Arrivés au bout du monde

A travers la Norvège du Nord, jusqu’au sommet de l’Europe

Semelles sans frontières
12 min readApr 9, 2017

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Les Lofoten

Ces îles résonnaient dans nos têtes comme le paradis sur terre, chaque personne rencontrée durant notre trajet nous confirmant ces dires. Des montagnes vertigineuses et abruptes, d’un noir intense, contrastant avec la neige blanche qui les recouvre. Des villages de pêcheurs, posés à même la roche, résistant par je ne sais quelle magie aux caprices de la mer. Cet archipel norvégien offre un régal pour les yeux. Voilà pourquoi nous avons choisi dans notre itinéraire de passer par ces îles. Avant le départ en bateau, notre objectif était de se trouver un équipement pour camper et de le tester une fois arrivés.

Après plusieurs recherches dans les magasins de sport et prises d’information sur internet, nous choisissons une tente 3 places, deux matelas gonflables et un duvet pour Florian. Pour tout notre matériel, la qualité y est (normal c’est norvégien) mais le prix aussi. Le coup total est d’environ 500 €. Mais cet investissement essentiel sera rentabilisé durant le voyage.

Il est 16h30 quand nous quittons la ville de Bodø à bord du ferry Landegode, pour rejoindre le port de Moskenes dans le sud-est de l’île. La traversée durera quatre heures. Pendant ce temps, un coucher de soleil splendide s’offre à nous.
A mi-chemin, la mer commençait à s’agiter et la proue du navire claquait contre les vagues. Les allers et retours des passagers vers les toilettes et le bruit des assiettes du retaurant qui tombaient à la renverse nous laissait quelque peu mal à l’aise.

Arrivés en pleine nuit, nous sortons du port pour trouver un lieu où camper. Dommage car sur les Lofoten, l’hiver est aussi présent et le sol gelé était couvert d’une couche de neige. Une fois la place choisie, nous délimitons le tracé de la tente et commençons à le déneiger à l’aide d’une pelle. Quelques minutes plus tard, nos 6 mètres carrés, sans neige mais gelés tout de même, apparaissent au milieu du paysage blanc. Fiers de nous, la tente montée et confortablement installés dans nos duvets, nous entamons notre première nuit de camping en Norvège.

Première nuit de camping

Malheureusement, on ne savait pas qu’une tempête allait s’abattre sur l’archipel cette nuit et ce durant plusieurs jours. Le vent commencait à souffler de plus en plus fort et de plus plus longtemps. Impossible de fermer l’oeil, nous décidons donc, vers 4h00 du matin, de démonter de crainte que le vent n’abîme le matériel. De nouveau en route, nous marchons durant plusieurs heures contre le vent à la recherche d’un logis. Se déplacer dans la neige avec un sac à dos et un souffle violent nous contraint à faire des pauses régulières car l’effort demandé est énorme.

Au lever du soleil, le village de Reine se dévoile au loin. Il est enclavé entre des monts vertigineux et la mer. Par chance, un salon de thé sera notre refuge pour reprendre des forces. C’est ici que nous rencontrons par tout hasard Raphael, un Français venu au Lofoten pour y passer des vacances. Nous sympathisons et décidons de faire un bout de route ensemble avec sa voiture jusqu’à la ville de Svolvær. Les paysages sont somptueux et sauvages mais le vent continue de souffler.

Reine : un village de pêcheurs

Après une nuit à 100 € passée en hôtel, trouver des couchsurfeurs était la seule solution pour rester un peu plus tongtemps sur l’île sans exploser le budget. Par chance, Björn, un boulanger allemand travaillant ici nous a herbergé en dernière minute. Il accueillait aussi chez lui un Français, Romain, venu faire un voyage de 3 semaines à travers la Norvège et la Suède. Nous partagons nos expériences mutuelles de voyageurs ainsi que les bonnes combines, comme le dumpster diving. Nous partons à la tombée de la nuit tous les trois à la recherche de nourriture jetée par les supermarchés. Notre petit déjeuner n’a pas été aussi copieux depuis des semaines. Fromage français : Bleu et Camembert, pudding de poisson, tout cela agrémenté des pâtisseries et du bon pain frais de notre hôte boulanger. Bref une bonne remise sur pied pour continuer la route vers le nord des Lofoten.

Matinée prometteuse à Svolvær

Au départ de Svolvær la tempête s’est calmée. Nous en profitons pour tenter une deuxième nuit de camping sauvage, cette fois-ci sur une île abritée entre les montagnes et les fjords. Le décor est magique et nous nous régalons de la vue. Mais au petit matin la situation devient critique. La neige et la pluie ont remplacé le vent durant la nuit et nous avons dû quitter notre repère de pirate dans le froid et l’humidité. Perdus au mileu des Lofoten, nous avons marché 8 km sous la neige, le long de la route en espèrant qu’une bonne âme s’arrête pour nous sortir de cette galère.

Sans succès, nous nous sommes résignés à continuer notre chemin en direction du nord où nous avons dû traverser des tunnels dont un de 2 km (chose que l’on ne refera pas) ! Un tunnel en Norvège c’est comme le Mordor. Ça parait infini, tu es dans une atmosphère étoufante, sombre et poussièreuse et les camions qui le traversent t’obligent à te plaquer contre la roche et à te boucher les oreilles tellement le bruit est amplifié dans cet endroit.

Enfin sortis du tunnel, nous sommes arrivés près d’un village où nous avons pu prendre un bus en direction de Narvik. Norte passage aux îles Lofoten fût court, mais rempli d’aventures et de rencontres inattendues. Ces îles valent le coup d’être visitées mais pas en camping sauvage en hiver.

Deuxème nuit de camping sur une petite île

La Norvège septentrionale

Narvik à en quelque sorte été notre refuge après un séjour aux Lofoten plutôt fatiguant et agité. Nous y sommes restés 6 jours pour prendre un peu de repos histoire de repartir de plus belle. Ce temps nous a aussi permis de planifier nos Couchsurfing plus en amont pour ne pas se retrouver sans abri un soir et souffler un peu.

Comme beaucoup de villes de la Norvège, Narvik a été entièrement détruite lors de la guerre puis reconstruite. Cela ne nous a pas empêché de découvrir et d’apprécier les couleurs de la ville et de son port. Nous retrouvons même Romain des Lofoten avec qui nous entamons des grandes rando sur les pistes de ski, jusqu’à se faire offrir un café dans un restaurant d’altitude par Tom, un russe installé en Norvège. De là haut, on pouvait admirer la vue de la ville et de l’ensemble du fjord sous le ciel grisâtre de mars.

De belles rencontres à Narvik

Il a neigé toute la nuit sur Narvik et c’est une nouvelle ville avec des reliefs arrondis qui s’efface peu à peu derière nous. Nous partons en direction de Setermoen. Une ville dont la moitié de la population fait parti de la grande base militaire qui la borde. C’est ici que nous avons rendez-vous chez John, un ami de Cathrine (de Grong, cf précédent article), qui y vit avec ses deux enfants. Il nous a réservé un accueil des plus chaleureux. Pour le remercier, nous l’aidons à déneiger sa cour car ici la neige atteint une hauteur que l’on avait encore jamais vu. Les habitants d’ici ont tous une tondeuse à neige, (nous l’avons appelée comme cela) pour déblayer les alentours de leur maison. Cette machine des plus extravagante pour nous est tout simplement des plus habituelles pour les gens du nord de la Norvège.

Tondeuse à neige et balades dans la forêt à Setermoen

C’est à la suite d’une chaleureuse poignée de main que nous reprenons la route direction la dernière “grosse ville” au nord de la Norvège : Tromsø. Deux automobilistes et nous y sommes. Nous passons devant la célèbre cathédrale arctique puis arrivons en centre ville. On sent que contrairement aux autres villes, celle-ci est plus vivante, dû au fait qu’elle compte plus de 12 000 étudiants (soit 1/6 de la population). Pendant les 3 jours passés sur place, la neige ne s’est pas arrêtée de tomber. Cela ne nous a pas empêché d’aller visiter le centre de la ville, de dire bonjour à la cathédrale, dont l’entrée est malheureusement payante, et même de se faire une folie : boire une bière dans un pub local (heureusement, elle était bonne 🍺).

Passage à Tromsø

Le trajet pour la prochaine destination était très compliquée à faire en un seul jour (plus de 6h de route) en auto-stop et nous choisissons de jouer la carte de la sécurité en prenant le bus. Un grand voyage le long des fjords du nord nous attend pour rejoindre Alta, également ville étudiante. C’est d’ailleurs Kristina, une étudiante qui nous accueille dans une résidence de l’université. Pleine d’histoires et d’expériences à partager, nous échangeons un maximum.

Vue sur la plaine du haut de la coline d’Alta

Alta s’étend sur une vaste plaine surplombée par une petite coline au bord de la mer. C’est là que nous choisissons d’aller. Nous grimpons par les chemins de ski puis nous créons ensuite les nôtres à marcher dans 50 cm de neige. Tandis que nous atteignons petit à petit la station météorologique qui marque le haut de la coline, le temps se gâte et le vent se lève accompagné de la neige. Arrivé en haut : ça souffle ! C’en est même difficile de marcher sans se courber. La température avoisinne les -5°C mais le ressenti doit plutôt être aux alentours des -15°C. On prend quelques photos, profitons du paysage et redescendons avant de finir en glaçons.

Nous partageons un dernier dîner avec notre hôte puis nous faisons notre première séance de sauna ! Eh oui, en Norvège il y’a des saunas dans les résidences étudiantes… C’est donc l’esprit sain et le corps décontracté que nous entammons la route pour atteindre la dernière destination possible au nord et sans doute la plus attendue du voyage.

La route pour Nordkapp, désert infini.

Derniers kilomètres en direction du nord

La route pour l’île du Cap Nord (Nordkapp en norvégien) était un grand désert blanc pour la première partie. De part et d’autre de la route, de la neige à perte de vue et ponctuellement, quelques chalets samis. On profite de quelques arrêts le long de la route pour capturer en photo ces moments. Nous avons fait la deuxième partie du trajet en bus, les voitures étant de plus en plus rares. La route suit le flanc de la montagne, le long de la mer des Barents. Au bout d’une heure, le village de Honningvåg apparaissait. Situé à 40 minutes en voiture, Nordkapp n’est plus qu’à quelques kilomètres de nous.

Le premier jour sur place, la route était fermée, la neige et le vent de la veille n’avaient pas été cléments. On choisit donc d’aller se promener aux alentours de la ville. Quelques pas après l’avoir quittée, nous sommes plongés dans le blanc total, on apprécie les lunettes de soleil, indispensables ici. Les sentiers étant invisibles, la neige monte jusqu’à nos tibias quand nous marchons et nous créons petit à petit notre propre route. Le temps change tellement souvent que le ciel bleu est plutôt rare. En revanche, la neige et/ou le vent sont fréquents et nous incitent parfois à nous abriter derrière un rocher ou une maison abandonnée. On se croit vraiment au milieu de nul part, dans un lieu déserté de toute vie où règne le froid. Les quelques montagnes environnantes donnent ce ton inhospitalier à cet endroit tandis que nous essayons de découvrir chacun de ses recoins. Nous rentrons en fin d’après-midi et consacrons la soirée à préparer la journée du lendemain, qui marquera la plus grande étape de notre périple.

Honningsvåg sous les couleurs matinales

Le trajet Honningsvåg — Nordkapp se fait uniquement en convoi en hiver. La route étant peu utilisée et la météo assez rude, seulement 3 convois partent au bout du monde avec une déneigeuse en tête de ligne. Nous avons pris le bus à 11h30 avec une demi-heure de route. Nous longeons la mer des Barents et traversons le grand vide de l’ile : de la neige à perte de vue, parfois quelques maisons plantées ici et là. C’est un paysage vraiment difficile à imaginer en été. On aperçois le fameux globe de Nordkapp depuis le bus et nous débarquons : tout le monde s’y rue tandis que nous allons d’abord sur la partie gauche (comme notre hôte, Cesar, nous l’a conseillé) pour revenir au globe plus tard.

Coucou le pôle nord !
  • 300 m plus bas, la mer.
  • 600 km au nord, le Svalbard.
  • 5122 km au sud, Blois (nostalgie !).

Une grande satisfaction quand on regarde tout ce qu’on a parcouru et à la fois l’envie d’aller plus loin. On en profite pour admirer le paysage, prendre pas mal de photos pour capturer l’instant et peu de temps après, nous remontons dans le bus qui nous ramènera à Honningsvåg. C’est une grosse étape de franchie alors que nous faisons nos premiers pas en direction du sud afin de, on l’espère, découvrir encore bien d’autres surprises…

Ça fait plaisir après plus de deux mois et demi de voyage d’arriver à cette étape déterminante pour nous. On a parcouru plus de 5000 km en auto-stop, parfois en bus et pourtant on ne se lasse toujours pas de ce que l’on vit. On rencontre énormément de gens qui font que le voyage vaut la peine d’être vécu. Des personnes qui nous ouvrent leur porte et partagent avec nous leurs expériences. C’est la beauté de ce que l’on vit quotidiennement, le côté humain de cette aventure et sans doute le plus important. Et quand on repense à chacune des personnes rencontrées sur la route, on touche une petite pointe de nostalgie avec une envie de les revoir pour leur dire merci. Bref une aventure qui n’est pas prête d’être finie et qui réserve sûrement son lot de surprises. Merci de nous suivre :) To be continued…

— Quentin

Deux mois et demi de voyage en hiver et 5000 km parcourus pour arriver à ce but : le Cap Nord !
Autant incoyable que cela puisse être nous l’avons fait en prenant notre temps. C’est bien sûr cette manière de voyager qui me plait et qui nourri en moi la curiosité de découvrir les prochains jours. Même si la route n’a pas toujours été facile, ce sont ces expériences qui nous enrichissent pour la suite. Depuis le départ de Blois notre quotidien est chargé de rencontres fabuleuses, de paysages innatendus et d’ambitions d’aller toujours plus loin. Maintenant que le point le plus haut de l’Europe à été atteint, il nous faut redescendre vers des contrées plus clémentes.

— Florian

Bien d’autres surprises nous attendent… | Photo

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