Les participants en pleine en discussion (source viagrandparis.tv)

Mettre le MaaS au service des politiques publiques

Les 04 et 05 février 2019 se sont rassemblés à Morning OS, Bagnolet, plusieurs acteurs publics de la mobilité à l’occasion de 2 journées techniques autour du concept de mobilité servicielle — ou MaaS (Mobility as a Service) — et de ses enjeux, animées par Ouishare, en partenariat avec le Cerema.

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6 min readMar 8, 2019

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Issus d’une douzaine d’autorités organisatrices, de syndicats mixtes et d’établissements publics, opérant à l’échelle de la métropole ou de la région, 17 responsables mobilité ont travaillé entre pairs pour intégrer les opportunités du MaaS dans leurs projets territoriaux de mobilité et appréhender ensemble ces enjeux complexes.

Au cœur des questions et attentes des participants, la volonté d’y voir plus clair sur un sujet (trop ?) d’actualité, de prendre de la hauteur par rapport au discours techno-centrés, et surtout de pouvoir commencer à dessiner le rôle de l’acteur public, ainsi que les partenariats qu’il doit privilégier, dans un environnement qui dépasse désormais la simple fourniture d’une offre de transports collectifs publics (bus, tram, métro…).

Des interventions privilégiant l’interaction

Les deux journées se sont structurées autour de rencontres type “conférences-débats” :

En ouverture, Ghislain Delabie, connector mobilité Ouishare, insista sur l’importance de dépasser l’agitation et l’obsession actuelle sur le sujet et sur le fait qu’il n’existe pas un mais bien différents modèles de “MaaS”, fonction des subtilités possibles entre “gouverneurs territoriaux de la mobilités”, “seigneurs de la données” et “créateurs de la mobilité”.
Les facteurs clés de succès ? S’adresser personnellement à la multitude, faire de l’enjeu donnée un sujet phare, et gérer la complexité.

“Le MaaS achevé va plus loin que la notion de transports publics “étendus” Ghislain Delabie — Ouishare

Beware of the Lords of Datas…

Mathieu Saujot de l’IDDRI partagea les enseignements de l’étude AudaCities de l’IDDRI et la FING, qui interroge les promesses de la Smart City en général, et du MaaS en particulier : Waze a-t-il fait disparaître les embouteillages ? le vélo en free-floating remplace-t-il une infrastructure cyclable ? “On ne fera pas une mobilité urbaine durable en additionnant des innovations”. Le MaaS n’est-il alors pas le lieu où se réconcilient les mobilités individuelles, notamment les nouveaux acteurs privés, les intérêts collectifs, et les enjeux environnementaux?

“Rien ne nous permet d’affirmer que les véhicules autonomes seront plus partagés que nos voitures actuelles !” Mathieu Saujot — IDDRI

De l’importance donc de donner une intention au MaaS, intention forcément politique puisqu’elle influe sur la distribution de l’espace urbain.
En accord avec la définition de l’UITP, la vision proposée par Mathieu Saujot repose sur une offre digitale qui combinera les offres de transport publics et privés pour pouvoir vivre sans posséder un véhicule personnel. L’ère des acteurs privés agissants seuls est révolue, il faut désormais collaborer au sein d’une économie mixte, et gouverner la tension entre les rythmes effrénés de l’innovation et ceux des temps politiques.

Les participants furent également ravis de pouvoir profiter de l’occasion d’échanger avec leurs alter-égos européens, grâce aux interventions de :

Quelques questions posées à Claes Kanold, Ruter AS

La présence d’homologues, ayant déjà poussé assez loin le modèle souleva de nombreuses questions : vision orientée client, billettique “100 % dématérialisée”, paiement sans effort, stratégies numériques inclusives, hub physique de services mobilités, tension urbain-rural…

Et surtout, la place qu’a choisi de prendre une autorité organisatrice publique comme la Hochbahn dans la coopération des différents acteurs sur son territoire, en mettant par exemple en place des critères de sélection pour les acteurs privés voulant entrer sur la plateforme Switchh.

Du côté des institutions et des établissements publics,

  • la présentation des dernières mises à jours de loi Loi Organisatrice de Mobilité (LOM) par Fabien Couly, du Ministère de la Transition écologique et solidaire, fut l’occasion de discussions pour le moins animées avec les autorités organisatrices, notamment en mettant en lumière les difficultés réglementaires à contraindre les acteurs privés à ouvrir leurs données aux acteurs publics.
  • l’intervention de Laurent Chevereau, du Cerema, se concentra sur les données. Qu’il s’agisse de données d’offres comme celles de l’information voyageur (bientôt regroupées dans le Point d’Accès National), elles restent clefs de la proposition de valeur du MaaS en permettant la création de services adaptés pour les consommateurs et l’amélioration de l’interopérabilité des modes de transports.
    Ici encore est ressortie l’importance d’aboutir à une gouvernance publique-privée afin d’avoir suffisamment d’outils pour pouvoir influer sur les comportements, enjeu crucial du MaaS selon lui.
  • Enfin,Gabriel Plassat, et Cécile Clement, présentèrent respectivement l’appel d’offre sur la mobilité servicielle de l’ADEME et le nouveau programme de travail sur le MaaS du Cerema.
    L’occasion de s’interroger sur les bonnes pratiques afin d’évaluer un projet de MaaS, mais aussi sur la durée des formats “classiques” d’appels d’offres, qui s’étalent sur plusieurs années. Héritage des relations “client-fournisseur”, ils ne sont peut être plus adaptés aux temporalités rapides de l’innovation et aux organisations par plateforme.

Projeter le MaaS sur un territoire

Entre chaque intervention, les participants furent invités à poser les bases de leurs réflexions en travaillant sur un outil de type canevas, développé spécialement pour l’occasion par Ouishare.

L’outil utilisé pendant les 2 jours, développé par Ouishare

Outil d’appropriation des concepts autant que prétexte aux échanges, il permit aux participants de mettre en application les concepts débattus au préalable en les déclinant par rapport à leur propre territoire.

Après plusieurs sessions de travail, seuls ou en binômes, les participants ont pu présenter leur idéal de mobilité pour 2025, et la façon dont ils voyaient une plateforme MaaS apporter de la valeur à leur territoire.

Malgré une volonté “en tant que collectivité” de “ne pas rester inactive devant la situation” la juste posture de l’acteur public oscille encore entre “pilote naturel et nécessaire sur le territoire de la métropole” pour certains, et une position où l’on “ laisse le marché réguler la situation selon certains critères prédéfinis” pour d’autres.

Et maintenant ?

Au sortir de ces deux journées bien remplies, on retrouve d’abord chez les participants la certitude d’avoir pris du recul et porté un regard “plus ouvert et plus approfondi” sur les différents aspects du sujet, ainsi que la satisfaction pour tous d’avoir pu discuter entre pairs, dans un environnement de confiance.

Pour aller plus loin, et commencer à mettre sérieusement en place ce genre de politiques sur leur territoire, plusieurs discussions et chantiers sont désormais à approfondir :

  • “exprimer une volonté claire et savoir ce qu’on veut faire avec le MaaS sur son territoire” : le MaaS n’est ni un gadget ni une solution miracle, il se construit en réseau en fonction des objectifs que l’on se fixe collectivement : décongestion, accessibilité, pollution …
  • le “besoin de remettre les usagers au cœur de la démarche, de leur parler et de les comprendre”. Un intérêt particulier est à porter sur de la question des incitatifs, afin d’avoir une bonne compréhension en matière d’acceptabilité dans les changements d’usages et de comportements.
  • “Construire une vision partagée avec les différents territoires” au niveau de la donnée de manière générale, et de sa gouvernance.
  • bien intégrer que “s’il y a des choses qu’on ne sait pas faire, soit ! On peut demander au privé !” , tout en faisant porter plus fortement la culture de la coopération privé/public par les élus, afin de renforcer la place des collectivités pour rééquilibrer la balance.

“Si on ne fait rien, on sera tributaire du discours du privé : l’idée est de bâtir un partenariat gagnant-gagnant “

Pour avancer sur ces points, et d’autres tels que l’inclusion (“Comment ne pas oublier les gens qui ne pourront accéder au MaaS ? Et les touristes ?”), ou les méthodes de financement (“Faut-il intégrer l’abonnement transports dans le prix du logement ?”) le groupe a émis la volonté de pousser plus loin l’expérience, en continuant à animer cette petite communauté, d’abord en ligne… et pourquoi pas l’occasion de futures rencontres ?

Affaire à suivre donc !

Pour aller plus loin, quelques une de nos contributions sur le sujet :

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