Osez l’idéation !

SiaXperience
Makestorming
Published in
11 min readJan 15, 2019

Le brainstorming est devenu en quelques années le fantasme de la créativité dans l’entreprise. Pourtant, ce n’est qu’une technique pour générer des idées parmi tant d’autres ! Elle a ses avantages et ses inconvénients, comme toute technique d’animation, méthode de travail ou outil que vous pourriez utiliser. Par ailleurs elle se démocratise un peu plus chaque jour dans les entreprises de toute taille, et certains semblent même l’élever au rang de symbole de la créativité. Ensemble, tâchons d’aller au delà des effets de mode pour entrer dans l’analyse et le détail.

Aux origines du brainstorming

Pour commencer sur les bonnes bases, il est important de connaître l’histoire du brainstorming. Et celle-ci est bien plus ancienne et contextuelle qu’on ne le croit ! Le brainstorming est imaginé par un certain Alex Faickney Osborn en 1939. A l’époque, on ne parle ni de méthode, ni d’outil, mais simplement d’expérimentation. En effet, il n’a encore rien formalisé et teste uniquement sa méthode en interne au sein de son agence de publicité, BBDO. Il faudra attendre 1940 pour qu’il rédige son premier ouvrage sur le sujet, Your Creative Power. How to Use Imagination to brighten life, to get ahead. Mais c’est à partir de l’après-guerre que la méthode va réellement se faire connaître et se développer.

Et c’est là qu’on touche à deux points essentiel pour comprendre le développement de la méthode brainstorming : nous sommes au tout début des Trente Glorieuses et c’est une méthode créée par et pour des publicitaires !

Photo de Philippe Hasman d’un brainstorming à la BBDO

Pourquoi est-ce essentiel de comprendre ça ? Parce que durant les Trente Glorieuses, la publicité est en plein boom ! Nous sommes dans une période unique de notre histoire, où le pouvoir d’achat augmente avec le plein emploi. C’est une période de forte croissance économique et d’amélioration des conditions de vie dans la plupart des pays développés. Son succès dans la publicité, alors en plein essor, permet le développement de la méthode brainstorming, qui petit à petit s’affranchit de ce domaine pour aller “coloniser” d’autres disciplines.

Une des raisons de l’expansion de cette méthode, c’est la simplicité de ses 4 règles :

👉 Ne pas critiquer les autres ou leurs idées,

👉 Se laisser aller (« freewheeling »),

👉 Rebondir (« hitchhiking ») sur les idées exprimées

👉 Chercher à obtenir le plus grand nombre d’idées possibles.

Mais la simplicité des règles, venues du bon sens même, est une épée à double tranchant : les participants sont peu guidés ou accompagnés vers les bonnes idées. C’est le point crucial de cette première partie : une méthode qui fonctionne dans un contexte aussi unique, ne fonctionne pas forcément dans tous les contextes !

Par exemple, les participants, à l’origine du brainstorming, étaient des publicitaires, des profils qu’on pourrait qualifier de “créatifs”, ce qui n’est pas le cas de toutes les personnes qui brainstorment aujourd’hui dans leur entreprise.

De la même manière, le résultat attendu d’une séance de brainstorming sur un slogan publicitaire n’est pas du tout le même que celui attendu d’un brainstorming sur de nouveaux modes de travail au sein de son entreprise (par exemple) : dans le premier cas, on vise des idées variées, différenciantes, et surtout sans s’imposer des contraintes, alors que dans le second cas, les idées ne seront exploitables que si elles reposent sur des critères effectifs de coûts, de temps, etc.

Le résultat habituel, mais trop souvent inexploitable, d’une heure de brainstorming

D’autres méthodes ont su intégrer ces contraintes (cadrage, résultat final inexploitable, critères tel que les ressources, le timing….), en rythmant le temps d’idéation, en aidant les participants grâce à de l’inspiration, en les accompagnant les profils moins “créatifs” et en soulageant l’effort à fournir pour l’exercice, etc. Mais aucune n’a réussi à détrôner définitivement le brainstorming de son piédestal et elles restent encore aujourd’hui l’apanage des consultants et des agences de design.

Pourtant, si une méthode telle que le brainstorming a su trouver sa place dans l’entreprise, pourquoi toutes les autres ne le pourraient-elles pas ?

2. Le mécanisme de génération d’idées

Pour bien introduire la notion d’idéation, il est intéressant de comprendre le fonctionnement de notre cerveau.

Que se passe-t-il quand on essaye de générer des idées ? 🤔

Dans notre société, nous avons tendance à solliciter principalement notre “cerveau gauche”, siège de la logique, de l’analyse et de la linéarité (par opposition au “cerveau droit”, siège de la réflexion par arborescence, de la créativité et de l’imagination). Si certains, (nos fameux “profils créatifs”) sollicitent plutôt le gauche que le droit (3 sur 10 environ), ce n’est pas du tout la majorité. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont les seuls à produire des idées !

Le premier mythe à démonter, c’est celui qui dit que le cerveau droit est le seul créateur d’idées. La principale différence entre cerveau droit et cerveau gauche, c’est le mode de pensée qui les régit. Le cerveau gauche a une pensée linéaire, c’est à dire qu’à chaque problème, il trouve une solution, alors que le droit a une pensée en arborescence, c’est à dire qu’à un problème, il y a une multitude de solutions. Si vous souhaitez creuser ces différences, je vous invite à lire les travaux de Roger W. Sperry, prix Nobel de la Médecine de 1981 pour ses découvertes sur le cerveau.

Pensée linéaire du cerveau gauche VS pensée en arborescence du cerveau droit

C’est cette distinction qui petit à petit va se déformer pour devenir : le cerveau gauche n’est pas créatif et le cerveau droit l’est. Pourtant, le mécanisme cognitif qui permet de trouver une solution à un problème et celui qui permet d’en trouver une multitude sont exactement le même.

Le cerveau gauche serait donc capable de produire des idées, selon le schéma problème -> solution. Il ne va pas chercher un idée disruptive, mais une réponse logique à un problème cerné. N’est-ce pas ce qu’on recherche aujourd’hui dans une entreprise lors d’un brainstorming ? On ne veut pas forcément l’idée la plus folle, la plus délirante, mais bien celle qui va résoudre le problème. Cette logique d’idéation, c’est le fonctionnement de base de notre pensée, et le b.a-ba de la génération d’idée, on parle alors d’idées du type Problem Solutions, tel que présenté dans le le livre Ideation: The Birth and Death of Ideas, de Graham and Bachmann. C’est ce mécanisme qui a permis le progrès de l’humanité au travers des âges, et généralement, il a plutôt été l’apanage des profils “scientifiques” que “créatifs”.

Maintenant qu’on a vu que l’idéation n’était pas liée qu’aux “profils créatifs”, mais bien à un mécanisme cognitif de base de l’être humain, il ne faut pas tout rejeter dans cette séparation entre “cerveau gauche” et “cerveau droit”. Ce qui a transformé le cerveau droit en siège de la créativité et de l’idéation, c’est ce qui permet à celui-ci d’aller plus loin, et de trouver des idées plus facilement, grâce à cette pensée en arborescence (ou plus connue sous la notion de “pensée divergente”).

Pour penser en arborescence, le cerveau explore plusieurs pistes à la fois et a une vision globale des choses. Cela lui permet de transmettre beaucoup plus d’informations, ce qui a une grande incidence sur le processus d’idéation. En effet, cette vision globale facilite la transformation de l’existant et l’association de concepts. En ayant une meilleure connaissance de l’existant, le cerveau peut plus facilement produire des Derivative Ideas, c’est-à-dire des idées issus de concepts observés, mais transformées et adaptées à votre problème. Il peut même associer des connaissances (voire même d’autres idées) pour produire des Symbiotic Ideas, qui combine des parties de différents éléments pour produire un tout.

Le cerveau gauche a lui aussi de nombreux avantages dans la conception de projet en entreprise. S’il n’aide pas vraiment pour de la génération d’idées, il permet de produire et délivrer le projet beaucoup plus rapidement, grâce à sa pensée linéaire et analytique. L’idéal en entreprise serait donc de pouvoir solliciter successivement son cerveau gauche ou son cerveau droit ! Car si effectivement notre mode de pensée “naturel” tend plutôt vers le cerveau droit ou vers le cerveau gauche, nous sommes l’esclave ni de l’un, ni de l’autre !

3. Passer du brainstorming à l’idéation

Pour effectuer le chemin intellectuel qui permet à chacun de solliciter son cerveau droit et renouer avec sa créativité, nous vous conseillons le livre Libérer sa créativité, de Julia Cameron, qui propose un programme de 12 semaines pour renouer avec votre artiste intérieur.

De notre côté, nous allons plutôt vous proposer et analyser 4 méthodes et outils d’idéation, qui aident à solliciter son cerveau droit et peuvent servir d’alternatives au brainstorming classique.

🔶 Les consultants imaginaires 🔶

Une des solutions pour sortir de son mode de pensée habituel, est de penser à la place de quelqu’un d’autre, en d’autres termes, se donner une posture à tenir ! C’est le but des consultants imaginaires. Imaginez une dizaines de personnages pouvant résoudre votre problème : Ghandi, qui se concentre sur le bienfaits pour l’humain ; Harry Potter, qui peut faire appel à la magie ; Bill Gates, qui peut investir beaucoup d’argent, etc. Puis essayez d’imaginer de nouvelles idées, comme si vous étiez ces personnes ou personnages.

Le fait de se donner une posture à tenir, vous obligera à penser différemment de ce que vous penseriez habituellement. Et cette mécanique va vous aider à faire appel à votre cerveau droit ! En effet, on pourrait dire que cette méthode personnalise le fait d’être créatif, lui donne une forme à laquelle on essaye de s’identifier. Et comme cette forme est concrète, tangible, il est plus facile de s’y projeter.

🔶 Et si… ? 🔶

Un autre levier pour vous aider à générer des idées, c’est d’ajouter des contraintes. Par exemple, la méthode des “Et si… ?” ajoute deux types de contraintes : un parti-pris, et une contrainte temporelle.

Prenez des post-its et notez des questions sous la forme “Et si… ?” (on vous propose plein d’exemples) puis mélangez-les.

Prenez un timer (votre téléphone fera surement l’affaire !) : toutes les 30 secondes, vous devez, en groupe, piocher une nouvelle cartes “Et si… ?” et tenter d’y répondre en groupe en proposant une nouvelle idée. Faites entre 10 et 20 questions.

La première contrainte, la question, oblige à faire des liens auxquels on aurait pas pensé normalement, sollicitant ainsi la vision globale du cerveau droit. La seconde contrainte, temporelle, vous oblige à répondre très vite, en se concentrant sur le fond du problème et non sur le fait “d’être créatif”. C’est une méthode intellectuellement très fatigante, mais très efficace et adaptable à tous les projets !

🔶 Les pires idées 🔶

L’être humain, malheureusement, est très doué pour générer des problèmes. C’est un fait. Mais cela peut s’avérer très utile pour générer des idées ! En effet, on est souvent bien plus créatifs lorsqu’on cherche à causer un problème. Pourquoi ne pas jouer là-dessus ?

Inversez votre problème et chercher les meilleurs moyens de le causer. Par exemple, au lieu de réfléchir à “Comment pouvons-nous proposer une expérience d’achat unique à notre client ?”, essayez plutôt de répondre à la question “Comment puis-faire en sorte que mon client ne revienne plus jamais dans nos magasins ?”. Une fois satisfait du nombre de solutions proposées, essayez de les inverser pour répondre à votre projet initial.

Inverser le problème est un bon moyen d’aider à réfléchir à plusieurs pistes en même temps, et donc de solliciter son cerveau droit. Car chercher à causer le problème désinhibe les participants, et les aide à penser différemment ! Pour faire cette activité, on vous donne ici toutes les consignes !

🔶 L’idée exquise 🔶

Le dernier levier qu’on voulait vous proposer pour faire de l’idéation plus facilement est l’itération collective. Cette mécanique ne sollicite pas particulièrement le cerveau droit, mais utilise l’intelligence collective comme clé de voûte de la génération d’idées.

Mettez-vous en cercle autour d’une table et produisez chacun une idée. Ceci fait, passez votre idée à votre voisin de droite (et récupérez celle donnée par votre voisin de gauche). Lisez l’idée, puis essayer d’aller un peu plus loin, de l’améliorer. Puis passez la à votre voisin de droite et recommencez ! Très rapidement, vos 6/8 idées (car oui, un bon brainstorming se fait à maximum 6 à 8 participants) seront très développées !

Construire sur les idées des autres est l’une des bonnes mécaniques du brainstorming, qu’on a malheureusement perdue au fil du temps. Mais la mécanique de rebond sur les idées des autres est un phénomène puissant pour compléter et approfondir des idées. Parfois 8 idées bien travaillées ont beaucoup plus de force que 100 idées peu développées.

Conclusion

Oser changer nos réflexes, nos pratiques, nos schémas de pensée demande de la volonté et de l’audace, certes. Mais ce qui est important, c’est de garder en tête qu’être créatif, est une compétence accessible à tous. Cela commence par de petits exercices faciles à appliquer au quotidien et/ou à n’importe quel temps de travail où l’on doit trouver des solutions (d’ailleurs, voici un autre exercice pour booster votre créativité) car en effet, être créatif semble devenir LA nouvelle compétence comportementale indispensable pour le monde de l’entreprise.

Alors pour devenir un maître en la matière, il n’y a qu’une solution : essayez, partout et tout le temps ! L’idéation ne doit pas rester dans les mains des consultants ou réservée pour les workshops créatifs annuels : elle doit se pratiquer au quotidien, dès qu’une question mérite d’être associée à une réponse nouvelle, unique et efficace.

Cet article, c’est notre manière de vous remettre les clés de compréhension du mécanisme cognitif qu’est l’idéation, tout en vous partageant les outils pour mettre ça en place chaque jour dans votre quotidien au travail. La dernière chose qu’il vous reste à faire, c’est passer le pas, pour enfin oser l’idéation.

Pour vous aider à vous lancer dans l’idéation, nous avons conçu un kit méthodique complet pour trouver les bonnes idées face à vos enjeux métiers : découvrez l’IdeaMaker.

Article signé Tobias Riché 👍

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