L’affaire Mann v. Ball (3 — suite et fin)

NLMR
4 min readSep 19, 2019

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Première partie : L’affaire Mann v. Ball
Deuxième partie : L’affaire Mann v. Ball (2)

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Le jugement de la cour est enfin disponible et il est d’une banalité des plus respectueuses des principes d’Occam.

  • Le procès s’est éternisé sans que Mann ou ses avocats ne fassent avancer une action qu’ils ont pourtant entamé.
  • Tim Ball a demandé un arrêt de la procédure en raison de ces délais et de son âge.
  • La cour a reconnu que ses délais étaient injustifiés et étaient au détriment du défenseur, Tim Ball.

Aucune mention de données que Mann aurait refusé de produire donc. Fin de l’histoire.

Ou pas…

D’où vient donc l’affirmation sur ces fameuses données reprises par tous les blogs climato-sceptiques?

A priori, c’est une déclaration de Ball lui-même qui en serait à l’origine. Originellement, le procès devait se tenir en Février 2017 mais selon Ball, Mann aurait demander un délai. Il dit “Nous n’avions pas beaucoup le choix car les tribunaux canadiens octroient toujours ces délais en pensant qu’un accord amiable est préférable à un procès. Nous avons accepter ce délai sous conditions. La principale était qu’il [Mann] devait produire tous les documents, y compris les codes informatiques avant le 20 février. Il n’a pas respecté cette deadline”.

https://principia-scientific.org/breaking-fatal-courtroom-act-ruins-michael-hockey-stick-mann/

Quelques remarques :

  • Si le délai est à l’initiative de Mann et que la justice canadienne l’autorise toujours, quel levier pouvait avoir Ball et ses avocats pour imposer ces conditions?
  • Si cet engagement c’est fait en dehors de la procédure judiciaire, Ball n’avait donc aucun moyen de le faire respecter.
  • Si au contraire il avait été visé par la cour à ce moment ou même fait valoir à lui a posteriori par les avocats de Ball, ce dernier aurait pu demander l’arrêt de la procédure à ce titre et exposer ainsi publiquement les réticences de Mann concernant ces données.
  • Pourtant Ball attend deux ans avant de demander à la cour l’arrêt de la procédure et ce sur la base d’une durée trop longue au vu de son âge et de son état de santé.

CONCLUSIONS

On peut critiquer l’attitude de Mann, d’abord dans le fait de se lancer dans des procès en diffamation. Il est possible que cette affaire ait eu bien plus de retombées positives en terme d’exposition pour Ball et ses théories que les déclarations initiales de Ball sur la réputation de Mann.

Ensuite, dans la façon dont il a traité le procès qu’il a lui-même engagé, le faisant apparemment traîner sans raison jusqu’à ce que la cour rejette son accusation sur ce seul motif. Il prête ainsi le flanc à la victimisation et au conspirationnisme des climato-sceptiques ayant pour certain déjà fait de Ball un martyr de la liberté d’expression.

En dehors des exagérations et inventions des blogs climato-sceptiques, Ball peut bien à nouveau (après le procès intenté par Weaver) se targuer d’une victoire sinon scientifique, au moins sur sa liberté de qualifier outrageusement les personnalités qui ne partagent pas ses positions. La position scientifique majoritaire et sa perception par le public ne retire absolument rien de positif de cette affaire, et Mann n’en a pas fini avec les procès qu’il a intenté contre Mark Steyn, Rand Simberg, le National Review et le Competitive Enterprise Institute.

Les climato-sceptiques n’hésitent pas à utiliser les techniques de cherry-picking pour prendre dans ces affaires et les 20 années passées tout ce qui peut les conforter dans l’idée que le changement climatique d’origine anthropique est une fiction destinée à contrôler l’humanité et Mann et son graphe seront encore longtemps les “hommes de paille” d’une bataille médiatique et politique où la science n’est souvent invitée malgré elle que comme faire-valoir.

[EDIT 20/10/2019] Après avoir lu une bonne partie des éléments du procès en diffamation contre Steyn et Simberg, il apparaît quand même que ces procès en diffamation ne sont pas totalement dénués de fondement :

  • La liberté d’expression et le droit d’exprimer une opinion ne saurait être remis en question, mais la justice américaine distingue bien l’opinion de l’affirmation prétendue factuelle. Pour être clair, on peut penser et écrire ce qu’on veut mais affirmer qu’il a été démontré que quelqu’un s’est mal conduit ou que son travail est le résultat de manipulation non scientifique alors que c’est faux est bien de la diffamation et le recours légal pour faire condamner ces tactiques est malheureusement parfois l’ultime moyen de faire prévaloir la vérité.
  • Dans le cas de ce dernier procès, la cour suprême dans son avis sur la demande des défenseurs de rejeter le procès est assez claire et défavorable à Steyn et Simberg : “Dr. Mann has supplied sufficient evidence for a reasonable jury to find […] that statements in the articles written by Mr. Simberg and Mr. Steyn were false, defamatory, and published by appellants to third parties, and, by clear and convincing evidence, that appellants did so with actual malice.”
    https://cei.org/sites/default/files/USSCPetitionforWritofCertiorari.pdf

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