3 — Repenser l’espace de travail à l’heure de la décentralisation et du digital

Christophe Dargnies
ManoMano Tech team
Published in
7 min readMay 13, 2020

A People Journey @ ManoMano (3/7)

Cet article est le 3ème d’une série de 7 articles :

  1. Réconcilier l’humain et le business, rôle du Chief People
  2. Développer la culture comme roc dans un contexte de changement permanent
  3. Repenser l’espace de travail à l’heure de la décentralisation et du digital
  4. Recruter (beaucoup) dans un univers ultra compétitif
  5. Structurer sans sacrifier l’agilité de l’entreprise et l’autonomie des personnes
  6. Faire grandir les talents en tenant compte de l’équation économique
  7. Avancer malgré les vents contraires et garder le cap

ANNEXE : organisation de la fonction People et KPI

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Le premier sujet auquel nous avons été confrontés s’est avéré être un casse tête extrêmement concret, dont je n’avais pas mesuré au départ les enjeux (pratiques, financiers, culturels) : les bureaux.

a — Enfin des supers bureaux, mais à peine aménagé, déjà trop à l’étroit

Quelques mois avant mon arrivée, l’ensemble de l’entreprise s’était installé dans un immeuble entièrement réhabilité au cœur du 17e arrondissement de Paris. C’était le 5eme déménagement dans les 4 ans de la courte histoire de l’entreprise. Ce dernier avait été longuement pensé, préparé, c’était une forme d’aboutissement : un immeuble sur quatre étages aménagé aux couleurs de ManoMano :

  • Au rez de chaussée, un grand auditorium, un garage à vélo, des Algeco design pour faire passer les entretiens.
  • Puis trois étages entiers d’open space d’une centaine de places chacun avec des petits box en guise de salle de réunion. Au sous-sol, une board room mais aussi une salle de musique, une salle de sport, et une salle de relaxation.
  • Enfin, une cafétéria avec terrasse sous les toits, sans oublier l’inévitable baby-foot, ainsi que la table de ping-pong.

Le kit complet de la start up fashion qui marche bien. Pourquoi? Car l’environnement concurrentiel pour le recrutement oblige à se doter d’un certain nombre de must have du monde des startups, qui ont aussi des valeurs d’intégration (le baby foot étant un lieu d’intégration profond entre les différentes équipes techs).

Au delà des clichés, il y a aussi des choses importantes à l’image de qui nous sommes : pas de bureaux fermés, les fondateurs au milieu des équipes, côte à côte, qui changent de place chaque trimestre car accessibles, ouverts, au même niveau que les autres ; une déco en ligne avec l’univers du bricolage et du jardinage pour rappeler notre secteur, nos marchands, nos clients, notre mission ; des espaces qui facilitent les activités sportives et culturelles pour pratiquer à plusieurs : la salle de sport qui héberge les cours de boxe ou de yoga, la salle de musique ou les gens répètent ensemble, etc… Les bureaux sont ainsi, non plus un endroit exclusif pour travailler, mais des lieux de vie pour se connaître et partager, d’autant plus vrai pour les tranches d’âge 25/35 ans.

Mais voilà, six mois plus tard, la réalité déjà nous rattrapait, car les effectifs de l’entreprise allaient dépasser la capacité du bâtiment, Nous avons donc écumé tous les immeubles de grande capacité disponibles, et étudié toutes les options possibles fonction de la localisation, de la surface, du loyer, de la durée d’engagement. D’un point de vue économique, l’équation s’avérait compliquée car il fallait d’une part lâcher le bail actuel (500 eur/poste) contre un nouveau, plus cher (aux vues de la flambée de l’immobilier) et moins bien placé. Avec en plus, une partie de la capacité cible vide, le temps de la montée en charge (surcoût temporaire pouvant aller jusqu’à 50%).

Un cercle vicieux finalement, en totale inadéquation avec nos besoins de scale up en croissance, générant des coûts fixes élevé et une instabilité chronique à déménager.

b — Un second site avec un partenaire de coworking ?

Nous nous sommes retrouvés dans une impasse, ce qui nous a forcé à repenser notre approche : pourquoi ne pas ouvrir un second site, en conservant notre siège du 17ème, vaisseau amiral de ManoMano? Et plutôt que de prendre un bail en propre, pourquoi ne pas faire appel au coworking? Ce secteur est en train d’exploser, et il existe de multiples acteurs, tous avec leur positionnement et leur personnalité distincte. Après une étude approfondie, nous avons pour notre part trouvé un partenaire proche de notre ADN, sérieux sans se prendre au sérieux (Morning Coworking). Il nous a proposé une partie d’un étage d’un immeuble trendy mais simple, près de la Place de la République, à 30 minutes porte-à-porte en métro du siège. Nous avons négocié avec lui la possibilité de prendre des tranches successives avec des tarifs définis à l’avance. Mais sans obligation d’engagement et avec des préavis courts.

Cela s’est avéré très utile car l’hyper croissance n’est pas forcément une croissance continue (voir le graphique des effectifs mensuels dans la partie recrutement). Bien au contraire elle est faite d’accélérations et de plateaux, une forme de stop and go qui nécessite beaucoup de flexibilité. Certes, cette externalisation a un surcoût apparent (environ 10% à 15% d’un poste dans des locaux en propre). Mais in fine, nous pouvons ajuster de manière assez précise le nombre de postes de travail à notre croissance des effectifs, avec des petites marches d’escalier successives plutôt que quelques grosses : l’équation redevient largement pertinente d’un point de vue financier.

c — L’appel du remote et du décentralisé : extension à d’autres sites & approche hub

Après République (septembre 2018), un bureau à Bordeaux et un autre à Barcelone allaient suivre quelques mois plus tard (en octobre 2018 et janvier 2019 respectivement). La raison principale était d’élargir rapidement notre pool de talents. Les facteurs clés de succès ont été les suivants : des bassins d’emploi attractifs (et pour ManoMano l’élargissement de notre vivier), une capacité de montée en puissance rapide, quelques volontaires pionniers prêts à la mobilité géographiques et un encadrement managérial sur place. Nous avons pris la décision en quelques mois d’ouvrir ces deux antennes additionnelles. Les coûts (loyers et salaires) sont d’environ 10% inférieurs à Bordeaux (par rapport à Paris) et 20% à Barcelone. Attention cependant, une partie de ces économies sont re-dépensées dans des frais de transports et voyages, nécessaires également pour la bonne fluidité et cohérence de l’ensemble.

Inauguration des bureaux de Barcelone

Nous avons ainsi lancé de nouvelles communautés d’employés ManoMano, à la fois similaire (une culture ManoMano) mais différentes (avec leurs spécificités locales). Des start ups dans la start up, une aventure entrepreneuriale renouvelée. Il est intéressant de voir que cette stratégie de « hub » s’est faite de manière quasi concomitante au lancement du télétravail (à l’été 2018).

Ainsi, nous avons démarré un apprentissage progressif du remote, travail à distance domicile/bureaux, ou travail à distance inter bureaux. Nous avons affiné notre approche du sujet, avec les équipements IT adéquates et fonctionnels dans les bureaux, des outils performants (Zoom comme logiciel, tablettes et caméra dans les salles de réunion pour démarrer les conversations en un clic), des principes de meeting à distance, le développement de la culture de l’écrit et des documents partagés, des règles conditionnelles d’application d’équipes multi sites (les équipes juniors ont besoin d’une proximité managériales physique), des rituels spécifiques de célébrations communes (ex : company meeting) ou simultanées (ex : le Noël des enfants au même moment mais dans chaque site).

d — L’animation de la communauté

À cela s’ajoute des aspects opérationnels qui nous permettent en interne de garder une structure légère car, au-delà de l’espace de travail, nous externalisons non seulement toute la gestion des bureaux (maintenance, sécurité, ménage, etc…), mais aussi l’animation du site dans un équilibre à trouver entre notre culture d’entreprise et celle du coworking. Nous y avons aussi trouvé d’autres dimensions insoupçonnées de “reverse engineering”. En effet, les coworkings ont un vrai savoir-faire en terme d’animation des communautés et de lieu de travail.

Chez Manomano, nous avions du mal à recruter la perle dans ce domaine et il y avait urgence. Ainsi est née l’idée que notre partenaire nous mette à disposition pendant un an une community manager. Elle nous a rejoint en immersion complète, a professionnalisé ce sujet avec talent et formé les équipes enthousiastes sur ces sujets. Un vrai savoir-faire dans la gestion du quotidien, la communication auprès des employés et surtout l’animation de la communauté elle même.

C’est devenu en quelques mois une source de richesse incroyable, déclinée sur tous nos sites, de manière similaire et différente à la fois:

  • célébrations des Mano anniversaires du mois,
  • anniversaires des lancements des pays
  • orateurs réguliers
  • dégustations de vin, de cafés
  • liens avec des associations (label Emmaüs, Vendredi, Bénénova)
  • dons de sang
  • partenariats avec les commerces alentours
  • newsletter hebdomadaire
  • etc…

En conclusion, la crainte que notre culture éclate avec l’apparition du remote et du multi site a tourné court. Nous avons développé un modèle hybride, avec du physique et du travail à distance, un siège (vaisseau amiral) et des hubs décentralisés, un modèle de croissance des bureaux grâce à des partenariats de coworking permettant suffisamment de flexibilité à un coût acceptable pour suivre notre croissance. Et une vie de communauté enrichie par ces pôles en interconnexion permanente. Nous ne le savions pas à l’époque, mais toute cette évolution allait jouer un rôle majeur dans notre capacité à faire face plus tard à l’épreuve du confinement.

Remerciements

  • Didier de Stabenrath, Arthur Latournerie, Elsa Fideli, Benjamin Arboret, Blaise Rochefort
  • Clément Alteresco et Karen Schaumburg de Morning Coworking
  • CDAdvisory qui a conseillé Christian & Philippe pour trouver l’immeuble de Bayen avant mon arrivée!

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