : si ces 3 points vous plaisent, diffusez cette newsletter à 3 ami-e-s susceptibles de l’apprécier avec ce lien pour s’abonner. Merci :)

1. UN RAPPORT ACHEVÉ

Un jeune français sur deux s’apprête à ne pas voter lors de l’élection présidentielle 2017. Notre génération attend un renouvellement démocratique qui tarde à venir. Ce phénomène n’est pas propre à la France : nous avons pu observer ses manifestations à travers le monde au cours de la décennie écoulée. Malgré la diversité des histoires nationales et des contextes locaux, ces mobilisations partagent des points communs : l’appropriation du numérique et des réseaux sociaux pour communiquer et la recherche de modèles alternatifs (de gauche et de droite) afin de lutter contre l’accroissement des inégalités sociales et territoriales. Le modèle démocratique représentatif électif est de nouveau contesté.

Pourtant, la démocratie ne se réduit pas aux conditions d’organisation des élections. L’étymologie « dêmos-krátos » fait plus largement référence au rapport d’égalité au sein du peuple qui s’exprime dans l’exercice partagé du pouvoir. Dans nos sphères sociales, de la famille à l’entreprise, en passant par l’école et la vie associative, nous devons redéfinir et nous réapproprier la politique et la démocratie.

C’est ce constat qui a poussé le think-tank point d’aencrage à lancer un groupe de travail sur le renouveau démocratique. Je l’ai piloté depuis l’automne 2015. Véritable arlésienne, notre rapport interminable a connu une trajectoire mouvementée — dont la disparition de 50 % du contenu lors d’un malencontreux vol d’ordinateur — mais ce temps de gestation nous a permis d’accompagner l’évolution du paysage civic-tech sur 18 mois et de préciser notre analyse des enjeux et propositions prioritaires.

>> Consultez et téléchargez l’intégralité du rapport !

2. UN RALENTISSEMENT NÉCESSAIRE

En moyenne, nous touchons notre téléphone portable plus de 200 fois par jour. C’est terrifiant quand on pense ! Je devais bien me rendre à l’évidence : je suis moi aussi addict à mon “smartphone”. Avec toutes les dérives désormais largement répandues dans nos sociétés connectées : consultations impolies à table, appels sans écouteurs, lecture en pleine rue, frustrations face aux coupures de réseau dans le métro… et, surtout, énorme dispersion entre tous les fils de conversation amicaux et professionnels, du lever au coucher. J’ai commencé à adapter mon comportement à la marge ces dernières semaines : pas de connexion du téléphone dans la première demi-heure après le réveil, coupure après 22h et week-ends printaniers “presque” déconnectés.

Restait le problème des très nombreux messages, et de leur éclatement entre un nombre croissant d’applications qui présentent pourtant la même fonctionnalité de discussion : Messenger, Rocket Chat, Slack, Telegram, Whatsapp, sans compter les mails, SMS, messages directs sur Instagram, LinkedIn, Skype ou Twitter… Autant de notifications en direct qui apparaissent sur mon téléphone ou mon ordinateur à longueur de journée, détournant mon attention une seconde, une minute… ou une heure lorsqu’il y a un article intéressant à lire puis un débat enflammé sur son interprétation. Je ne trouve pas de justification valable à cette dispersion asservissante et abrutissante.

Il était temps de passer à des mesures plus drastiques pour sauvegarder attention, efficacité et, in fine, temps libre ! J’ai songé un instant au retour radical à un téléphone “non-smart”, mais le GPS et l’appareil photo conservent leur utilité… Malgré leurs protestations sous forme de messages d’alerte répétés dans les menus de réglages, j’ai finalement coupé toutes les notifications de Facebook, Messenger, Telegram et Whatsapp, avant de reléguer les applications dans un sous-dossier sur mon téléphone. Je fais de même avec les extensions sur ordinateur. Dans la mesure du possible, j’essaye de ne plus consulter ces messages que deux ou trois fois par jour — quand je le souhaite — et de ne plus engager de conversations longues ou décisionnelles sur ces interfaces. Pour toute discussion plus qualitative, voyons-nous lors d’un prochain XV du mois ou écrivons-nous des messages plus construits. Pour toute sollicitation urgente, contactez-moi par SMS. Si vous n’avez pas mon numéro, retrouvez-le dans une signature d’email ou demandez-le moi !

Vous souffrez des mêmes symptômes ? Faites pareil ! Nous communiquions mieux au temps jadis. Il y a trois ans.

Le schéma qui a accéléré la prise de conscience…

3. UNE EXPÉRIENCE EUROPÉENNE

Le 25 mars, nous célébrions les 60 ans du Traité de Rome. La semaine suivante, le Royaume-Uni activait l’article 50 consécutivement au Brexit, démontrant ainsi que notre construction européenne en panne est bien un processus réversible. Pour ranimer le projet politique et humain, je partage mot pout mot ce témoignage de Valentin Dupouey, secrétaire général des Jeunes Européens Fédéralistes : il faut développer les expériences européennes pour reconnecter les citoyens autour de dynamiques qui ont du sens.

Au cours des dernières années, j’ai eu quelques idées plus ou moins farfelues. Faute de temps, de moyens ou de relais pour les mettre en pratique, je propose de les “open sourcer” pour que d’autres puissent s’en saisir :

  1. Un restaurant populaire européen (2004) : lors de ma première visite de l’Ecosse à 17 ans, les lacunes gastronomiques de cette belle terre européenne me donnent l’idée d’une chaîne de restauration rapide qui rivaliserait avec les hamburgers américains grâce à des plats de tous les Etats membres : pasta, meatballs, currywurst… Avec un calendrier de menus spéciaux pour découvrir les habitudes de nos voisins !
  2. Une série télé “Friends of Europe” (2010) : pour relancer le sentiment d’appartenance et la solidarité avec la Grèce, la Commission propose à toutes les grandes chaînes de télévision nationales de co-financer une émission où des familles représentant la diversité européenne sont tirées au sort et doivent apprendre à cohabiter et inventer des solutions. Une bonne base pour une comédie qui nous rassemblerait avec humour.
  3. Une antenne de mobilité européenne (2012) : la barrière de la langue et la complexité des démarches bloquent sans doute de nombreuses expériences personnelles et professionnelles dans d’autres pays européens. Nous sommes quatre à avoir réfléchi plusieurs semaines à un dispositif de centres d’accueil dans toute l’Union pour que les nouveaux arrivants soient accompagnés dans leur installation.
  4. Une constituante citoyenne (2016) : traumatisé par le vote du Brexit et inspiré par l’exemple islandais (voir les 3 points d’octobre 2016), j’imagine avec le projet #RefoundingChildren une transposition de la méthode pour que des citoyens Européens tirés au sort et accompagnés par des facilitateurs professionnels réinventent par étapes les valeurs et les objectifs du projet politique européen.

Les trois points du 3 mars 2017

1. UNE INQUIETUDE PERSISTANTE

Il est déjà 8h30 et Maria a du mal à se réveiller. Traîner au lit n’est pourtant pas son genre, même les jours où l’assistante maternelle n’accueille pas les enfants du quartier. A vrai dire, cela fait longtemps que Maria n’a pas aussi bien dormi. Un grand ciel bleu se découvre lorsqu’elle ouvre les volets de métal. Dans l’air flotte le parfum inédit d’un nouveau départ.

La veille, Timéo l’avait appelée depuis le local de campagne dès 18h30. Il était fou de joie et disait que c’était déjà gagné. Elle n’y croyait pas — on ne pouvait pas être sûr avant 20h. Elle avait allumé le vieux poste de télévision qui trônait au milieu du salon, surprise d’être aussi anxieuse alors qu’elle n’avait même pas voté ni suivi en direct les résultats du premier tour.

Puis ce fut la délivrance. Et, là encore, une émotion de joie surprenante chez Maria. Ou plutôt de fierté. Pour son fils Timéo qui s’était engagé avec tant de passion. Elle avait avant tout voté pour lui. Pour la première fois depuis quinze ans, quand toute la cité avait voté Chirac. Mais hier, tout s’était inversé. Marine Le Pen avait remporté l’élection présidentielle et dépassé les 55 % dans les bureaux de vote du Vaulx-en-Velin. La droite avait échoué, la gauche avait déçu, le monde avait changé, le FN aussi. Cela n’avait plus rien à voir.

Il y a deux ans, je faisais partie d’un projet d’ouvrage de politique-fiction à neuf paires de mains que nous n’avons jamais eu le temps de concrétiser. A l’époque, nous avions de la peine à imaginer une alternative au remake de 2012 avec François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Nous étions obsédés et impuissants devant la montée de la candidate FN, mais déjà convaincus que les discours habituels et la dénonciation des affaires ne suffiraient pas à toucher ses électeurs. Nous avons donc imaginé son accession au pouvoir pour en lire les conséquences. C’était six mois avant la sortie de la BD La Présidente et notre exercice partait sur d’autres bases.

Conscients de notre propre déconnexion avec la réalité vécue dans les territoires frontistes, nous devions nous mettre dans la peau d’archétypes électoraux et les confronter à la “trame du futur” sortie de nos extrapolations. Un préfet légitimiste dans les Bouches-du-Rhône, une retraitée de Béziers, des étudiants zadistes en Bretagne, une enseignante de banlieue lilloise, un médecin de campagne d’origine marocaine dans le Périgord, un petit commerçant lorrain, un conseiller en communication parisien… et pour moi, une mère célibataire qui galère à élever un fils, jeune majeur, qui va s’engager pour Marine Le Pen dans les quartiers populaires de la métropole lyonnaise. Ces destins croisés devaient réagir différemment aux événements successifs : gouvernement en coalition avec une partie des Républicains, rétablissement de la peine de mort et “Frexit” validés par de rapides référendums, alliance avec Vladimir Poutine contre le reste de l’Union européenne, hausse du SMIC et des minima sociaux sur critère de nationalité, succès de l’équipe de France à la Coupe du monde 2018 sans Karim Benzema, émeutes et création de milices… Bien avant les attentats du 13 novembre 2015, nous imaginions le déclenchement de l’état d’urgence comme le point de rupture du régime.

Je me garderai bien de faire des pronostics dans cette campagne qui ridiculise nos imaginations, mais après avoir cru que les Britanniques n’iraient pas jusqu’au Brexit et que Donald Trump ne serait pas élu, j’ai peur du mirage collectif qui nous fait dire que Marine Le Pen ne pourrait pas l’emporter face à un candidat qui incarnerait tout ce contre quoi elle a construit sa campagne.

2. UN PUITS DE LUMIERE

Déménager a été ma principale activité du mois ! En attendant que les cartons soient déballés et que l’appartement soit prêt à accueillir les prochains XV du mois, vous devrez vous contenter de cette photo tirée de mon fil Instagram… :)

3. UNE LETTRE ALTERNATIVE

Avec mes associés Alain, Olivier et Virgile, nous avons créé Open Source Politics en 2016 avec l’ambition de contribuer au renouveau démocratique par le développement de biens communs numériques.

Par l’effet conjugué des aspirations placées dans les nouveaux mouvements citoyens, de l’accélération du calendrier électoral et de la présidence française du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, le secteur émergent des civic-tech a attiré une considérable attention médiatique au cours des derniers mois. A plusieurs reprises, nous avons constaté qu’une certaine confusion règne en France autour des acteurs qui se revendiquent de ces technologies citoyennes alors qu’ils investissent dans des plateformes fermées et des modèles économiques captifs.

Depuis nos débuts, notre implication est exclusivement orientée vers la création et l’amélioration de logiciels libres et open source, car ils sont les seuls à garantir aux citoyens la transparence des démarches de concertation, la non-réutilisation commerciale de leurs données et la mutualisation des investissements. Nous avons lancé le 1er mars une lettre d’information mensuelle pour partager l’actualité de nos outils et de leur communauté, nos réflexions, nos réalisations et nos rendez-vous.

Vous pouvez lire et partager le premier numéro ici, et surtout vous inscrire pour recevoir les prochains sur notre site www.opensourcepolitics.eu !

Les trois points du 3 février 2017

Les vœux de l’année 2047 vous ont beaucoup plu le mois dernier ! J’affectionne particulièrement ce type d’exercice prospectif et le reproduirai sans doute prochainement. N’oubliez pas que cette lettre d’information évolue en fonction de vos retours ; n’hésitez pas à réagir en m’écrivant à hello@valentin.earth !
J’en profite pour vous (re)souhaiter
une bonne année démocratique en 2017, ainsi qu’une excellente année du Coq ! Le dixième anniversaire de mon échange universitaire à Pékin approche — nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler…

1. UNE NUANCE D’HESITATION

La cartographie des 50 nuances de gauche est en train de se clarifier autour du trio Mélenchon-Hamon-Macron. En toute franchise, je suis incapable d’arrêter mon choix. J’essaye de m’y retrouver dans la configuration politique actuelle, que j’ai pourtant longtemps désirée… mais je la trouve finalement très insatisfaisante !

L’histoire des gauches depuis la Révolution française est sans doute jalonnée de ces mouvements de balanciers entre l’idéalisme et le réalisme, entre l’adaptation aux contradictions du pouvoir pour lancer de grands chantiers — je l’ai vu à Aubervilliers — et le radicalisme sur lequel se fondent les prochaines révolutions — ou plus sûrement les profondes transitions ? Autrement dit, le dilemme du référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe du 29 mai 2005 reste la matrice essentielle de la donne politique à gauche en 2017 : faut-il tenter d’améliorer le système de l’intérieur ou l’attaquer du dehors pour le remplacer ? Deux rapports différents au Politique pour deux sensibilités du PS que François Hollande a maintenu ensemble pour gagner une série d’élections et fait éclater au palais de l’Elysée quand il fallût gouverner.

Il y a cinq ans, après l’expérience d’un congrès du MJS cadenassé par les partisans de Benoît Hamon, il était clair pour moi qu’il fallait se séparer de cette gauche du « Non », de l’incantation et de la manipulation, pour construire sur de nouvelles bases un parti progressiste résolument européen. Son émergence a pris cinq ans de plus et n’est pas venue de l’intérieur, mais ce parti existe aujourd’hui : En Marche ! Plusieurs amis qui partageaient le constat du congrès MJS de 2011 ont franchi le pas et occupent des postes à responsabilité dans la campagne d’Emmanuel Macron. Ils y trouvent ce que j’attendais à l’époque. Seulement voilà, entre temps, la perspective d’un monde sans cesse plus instable et plus inégalitaire s’est imposée. Chaque fois que nous célébrons les métropoles qui réussissent, nous creusons le fossé avec les habitants des périphéries qui s’appauvrissent. L’épisode Trump est si vite arrivé…

Pour ma part, j’ai déjà pris ma claque en 2014 quand j’ai compris que si une (vraie) révolution devait avoir lieu en France et en Europe, ce que j’incarnais pouvait légitimement lui servir de cible. Depuis, je tente de marcher dans le sens de la transition écologique et démocratique. Je sais qu’il nous faudra du temps, de la résilience, de l’humilité et quelques nouvelles idées. A ma grande surprise, j’en retrouve certaines dans les propositions de Benoît Hamon, pour qui j’ai fini par voter aux deux tours de la primaire. Complètement improbable il y a cinq ans et sans valeur d’approbation générale du personnage et de son programme, mais il s’agissait avant tout de récompenser le seul qui a pris un peu de recul pour faire évoluer sa réflexion.

Résultat ? Benoît Hamon me convainc plus avec ses nouvelles propositions qu’avec le retour de ses vieilles pratiques. Emmanuel Macron me séduit plus par les méthodes qu’il déploie que par le projet qu’il avance. Voilà, je ne suis pas plus avancé sur mon choix. Dites, a-t-on forcément besoin d’un chef ?

Avant de retrouver l’explication détaillée de cette nuance d’hésitation
dans un futur article plus complet, (re)
découvrez les 50 nuances de gauche !

2. UN FUTUR A EXPLORER

Ce qui plus sûr, c’est que nous avons besoin d’adapter notre engagement aux nouveaux enjeux et outils sans s’illusionner sur la fin des clivages traditionnels. J’ai eu l’immense plaisir de défendre ce point lors du dernier Tribunal pour les Générations Futures organisé par l’équipe d’Usbek & Rica mi-janvier autour de l’enjeu de ressusciter le clivage gauche/droite. Je lis depuis plusieurs années avec un intérêt sans cesse renforcé les productions de grande qualité de ces explorateurs des futurs plus ou moins désirables qui se créent sous nos yeux.

Faites comme moi : visitez leur nouveau site et achetez leur dernier numéro !

3. UN MONDE A HACKER

En 2016, les hackathons Open Democracy Now nous ont permis de faire avancer 30 projets civic-tech open source dans la définition de leur cahier des charges, le développement d’améliorations fonctionnelles ou la diffusion au sein de l’OGP toolbox mise en valeur lors du sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert.

En 2017, nous avons l’ambition de faire plus et mieux. Plus en élargissant la cible de nos événements à d’autres villes et d’autres thématiques connexes, comme le soutien aux nouveaux médias indépendants — le temps presse ! C’est le sens du partenariat avec les Bricodeurs dans l’organisation de la Nuit du Code citoyen dans plusieurs villes francophones. Mieux en sélectionnant et en orientant davantage les projets. Nous l’avons vu ces derniers mois, la civic tech ne manque pas d’initiatives. Elles doivent désormais gagner en qualité et en accessibilité pour toucher une population plus large.

Rendez-vous dans un mois, les 4 et 5 mars, au Square pour donner raison à la devise : “hacker vaillant rien d’impossible” !

Les 3 points du 3 janvier 2017

Seuls les défis qui se présentent à nous semblent égaler les promesses de notre époque — dont on peine à distinguer si elle est la meilleure de l’Histoire humaine comme l’estime Barack Obama ou la plus dangereuse pour notre planète comme le craint Stephen Hawking. La seule réalité tangible, c’est que nous sommes au début d’une transition. Il n’y a pas de meilleur moment que le passage d’une année à la suivante pour l’identifier. Impossible de dire où nous en serons dans un an, mais je vous souhaite le maximum de santé, bonheur et réussite dans l’intervalle ! En ce qui me concerne, je déborde de projets enthousiasmants et certains seront présentés vendredi 6 janvier chez Volumes à l’occasion des voeux d’Open Source Politics !

1. UN VOEU DU FUTUR

Bonne année 2047 !

La campagne présidentielle fait rage entre les candidats hologrammes du Parti du Bonheur qui défend des positions anti-transhumanistes, le Rassemblement pour le Progrès et les Robots (RPR 3.0 !) qui se bat pour l’extension du droit du vote à toutes les machines, le mouvement “Sans Travail Sans Peine” qui vit dans la réalité virtuelle et la candidate des Bio-Conservateurs qui s’insurge que les débats soient dématérialisés et donc, une fois de plus, déshumanisés. Les compagnies d’assurance, qui ont racheté les entreprises du web, dirigent le monde. Les Etats ont été transformés en plateformes virtuelles multi-services regroupant toutes les démarches dont nous avons besoin dans notre vie quotidienne. Nos données biologiques et personnelles sont automatiquement transférées depuis la puce numérique universelle, invention révolutionnaire de l’entreprise Tata-Tech que chaque citoyen est désormais obligé de se faire greffer. La Charte du Numérique définissant les Droits de l’Homme et du Citoyen Connecté n’y a rien changé : les gentils bisounours qui voulaient tirer au sort des assemblées citoyennes pour restaurer la promesse démocratique ont été laminés par l’aspiration des hommes à consommer l’innovation technologique… au point de fusionner avec elle. Cela vaut en tout cas pour les 100 millions d’hyper-nomades aux vies mutantes et mouvantes, toujours orientées vers la mise en scène d’une réussite égocentrique. Ils ne pourraient pas se permettre ce train de vie s’ils ne retiraient pas les fruits du travail de 4 milliards de sédentaires, tiraillés entre le désir d’ascension sociale et la peur d’être déclassés au rang des infra-nomades, ces 4 milliards d’Autres qui vivent dans d’extrêmes conditions de précarité et d’insécurité depuis que la géopolitique mondiale a basculé de l’hyper-Empire à l’hyper-conflit.

Je retiens cette restitution croisée des exercices de prospective des élèves du cours que j’ai eu le plaisir d’animer à Sciences Po Lille de septembre à décembre 2016. J’ai eu l’agréable surprise de les voir se prendre au jeu de l’anticipation pour ce devoir final sur l’évolution du numérique, de la démocratie et de l’action publique à l’horizon 2050. Ils ont, chacun à leur manière, sous forme de débat théâtral, montage vidéo, présentation dynamique ou nouvelle littéraire, proposé leur vision de l’avenir. Drôle ou déprimée, froidement terrifiante ou résolument optimiste. Fondé sur l’extrapolation des tendances actuelles, l’art de la prospective nous laisse au milieu de ce gué incertain entre la fascination et le cauchemar. J’aurais 60 ans en 2047 ; je suis donc à mi-chemin en 2017 ! Mais pour construire une société plus démocratique face au déferlement de courants contraires, nous reste-t-il assez de temps ?

2. UN TEMPS ILLUSOIRE

“L’écoulement du temps est une illusion” nous rappelle pourtant le physicien Thibault Damour dans un passionnant entretien avec Usbek & Rica ! Pas de raison de dramatiser les changements d’années et les prévisions apocalyptiques puisque “le futur est déjà écrit”, sur les cartes que nous n’arrivons pas à lire au-dessus de nous dans la pile : “On a l’illusion de n’avoir d’informations que sur les cartes d’en dessous, celles du passé, et du coup tout se passe comme si on vieillissait. C’est à cause de la deuxième loi de la thermodynamique : l’état de l’univers dans le passé était probablement ordonné et il tend à se désordonner. C’est ce passage de l’ordre au désordre qui donne, à travers les fonctions cérébrales et neurologiques, la mémoire, et cette impression que le temps s’écoule. En réalité, la rivière du temps est gelée. Le temps n’est que la quatrième dimension de l’espace-temps.” Un siècle après la mise en lumière de cette illusion du temps par Albert Einstein dans ses théories de la relativité restreinte (1905) et de la relativité générale (1915), il est donc plus que temps de profiter du bon temps !

3. UNE BONNE RESOLUTION

Slavoj Zizek a beau nous dire que le tri sélectif, l’alimentation bio et les déplacements à vélo ne suffiront pas à sauver la planète, j’ai quand même trouvé une bonne résolution simple à l’impact environnemental direct. Tout est parti d’une campagne de dépollution numérique repérée sur fullmobs.org début 2016 : supprimer 30 emails stockés sur votre boîte mail permet d’économiser la consommation d’une ampoule pendant une journée. Partant du constat que la majorité des emails qui inondent nos boîtes sont des spams, des newsletters dépassées dès qu’on a fini de les lire et des chaînes de notifications permettant de s’accorder sur un point de rendez-vous ou annonçant un retard d’un quart d’heure, nous pouvons nous débarrasser d’un grand nombre de courriels inutiles ! Depuis septembre dernier, à raison d’une heure par-ci par-là, j’ai réussi à trier et supprimer plus de 5 000 emails. Objectif collectif en 2017 : nettoyer au moins 50 % de nos messageries. Vous pouvez d’ailleurs archiver cette lettre, puisque son contenu reste accessible sur Medium ;)

Les trois points du 3 décembre 2016

L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis (on ne s’y fait toujours pas), la primaire de la droite et du centre emportée par François Fillon (et l’élimination définitive de Nicolas Sarkozy), le renoncement de François Hollande à se représenter (pouvait-il réellement en être autrement ?)… l’actualité politique des dernières semaines me fait penser, au moment d’envoyer cette 4e lettre, qu’il me faudrait plus de trois points mensuels pour partager tout ce que j’ai lu et pensé ce mois-ci. Sans compter le suivi des sujets précédents, et notamment l’Islande (cf. les 3 points d’octobre) où Birgitta Jónsdóttir vient d’annoncer que les Pirates ont reçu le mandat pour former un gouvernement de coalition ! Je m’en tiens toutefois à mon concept, expliqué dans la première lettre pour les nouveaux destinataires. Bonne fin d’année et rendez-vous en 2017 !

1. UN CRI DE DESESPOIR

“J’ai honte” nous dit Johan Hufnagel dans son éditorial du 30 novembre. Ces trois paragraphes m’ont touché et m’ont permis de ne pas oublier, de me documenter. Nous ressentons tous ce terrible sentiment d’impuissance que décrit le directeur des éditions de Libération. Cinq ans et demi que le conflit dure en Syrie. Les nombreux articles et témoignages semblent n’avoir eu aucun impact positif, ni sur place ni dans l’équilibre géo-politique.

J’ai honte que des politiques français en position d’être élus en mai 2017 soutiennent encore que les Russes et Al-Assad sont LA solution pour détruire les jihadistes de l’Etat islamique. Que la communauté internationale parle avec la Russie, c’est évidemment une nécessité pour esquisser une lointaine sortie de la guerre civile. Mais la vérité, c’est que les bombes se concentrent sur tout ce qui pourrait représenter une alternative modérée au régime. Et sur les civils. Je ne supporte plus ces politiques qui s’accommodent de ces assassinats de masse, des crimes de guerre, des meurtres d’enfants, des bombes sur des hôpitaux.

A méditer au moment de faire nos choix dans les prochains mois.

Alep, ville qui était habitée depuis le VIe millénaire avant Jésus-Christ, n’est plus qu’un champ de ruines. Elle comptait 1,7 million d’habitants avant le conflit et les photos avant/après rendent compte du désastre culturel et humain.

Alep, avant/après…

Je vis à quelques centaines de mètres de l’avenue de Flandres et du quai de Jemmapes, où des centaines de tentes ont accueilli des vagues de réfugiés ayant survécu aux massacres et aux traversées depuis la Syrie ou l’Afrique. J’ai forcément honte à mon tour. De ne pas avoir fait plus qu’un micro-don lors du financement participatif de l’école Thot, créée cette année pour enseigner le français aux réfugiés et demandeurs d’asile. Si vous êtes comme moi à la recherche de solutions, nous accueillerons notamment l’association Singa lors d’une soirée dédiée à l’engagement que je co-organise avec des amis le mardi 13 décembre à partir de 18h30 au Deux Point Zéro Bar (7 rue Blondel).

Nous avons besoin de développer nos solidarités et d’augmenter la résilience de notre société dans la gestion des migrations, car à l’accueil des réfugiés en provenance des zones de guerre et de misère s’ajoutera de manière prévisible celui des populations fuyant les conséquences du réchauffement climatique.

2. UNE LUEUR D’HUMANITE

Moi, Daniel Blake est une claque qui fait un bien fou. Dix ans après Le vent se lève, également Palme d’or dans un registre différent, Ken Loach est sorti de sa retraite pour livrer avec son scénariste Paul Laverty un nouveau film magistral. Daniel Blake est un invisible : un menuisier veuf en fin de carrière vivant dans un quartier populaire d’une ville britannique frappée par la désindustrialisation. Son médecin lui demande de lever le pied suite à une alerte cardiaque, mais le personnel du job center, déshumanisé par sa chasse aux supposés fraudeurs, exige contre toute logique qu’il prouve qu’il recherche du travail avant de lui verser une indemnisation. S’en suit un parcours ubuesque dans la galère, qui n’est rendue plus supportable que par la rencontre de Katie, mère célibataire de deux jeunes enfants qui a été contrainte de quitter Londres et d’accepter un logement social en état médiocre pour éviter un placement en foyer. Le ton est juste, les acteurs sont admirables, les images sont fortes de bout en bout.

Je me souviendrai longtemps des scènes où Daniel Blake, qui ne s’est jamais servi d’un ordinateur auparavant, bataille avec les formulaires dématérialisés jusqu’à l’épuisement de son forfait internet à la bibliothèque municipale. Alors que je tente de promouvoir les dispositifs de démocratie en ligne sous des formes de plus en plus complexes, il est salutaire de prendre du recul et de s’interroger sur les besoins réels d’un Daniel Blake ou d’une Katie Morgan et du fossé qui les sépare de la volonté et de la capacité à prendre part à ce que nous essayons de mettre en place. Cela confirme nos intuitions : il faut allier physique et numérique, éducation et participation.

Dans cette année 2016 où mes occasions d’aller au cinéma se sont faites plus rares, j’ai également retenu la fresque des mutations chinoises proposée par Jia Zhang-Ke dans Au-delà des montagnes, plus accessible que Still Life(2006) et moins cru que A Touch of Sin (2013), ainsi que l’impressionnant plan travelling qui lançait The Revenant d’Alejandro González Iñárritu, film dont le scénario primaire ne rivalisait pas avec la brillante exécution.

3. UN RAPPORT DE VALEURS

Du 7 au 9 décembre, Paris accueille le sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert (OGP en anglais). Administrations publiques et sociétés civiles internationales sont réunies pour partager leurs plateformes numériques et bonnes pratiques en matière de transparence, collaboration et participation démocratique des citoyens.

Après un an de travail, de rencontres et de tests de plateformes avec l’équipe du think tank point d’aencrage, nous publions à cette occasion la première partie de notre rapport sur le renouveau démocratique auquel nous aspirons. L’enjeu central si nous voulons changer véritablement le fonctionnement de notre démocratie avant qu’elle soit emportée par la défiance, la colère et le renoncement, est d’intensifier nos pratiques. A l’école, en entreprise, dans nos projets collectifs, avec des modes de décision et outils innovants. Pour qu’ils soient accessibles au plus grand nombre et révèlent le pouvoir d’agir en chacun de nous, il nous paraît absolument nécessaire de militer pour que les plateformes et applications numériques soient développer en open source. Dans une tribune que j’ai rédigée pour l’OGP, je lance l’alerte sur la direction prise par une partie de la civic-tech française, qui s’éloigne de la production des biens communs numériques dont nous avons besoin en s’attachant à des modèles économiques fondés sur l’exploitation de logiciels propriétaires.

Rendez-vous le lundi 5 décembre sur les comptes facebook et twitter de point d’aencrage pour découvrir nos constats et nos propositions !

Le prochain XV aura lieu le 15 décembre à midi !
Si je ne vous revois pas d’ici là, je vous souhaite de joyeuses fêtes :)

Les trois points du 3 novembre 2016

3e lettre mensuelle ! Nos amis islandais n’ont malheureusement pas réussi leur pari et l’avenir de la Constitution rédigée en 2011 par les citoyens reste flou. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter, si le cœur vous en dit, lors du prochain 15 du mois !

1. UN BILAN COMMUNICATIF

A l’image des Américains qui doivent voter sans grand enthousiasme pour Hillary Clinton afin d’empêcher la folie Trump, je fais déjà parti des nostalgiques des années Obama. Je repense au formidable élan de la première campagne, au “Yes We Can” plein d’espoirs et à la nuit blanche électorale de 2008, vécue entre amis avec les Democrats abroad réunis Porte Maillot. Nous étions au cœur du cyclone déclenché deux mois plus tôt par la crise des subprimes, mais l’horizon semblait ensoleillé. A l’heure du bilan, les images fortes de ces deux mandats défilent. Arte leur a consacré un très bon documentaire ce mois-ci et des galeries permettent de revoir les meilleures photos de Pete Souza.

On retiendra de Barack Obama que sa communication a été brillante et innovante. Il a été capable de mêler concentration et décontraction, comme dans la récente interview sur l’intelligence artificielle avec le magazine WIRED et le directeur du MediaLab du MIT Joi Ito. Dans un monde “d’infobésité” où les politiques peinent à expliquer le sens de leur action, le président a utilisé son génie scénique comme arme politique pour rire de lui-même et de ses rivaux. Je retiens également dans mon best-of le récit, qui m’a fasciné, des “Precious Hours Alone After Dark” pendant lesquelles Obama travaille ses dossiers en solitaire, alors que tant d’autres dirigeants politiques se perdent dans le mouvement perpétuel et la cour qui les entoure.

Sur le fond en revanche, la méthode Obama s’est butée à la réalité d’un monde de plus en plus polarisé et d’un système politique américain bloqué. Il a réussi à faire passer une puissante relance économique et la réforme de la protection sociale qui a apporté une couverture à 20 millions d’Américains, mais il est resté impuissant sur la régulation du port d’armes et face à la recrudescence des violences raciales. Il l’a exprimé à plusieurs reprises dans ses interviews de fin de mandat : il y a tellement d’acteurs à concerter et d’intérêts à faire converger que le regard extérieur sous-estime toujours la difficulté à prendre et faire appliquer une décision politique. Le documentaire d’Arte se termine donc sur le constat modeste d’un président Obama au sommet de sa classe qui se représente comme un coureur de relais dont l’objectif était d’améliorer la position relative de son équipe avant de passer le bâton… pour un prochain mandat qui ne s’annonce pas tout à fait sous les mêmes auspices.

Barack Obama menant la traversée du pont Edmund Pettus à Selma en Alabama en mars 2015, à l’occasion du cinquantenaire du “Bloody Sunday”.

2. UN SYMBOLE DEMOCRATIQUE

De ce côté-ci de l’Atlantique, l’Europe se cherche également des exemples politiques positifs. Une figure, déjà bien connue des fédéralistes européens, a émergé dans le débat public et sur les réseaux sociaux durant ces dernières semaines : Paul Magnette. Dans un discours partagé par plus de 20 000 personnes et affiché un million de fois sur Facebook, le Ministre-Président de la Wallonie a créé un rapport de force inédit en opposant son veto à la signature de l’accord de libre-échange CETA entre l’Union européenne et le Canada.

L’accord sera finalement signé après une semaine de négociations tendues, que Paul Magnette commentera avec amertume : “Dommage que les pressions de l’UE sur ceux qui bloquent la lutte contre la fraude fiscale ne soient pas aussi intenses.” Après avoir fait craquer Alexis Tsipras malgré le référendum grec en 2015, est-ce là une nouvelle preuve d’autorité du rouleau compresseur bruxellois ? Non, bien au contraire, comme l’analyse Jean Quatremer. L’accord signé doit encore être discuté puis ratifié par le Parlement européen et par une quarantaine de parlements nationaux et régionaux avant d’entrer en vigueur. Les Wallons ont déjà annoncé qu’ils ne ratifieraient pas le texte sans modifications, notamment sur l’arbitrage d’un tribunal privé ou sur la garantie des normes sociales et environnementales.

Dès la fin des négociations, Paul Magnette s’est exprimé face caméra sur ses réseaux sociaux pour expliquer les avancées qu’il a obtenues, puis il a donné accès aux synthèses des débats du Conseil de l’Union européenne. Cette démarche a fixé un nouveau seuil de transparence qui devra désormais s’imposer à toutes les futures négociations internationales — et notamment au TAFTA sur lequel Matthias Fekl a déjà pris des positions similaires.

Si nous voulons sauver l’Europe, une refondation démocratique doit s’opérer.

3. UN PROJET DURABLE

Vous avez sûrement déjà constaté que les dernières mises à jour ralentissent vos téléphones, tablettes ou ordinateurs qui ne sont pourtant vieux que de deux ou trois ans. Nous sommes tous victimes d’obscolescence programmée, terme qui désigne les pratiques — conscientes — des constructeurs qui raccourcissent la durée de vie ou d’utilisation de leurs produits afin de nous pousser à racheter les dernières versions. Cette sur-consommation court-termiste est un désastre écologique et un facteur d’inégalités.

Une forte mobilisation associative a permis de faire inscrire dans la loi relative à la transition énergétique de 2015 un délit d’obsolescence programmée et une extension de la garantie légale portée à 2 ans pour tous les produits. Pour aller plus loin, il faudrait que des citoyens forment des actions de groupes — les fameuses class actions anglo-saxonnes désormais autorisées en droit français — pour attaquer en justice les marques et les constructeurs.

C’est l’une des ambitions de la jeune association Halte à l’obsolescence programmée, qui a rassemblé autour d’elle un collectif composé des Amis de la Terre, de l’UFC Que Choisir, de Zero Waste France, COmmunity et GreenIT pour concevoir des propositions communes de lutte contre l’obsolescence programmée qui seront soumises aux candidats au printemps prochain. Au sein de l’association Democracy OS France, nous avons participé à la préparation de la plateforme délibérative ope2017.org sur laquelle vous pouvez contribuer à ce programme jusqu’à mi-décembre !

Retrouvez également les autres projets de Democracy OS à travers nos 20 propositions pour des conseils de quartier 2.0 et le hackathon Open Democracy Now du 17 novembre.

Les trois points du 3 octobre 2016

Deuxième lettre mensuelle, avec quatre fois plus de destinataires que la première :)

1. UN JEU DE SOCIETE ?

N’avez-vous jamais eu ce sentiment que nos existences suivent un peu trop docilement des règles du jeu qui ont été décidées par d’autres ? Il semble possible d’en transgresser certaines — au prix d’une mise à l’écart, d’une sortie du jeu — mais il n’est pas permis de remettre en cause leur autorité immuable, de chercher trop frontalement à les remplacer…

C’est l’expérience que fait Bastien lorsque sa petite amie l’introduit à la table familiale, terrain sacré où l’on joue depuis des années à un jeu de société similaire au Monopoly. Dans ce monde étriqué et cruel des affaires immobilières, il n’est cependant pas facile pour le nouveau entrant aux maigres économies de se faire une place face à la banque paternelle, qui fait jouer la planche à billets pour acheter la complicité de la mère législatrice et le silence des autres agents du système. Est-ce si tabou de vouloir changer les règles, de vouloir équilibrer les intérêts, de vouloir ajouter un peu de chaleur et de couleur ? En toile de fond de “Jeu de société”, la nouvelle vidéo des talentueux Parasites, déjà visionnée 300 000 fois en deux semaines, c’est le jeu de notre société contemporaine qui est remis en question.

Les deux réalisateurs Guillaume Desjardins et Jérémy Bernard ont déjà quelques vidéos géniales à leur actif, dont la célèbre “vidéo des bouches” du collectif #MAVOIX et le VLOG qui raconte la législative partielle de Strasbourg du mois de mai dernier, où cette aventure politique qui vise à faire entrer à l’Assemblée nationale des citoyens volontaires, formés et tirés au sort avait surpris en réunissant 4,25 % des suffrages !

2. UN EXEMPLE A SUIVRE ?

Terre de légendes et d’aurores boréales colonisée par les Vikings au IXe siècle, l’Islande est le premier pays à s’être doté d’un Parlement — dès 930. Près de onze siècles plus tard, les Islandais ont décidé de changer “les règles du jeu” en ne sauvant pas les banques de la faillite au moment de la crise des subprimes et en engageant un processus politique sans précédent :

Extrait du rapport de point d’aencrage sur le bouillonnement démocratique français qui sera rendu public le 10/10/2016 !

Il reste une dernière étape à franchir lors des élections législatives du 29 octobre prochain. J’ai participé en mai dernier à la conférence “Future of Democracy” organisée par l’université de Reykjavik. J’ai entraperçu, le temps de quelques jours privilégiés sur cette île magnifique, la bienveillance des citoyens engagés dans cette tranquille révolution démocratique.

Le jeudi 13 octobre à 19h, j’ai le plaisir de vous inviter chez Volumes coworking (78 rue Compans dans le 19e) à une projection du documentaire Blueberry Soup qui retrace le travail du Conseil constitutionnel islandais en 2010–2011. La séance sera suivie d’un échange exceptionnel en direct d’Islande avec Eileen Jerrett (réalisatrice du documentaire), Katrín Oddsdóttir (membre du Conseil constitutionnel) et Lawrence Lessig (professeur de droit à Harvard et ancien candidat à la Maison blanche).

Inscriptions sur meetup ou facebook.

3. UN RENDEZ-VOUS REGULIER ?

Qu’on se croise ou qu’on s’écrive, on se promet de se rappeler pour se voir “très bientôt”, “à la rentrée”, mais pas tout de suite, juste “dans les prochaines semaines”, parce que là on est “sous l’eau” ! Résultat, cela fait des années que je dois revoir certaines personnes et que nous ne prenons jamais le temps de nous rappeler et de nous organiser…

Je tente un nouveau concept : le 15 de chaque mois, je réserve un créneau pour revoir jusqu’à 15 personnes. Selon le calendrier, le format variera entre un verre, un dîner, un brunch, une activité thématique, à domicile ou dans un lieu réservé pour l’occasion, à Paris pour le moment mais peut-être ailleurs plus tard… Ce sera aussi l’occasion de brasser les cercles et de rencontrer de nouvelles personnes. Désormais, si vous cherchez à me voir, vous savez qu’il faudra attendre au plus tard jusqu’au prochain 15 du mois !

Rendez-vous le 15 octobre >> remplissez ce formulaire pour être les premiers à participer au XV !

Les trois points du 3 septembre 2016

1. UNE LETTRE

Nous sommes submergés d’informations du lever au coucher. On les écoute, on les voit, on les lit, on les enregistre, on les partage… et très rapidement on les oublie pour passer à autre chose. Quoi de plus normal quand on sait que l’humanité produit autant d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions d’années. Communiquer moins, mais transmettre l’essentiel.

Voilà l’objectif de cette lettre mensuelle, qui ne contiendra que trois informations que je veux retenir et partager avec vous. Il pourra s’agir d’une photo, d’un article, d’une invitation, d’une analyse, d’une émotion, d’une question, d’un jeu, d’un livre, d’un portrait, d’un voyage… Nous verrons bien ! J’espère que ce format vous plaira.

Sinon tant pis, on fera autre chose :p

2. UNE ENQUETE

Depuis l’adolescence, je suis un grand lecteur de presse écrite. J’ai suivi la bouleversante transformation numérique du secteur avec intérêt, au point d’imaginer lancer à la fin de mes études CrossNews, un bouquet d’abonnement donnant accès aux contenus de son choix provenant d’un ensemble de médias. Aujourd’hui, on parlerait d’un “Netflix de la presse en ligne”. Les tentatives similaires ont souvent échoué (comme Ongo aux Etats-Unis) car nous sommes habitués à la gratuité de l’information sur le web. Je commence moi-même à franchir le pas de payer pour l’information qui compte. Dans une démarche plus proche d’un don à une association que je veux soutenir que du paiement pour un service que je veux réellement acheter. J’adore la formule Brief.me, qui m’envoie chaque soir à 19h un résumé synthétique des informations (réellement) importantes de la journée. Je suis attentif au développement du projet 9 milliards, qui ambitionne de devenir un réseau social de curation de l’information. J’ai récemment participé à la campagne de crowdfunding de Sans_A, le média qui rend visible les invisibles de notre société, dont j’attends avec impatience la nouvelle version annoncée pour le 9 septembre.

La qualité de l’information est un enjeu démocratique majeur. Sous la pression de l’instantanéité, les journalistes en arrivent parfois à faire et dire n’importe quoi, sans prendre le temps du travail de vérification, qui doit rester au coeur de leur métier. A ce titre, l’enquête publiée cet été par Yann Guégan est impressionnante : en sélectionnant cinq “infos bidons” qui ont été démenties peu de temps après leur diffusion, il a vérifié si les principaux sites d’information français avaient corrigé ou retiré les articles erronés. Les résultats inquiétants de cette enquête sont à découvrir dans le labo de @yannguegan.

3. UN EVENEMENT

La tentation serait de vous envoyer trois points sur la #civictech chaque mois ! Si vous n’êtes pas sûr-e de comprendre de quoi il s’agit, j’en parle beaucoup à l’écrit et en vidéo. Je me fixe la règle de ne pas y consacrer plus d’un des trois points. Et pourtant, l’année 2016–2017 va être chargée en rendez-vous avec le sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert du 7 au 9 décembre à Paris et les élections du printemps prochain.

Le gros événement sur lequel je me mobilise en cette rentrée est le quatrième hackathon du cycle Open Democracy Now. Littéralement, il s’agit de réunir des “hackers” — dans le bon sens du terme, c’est-à-dire des esprits créatifs qui se saisissent d’un objet et le transforment — pendant un “marathon” de trois jours durant lequel s’enchaîneront des ateliers de débat, de conception de projets et de développement des plateformes numériques open source qui veulent inventer la démocratie de l’ère Internet. Nous débuterons à 19h le vendredi 16 par une conférence sur l’inclusion dans nos démarches des publics les plus éloignés de la décision politique, avant de mettre ces réflexions en application pendant le weekend. Vous êtes les bienvenus même si vous n’êtes pas designer ou développeur, car cet événement est avant tout un stimulant rendez-vous citoyen ! Inscription en suivant ce lien.

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