Portrait d’un Léon Homo

Michael Ortali
6 min readJul 5, 2015

--

Voilà déjà 6 ans que je vis aux Etats-Unis. Je suis parti de France après avoir terminé une licence professionnelle aux Gobelins.

Ma démarche de départ a commencé vers fin décembre 2008. Je commençais alors à me renseigner sur les opportunités professionnelles post-études et suites aux conseils d’amis (Mary, Mathieu, Nicolas se reconnaîtront), j’ai regardé de plus près celles disponibles outre-atlantique.

L’entreprise démarchée à l’époque n’a demandé que deux entretiens téléphoniques et un test. L’offre était signée début mars et les documents (visa) terminés début mai. Mon avion pour la Floride a décollé le 7 Juillet 2009 en aller simple.

Léon?

Pour ceux qui ne connaissent pas l’initiative #reviensleon, il s’agit d’encourager les français qui sont partis vivre à l’étranger à revenir travailler en France pour contribuer aux entreprises qui grandissent. Vous pouvez trouver plus de détails sur le site principal.

Pourquoi être parti?

Les raisons qui ont motivé mon départ, hormis le défi d’aller vivre dans un autre pays, de découvrir une nouvelle culture et l’expérience de l’immersion, sont ancrées dans mes expériences professionnelles en France.

Pendant mes deux années passées sur Paris, mes contrats d’apprentissage m’ont donné une vue du monde de l’entreprise française: les entretiens, les différentes dynamiques au sein des équipes, le système de hiérarchie et la façon dont les projets sont gérés.

La culture des entreprises

En considérant que nous passons au moins 8 heures par jour dans un cadre de travail, l’environment et la culture comptent beaucoup. Trois choses qui m’ont marqué dans les entreprises pour lesquelles j’ai travaillé en France:

  • Décisions principalement hiérarchiques: les entreprises Françaises sont souvent top-down, laissant très peu de marge pour les ingénieurs de contribuer à l’évolution d’un projet ou de l’entreprise.
  • Absence de mérite: Les opportunités données aux employés sont minces. Il faut vraiment se battre pour avoir plus de responsabilités et faire grandir nos compétences. Dans beaucoup de cas, l’ancienneté compte beaucoup plus que le mérite.
  • Forte misogynie et homophobie: les remarques et attitudes entre collègues sont parfois très insultantes et dirigés vers certains groupes ethniques (par exemple: “C’est quoi ce code de pédé”). Elles ne créent pas un cadre de travail favorable à tous.

Manque d’opportunités pour les Jeunes

Souvent considérés comme non expérimentés, les entreprises donnent rarement aux jeunes des opportunités et défis qui peuvent les aider à apprendre et à rapidement acquérir de nouvelles compétences. Les entretiens sont difficiles et le travail donné dans les entreprises n’aide pas forcément l’évolution personnelle.

A l’inverse des Etats-Unis où les entretiens se doivent d’être respectueux et cordiaux, les entretiens auxquels j’ai participé en France étaient d’un autre format avec des remarques parfois désobligeantes (“Vous n’avez fait qu’un IUT.”, “Vous n’avez aucune expérience professionnelle.”, “Donc vous ne savez pas faire grand chose”) et un manque de suivi une fois les entretiens terminés.

Dans les entreprises qui m’ont donné ma chance, mes tâches en tant qu’apprenti étaient souvent minces: je passais la majeure partie de mon temps à demander de nouveaux projets, et à démarcher mes collègues pour savoir s’ils avaient besoin d’aide. Malgré mes tentatives, mes principales tâches étaient de faire le travail dont personne ne voulait.

En conclusion, les compétences acquises durant ces deux années d’apprentissage étaient plutôt maigres.

Et alors, les USA?

Une fois arrivé en Floride, les opportunités ont frappé à ma porte pratiquement toutes les semaines suite au manque de main d’oeuvre qualifiée en Californie.

Yahoo!

J’ai fini par passer des entretiens chez Yahoo! pour un poste de software engineer. En discutant avec Michael Montesano, la décision de m’embaucher n’était pas pour mes compétences techniques (les autres candidats avaient plus d’expérience dans le domaine), mais plus pour ma capacité à analyser un problème et fournir une solution itérative.

Une différence forte par rapport aux modèles de recrutements Français dans laquelle le candidat doit souvent répondre à une grille donnée. Malheureusement, mon équipe fut délocalisée en Inde quelques semaines après mon arrivé, mon expérience chez Yahoo! fut donc assez courte.

D’autres entreprises à l’époque étaient intéressées, et j’ai continué chez YouTube et Google.

Google - YouTube

Pendant mes entretiens, ce qui a fasciné Chris Zacharias était un projet de réalité augmenté tangible crée durant mes études aux Gobelins (l’une des premières au monde). Il ne s’agissait pas de mes capacités à créer des algorithmes, mais plutôt mon côté inventif et mon utilisation des technologies existantes pour créer des choses qui n’étaient pas encore possibles.

Durant mes 3 ans au sein de l’entreprise, mon expérience a été remplie de surprises culturelles: Google offre un cadre de travail exceptionnel: un environment inclusif et entièrement collaboratif. Il ne m’a pas fallu longtemps pour faire mon coming-out auprès de mes collègues qui m’ont soutenu dans ma démarche.

L’entreprise fonctionne en méritocratie: vous êtes récompensés pour vos efforts et vos collègues sont reconnaissant de l’aide que vous apportez au quotidien. Une quantité d’opportunités: un an après avoir rejoint l’entreprise, ils me proposent le rôle de lead sur le redesign de YouTube.

Être responsable d’une transformation radicale de l’interface du 3ème site au monde à l’âge de 23 ans semble complètement impensable en France.

Pinterest

L’entreprise suivante, Pinterest, offre un cadre de travail similaire avec quelques exceptions:

Pinterest fonctionne sur un principe de valeurs: dans le playbook, les valeurs de l’entreprise sont mises en avant et chaque employée doit les suivre.

Tous contributeurs: quelque soit notre titre, nous sommes tous responsables du futur de l’entreprise aussi bien au niveau du produit, qu’au niveau de la culture.

Investie dans les employés: les exemples sont nombreux, la valorisation des employés est forte. A titre d’exemple: plusieurs collègues de mon ancienne équipe ont fait une transition sur le développement mobile sans pour autant avoir de connaissances préalables.

The Orchard

Avant d’arriver à NYC, Mes projets étaient principalement liés à l’interface utilisateur.

Durant les entretiens avec The Orchard, plusieurs sujets ont été discutés et ils ont décidé de me donner ma chance en tant que Software Architect. Une nouvelle position, avec un lot de défis personnels, mais pour laquelle ils voyaient un perfect fit.

Une preuve supplémentaire de la culture américaine: la prise de risque, une chance pour l’employé d’apprendre, de faire ses preuves, et pour l’entreprise d’innover. Le bilan est aujourd’hui très positif: The Orchard est aujourd’hui polyglot (php, java, python, scala), et fait tourner plus d’une dizaine de microservices.

Léon reviendra-t-il?

En tant qu’expatrié, l’initiative est splendide: lorsque mon envie de revenir en France deviendra réelle, je peux simplement aller sur le site et trouver toutes les informations nécessaires pour mon retour (travail, santé, logement).

Cependant, une partie manque cruellement à l’initiative: l’éducation des entreprises Françaises à gérer les expatriés qui reviennent. Après avoir vécu à l’étranger, nous avons tous des attentes vis à vis de nos futurs employeurs. Pour réussir cette transition, il nous faut une preuve, une garantie que les entreprises listées sont compétentes et ouvertes au changement.

Une sorte de charte à laquelle toutes les entreprises doivent adhérer. Quelques idées:

  • Environment inclusif et diversifié: l’entreprise s’engage à créer un environment qui apprécie les compétences de tous sans discriminations (envers les minorités, l’orientation sexuelle, sexisme, racisme, etc.). L’entreprise encourage aussi les employés à contribuer à la culture et la vie de l’entreprise.
  • Opportunités pour les jeunes: l’entreprise s’engage à embaucher des jeunes diplômés et à leur donner une chance dans le monde du travail. Finis les excuses de trop de diplômes ou trop jeune.
  • Absence de hiérarchie et transparence: l’entreprise s’engage à créer un environment où il est facile de discuter librement avec tout le monde et favorise la communication avec les équipes dirigeantes.
  • Méritocratie: les employés seront valorisés et récompensés suivant leurs contributions dans l’entreprise et leur prise de risque.

Donc pour répondre à la question: Léon reviendra certainement. Mais en attendant ce jour, les entreprises Françaises ont beaucoup de travail à faire au niveau d’elles-mêmes et de leur vision du monde qui les entoure.

Looking for UI designers, copywriters, photographers? Check out CreativeList, a platform fully dedicated to help you find the creative talent you need. Are you a creative yourself? Join us. Have a job for creatives? List it.

--

--

Michael Ortali

At @Square. Founded www.creativelist.io. Previously @Pinterest, @YouTube, @Google, and @Yahoo. Studied Multimedia and Art at L