Saint-Louis, une ville historiquement française ?

Luc Landrot
A European lost in the Midwest
5 min readApr 7, 2017
L’un des plus vieux ponts de la ville enjambant le Mississippi. Route au niveau supérieur, train au niveau inférieur.

Saint Louis porte un nom bien français. On pourrait croire (et c’est ce que je croyais jusqu’à mon voyage) que la ville avait été fondée par le Royaume de France avant le vol des territoires par les Britanniques, comme l’ont été Détroit, Montréal ou la Nouvelle Orléans. Que sa position stratégique (au confluent du Missouri et du Mississippi) en faisait une ville étape de la Nouvelle France entre le Québec et la Nouvelle Orléans. Et bien pas du tout.

Les premiers européens à découvrir la région sont Louis Joliet et Marquette (1673). Vous vous souvenez de Chicago ? Ce sont en effet les mêmes qui avaient exploré la région de Chicago pour le compte du Royaume de France.

Il y a bien eu quelques forts français dans le coin au 18ème siècle. La ville a bel et bien également été fondée par des Français (Pierre Laclède, René-Auguste Chouteau, Gilbert Antoine de St. Maxent), mais tout juste quand les territoires de la nouvelle France venaient d’être cédés à la couronne britannique en 1764 suite à la défaite de la Guerre de sept ans (French/Indian War en anglais pour sa partie Nord-Américaine). Très rapidement, les colons anglophones devinrent plus nombreux que les quelques francophones à l’origine de la ville. Il n’y a donc rien de français à Saint Louis si ce n’est le nom. Rien à voir avec la Nouvelle Orléans et son quartier français dont je ne cesse d’entendre parler en bien par des Américains.

Quelle rive du Mississippi ?

A sa fondation, le bourg se situait sur la rive orientale du fleuve. A la perte des territoires par la France, la rive orientale devint britannique et la rive occidentale espagnole (ce qui formera ensuite le vaste territoire de la Louisiane vendu par Napoléon aux Etats-Unis). La ville migra à l’ouest du fleuve pour échapper à l’administration par les britanniques. Les relations étaient plus faciles entre français et espagnoles qu’avec les britanniques. Tiens donc…

Mais comme on le verra à d’autres endroits de mon voyage, le campement vécut quelques années sans être réellement contrôlé ou administré par aucun état. Ses habitants devaient donc s’auto-gérer et vivre selon leurs propres règles. C’est Pierre Laclède qui distribuait les terres aux nouveaux arrivants et organisait des réunions publiques pour les prises de décision.

En décembre 1803, la ville passe donc sous contrôle américain avec l’achat de la Louisiane.

Saint Louis devient alors le port du Mississippi le plus au nord et cette activité commerciale booste le développement de la ville (bateaux à vapeur comme on en voit dans Tom Sawyer). L’état du Missouri se joint à l’Union en 1820 mais sa capitale ne sera pas Saint Louis, trop excentrée, à cheval sur la frontière avec l’Illinois.

En 1900, Saint Louis est la quatrième ville la plus peuplée du pays. Son centre d’affaires et ses gratte-ciel se développent comme à Chicago et New York. Il en reste des vestiges aujourd’hui. Certains abandonnés mais maintenus en bon état.

Saint Louis a eu son heure de gloire et son Arche vers l’ouest en a comme marqué la fin. Ce monument rend hommage à l’extension des Etats-Unis vers l’Ouest et notamment à l’achat par Jefferson de la Louisiane qui a intégré la ville dans le pays et doublé la surface des USA.

Le City Hall

Même si la métropole dans son ensemble garde un certain dynamisme aujourd’hui, on ressent les stigmates d’une ville de la Rust Belt frappée par les crises industrielles.

La ville est par exemple connue pour avoir tenté de résoudre les problèmes de ghettos de pauvres en construisant de grands ensembles à bas prix pour ces populations. Exactement comme en France. Mais la qualité était tellement mauvaise que l’opération fut un échec retentissant. 20 seulement après, ces bâtiments furent rasés, annihilant les efforts de la ville pour améliorer les conditions de vie de ses citoyens exclus.

Saint Louis est devenue récemment une ville avec l’une des plus fortes criminalités du pays et le taux d’homicides par balles est passé devant celui de Détroit. Ferguson, banlieue de Saint Louis, est par exemple devenue tristement célèbre lors des émeutes de 2014 et les tensions raciales existant autour des pratiques de la police.

L’ancienne Union Station réaménagée, ici en commerces et loisirs, comme dans pratiquement toutes les villes du Midwest.

Cependant, le centre revit comme dans toutes les autres grandes villes du Midwest. De vrais efforts sont faits par la municipalité notamment et Saint Louis dispose d’une masse démographique suffisante lui permettant d’attirer une population bobo, jeune, branchée dans des quartiers centraux restaurés. On voit des cyclistes et les micro-brasseries pullulent.

Il reste encore du chemin pour mettre en avant certains bâtiments d’architecture remarquable ou certains sites comme au bord du Mississippi mais le front de rivière au bord du Mississippi est en bonne voie. C’est pour l’instant la ville la plus touristique que j’ai traversée dans le Midwest depuis Chicago. La première fois que je croise des touristes asiatiques par exemple.

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Luc Landrot
A European lost in the Midwest

Auteur de science-fiction, administrateur de l’Union des Fédéralistes Européens — France, ingénieur, Européen dans l’âme et dans la vie. #Subsidiarité