L’affaire Mann v. Ball

NLMR
5 min readAug 30, 2019

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[EDIT 02/09 : Une vidéo de Tim Ball a été publié sur YouTube. Voir ici : “L’affaire Mann v. Ball (2)”]

CONTEXTE : En Mars 2011, le climatologue membre du GIEC Michael E. Mann dépose plainte pour diffamation à l’encontre de l’universitaire à la retraite et climato-sceptique Tim Ball suite à un article publié sur le site du think-tank Frontier Center for Public Policy

Mann est la cible d’attaques climato-sceptiques depuis la publication en 2001 d’un rapport du GIEC incluant un graphe controversé en “crosse de hockey” résultant d’un étude de Mann et al datant de 1998.

Les propos visés pouvaient mettre en cause les intentions ou les qualifications de Mann, mais ne contiennent aucune critique ciblée de ses méthodes ni du graphe en question (Le texte complet de la plainte).

Le 20 août 2019, la plainte de Mann est rejetée. Différents blogs climato-sceptique crient alors à une victoire complète et une preuve définitive que ce graphe est frauduleux. Selon eux, la cour a demandé à Mann de produire ses données et méthodes, ce qu’il aurait refusé de faire.

Ces données semblent pourtant publiquement accessibles

Exemple d’articles de blog relatant la “victoire” de Tim Ball :

ANALYSE :

Hors les articles de blogs des défenseurs de Tim Ball, on ne trouve aucune trace d’une injonction de produire des données, affirmation non fondée que nous ne traiterons donc pas en l’absence d’éléments probants…

Le fait de ne pas instruire un procès en diffamation ne constitue pas une preuve de la justesse de la position de l’un ou de l’autre. Mais le fait d’instruire le procès et de rejeter l‘accusation de diffamation n’en est pas nécessairement une non plus.

Voici un extrait d’un jugement rendu sur un cas similaire par la même cour, expliquant comme doit être constituer la diffamation :

“To establish a claim in defamation, a plaintiff must establish three elements: i) that the impugned words were defamatory; ii) that they referred to the plaintiff; and iii) that they were published, meaning that they were communicated to at least one other person. Where the plaintiff establishes these elements, falsity and damage are presumed and the onus shifts to the defendant to advance a defence in order to escape liability. Defamation is a tort of strict liability, so it is unnecessary to prove “

De façon très intéressante, ce jugement concerne aussi un procès en diffamation contre le même Tim Ball à l’instigation d’Andrew Weaver. Ici, un jugement a bien été rendu (la plainte n’a pas été rejetée comme dans le cas qui nous occupe). Et le plaignant, Weaver a été débouté. En d’autres termes, Tim Ball a gagné! Pourtant, en lisant le jugement, vous verrez que ce n’est pas la justesse des propos de Ball qui l’a fait gagner mais notamment l’absence de crédibilité de ses propos et conséquemment le faible impact qu’ils ont pu avoir sur la réputation de Weaver et que donc les demandes de ce dernier étaient exagérées voire infondées au regard de la liberté d’expression.

Après avoir lu les extraits ci-dessous, on peut poser l’hypothèse suivante : la même cour (peut-être le même juge) se trouvant devant un cas similaire et recevant une demande de Ball de rejeter la plainte en alléguant pour partie que les propos en question n’avaient eu depuis leur publication aucun impact sur la réputation de Mann selon les extrait fournis par les avocats de ce dernier a pu considérer que Ball était coutumier d’opinions outrancières qui ont déjà été jugées comme participant à sa liberté d’expression et peu dommageable pour la réputation de sa cible et a donc rejeter la plainte?

Ou posée plus simplement : Quelle est la différence entre le cas Weaver v. Ball et la plainte Mann v. Ball qui justifierait un second jugement et un résultat différent?

Extraits du jugement Weaver v. Ball :

[60] “despite Dr. Ball’s history as an academic and a scientist, the Article is rife with errors and inaccuracies, which suggests a lack of attention to detail on Dr. Ball’s part, if not an indifference to the truth”

[61] “While each of these errors, looked at individually, may seem quite minor, collectively, they illustrate that Dr. Ball’s approach to gathering facts in support of his opinion or thesis is less than rigorous”

[63] “While Dr. Ball presents his central thesis that climate science has been corrupted by politics, the Article offers little in the way of support for that thesis, apart from vague references to missing or falsified data and political manipulation”

[73] “These allegations are directed at Dr. Weaver’s professional competence and are clearly derogatory of him. Indeed, it is quite apparent that this was Dr. Ball’s intent. […] However, not every derogatory statement is defamatory. The test again is whether the impugned words genuinely threaten the plaintiff’s actual reputation”

[75] “the Article is poorly written and does not advance credible arguments in favour of Dr. Ball’s theory about the corruption of climate science. Simply put, a reasonably thoughtful and informed person who reads the Article is unlikely to place any stock in Dr. Ball’s views [… Dr. Ball’s words] lack a sufficient air of credibility to make them believable and therefore potentially defamatory”

[77] “In my view, it is very unlikely that the Article and the opinions expressed therein had an impact on the views of anyone who read it, including their views, if any, of Dr. Weaver as a climate scientist. Rather, the reasonably thoughtful and informed reader would have recognized the Article as simply presenting one side of a highly charged public debate.”

[82] “ The law of defamation provides an important tool for protecting an individual’s reputation from unjustified attack. However, it is not intended to stifle debate on matters of public interest nor to compensate for every perceived slight or to quash contrary view points, no matter how ill-conceived. Public debate on matters of importance is an essential element of a free and democratic society and lies at the heart of the Charter guarantee of freedom of expression”

Suite : L’affaire Mann v. Ball (2)

Et fin : L’affaire Mann v. Ball (3)

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