« Alors que les images photographiques sont devenues omniprésentes, nous les comprenons encore moins qu’avant. »

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5 min readOct 7, 2022

Rencontrez Giovanni Senisi, Artiste en résidence

Rencontrez Giovanni Senisi, artiste et photographe établi à Vaughan, en Ontario. Giovanni nous a parlé de l’importance d’accorder de l’espace aux idées, de l’utilisation d’outils numériques pour créer des « accidents voulus » autrefois obtenus en piétinant des négatifs, des nouvelles perspectives qu’ouvre la suppression du contexte, et de la possibilité d’intégrer les murs de sa maison à son processus de création.

Imprimo : Bonjour, Giovanni. Vous répondez aux questions d’Artiste en résidence depuis votre atelier, à Vaughan, en Ontario. Que voyez-vous depuis votre fenêtre ?

Giovanni Senisi : Je vois les arbres, le ciel et mon jardin évoluer vers le froid automnal. Où que je sois, vous me surprendrez souvent en train de faire une pause pour regarder dehors. Les idées ont besoin d’espace.

I : Comment est né votre intérêt pour la photographie ?

GS : Dès mon plus jeune âge, je me suis intéressé à toutes les formes d’expression créative, mais à l’université, je me suis penché sur la photographie comme moyen de matérialiser rapidement et efficacement mes premières pensées, mes premières idées. Mes photos sont souvent le point de départ d’une exploration qui se poursuit de façon numérique. À l’époque, c’est dans la chambre noire traditionnelle que j’ai vraiment commencé à considérer les images captées comme des points de départ. J’avais pour habitude de déployer beaucoup d’efforts pour éliminer la méticulosité des images, d’abord en utilisant un appareil photo cassé pour la prise de vue, puis en piétinant les négatifs pour les rayer et les « endommager ». Maintenant, j’utilise des moyens numériques pour provoquer ces accidents voulus.

I : Parlez-nous de votre travail en très gros plan, comme dans votre série AutoExuvium. Comment ce travail influence-t-il le point de vue du spectateur sur votre sujet ? Et comment change-t-il votre propre façon de le voir ?

GS : Je m’intéresse particulièrement au fait qu’un détail visuel peut raconter une histoire qui passe souvent inaperçue. Lire les petites éraflures et les fissures sur la surface d’une voiture accidentée dans une image agrandie et recadrée de manière à ce que le contexte ne soit pas montré me permet de la voir d’une manière complètement différente. Elle commence à ressembler davantage à une peau, ou à une coquille. Je suis toujours à la recherche de métaphores visuelles pour ce que j’essaie de communiquer… Je les trouve généralement dans les détails.

I : Vous êtes professeur d’art et de photographie depuis 20 ans. Y a-t-il un enseignant ou une enseignante d’art qui vous a particulièrement inspiré ou encouragé quand vous étiez enfant ?

GS : Quand j’étais en deuxième année, le directeur de notre école a visité chaque classe pour faire une longue présentation sur Van Gogh. Il nous a fait écouter la chanson Vincent de Don MacLean et nous a présenté une série complète de diapositives sur les peintures de l’artiste, montrant comment on pouvait comprendre les émotions de Van Gogh en regardant attentivement les coups de pinceau et les détails. Ça m’a transformé. Lors de ma dernière année de secondaire, pour le projet final de mon cours d’arts plastiques, j’ai chanté cette chanson.

I : Dans quelle mesure la pratique artistique peut-elle être enseignée ? Quelle est la part d’instinct dans la création ?

GS : C’est une question complexe. La pratique artistique est souvent confondue avec la technique et l’habileté. Oui, les compétences peuvent être enseignées et maîtrisées, mais la maîtrise de ces compétences ne suffit pas pour faire de quelqu’un un ou une artiste. Être artiste, c’est réfléchir au monde qui nous entoure et s’y engager, et ça s’apprend, comme tout le reste. En ce qui concerne la notion d’instinct, il arrive qu’une personne qui en a beaucoup le perde par négligence, et à l’inverse, une personne peut ne pas avoir reçu cet instinct à la naissance mais l’acquérir durant sa vie en étant exposée à toutes sortes d’expériences.

I : De nos jours, tout le monde a un appareil photo dans sa poche en permanence. Est-ce que ça a changé la photographie d’art en général, et votre façon de travailler en particulier?

GS : Oui, absolument ! Alors que les images photographiques sont devenues omniprésentes, nous les comprenons encore moins qu’avant. La sursaturation a fait que la plupart des gens ont encore moins de temps pour réfléchir au sens et à la raison d’être de ces images. En conséquence, l’imagerie métaphorique et l’allégorie sont devenues plus importantes pour moi. La facilité accrue avec laquelle nous pouvons aujourd’hui modifier et retravailler les images numériques a également changé mon travail dans la mesure où des logiciels comme Procreate et Photoshop m’aident à utiliser mes photographies en tant qu’ébauches numériques. Cette dernière année, l’ensemble de mon travail a abouti à une peinture plutôt qu’à une impression numérique, en tant qu’image finale.

I : L’ancienne artiste en résidence Antoinette Esmé Hérivel demande :
« Accrochez-vous certaines de vos œuvres dans votre maison, pour vous-même ? Si oui, avez-vous des critères pour les choisir ? »

GS : Tout au long de ma vie, je n’avais jamais, au grand jamais exposé mes œuvres dans ma propre maison. Cela a changé il y a environ un an. Bientôt, mes œuvres seront partout dans la maison. Je les considère différemment maintenant. Mes murs font désormais partie du processus de création.

I : Maintenant, quelques questions du tac au tac :
Quell·e·s sont les artistes, d’aujourd’hui ou du passé, que vous aimeriez rencontrer pour prendre un café ?

GS : Francesco Borromini et Cy Twombly, ensemble.

I : Y a-t-il une compétence improbable que vous avez acquise grâce à votre pratique artistique ?

GS : La photographie ! Étant donné qu’elle a toujours été un moyen de parvenir à une fin, j’ai fini par l’approfondir à un niveau technique que je n’aurais jamais imaginé.

I : Vous souvenez-vous de la première œuvre que vous avez exposée publiquement ?

GS : Bien sûr. C’était dans le cadre d’une exposition collective, il s’agissait d’une pièce en céramique contenant du jus de grenade en fermentation.

I : Quelle est la dernière galerie que vous avez visitée ?

GS : Le Musée d’art Riverbrink. Debra Antoncic, sa directrice / commissaire, fait un travail remarquable.

  • Ce texte est une traduction de la version originale anglaise.

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