Il est neuf heures, Paris s’éveille

De Jacques Dutronc aux Rolling Stones, deux souvenirs inoubliables du concert d’Eagles of Death Metal à l’Olympia.

Ecce Homo
4 min readFeb 19, 2016
Mes deux cadeaux pour le groupe quand je les reverrai ?

Il est un peu plus de 21h quand les lumières de l’Olympia s’éteignent. Je ne reconnais pas tout de suite cette ligne de basse pourtant mémorable parce que je suis emporté par la clameur qui monte. Une atmosphère comme je n’en ai jamais vu dans une salle de concert. Près de 2000 personnes debout pour acclamer un groupe à plus de 105 décibels avant qu’il ne commence à jouer. Mais quand après quelques secondes, la voix du grand Jacques a résonné sur les merveilleuses paroles de Lanzmann et ce solo de flûte légendaire, je me suis dit : “c’est pas possible, quel choix de génie les mecs.” D’un coup, la portée symbolique du morceau s’est imposée comme une évidence, bien plus que la Marseillaise entendue à la fin du concert.

Jesse, quand je t’ai vu arriver sur scène avec une grande cape comme celle que tu portais au Bataclan, mes poils se sont dressés et les larmes sont montées. Il parait que tu as choisi ce morceau 5 minutes avant d’arriver sur scène. Tu n’aurais pas pu faire une plus belle entrée. Je t’avais quitté avec l’effroi dans tes yeux, tu es revenu avec de l’amour et des larmes dedans. Ces 2 minutes où tu as salué le public au son d’une de mes idoles, c’était 2 minutes de grâce extraordinaire à la hauteur de ce moment historique. Ce sourire et cette émotion incroyables sur ton visage, c’était bouleversant à voir.

Cette introduction de concert, c’était tout simplement l’un des plus beaux moments de ma vie. Si j’avais raté ça, je pense que je l’aurais regretté toute mon existence. Et je pense ne pas être le seul présent à l’Olympia le 16 février à avoir des frissons et les larmes aux yeux quand je revois ces images.

Jesse, tu as passé ton temps à louer l’attitude des français alors qu’ils étaient assez nombreux à te cracher dessus au prétexte que tu étais trop différent. Tu sais Jesse, pour certains la liberté d’expression se résume à déverser son petit fiel quotidiennement sur les réseaux sociaux. On a voulu te faire endosser un rôle qui n’est pas le tien, parce qu’en France, on préfère les (mauvais) artistes engagés à gauche. C’est vrai que pour beaucoup d’entre nous français, tu as des idées qui peuvent sembler difficiles à comprendre. Mais que dire de ces gens qui oublient que vous avez aussi été victimes de cet attentat et que tu t’es retrouvé nez à nez avec un de ces monstres ? Je pense que vous n’avez de leçon à recevoir de personne, et encore moins de la part gens qui n’étaient pas au Bataclan ou qui ont découvert votre existence après le 13 novembre, et qui connaissent aussi mal votre musique que votre personnalité, sans parler de l’histoire et de la culture américaine en général. Il faut croire que pour certains, se faire tirer dessus quand on aime les armes à feu, c’est un retour de bâton bien mérité. J’ai honte pour eux.

Enfin soyons francs, pendant les trois quarts du concert j’ai eu du mal à apprécier vos morceaux comme avant. C’était triste mais ce n’était pas votre faute, parce que ce concert était clairement à la hauteur de votre renommée en live. Mais tout a basculé à nouveau quand tu es revenu sur scène avec ta guitare bleu-blanc-rouge. Ce n’est pas que je sois très sensible à notre drapeau tricolore, mais ce geste un peu candide, c’était vraiment mignon et touchant.

Et quand tu as commencé à reprendre Brown Sugar seul sur scène avec ta guitare, tu m’as rattrapé. Ça m’a rappelé votre concert du 9 juin 2015, au Trianon à Paris, avec Josh Homme à la batterie déjà. Je me souviens de l’odeur de sueur qui se dégageait de ce concert incroyablement chaud, quand je pouvais encore me mettre au deuxième rang sans craindre pour ma vie. Mardi soir, toute la salle a repris en chœur Brown Sugar avec toi, et c’était un autre moment inoubliable. Ensuite, vous avez déroulé une autre reprise qui fait chialer, Save a Prayer, avant de finir sur deux derniers morceaux fabuleux, à vous cette fois. Et in extremis, vous avez réussi à me refaire aimer votre musique. Tu es monté nous voir au balcon, tu as fait un câlin à cette fille et un solo pour une autre. Impossible de résister à l’envie de finir debout en hurlant.

Alors Jesse et les autres je voulais vous remercier. Parce que grâce à vous j’ai arrêté d’écrire seulement pour raconter une vie tournant autour des attentats ou de la peur. J’ai recommencé à écrire pour parler musique, ce que j’avais échoué à faire depuis le 13 novembre. Ces deux heures n’ont pas toujours été faciles, mais vous avez réussi à ressusciter quelque chose. Même si ce n’était pas forcément avec vos morceaux, c’était avec deux de mes chansons préférées. Je suis tellement heureux que vous soyez encore là. Lors de votre prochain concert vous me retrouverez au deuxième rang, et on embrassera le Diable à nouveau.

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