Qu’est-ce que le vin naturel ?

Mathias Richemond
Vin Naturel
Published in
5 min readJan 24, 2018

On me demande souvent ce qu’est le vin naturel. Afin d’en lire une définition précise, Google m’a sorti 3,2 millions de résultats. Cela témoigne bien d’une véritable explosion ces dernières années. A quoi est dû ce phénomène ? Peut-on définir précisément ce qu’est le vin naturel ?

Copyright Michel Tolmer (http://www.glougueule.fr)

Le vin naturel s’est d’abord défini en opposition au vin “artificiel”. Il s’agit en premier lieu d’un mouvement qui s’est érigé contre certaines pratiques. Les premiers vignerons défenseurs du vin naturel s’insurgeaient déjà, en 1907, contre le mouillage du vin (ajout d’eau) et contre la chaptalisation (ajout de sucre).

A partir des années 80, le mouvement du vin naturel s’est structuré autour du rejet catégorique de l’utilisation de produits chimiques et de la viticulture intensive qui ruinait le vignoble (cf. un précédent article sur le sujet). Sous l’impulsion de quelques figures — Chauvet, Jayer, Lapierre, Overnoy, Foillard, Joly et d’autres — le vin naturel s’est perfectionné. Les techniques se sont peaufinées et les vignerons ont peu à peu maitrisé des vinifications complexes et beaucoup plus exigeantes. Le vin naturel est tout sauf un vin de flemmard.

Le sujet du vin naturel est vaste et un peu controversé. Il n’existe pas d’organisme de certification contrairement au vin bio (AB, Ecocert) et au vin biodynamique (Biodyvin, Demeter). Chacun jugera si, oui ou non, un tel est un “vrai de vrai”, un pur naturel. En général, le débat se règle sur l’ultime question du sulfitage. Les partisans d’une ligne parfaitement saine rejettent l’utilisation du soufre, alors que d’autres en préconisent une utilisation homéopathique afin de stabiliser le vin à la mise en bouteille. Personne n’a vraiment raison ou tort sur ce sujet... Cela dépend de beaucoup de facteurs et seul le vigneron peut juger de l’opportunité de le faire.

Autre question épineuse : le vin biodynamique est-il naturel et inversement ? La réponse à cette question est un “non, mais” qui ne satisfera personne ! Reprenons depuis le début, de manière plus schématique.

Et voilà ! Tout est plus clair maintenant :)

Ce schéma résume assez bien les principales différences entre les catégories de vins. Sans revenir dans le détail, vous comprendrez que le vin naturel se rapproche le plus possible, voire complètement, d’un pur jus de raisin fermenté, sans aucun autre artifice et ajout toléré. En conséquence, un vin biodynamique peut très bien être naturel, mais tous les vins biodynamiques ne le sont pas. L’inverse est également valable : tous les vins naturels ne sont pas biodynamiques (je reviendrai sur le sujet de la biodynamie dans un autre article). Si ce n’est pas clair, ce n’est pas grave.

Autre tentative. Empruntons la définition de l’association S-Prit, de juin 2012 :

“Le vin naturel ou vin nature est le résultat d’un choix philosophique visant à retrouver l’expression naturelle du terroir. Il est issu de raisins travaillés en agriculture biologique, sans désherbants, pesticides, engrais ou autres produits de synthèse. Les vendanges sont manuelles et lors de la vinification le vigneron s’efforce de garder le caractère vivant du vin. Les interventions techniques pouvant altérer la vie bactérienne du vin sont proscrites, ainsi que tout ajout de produit chimique, à l’exception, si besoin, de sulfites en très faible quantité.”

Le vin naturel veut tendre à une expression pure et inaltérée du terroir dans lequel le raisin pousse. Il s’agit d’une démarche respectueuse de l’environnement et des hommes. C’est une démarche éthique qui prend en considération l’écosystème dans lequel la vigne évolue. C’est pour cette raison que de nombreux vignerons “naturels” optent pour la polyculture, ce qui a tendance à mieux protéger la vigne.

“Le vin naturel est un vin de patience”

Le vin qui ressort de ce procédé naturel est unique, vivant, étonnant, sain et digeste. Il révèle tous les aspects du millésime dont il est issu. Du fait de son caractère inaltéré, il sera souvent plus difficile à appréhender. Le vin naturel fait ainsi l’objet de nombreuses idées reçues : impossible à conserver, odeur d’étable, goût déviant, fragile, pétillant. En effet, tous ces défauts peuvent exister, c’est le risque à prendre. La plupart du temps, un long carafage fera l’affaire, mais dans certains cas il est vrai que le vin présente de véritables défauts qui, en conventionnel, auraient fait l’objet d’une correction chimique. Parfois, le vin se ferme, et alors il faut juste attendre, parfois des années. Le vin naturel est vin de patience. On est loin, très loin, de la consommation de masse et immédiate. Le vin naturel est produit en toutes petites quantités et sait se faire désirer !

Il faut progressivement s’ouvrir au vin naturel, tout en gardant en tête la démarche qui a été souhaitée par le vigneron et le résultat qui en découle. Chaque dégustation viendra bousculer les idées reçues sur les régions, les appellations et les cépages. Le vin naturel a d’ailleurs tendance à s’affranchir de tous ces codes. Les vignerons qui en produisent s’érigent comme des rebels, des défenseurs du vin véritable. Ce sont d’authentiques zadistes des côteaux. Vive le vin libre !

Quelques conseils pour démarrer : commencez par le beaujolais. Les vins naturels dans le beaujolais sont faciles à aborder et les meilleurs vignerons ont développé un savoir-faire extrêmement abouti au fil des années (quelques noms : Lapierre, Foillard, Descombes, Lapalu, Thévenet, Vionnet, Coquelet, Métras). Dans la Loire, je recommanderais de démarrer par les vins des Puzelat, dans le Clos Tue-Boeuf. Toutes les cuvées sont abordables et toujours bien élaborées. Ces vins sont par ailleurs commercialisés chez de nombreux cavistes.

Pour approfondir

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