Conseil et COVID : 2020 marque-t-elle une rupture ?

Ariane Cronel
SCIAM
Published in
6 min readJan 7, 2021
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Comment le secteur du Conseil a-t-il été impacté par la crise sanitaire ?

Alors que la baisse d’activité entre mars et mai pouvait atteindre 30 à 40%[1], le Syntec Conseil (250 adhérents) annonce pour 2020 un recul d’environ 10% de l’activité et une contraction des effectifs de 2%.

Le secteur du Conseil semble finalement relativement peu souffrir du Covid en termes de business

Cet impact somme toute relatif du Covid sur le secteur s’explique par plusieurs facteurs. Certes, de nombreux acteurs réduisent leurs budgets « non vitaux » faute de visibilité sur les mois à venir. C’est particulièrement vrai dans l’aéronautique et le secteur du transport au sens large, et cela se traduit le plus souvent par un gel des budgets, ou par des procédures de validation des achats de conseil actionnées dès que les montants dépassent quelques dizaines de milliers d’euros.

Pour autant, les besoins en expertise perdurent, voire se renforcent : les entreprises ont toujours besoin d’analyses sur-mesure de leur réalité opérationnelle, de leur marché, et d’un accompagnement au plus près de leurs besoins. C’est particulièrement vrai sur les sujets technologiques, pour assurer l’atterrissage de projets complexes, souvent à forte dimension technique, dans les délais prévus afin de maîtriser le budget. Plus les projets à accompagner sont proches de l’opérationnel de l’entreprise, moins ils sont impactés par les restrictions budgétaires. C’est ainsi globalement le cas des budgets informatiques, relatifs à la cybersécurité, ou liés à des transformations métier cruciales pour l’offre de valeur. Les profils de consultants attendus par les clients ne sont dès lors plus les mêmes, avec une prime à l’expertise de pointe et à la séniorité. Le temps des équipes nombreuses et pyramidales semble révolu.

Par ailleurs, les entreprises manifestent le besoin d’un accompagnement de leurs ressources et de leurs organisations vers les nouveaux modes de travail imposés par la COVID : comment recréer du collectif, maintenir des rituels de cohésion d’équipe, le tout à distance ? Quels outils utiliser pour mieux communiquer avec sa hiérarchie ? Les modalités d’exécution des tâches ou de prises de décisions doivent-elles être revues ? Passé le choc du mois de mars et les organisations en mode « crise », toutes ces questions méritent d’être traitées, et les équipes formées le cas échéant pour réussir cette transition vers d’autres façons de fonctionner[2].

Enfin, les missions de cost-killing vont probablement connaître une embellie pour permettre aux entreprises de dégager de la trésorerie sur 2021, mais cette embellie s’annonce moins forte qu’en 2008 puisqu’une part du risque financier est aujourd’hui assumée par l’Etat.

Le secteur du Conseil sera donc en définitive assez peu impacté par la crise sanitaire, si ce n’est du point de vue capitalistique : les structures les plus fragiles économiquement pourront faire l’objet de rachats par des concurrents plus solides, accentuant la tendance oligopolistique du secteur.

La COVID a consacré l’ADN « nomade » du consultant

Le métier de consultant étant essentiellement nomade, la crise sanitaire n’en n’a pas fondamentalement modifié les caractéristiques. Si le « temps passé chez le client » a disparu, remplacé par des conférences téléphoniques et des ateliers animés à distance, le travail d’analyse qui pouvait s’effectuer à la maison comme dans l’open space est resté identique. La plupart des cabinets étaient déjà dotés de procédures d’accès sécurisé au réseau à distance, et maîtrisaient les outils de travail à domicile comme d’animation collective. Ils n’ont donc pas eu de difficultés majeures à les utiliser de façon plus assidue pour animer des réunions client qui se seraient faites en présentiel en temps normal. La crise sanitaire a aussi diminué les charges liées aux déplacements, et il est probable que nombre d’entre eux seront désormais remplacés par des visio conférences, là où une présence physique était considérée avant la crise comme allant de soi.

Image par Matthias Zeitler de Pixabay

Ce sont plutôt les modalités managériales habituelles du Conseil qui ont pu être affectées par la crise. Difficile par exemple de « passer dans l’open space » pour mobiliser des ressources afin de réfléchir à une propale. Mais, finalement, il n’est pas impossible d’organiser un open space virtuel, avec quelques ressources sélectionnées, pour travailler ensemble comme on l’aurait fait en réunion.

La COVID n’a donc pas constitué une rupture, mais plutôt un accélérateur et un amplificateur de pratiques de travail déjà existantes dans le secteur.

Des questions se posent néanmoins quant à la pérennisation des pratiques

Comme d’autres entreprises, les cabinets de conseil sont confrontés à la question de leurs locaux et du bon équilibre entre travail présentiel et travail distanciel. Tous les cabinets ne font pas face aux mêmes contraintes en la matière (baux, locaux en propre, locaux partagés…) mais tous doivent identifier les « bonnes raisons pour revenir au bureau », à présent que le télétravail est en vigueur depuis des mois. La qualité du contact social que permettent les locaux sera une clé du succès et il semble difficile de faire l’économie d’une réflexion approfondie sur les aménagements favorisant au mieux la convivialité et la créativité collective.

La question du « bon mix » entre télétravail et présentiel est aussi celle de la productivité : les consultants sont ils plus efficaces chez eux ou au bureau ? A cet égard, le recul est encore insuffisant pour affirmer l’un ou l’autre. Le premier confinement, avec les écoles fermées, a souligné la difficulté d’être productif tout en faisant la classe à la maison. Le déconfinement, avec un effet « décompression », s’est parfois traduit par une difficulté à reprendre le collier et par le sentiment d’une perte de sens dans une partie des équipes. D’où la volonté de certains employeurs de « faire revenir tout le monde » en septembre. Pour renvoyer tout le monde en télétravail fin octobre. Ce « stop and go » ne permet pas d’installer une organisation et des process internes susceptibles d’optimiser la productivité des équipes, dans un contexte d’incertitude.

C’est pourquoi l’offre de valeur des cabinets doit désormais pleinement intégrer l’évolution des relations managériales

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Le souci de limiter les coûts d’une mission de conseil et de maximiser son utilité est en train de transformer la demande des clients : le conseil en transformation, historiquement fact-based, doit de plus en plus répondre à un enjeu de vision ou de leadership qu’il faut faire advenir. L’analyse de multiples time sheets ou RACI laisse désormais sa place à quelques workshops très bien designés et animés, et à des analyses synthétiques soutenues par de la dataviz.

L’attention portée à la mobilisation d’un collectif de travail et à la transformation des relations managériales n’est donc plus une question de « confort », le « nice to have » d’une mission, mais un enjeu majeur car directement lié à l’efficacité du modèle opérationnel.

C’est pourquoi chez SCIAM nous intégrons dans nos missions de delivery non seulement les expertises tech et data nécessaires, mais aussi la dimension organisationnelle et humaine, grâce à nos compétences en intelligence collective et en sciences comportementales.

Nous avons hâte de démarrer 2021 avec nos clients !

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