Quelque part face à cet infini
“Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. […]
Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout.” Pascal, Les Pensées
C’était une journée pluvieuse, et seuls quelques téméraires s’étaient aventurés jusqu’au bout du chemin. Il n’y avait pas grand bruit, seulement ces gouttes qui s’écrasaient, la brise qui se levait, et quelques sourdes exclamations ici et là happées par le vent.
C’était la première fois que je visitais les lieux. Incontournable, absolument magnifique, à voir impérativement, … étaient les commentaires qui les décrivaient sur tous les guides, entre des trop touristique, trop bétonné sceptiques. Mais je voulais me forger ma propre idée. Alors, sans penser même à vérifier la météo, j’avais réservé un bus. Et au petit matin, j’étais partie. Samedi matin, 9h, direction les chutes du Niagara.
Il y avait quelque chose de fascinant dans ces chutes. Une puissance inébranlable. Une force inexplicable qui me remuait.
Sous le ciel gris, je voyais la rage avec laquelle ces flots se déversaient et sombraient dans l’abîme profonde du silence. Une brume mystique s’étendait comme un voile voluptueux autour de ces chutes, et l’espace d’un instant, ce fut comme si le bord du monde s’offrait à moi.
Il n’y avait rien d’autre que ces chutes, le silence assourdissant des vagues fracassant la roche, cette brume et grise, et moi, témoin minuscule de ce spectacle troublant mais ô combien ensorcelant de la nature.
Etait-ce donc ce vertige qu’avec ressenti Pascal lorsque, bouleversé face à l’infini du monde, il réalisa que l’homme n’était que poussière dans l’immensité de la nature?
Etait-ce donc cela que ressentait Jules Laforgue, lorsqu’il écrivit ses vers Devant l’Océan blême ?
Sous le ciel pluvieux, noyé de brumes sales,
Devant l’océan blême, assis sur un îlot,
Seul, loin de tout, je songe au clapotis du flot
Dans le concert hurlant des mourantes rafales.Crinière échevelée, ainsi que des cavales,
Les vagues en se tordant arrivent au galop
Et croulent à mes pieds avec de longs sanglots
Qu’emporte la tourmente aux haleines brutales.Partout le grand ciel gris, le brouillard et la mer,
Rien que l’affolement des vents balayant l’air.
Plus d’heures, plus d’humains, et solitaire, morne,Je reste là, perdu dans l’horizon lointain
Et songe que l’espace est sans borne, sans borne,
Et que le temps n’aura jamais… jamais de fin.
Perdue dans mes pensée, saisie de sentiments confus, entre émerveillement et effroi, je ne parvenais à détacher mon regard de ce paysage grandiose. La nature s’ouvrait à moi en même temps qu’elle m’imposait sa grandeur.
Transportée dans un autre univers, je songeais encore à toutes les contrées inexplorées qui m’attendaient encore. Je laissais mon imagination divaguer. Au-delà de ces chutes, quels secrets se cachaient-ils ? Quelles créatures habitaient ces eaux ténébreuses qui disparaissaient dans un engloutissement ?
Moi, je n’étais qu’un être simple, frêle et fragile, quelque part dans l’infini de la nature. Je m’inclinais, respectueusement. Et pourtant, au plus profond de moi, je ressentais une paix étrange, une sérénité curieuse qui me réchauffait et me rassurait. Il y avait quelque chose d’ineffable mais d’agréable dans cette sensation, que je ne parvenais à saisir, mais qui pourtant me parcourait.
Alors je me contentais d’observer, pieuse. L’esprit anormalement calme, je vivais l’instant présent, et me remémorais ces quelques pensées de Pascal:
“Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour [l’Homme] invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti.”
Egarée quelque part dans cet infini où je suis engloutie.
Anne-Sophie Schimpf, jeune curieuse passionnée d’écriture et de voyages, toujours à l’affût de nouvelles idées ou de nouvelles découvertes.
Vous pouvez découvrir mes autres articles sur le Life Learning ici, mes Conversations rapportées, ou simplement toutes mes publications là.
N’hésitez pas à recommander cet article en cliquant sur le ♡ ci-dessus et à le partager s’il vous a plu !
