« Mon travail n’est pas un acte de recyclage, mais plutôt de restitution. »

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5 min readSep 2, 2022

Rencontrez Joanne Lapointe, Artiste en résidence

l’artiste dan son atelier

Pour l’artiste en résidence de ce mois-ci, nous avons le plaisir de vous présenter Joanne Lapointe. Après plusieurs décennies au service des autres dans le secteur des arts visuels, Joanne a décidé de donner la priorité à sa propre créativité et au développement de son style personnel. Ses premières expositions ont eu lieu en 2019. Nous lui avons parlé de l’intégration dans ses œuvres d’art d’objets mis au rebut et usés par le temps, des teintes inspirantes de l’Islande, et des défis à relever pour plus de visibilité en tant qu’artiste.

Imprimo : Bonjour Joanne,
Vous répondez aux questions d’Artiste en résidence depuis votre atelier en Mauricie, au Québec. Que voyez-vous depuis votre fenêtre ?

Joanne Lapointe : Ma maison / atelier se trouve en Mauricie, sur le bord d’un lac paisible en pleine forêt boréale. J’ai fait le choix de m’y installer parce qu’elle m’apporte la quiétude nécessaire à mon travail. Quoi de plus inspirant que de faire partie intégrante de cette force tranquille en constante transformation ? De ma fenêtre, j’aperçois les textures et les couleurs se modifier selon les saisons. L’été, j’entends la grive dans le sous-bois, le vent dans les feuilles, l’hiver, je devine le silence feutré de la neige qui recouvre tout. Cette nature omniprésente me suggère sujets et titres, elle a la grande générosité de me fournir parfois les artefacts nécessaires à mes tableaux.

I : Vous avez étudié le graphisme et travaillé plusieurs décennies dans le domaine artistique avant de réaliser votre première exposition en tant qu’artiste, en 2019. Quel a été le plus grand obstacle sur le chemin qui a mené à votre propre vernissage ?

JL : Après toutes ces années à satisfaire les besoins visuels de mes clients, me donner le temps pour développer mes propres recherches, trouver mon style personnel, soumettre mes créations au regard du public a été tout un défi. Mais ma plus grande difficulté a été de comprendre la complexité de l’accès au réseau de diffusion, de prendre le temps nécessaire à la préparation des dossiers d’approches, de faire l’introspection nécessaire à une juste description de ma recherche artistique… bref, un apprentissage complexe en dehors de la création elle-même. Le fait d’avoir été choisie pour deux expositions cette année-là a été un signe d’encouragement grandement apprécié.

I : Parlez-nous un peu du voyage en Islande qui vous a inspirée.

JL : La palette de l’Islande, issue du feu et de l’eau, fut une révélation pour moi. La sobriété des lignes, le côté graphique du paysage révélé par la puissance des contrastes, la force du noir omniprésent partout sur l’île me parlaient, m’inspiraient. Les textures aussi, très présentes, m’ont amenée à travailler la matière brute comme la rouille, le bois brûlé et la poussière de roche. Inutile de vous dire que j’aurais adoré ramasser quelques trésors dans les lieux insolites que j’ai explorés.

“Nymphéas” par Joanne Lapointe

I : Au moyen de l’art, vous donnez une seconde chance à des objets utilitaires fabriqués par l’être humain. Qu’est-ce qui vous a attirée dans l’idée de transformer des objets conçus pour faire un « travail » en œuvres d’art, créées pour être contemplées, inspirer des pensées et être appréciées ?

JL : Mon travail n’est pas un acte de recyclage, mais plutôt de restitution. Attirée par les traces du temps imprégnées sur ces objets délaissés, j’ai réalisé que la laideur pouvait être belle, il suffisait de changer notre regard. J’adore les défis que m’apportent leurs différentes matières. Un morceau rouillé ne se fixe pas de la même façon que du verre, le bois ne se travaille pas comme de la porcelaine. C’est toujours différent et ça m’amène sur des pistes étonnantes. J’adore l’ombre portée par ces fragments mis en relief, car ils permettent de sortir du cadre, conférant à l’œuvre une présence unique et vibrante dans son environnement. En détournant l’objet de sa fonction d’origine, j’aime penser que je le fait revivre autrement et qu’il peut être sublimé dans une œuvre d’art actuelle.

I : Faites-nous connaître un peu votre processus créatif, de la découverte d’objets mis au rebut à leur assemblage en une œuvre.

JL : Peu importe où je suis, je suis toujours à l’affût, à la recherche d’une forme, d’une couleur ou d’une texture qui attire mon regard. Je ne sais pas toujours ce qui m’inspirera, ni quand ça arrivera. C’est en fouillant dans mes boîtes à l’atelier que la rencontre s’effectue ! C’est là que je décide de l’histoire à raconter et de sa mise en scène, que je peins, fixe, plie, colle et badigeonne. Je défie la solidité de l’acier et la fragilité du végétal, la transparence du verre et la flexibilité du bois. J’adore amener l’objet dans un tout autre registre, un ressort de lit se métamorphose en nacelle, un tampon de sablage… en nénuphar, il ne suffit que d’un peu d’imagination !

I : Vous avez dit, à propos de votre travail, que « les titres se créent d’eux-mêmes ». Quelle est l’importance du titre pour une œuvre ?

JL : Mes titres sont presque toujours composés d’un ou deux mots, comme une évocation, une évidence ou un clin d’œil. La plupart du temps, c’est la pièce trouvée qui m’inspire le titre au départ. Mon travail se développe à partir de la force ou de l’histoire qu’il dégage. Ceux-ci nous renvoient à la nature, à nos souvenirs d’enfance ou de voyage… Crépuscule, Iceberg, Flots bleus, Moby Dick, Katmandou, Islande, etc. Pour moi, le titre n’est pas obligatoire pour comprendre l’œuvre mais possède néanmoins une force évocatrice qui peut transformer le regard porté sur elle et lui offrir une nouvelle dimension.

Nacelles par Joanne Lapointe

I : L’ancienne Artiste en résidence Lise Létourneau vous pose cette question : « Quelle facette de ton métier d’artiste trouves-tu la plus difficile ? »

JL : C’est de se faire connaître dans ce monde en pleine effervescence numérique! Merci IMPRIMO pour cette belle visibilité de qualité!

I : Maintenant, quelques questions du tac au tac :
Quell·e·s sont les artistes, d’aujourd’hui ou du passé, que vous aimeriez rencontrer pour prendre un café ?

JL : Gustav Klimt, Alberto Burri, Andy Goldsworthy, Dugald MacInnes et Marc Séguin.

I : Y a-t-il une compétence improbable que vous avez acquise grâce à votre pratique artistique ?

JL : Accepter l’accident, s’en servir pour rebondir !

I : Vous souvenez-vous de la première œuvre que vous avez exposée publiquement ?

JL : C’était un immense globe-terrestre entièrement peint à la main, inspiré par l’iconographie ancienne des mappemondes, exposé en Allemagne (2013).

I : Quelle est la dernière galerie que vous avez visitée ?

JL : Le Centre culturel Yvonne L. Bombardier.

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