À la rencontre d’Aurélien BOUTAUDOU

“Le recrutement c’est un marathon, pas un sprint”

Chloé Desault
Hiridium’s blog
11 min readJun 24, 2016

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Aurélien BOUTAUDOU — Lead Marketing Recruitment @Accenture

Rencontré pour la première fois en tant que speaker à #TruParis, nous avions déjà remarqué Aurélien et ses positions bien tranchées. Au lancement du blog, il nous avait spontanément contacté afin d’apprendre à se connaître. Nous lui avions alors proposé une interview afin de vous faire aussi partager cette rencontre ;).

De son parcours à sa vision du métier, en passant par le rachat de LinkedIn, j’ai eu le plaisir d‘échanger avec Aurélien … tout en le suivant en train de faire ses courses. Improbable mais il me semble que le moment a été à son image : naturel, généreux et particulièrement enrichissant.

Pour commencer, Aurélien .. mais qui es-tu ?

J’ai 28 ans. Je travaille dans le monde des RH depuis 4 ans maintenant. Je suis un Geek et un amoureux de food. Voilà, je pense que ça me résume bien. Pour le pedigree je suis diplômé de l’IÉSEG School of Management.

Euh… Geek, ça veut dire quoi pour toi ?

Alors, il y a 2 parties. Je suis passionné du monde de la tech en général et du web. Et après, j’ai l’aspect gamer. Je joue à des jeux en ligne depuis des années. J’aime bien tout ce qui est jeu de plateau.

Et si tu nous en disais plus sur ton parcours ?

Au moment où j’ai passé mon bac, j’ai commencé à réfléchir à ce que je voulais faire plus tard. J’ai vu pas mal de gens, j’ai fait des tests de personnalité. Je me suis retrouvé à en apprendre plus sur le monde des RH, grâce notamment au DRH du Crédit Lyonnais. Il m’avait fait découvrir que les RH c’étaient beaucoup, beaucoup plus que s’occuper des gens à l’intérieur d’une entreprise, et qu’il existe une multitude d’autres facettes. Je suis parti de là, avec l’idée que les RH m’intéresseraient.

Je suis ensuite rentré en école de commerce généraliste en me disant que de toute façon, je ferais de tout. Au pire, si les RH ça ne me plait pas, je pourrais toujours faire autre chose. En 2e année j’ai fait un stage en tant que commercial dans une boutique Orange. Ça m’a appris à gérer un client, à comprendre son besoin et étudier quelles solutions je pouvais lui apporter. J’ai adoré faire ça. À partir de ça, je me suis demandé comment je pouvais réintégrer cette expérience dans ce que je souhaitais faire plus tard : les RH. Et j’en suis arrivé au monde du recrutement.

Donc tu fais vraiment partie de personnes qui ont choisi le monde du recrutement ?

Oui. Je me suis dit, je vais avoir cet aspect RH et en même temps un peu cet aspect commercial : argumentaire, discussion avec le candidat pour le convaincre de rejoindre l’entreprise, etc. À partir de ça, je suis parti en Angleterre pour un stage de 3 mois, puis j’ai fait 2 stages de 6 mois en cabinet de recrutement. Là, j’ai appris vraiment la chasse de tête, le sourcing, faire des scénarios, remonter les organigrammes, etc. C’était à la fois new school et old school.

En 2011, j’ai pu faire un mémoire de fin d’études sur l’intégration des réseaux sociaux dans les processus de recrutement. J’ai réfléchi à la façon dont ils transformaient la manière dont on recrutait, que ce soit sur l’approche sur la partie sourcing mais aussi sur la perspective de communication auprès des candidats. À l’époque, j’ai pu rencontrer énormément d’influenceurs et c’était vraiment très intéressant de se frotter à leurs opinions. Je suis ensuite arrivé en entretien avec Viadeo et là j’ai réussi à convaincre la responsable du recrutement de me laisser faire de la communication RH, en parallèle de mon travail de recruteur. À la fin de mon stage on m’a proposé de rejoindre Viadeo en CDI en tant que chargé de communication interne. L’aventure a duré 3 ans. Il y a un an, j’ai pris la décision de changer d’univers et j’ai saisi une opportunité chez Accenture.

Ton travail se trouve finalement à mi-chemin entre le recrutement, le marketing et les RH. Comment on gravite avec ces 3 mondes ?

Ce n’est pas difficile de trouver sa place, parce que j’ai vraiment un rôle de support, principalement pour le recrutement d’ailleurs. Mon métier, c’est d’aider les équipes recrutement à attirer de meilleurs candidats. À partir du moment, où on part de ce principe là, c’est tout de suite beaucoup plus facile de convaincre un opérationnel de recrutement que toutes les actions qu’on va mettre en place avec lui sont là pour l’aider dans son travail. À l’inverse, je ne peux faire efficacement mon travail que si j’ai un recruteur qui me donne un maximum d’informations pour construire mes messages. Côté marketing, je pense que tout est une histoire de maturité. Les directions marketing doivent comprendre que le sujet de la marque employeur de manière générale fait partie intégrante de la marque. Tout service marketing envisage sa marque dans son intégralité et donc envisage sa marque employeur.

La complexité de ce métier est que c’est un sujet multiple et que cela demande de coordonner plusieurs missions, plusieurs objectifs. Au quotidien, l’important de s’assurer que chacun y trouve son compte pour que tout fonctionne en harmonie. D’ailleurs, une de mes conclusions de mon rapport de fin d’études était que les entreprises devraient probablement créer des équipes multidisciplinaires avec des représentants RH, marketing et communication afin de travailler ensemble sur le sujet. Les différents services acquerraient ainsi les différentes compétences des autres. Aujourd’hui, chaque entreprise a son organisation autour de la marque employeur au final. Il n’y a pas de modèle standard pour travailler sur le sujet.

Selon toi, quelles sont les limites à ne pas dépasser en termes de marque employeur ?

Je pense qu’il y a une chose qu’il ne faut absolument pas faire en marque employeur, c’est communiquer sur quelque chose qui n’existe pas. Ce que je veux dire, c’est que lorsqu’on communique que ce soit sur la marque employeur ou en règle générale avec un candidat, on lui émet une certaine promesse sur ce qu’il va trouver une fois qu’il va rejoindre l’entreprise. Si cette promesse là ne se retrouve pas ni dans la marque et ni dans ses éléments de communication à l’intérieur de l’entreprise, on va droit dans le mur. Le candidat sera immédiatement déçu de ce qu’il aura trouvé par rapport à ce qui lui a été promis et ce sera une source naturelle de départ. Cette notion là n’est pas uniquement liée au recrutement d’ailleurs, elle est valable pour l’intégralité du cycle de vie du salarié dans l’entreprise. Cette promesse est censée être renouvelée. C’est pour ça que la marque employeur n’est pas qu’un concept du recrutement. C’est un concept pérenne sur la vie de l’entreprise. La marque ne disparaît pas une fois que le salarié a été recruté, elle est constante.

Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?

J’aime m’attacher à comprendre une communauté et réfléchir à la manière dont je vais interagir avec elle sans être un peu le gros lourd en boite. Lorsqu’il y a un groupe de personnes en train de discuter, on ne peut pas se pointer comme ça à parler de soi sans avoir un minimum compris l’ambiance de la salle, l’ambiance du groupe, ce qui se dit. Ça, c’est ce que j’aime dans mon métier.

Et qu’est-ce que tu aimes moins ?

Ce que j’aime moins c’est qu’il est nouveau. Il est soumis à énormément d’inquiétudes, de frictions et de questionnements. Finalement, on est sur un sujet qui est nouveau dans une industrie qui est très ancienne. C’est difficile de faire bouger certaines lignes. Un de mes plus grands cheval de bataille, par exemple, c’est l’expérience candidat. C’est le sujet sur lequel l’industrie dans son ensemble a le plus de chemin à faire et sur lequel le moins d’efforts est fourni. On se concentre sur les grands programmes de sourcing, sur la manière d’attirer les candidats, les accrocher, etc. Et au final l’expérience qu’on leur propose en entretien ou simplement pour candidater à une offre d’emploi est vraiment mauvaise. En corrigeant ça, on s’assurerait très probablement de bien meilleurs retours. L’excuse qui revient souvent est de dire que si le candidat ne finit pas le process de recrutement, c’est qu’il n’était pas motivé. Non. L’expérience était mauvaise, c’est tout. Pour moi, la sélection se fait au mauvais endroit.

Pour toi, c’est le sujet de demain dans le monde du recrutement ?

C’est une évidence. Ça fait partie du métier. Pour un chargé de recrutement, promouvoir la meilleure expérience candidat possible, c’est capital. L’expérience candidat, c’est comme le réchauffement climatique. Tout le monde sait que ça se passe, tout le monde est au courant de ce qu’il ne marche pas, mais tout le monde a une bonne raison de ne pas travailler dessus, alors que tout le monde sait que c’est un problème.

Quels sont les outils qui t’accompagnent au quotidien pour travailler ?

J’utilise principalement des outils de gestion de campagne. Comme pour le marketing, on utilise les réseaux sociaux : Facebook, LinkedIn, Twitter mais aussi sur des choses plus classiques comme Google Adwords. Au quotidien, j’utilise Feedly qui a un peu remplacé feu Google Reader. C’est un outil qui permet d’agréger les flux RSS. Et après, pour tout ce qui est gestion de projet, je vais utiliser des outils comme Trello. Rien de super original, mais à chacun ses outils en fonction de ses besoins. Je suis environ 130 blogs différents en français et en anglais, par exemple, je ne peux pas faire cette veille là sur Twitter. J’ai besoin d’un outil qui agrège tout au même endroit et qui me permette de consulter mes sources.

Quel regard portes tu sur le monde du recrutement ?

Je pense qu’on est sur un métier en transformation, qui évolue et qui s’adapte de plus en plus au monde d’aujourd’hui. On a vécu une transformation majeure de société avec internet et cela a impacté tous les usages que nous pouvions avoir au quotidien. Cette transformation finit par arriver au final dans nos habitudes en tant que recruteur. On peut parler de mobile, de process e-commerce ou encore de l’arrivée d’acteurs comme Monster dans les années 90 avec les jobboards en ligne, par exemple. On va progressivement vers une industrie du recrutement qui tend vers l’information parfaite.

À ton avis qui va investir cette évolution ? Les entreprises d’elles-mêmes ou par le biais des chargés de recrutement ?

Pour moi, c’est une question de survie pour les recruteurs et pour les entreprises. Ceux qui sauront communiquer et interagir avec les candidats dans le présent auront un avantage significatif vis-à-vis de leurs concurrents. Je suis en 2016 et je suis en lien avec les pratiques de mes candidats en 2016 et pas avec celles de 2005 ! C’est à la fois les directions de recrutement ou RH qui vont impulser ces transformations dans les softwares et dans les méthodes, et à la fois les chargés de recrutement qui vont directement travailler sur leur approches, sur les interactions qu’ils vont avoir avec leurs candidats et sur les outils qu’ils vont utiliser.

En parlant d’outils, penses tu que LinkedIn va se transformer suite à son rachat ?

Je ne crois pas. Je pense que ça va probablement changer quelque chose pour Microsoft dans le sens où ils vont pouvoir ajouter une couche supplémentaire de données sur toutes leurs solutions entreprises. Ils risquent de faire évoluer leurs produits conçus autour de la communication à l’intérieur ou l’extérieur de l’entreprise par ses salariés (réseaux sociaux, intranet, carnets d’adresses internes aux entreprises). LinkedIn l’a fait, ils ont lancé plusieurs applications mobiles dans ce sens là. LookUp, c’était pour remplacer le carnet d’adresse. Elevate, c’était constituer un réseau de salariés d’une entreprise comme ambassadeurs en externe. Je pense qu’ils allaient dans une certaine direction qui les a amené naturellement vers un playeur comme Microsoft. Mais cela aurait pu être Oracle, SAP ou autres. Cependant, je ne pense pas que LinkedIn, le produit en lui-même,va beaucoup évoluer. Je pense que ça va faire comme Skype qui n’a pas fondamentalement changé depuis que Microsoft l’a racheté il y a 5 ans.

Il y a un risque d’installer définitivement LinkedIn comme acteur incontournable …

Clairement. C’est un effort de consolidation et je lisais encore des articles sur le sujet aujourd’hui. On a eu une espèce d’explosion de grands acteurs qui se sont créés (Twitter, Linkedin, Facebook, etc) et maintenant on entre dans une phase de consolidation où il y a des acteurs encore plus grands présents dans le secteur de la technologie, et ce depuis longtemps, qui vont vouloir intégrer ces structures là. On va revenir sur des situations monopolistiques où nous n’auront plus 4 ou 5 gros réseaux sociaux. Nous allons faire face à 2 ou 3 grandes entreprises technologies qui vont posséder des réseaux sociaux comme des outils de distribution. Aujourd’hui, le rachat de LinkedIn symbolise que personne n’est à l’abri… sauf peut-être Facebook, devenu trop gros pour être racheté.

Allez fin des débats ! Revenons sur du pragmatique, aurais-tu un ou deux tips à partager à nos recruteurs ?

J’ai deux conseils. Le premier ce serait l’empathie. Systématiquement se mettre dans la tête de son candidat et d’essayer de comprendre ce qu’il recherche, ce qu’il aime et où est-ce qu’il va en parler. Pour un recruteur, c’est vraiment capital.

Le deuxième est d’aller plus loin. Assimiler systématiquement un candidat à une relation. Ce n’est pas juste une personne avec qui on a un contact une fois et avec laquelle on ne reparlera plus jamais. C’est une relation potentielle que l’on peut cultiver, développer et travailler sur le temps. Le candidat raté d’aujourd’hui est peut-être le recrutement de demain. Je pense que les recruteurs qui vont vraiment tirer leur épingle du jeu sont ceux qui seront très connectés avec une communauté de candidats qu’ils auront pu cultiver au fil des années. Les meilleurs recruteurs ont toujours fait ça, même avant les réseaux sociaux d’ailleurs. Je pense que c’est quelque chose que l’on perd de vue, probablement parce qu’on ne reste pas longtemps dans le recrutement en tant que professionnel. Mais pour les gens qui veulent en faire le métier, il faut comprendre que le recrutement c’est un marathon, ce n’est pas un sprint.

Pour terminer cette interview, aurais-tu une anecdote à nous partager ?

Aujourd’hui sur les réseaux sociaux, j’ai un peu une double personnalité. Quelqu’un qui me suit sur Twitter et quelqu’un qui me suit sur Instagram verra deux facettes complètement différentes de moi. Sur Twitter, il verra des choses pratiquement exclusivement liées à mon métier et sur Instagram il verra aussi mon côté de gourmand et d’amoureux la scène gastronomique parisienne. Si les gens veulent avoir une autre facette de moi-même, qu’ils me suivent me suivent plus sur Instagram que sur Twitter.

Et voilà, 45 min d’interview ! Rien n’a été oublié sur la liste de course et le temps a défilé à une vitesse incroyable … en tout cas pour moi ;). Merci beaucoup, c’était top !

Je suis particulièrement ravie d’en connaître un peu plus sur Aurélien et je reste absolument impressionnée de sa culture [tech] de l’univers du recrutement. Je ne sais pas vous, mais je sais que j’ai encore bien des choses à apprendre d’Aurélien et je bien envie de continuer à le suivre. N’hésitez pas à en faire de même que ce soit pour le côté pile (Twitter, Linkedin, Viadeo, Medium) ou le côté face (Facebook, Instagram, Snapchat) ;) !

Aurélien, on te laisse le mot de la fin :

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Chloé Desault
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Co-fondatrice @Hiridium & Tech Recruiter… not Geek but beer(s) addict (…)