Azad et les Rolling Stones

de Guy Donikian

Éditions Numeriklivres
Littérature générale

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Il y a la musique. Celle des Stones, des Byrds, de Muddy Waters, enfin la vraie musique, celle qui remue, qui prend aux tripes et donne des ailes.

Guy Donikian. Crédit photo haut de page : Lucas Boesche

Dans la vie d’Azad, il y a sa famille, lourde, comme la main de son père ; étouffante, comme les plats que sa mère et sa grand-mère mijotent de concert pour satisfaire le paternel. Il y a aussi l’Arménie, qu’Azad ne connaît pas, mais qui pèse comme un couvercle, avec ses traumatismes, l’exil, l’oppression, les massacres, enfin tous ces trucs auxquels Azad ne comprend rien. Dans la vie d’Azad, il y a les curés de l’Institution religieuse, qui, eux aussi, ont parfois la main lourde, très lourde. Et puis il y a la musique. Celle des Stones, des Byrds, de Muddy Waters, enfin la vraie musique, celle qui remue, qui prend aux tripes et donne des ailes. Alors Azad s’envole. Il devient Alexandre, rêve d’Angleterre, de concerts mythiques et de filles. D’une belle vie quoi, la vraie, la seule qui vaille d’être vécue.
Pour tous ceux qui ont connu la télé en noir et blanc, les mange-disques et Salut Les Copains, ce roman sera une véritable madeleine de Proust. À déguster, pour rire, et pour pleurer.

Un avant-goût

C’est hier que tout s’est décidé. J’étais dans la cuisine, avec mes parents, mon frère et ma sœur. Je moulais du café pour ma grand-mère avec ce vieux moulin qui ressemble à une espèce d’obus muni d’une manivelle. On met le café en grains à l’intérieur, on tourne la manivelle, et le café est moulu. Je ne sais pas pourquoi, ma grand-mère a toujours voulu que ce soit moi qui moule le café, alors chaque fois qu’elle en a besoin, elle descend avec le grain, le moulin, et c’est parti. Je commence à détester ça. Papa a beau me dire que c’est parce que je suis l’aîné, moi je m’en fous de moudre le café. Papa, comme toujours après le repas, regardait les infos à la télé, assis sur une chaise qu’il retourne pour qu’il puisse se servir du dossier comme d’un accoudoir. Léon Zitrone parlait du marché commun, des difficultés rencontrées pour la construction d’une Europe. J’ai demandé à papa ce que c’était que le marché commun. Il m’a simplement répondu, sans se détourner de l’écran, que grâce à ça, il pouvait faire les marchés pour vendre sa viande. Je lui ai demandé s’il était sûr, il m’a répondu que oui. Moi, je lui ai dit que ce qu’il racontait était faux, mais il s’est un peu énervé, alors je n’ai plus rien dit et j’ai continué à moudre le café avec plus de force pour faire plus de bruit. Tout ça l’a un peu plus énervé et c’est à ce moment qu’on a frappé à la porte. On s’est tous regardés, ma grand-mère a demandé en arménien qui pouvait bien frapper, vu que les visites à la maison sont rares, ou alors elles sont prévues. Alors, que l’on frappe ainsi n’était pas du goût de la famille. Maman est allée à la porte, en interrogeant papa et en lui disant « j’ouvre ? », l’air de dire « tu veux pas y aller ? » Mais papa, devant la télé, on ne peut pas le bouger, surtout pour une raison qui risquait d’être désagréable et puis, papa à la maison n’aime pas être dérangé. Maman a donc ouvert la porte, et j’ai immédiatement reconnu la voix d’Hubert. Maman a paru gênée, je me suis précipité vers la porte pour la libérer d’un embarras qu’elle éprouve toujours en face de qui que ce soit qui n’appartient pas à la famille ou aux connaissances restreintes qui viennent parfois à la maison. Parce que j’ai voulu faire vite, je n’ai pas pris le temps de poser le moulin à café, et Hubert, à qui j’ai voulu tendre la main a paru étonné et en me disant « salut », m’a demandé ce que c’était. Je lui ai répondu évasivement sans m’attarder. Là, il m’a demandé si je voulais venir le lendemain pour une « boum », chez lui. Il y aurait quelques copains de la classe et des filles que je ne connais pas. J’ai immédiatement accepté. Hubert a ajouté qu’il s’occuperait lui-même de la musique et qu’il me ferait découvrir des disques que je ne connaissais pas. J’ai dit « super », et là, le père d’Hubert est apparu, il m’a tendu la main « bonjour mon garçon, comment vas-tu ? » je lui ai répondu « bien merci, monsieur », et il s’est tourné vers maman et s’est présenté « je suis le père d’Hubert, mon fils tient beaucoup à la présence de votre fils demain pour une après-midi qui réunira quelques amis d’Hubert ». Maman ne savait quoi répondre, elle a commencé à bredouiller, et elle a ajouté, « si ça dérange pas, on veut bien ». Le père d’Hubert a demandé s’il fallait venir me chercher, j’ai répondu que non et, très fier, j’ai annoncé que j’avais un Solex. Là-dessus, il a tendu la main à maman pour la saluer, j’ai senti la panique quand elle a hésité à tendre la sienne, et ils sont repartis. Dans la cuisine, tout le monde s’est posté derrière le rideau pour admirer la voiture, la Jaguar, et papa qui n’a pas bougé de sa chaise retournée a simplement dit « ben dis donc t’es bien vu chez les riches ». J’ai acquiescé, mais je n’ai rien dit. On entendait encore le beau bruit du moteur de la Jaguar, jusqu’à ce qu’elle tourne au coin de la rue. J’ai posé le moulin à café, je suis monté dans la chambre, et je me suis dit « putain, super, demain je suis invité ! »

Tous droits réservés. Guy Donikian et Numeriklivres, 2014

Format numérique (ebook) — 181 pages-écrans — 6,49€

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