“Vas-y, pivote !”

Le journaliste et l’entrepreneur, ép.2

David Medioni
Le Tank media
7 min readJun 5, 2018

--

Photo credit: davidmulder61 on VisualHunt.com / CC BY-SA

« Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin c’est les traces de tes pas, c’est tout ». Depuis longtemps, ce poème d’Antonio Machado est l’un des fil à plomb de ma vie personnelle, mais aussi de ma vie de journaliste et aujourd’hui d’entrepreneur. Une façon de se rappeler qu’à tout moment, qu’à tout instant, nous sommes maîtres de nos pas et que chacun d’entre eux façonnent notre chemin de vie. Dans ma vie d’entrepreneur, cette maxime prend encore plus de résonance. Chaque pas, chaque décision aussi anodine qu’elle soit produit un effet et en engendre une autre. En quelques sortes, l’entrepreneur est celui qui ne s’arrête jamais de marcher. Au risque, peut-être, de se perdre.

Alors que nous entrons dans la deuxième moitié de notre incubation au Tank Media, j’en suis un peu là. Les questions -nombreuses — nées suite aux deux premières semaines sont encore là. Certaines ont trouvé des réponses concrètes. Je connais mieux mes cibles.

Les “ernestiens” sont des “ernestiennes”

Globalement, ceux que j’appelle les « ernestiens » sont en fait plutôt des « ernestiennes » pour plus de 65 % d’entre eux. Ces ernestiennes sont des femmes qui — souvent — ont des enfants et aiment acheter leurs livres chez leur libraire de quartier ou sur internet. Nos lectrices abonnées sont des lectrices compulsives puisqu’elles dévorent pour plus de 55 % d’entre elles plus de 20 livres chaque année et pour 30 % d’entre elles entre 10 et 20 livres. Peut-être ont-elles donc besoin à la fois de conseils, mais aussi et surtout d’inspiration autour des livres ? D’ailleurs, souvent, pour trouver leur prochain roman (c’est ce qu’elles lisent en majorité), elles se tournent d’abord vers leur cercle amical, puis vers leurs libraires et aussi vers la radio.
Autre caractéristique de nos lectrices abonnées : elles viennent une à deux fois par semaine visiter le site et ne le trouvent pas clair du tout. En somme : notre découpage « festif » des rubriques est incompréhensible pour plus de 70 % des abonnés qui ont rempli le questionnaire. Voilà l’une des réponses qu’il faudra apporter.

D’autres réponses sont venues des « non abonnés ». Là encore, les répondants sont globalement féminins, grands lecteurs. Ils déclarent « attendre autre chose d’Ernest ». S’ils ne sont pas abonnés c’est par « manque de temps pour lire un magazine en ligne », mais aussi pour certains « à cause du prix ». Enfin, ce qui semble ressortir des réponses des « non abonnés » c’est que notre positionnement de « journal ami » qui raconte simplement la littérature apparaît comme validé, de même que notre soutien aux libraires. Reste à mieux le faire savoir, à mieux le faire voir et à mieux le démontrer éditorialement d’abord, mais aussi dans notre approche marketing. Le chantier est grand.

Évidemment, ces apports de nos lecteurs ont permis de dresser des persona. De tenter de détailler au mieux leurs besoins et les problèmes qu’elles rencontrent dans leur relation aux livres et dans la façon de les choisir. Il y a huit semaines, je vous racontais à quel point mon approche n’était pas faite ainsi, on peut dire que j’ai progressé.

Diane et Françoise, les deux persona majeures d’Ernest

A mes yeux, Ernest a aujourd’hui deux persona majeures. D’abord, il y a Diane, 43 ans, maman dynamique et active qui lit entre dix et vingt livres par an. Elle recherche une possibilité de « faire une liste d’achat sur Ernest », mais aussi plus de « recommandations sur les livres de poches du fait de la bibliothèque qui explose ».
Elle a « envie d’être surprise » par des contenus simples et efficaces à lire. Le principal problème de Diane est le manque de temps pour se poser vraiment. Entre la vie professionnelle, les enfants et la charge mentale, elle s’accorde le temps de lire Ernest ou des livres le soir sous la couette, le week-end, mais surtout avant de partir en vacances.
Aussi, son besoin est double : avoir accès à une sélection simple, fine et surprenante et différente des autres qu’elle peut trouver ailleurs, mais aussi pouvoir avoir un panorama des livres qui pourraient lui convenir, de façon algorithmique ou presque.

L’autre persona type d’Ernest, c’est Françoise, 57 ans. Elle est soit à la retraite soit femme au foyer, soit en fin de carrière et a moins de chose à prouver au niveau professionnel. Elle lit énormément, écoute toutes les émissions de télé et de radio qui parlent de livres. Elle est boulimique de lecture, appartient certainement à un club de lecture dans son quartier ou sa ville. Françoise a envie de découvrir toujours plus de livres, toujours plus d’auteurs. Elle possède une pile à lire conséquente, mais aime la remplir toujours un peu plus. Pour être certaine de ne pas manquer du livre qu’elle désire lire au moment où elle le désire. C’est une bibliophile. Françoise utilise les nouvelles technologies, mais ce n’est pas forcément ce qu’elle préfère. Malgré tout, elle aime le papier.
Ses besoins sont simples : trouver toujours plus d’inspirations sur des livres à lire, mais aussi pouvoir lire des entretiens longs et fouillés avec les auteurs qu’elle adore et admire. Diversifier encore plus ses sources d’informations. Son problème : Elle est souvent déçue de ce qu’elle lit. Elle n’est pas contente de certains conseils issus des médias qu’elle lit. Elle a envie d’être surprise, aussi.

Voici donc les deux persona principaux d’Ernest. Femmes je vous aime, pourrait-on dire… Si elles ont des tas de points communs, Françoise et Diane ont aussi une différence majeure dans le temps dont elles disposent.

“Des questions de journalistes, aux intuitions de l’entrepreneur”

Aussi, à regarder ce bout de chemin déjà parcouru en huit semaines, on pourrait croire que les décisions sont plus simples, plus faciles car basées sur de la data, sur des retours lecteurs etc…Il n’en est rien ! Bien au contraire. Dans ce chemin où seules les traces de pas comptent le moment charnière où nous sommes est celui où l’on a du mal à retrouver, non pas l’énergie, mais la lucidité pour prendre la décision qui permettra de pivoter réellement et de rendre plus efficace l’entreprise Ernest, tant éditorialement qu’économiquement.

Et les questions sans réponses sont encore nombreuses :

  • Quelle est au final notre promesse éditoriale ? Sommes-nous le média qui déchiantise la façon dont on parle des livres ? Sommes-nous le journal « nouvel ami » qui parle simplement des livres et qui — du coup — déchiantise la critique littéraire classique ? Peut-on vraiment être les deux ?
  • Comment mieux séduire nos deux persona type ?
  • Pour séduire ces deux persona doit-on mieux marquer notre temporalité ?
  • Quelle stratégie marketing doit-on mettre en place envers ces deux persona pour accélérer le développement de nos abonnements ?

Toujours des questions de journaliste, mais quid des convictions d’entrepreneur, pourriez-vous répliquer ? Vous n’auriez pas totalement tort…. “Repose les bases de ton projet, travaille sur tes persona et ta promesse éditoriale. Arrête de questionner, pivote et teste”. Voilà aussi ce que j’ai pu entendre à bon escient ici au Tank Media.
Il est un peu tôt pour détailler complètement des convictions. A ce stade, elles sont plutôt des intuitions. Encore en friche.

D’abord, sur la temporalité d’Ernest. Suite aux feedbacks de nos lecteurs, une conviction émerge : ils viennent régulièrement. Une fois par semaine en moyenne. Ernest ne devrait-il pas plutôt que de se présenter comme un « magazine en ligne » jouer à fond la carte de l’hebdomadaire et du rythme qui va avec ?
Ernest, le journal hebdomadaire qui vous parle des livres comme un ami, avec simplicité, complicité et conviction et qui vous donne toujours plus envie de lire.

Autre conviction, notre newsletter (gratuite) du dimanche est aujourd’hui très importante pour nos lecteurs (Quoi, tu n’es pas encore inscrit (e) ? Répare cela en cliquant ici). Notre idée aujourd’hui est d’en faire une offre éditoriale à part entière encore plus marquée et qui serait un moyen de recruter de nouveaux et de nouvelles lectrices.

Autre intuition : plus qu’un journal en ligne sur abonnement, Ernest doit être aussi une expérience. Au final, nous avons à travailler notre relation avec nos lectrices et leur permettre — peut-être — de vivre Ernest : avec le site, mais aussi avec notre box de livres, et demain avec notre club. Finalement, qu’elles puissent vivre Ernest comme un ami : celui qui raconte des choses (le site), celui qui fait des surprises (box de livres) et qui organise des évènements (clubs).

Enfin, une conviction certaine émerge : les rubriques actuelles d’Ernest (Apéro, Invite, Discute, Ripaille et Danse) qui rappellent les temps de la fête (oui, vous vous souvenez, « lire est une fête ») etc… ne survivront pas à la V2 d’Ernest. Nous allons rendre cela beaucoup plus clair et beaucoup plus épuré. « Less is more »

Affaire à suivre. Le 5 juillet prochain, au Tank Media, nous aurons encore plus de réponses à fournir. Et sûrement, une forme de V2 d’Ernest à présenter.

PS : si vous avez envie de réagir à ce billet, ou de nous dire ce que vous pensez d’Ernest c’est là : info@ernestmag.fr . Et sinon, le questionnaire “non abonnés” est toujours là : https://ernestmag.typeform.com/to/xgOhoH

--

--

David Medioni
Le Tank media

Journaliste. Entrepreneur, fondateur d’Ernest www.ernestmag.fr, le nouveau mag littéraire en ligne. Ex-Arrêt Sur images.net et CB News. Amoureux des médias.