“One night in Paris” , storytelling & autres Bullshits — Partie 4/7 de l’histoire Uber
Pour ce quatrième épisode nous allons enfin pouvoir plonger à 100% dans les débuts d’UBER. Enfin, d’UBERCAB. Ne brûlons pas les étapes..
Si vous avez manqué les autres épisodes
Partie 1/7 : Culture startup et piratage de masse.
Partie 2/7 : Ouber ou Youber, telle est la question
Partie 3/7 : Le Purgatoire de Monsieur Kalanick
Rendons-nous à Paris début décembre 2008. Cela fait maintenant un peu plus d’un an que les destins de Garrett Camp, le CEO canadien de StumbleUpon, et de Travis Kalanick, ex-CEO de Red-Swoosh, s’étaient croisés lors de “The Lobby” à Hawaii. Ils étaient restés en contact et s’étaient revus depuis sans être proches amis pour autant. En attendant chacun admirait en l’autre les compétences que chacun n’avaient pas. Pour Camp, le charisme et le “hustle” commercial de Travis. Pour Travis, la force tranquille et la vision de Camp. Tous les deux se retrouvaient sur leur passion pour la résolution de problèmes.
Mais venons en au fait. Que s’est-il passé les 9 et 10 décembre 2008 au 104 dans le 19e arrondissement de Paris lors de la conférence Leweb dont le thème était « Love ». Laissez-moi reprendre le communiqué de presse que j’avais reçu en septembre 2008 voilà : Love, de l’amour romantique à l’amour de l’innovation. Dans le programme du beau monde, certains encore inconnus à l’époque mais qui le deviendront (comme Vaynerchuck) et d’autres qui l’étaient et dont on entend plus parler.
Un article de Paul Carr du Guardian du 10 décembre 2008 résume cette conférence : « Freezing Cold, No internet, boring : It’s a French web 2.0 conférence ! ».
Déjà, pour commencer, le sujet qui est revenu le plus souvent n’a pas été l’amour mais la crise. Je vous rappelle pour le contexte que la banque Lehman Brothers s’était effondrée le 15 septembre précédent.
Par ici le Programme…
Alors, que s’est il passé à part que le Wi-fi ne fonctionnait pas, que la salle était sombre et qu’il n’y avait pas de chauffage la première journée alors qu’il neigeait sur Paris ?
Que s’est il passé à part que l’intervenant star de la conférence était Paolo Coelho, qu’il succédait à Philippe Stark en 2007, et dont l’interview par Loic Lemeur a été jugée ennueyuse à mourir (de froid) par beaucoup ?
Que s’est il passé à part qu’une startup finlandaise avait installé un sauna dans le parking ?
Que s’est il passé à part que les participants à la conférence ont reçus des bandanas comme goodies ?
Que s’est il passé après l’intervention de Chris Dewolfe, le co-fondateur et CEO de Myspace, de Chris Anderson le curateur de TED et l’intervention de fin d’après-midi de Gary Vaynerchuck alors connu pour son show d’oenologue sur Youtube ?
Vous trouviez la réponse pendant plusieurs années — jusqu’au départ de Kalanick en fait — sur le site web de Uber en cliquant sur le lien intitulé “Our story». Il était écrit ceci : «Par un soir enneigé à Paris, Travis Kalanick et Garrett Camp (notez que Travis est devant Garrett) eurent du mal à trouver un taxi. C’est alors qu’ils eurent l’idée de créer une app qui permettrait d’appeler un taxi d’un seul bouton”. En anglais il est écrit « Tap a button, get a ride.
Bref, il y a autant de magie que dans Frozen.
A noter que la page a été revue depuis et qu’elle est désormais beaucoup moins romantique. Elle se contente de lister les actions destinées à racheter Uber aux yeux du public et des chauffeurs (bon, et surtout aux yeux des actionnaires) : sécurité, prix abordable, diversité, véhicule autonome et une photo en pied de Dara Khosrowshahi. Manque plus qu’une photo de Sainte Thérèse de Lisieux.
Comme beaucoup d’autres mythes de création d’entreprises, cette histoire de moment eurêka est suffisamment simple, étonnante et mémorable pour être relayée par des journalistes, Wikipédia et autres auteurs fainéants qui citent Wikipédia. Je ne donnerai pas de noms même si je suis tenté.
Si vous avez lu les épisodes précédents, vous savez déjà que l’idée de taxi appelé par une web app a été formulée depuis quelques mois par Garrett. Web app et pas app car il fallait absolument passer par un site web.
> vous deviez avoir un site web pour qu’il puisse fonctionner sur les 3 systèmes Android, Blackberry et iPhone.
> Les apps dédiées à un seul système n’existaient pas encore officiellement en dehors de celles développées par Apple. Sur iPhone il fallait « jailbreaker » son téléphone si vous souhaitiez pouvoir personnaliser votre appareil.
> L’app store n’existait pas encore.
Mais revenons à cette soirée, c’est dans Upstart le bouquin de Brad Stone que j’ai trouvé des indications plausibles de ce qu’il s’est passé lors de cette soirée. Ou en tout cas, des indications qui ne dépendent pas du témoignage de Travis qui est celui qui a mitonné cette histoire de neige et d’inspiration divine. Le compte rendu des faits le plus plausible vient de Melody McCloskey, l’ex de Garrett qui couvrait leweb pour son employeur d’alors Current TV. Il s’agissait de la chaine de Al Gore qui fut vendu à Al Jezira en 2013.
Note de bas de page, elle s’en fera virer le 22 décembre. Joyeux Noël !
Ce que l’on sait grâce à Melody est que Garrett et Travis ont passé plusieurs jours à Paris et qu’elle a bien du s’emmerder. Les 2 mecs n’ont pas cessé de parler de leur projets respectifs. L’avantage est qu’à l’époque Kalanick était à fond sur Twitter, partageant son emploi du temps parfois plusieurs fois par jour. Ce qui permet de se faire une idée de ses vacances d’hiver à Paris.
Les hostilités commencèrent le 8 décembre, la veille du début Web.
8 Décembre 2008–19:46
Kalanick rassembla plusieurs personnes dont Dave Morin de Facebook, Gary Vaynerchuck et Melody McCloskey et bien sur Garrett qu’il hébergeait dans le grand appartement loué pour l’occasion. Alors que la veille ils avaient dîné chez Georges, ce soir là, ils se retrouvèrent pour diner chez Benoit à coté du théâtre du châtelet. Je ne sais pas si le lendemain ils sont allé chez Laurent…
Passons le fait que Elton John était en train de diner à quelques tables d’eux pour s’intéresser à la conversation qui a vite déviée sur les projets des uns et des autres. Alors que Garrett restait silencieux, Vaynerchuck qui était en passe de lancer Vaynermedia avec son frère a vite occupé le terrain.
Dave Morin leur parla ensuite de Facebook et des failles qu’il y voyait, d’ailleurs l’année suivante il allait créer un réseau social alternatif appelé « Path » qui allait faire Pshittt..
Quand ce fut son tour Kalanick expliqua que maintenant qu’il était sorti de sa dépression « post Swoosh», il réfléchissait à plusieurs projets.
Celui auquel il croyait le plus était de créer un réseau mondial d‘appartements disposant du même ameublement. Ce qui garantirait — notamment à des professionnels — un logement de qualité égale quel que soit l’endroit du monde. Il avait appelé ce projet le «Pad Pass». Vous voyez l’allusion au Jam Pad. En fait, cette idée n’était pas vraiment la sienne. Il voulait lancer la version luxe d’un projet en train d’être monté par deux entrepreneurs qu’il avait rencontré et qui s’appelaient Brian Chesky et Joe Gebbia. Leur projet s’appelait AirBed & Breakfast. Vous connaissez ?
Il était chaud bouillant sur cette idée car pour trouver un logement sur Paris il avait utilisé VRBO le site de location de maisons et d’appartements qui était alors leader aux US et il était frustré de l’expérience utilisateur. La recherche n’était pas pratique, Il fallait envoyer plusieurs emails pour confirmer la réservation et c’était compliqué de payer. Selon lui, il y aurait moyen de créer un système qui permette plus facilement de choisir, cliquer et payer. Vous l’avez compris, à ce moment là Travis courraient après les idées — surtout les idées des autres — comme un chat après une lumière rouge.
Il parla aussi rapidement d’une autre idée tournant autour de la location d’oeuvre d’art. Il parla fort, il parla vite entre deux Coca light mais finalement la conversation se tourna vers le plus silencieux de la bande…Garrett.
Et il prit la parole, expliquant pas à pas son idée de flotte de limousines. Et petit à petit son idée devint le sujet dominant de la conversation non seulement de cette soirée mais de tout leur séjour à Paris. Pris au jeu, ils calculèrent les coûts fixes d’un véhicule, les taux maximum de facturation au client, ils évaluèrent même le montant de la rémunération des chauffeurs.
09 Décembre 2008, 22:00
Le soir du 9 décembre, avec la neige qui tombait sur Paris depuis la fin de matinée et avant la soirée organisée par MySpace qui commençaient vers 22h00 — pour les plus jeunes demandez ce qu’est MySpace à vos grands-parents — ils décidèrent d’aller visiter la tour Eiffel et d’aller diner.
C’est ici que Travis aurait commencé à insister auprès de Garrett de laisser tomber son idée de flotte de Mercedes et de créer une web app qui connecte des gens qui ont déjà une bagnole avec des clients cherchant un taxi — enfin pour le coup cherchant une course. Un“ride” en anglais.
Selon les retours que j’ai pu avoir, la soirée MySpace a été une tuerie, contrairement à la soirée du lendemain sponsorisée par Techcrunch. Cest en quittant cette soirée à 2:00 du matin, tweet de Melody faisant fois qu’elle, Travis et Garrett hélèrent un taxi.
Imaginez la scène. Melody est assise au milieu, encadrée de Garrett et Travis. Ils sortaient d’une soirée sympa, ils étaient heureux de la journée qu’ils venaient de passer et criaient plutôt que parler. Il faut savoir que Melody mesure 1m78 et portait des talons. Elle avait posée ses pieds entre les 2 sièges avant par manque de place pour les jambes.
Selon les souvenirs qu’elle a de cette course, elle se souvient que le chauffeur leur aurait dit de façon assez méprisante de parler moins fort et d’enlever ses pieds sinon il leur demanderait de descendre. Melody — qui dans son cursus est passé par science po Toulouse — traduisit ce qu’il venait de vociférer aux deux garçons qui l’encadraient. Le sang de Travis ne fit qu’un tour et il proposa de descendre immédiatement. Ce que Melody refusa car : talon + neige + longue journée + 2h du mat + début de gastro, ce n’était pas la bonne recette pour faire une randonnée.
J’ai croisé plus de 300 sources entre les vidéos, les articles, les interviews et les quelques échanges que j’ai eu par email avec certains protagonistes pour faire la part du vrai et du faux dans ce récit. Malgré tout cela, je n’ai trouvé qu’une source pour cette histoire qui est une interview de Melody à Brad Stone. Il faut quand même reconnaître que le chauffeur de taxi qui malmène des touristes américains dont le seuil de douleur au manque de service est le plus bas du monde est plutôt crédible.
Maintenant, je n’irais pas dire que c’est à cause de ce chauffeur que l’industrie mondiale du taxi est en train de vivre l’apocalypse. Et que c’est encore de sa faute si certains taxis doivent continuer à rembourser leur médaillon qu’ils ont payé au prix fort alors qu’il a perdu jusqu’à 6 fois sa valeur en fonction des villes. Par contre, c’est clair que cette expérience a été certes vécue comme une injustice par Travis mais lui a surtout donné 2 infos capitales :
> La première : que les taxis étaient un problème en France aussi et que le projet de Garrett touchait un sujet mondial,
> la seconde : qu’il faudrait envisager Paris un jour…Pour voir.
Garrett et Kalanick se quittèrent quelques jours après le web et avoir fait un peu de tourisme à Paris pour rentrer chacun de leur coté à San Francisco. Les deux hommes se revirent très rapidement, puisqu’ils étaient tous les deux invités par Chris Sacca à l’inauguration du premier mandat de Barack Obama le 20 janvier 2009.
20 janvier 2009, 11:38
Je vous ai déjà parlé de Chris Sacca, habitué du Jam Pad et que les plus geeks parmi vous connaissent sans doute si vous suivez le Podcast Startup. C’est à lui que Alex Bloomberg a pitché son projet de créer Gimlet media, un créateur de Podcast Post-Odeo. Sacca avait collecté 600 K$ pour l’inauguration de Obama et avait donc invité son réseau — enfin, invité…il fallait quand même payer 12500 dollars la place pour assister à la journée qui comprenait la cérémonie d’investiture, un bal et les concerts de Beyoncé et Bruce Springsteen. C’est Kalanick, Républicain notoire, qui invita Garrett et paya les 25000$.
Avant leur départ, ils achetèrent chacun un smoking chez Hugo Boss. Le choix de modèle de Smoking chez Boss étant de … ben de 1 en fait, ils achetèrent le même et pour éviter de faire Blues Brothers, l’un prit une cravate et l’autre un noeud papillon. Arrivés sur place, il retrouvèrent un petit groupe composé de Evan Williams de Twitter ainsi que des Numéros 1 et 2 de Zappos : Tony Hsieh et Alfred Lin.
De nouveau, les deux hommes vécurent des difficultés pour trouver un taxi pour les emmener d’événement en événement, leur montrant encore une fois que le problème des taxis était global.
Ubercab, le projet parallèle
2009 va être une année calme pour le projet Ubercab. D’abord parce que pour Garrett ce projet n’était qu’un “Side Hustle” comme l’appelle les américains. C’est à dire un projet en parallèle de son activité actuelle à StumbleUpon qui est devenue plus intense quand Camp a proposé à Ebay de racheter la société. Pour cela, lui et son associé de toujours Goeff Smith, ont du mettre de l’argent de leur poche et trouver des partenaires financier pour racheter l’entreprise à eBay pour 29 millions de dollars en Avril. Entreprise que eBay avait payée 75 millions en mai 2007. eBay accepta.
De son coté, Travis avait repris ses activités de touriste, d’Advisor de startups et d’organisateur se rencontres dans son Jam Pad entre 2 voyages ou 2 conférences tech.
Pendant ce temp là…au Mexique
Par contre, 2009 ne fut pas du tout une année tranquille pour les 3 ingénieurs mexicains en charge de développer la première version de l’application. Pour eux, il s’agissait d’un job à plein temps.
Parmi ces développeurs vous trouviez d’abord Oscar Salazar, dont nous avons déjà parlé, qui avait commencé à travailler sur le site ubercab.com dès la mi-décembre 2008. Pour financer les dépenses que pourrait avoir Oscar Camp avait provisionné 15 000 $ sur le compte de Ubercab LLC.
Mais pour Oscar aussi ce projet n’était qu’un projet parmi d’autres. Il travaillait notamment sur son projet à lui appelé Cityvox, une technologie pour permettre aux ONG de suivre la fraude électorale, le crime et les problèmes d’infrastructures. Il en fera une entreprise dont il sera le CEO en 2010.
J’hallucine le nombre de personnes impliquées dans ce projet et pour lesquelles ce n’était qu’un projet parmi d’autres. A se demander comment le truc est arrivé à terme alors que d’autres avaient eu la même idée des années avant Garrett en s’y mettant à 100%. Je vous parlerai de Seamlesswheels, taximagic et cabulous dans un prochain épisode.
Pour l’aider, Oscar avait recruté en freelance Jose Uribe et sa petite amie devenue sa femme depuis Zulma Rodriguez. Tous les deux vivaient à Tacoma à 200 km au sud de Guadalajara. C’est eux qui allaient développer le site à plein temps. Et peu importe s’ils ne parlaient pas un bon anglais, ils ne seraient en contact qu’avec Salazar.
Salazar les connaissait déjà pour les avoir fait travailler sur le développement d’un service qui envoyait un SMS à des patients pour leur rappeler de prendre leur prescription. Il était en confiance.
Au départ, Jose demanda à être payé en cash. Il travaillait avec sa copine de sa chambre chez ses parents et voulait s’en sortir et emmenager avec l’élue de son coeur (violon, euh, guitarron plutôt)
Si vous vous souvenez de la fin de l’épisode 2, Salazar lui même était payé en equity, pas en cash. Il proposa au couple d’être très peu payé et d’avoir des parts du capital dans ubercab. Si en 2018 il faut payer normalement ET donner du capital, début 2009 Jose et sa femme acceptèrent. Même s’il s’agissait de quelques points de pourcent, ces pourcents valent plusieurs millions aujourd’hui.
Le couple travailla exclusivement sur le site et les premières versions des app de Février à Juin 2009.
Le montant de travail était énorme : ils devaient concevoir le site web pour l’inscription des chauffeurs et des clients, qui y laisseraient leur numéro de carte bancaire, et 2 web Apps : celle pour les conducteurs “Ubercab driver” et celles pour les passagers ubercab. J’insiste sur le fait qu’il s’agissait de web apps puisqu’il n’y avait pas encore d’Apps à proprement parlé puisque l’app store n’existait pas encore. CQFD.
Oscar qui vivait à NYC commença à réfléchir à l’algorithme de la partie dispatch — c’est à dire la sélection des chauffeurs en fonction du point de pick-up des clients sachant qu’à l’époque il n’y avait pas de géolocalisation. Dans cette première version, les passagers demandaient un véhicule en envoyant leur adresse par SMS à un numéro de téléphone spécial. Le logiciel devait alors relayer le message au chauffeur le plus proche. Localiser le véhicule le plus proche et d’en optimiser le parcours était la partie la plus sensible et la plus fragile du code. Trouver le bon algorithme et le l’intégrer s’avérera être un puits sans fond en terme d’heures. Au point ou par la suite un développeur, puis une équipe de développeurs, seront recrutés pour travailler uniquement sur l’algorithme.
Pendant que Salazar se tirait les cheveux avec l’algorithme, Jose et Zulma programmaient le site en PHP, java et JQuery. Que du classique. La première itération des fonctionnalités que l’on trouve encore dans l’app actuelle ont été décidées et développées à cette époque comme le tarif de la course déterminé en additionnant un tarif au kilomètre et un tarif à la minute ou le système de notation des chauffeurs. Garrett qui utilisait déjà le système des pouces vers le haut ou vers le bas à StumbleUpon souhaitait une meilleure précision pour l’évaluation des chauffeurs et choisit des étoiles.
Il faudra vite se rendre à l’évidence que ce premier système par SMS ne fonctionnait pas, notamment si le client notait mal son adresse, le système ne sachant pas à quel chauffeur transmettre la demande elle pouvait se retrouver attribuer au chauffeur le plus éloigné. Certains racontent même que lors du lancement du service en 2010 le système fonctionnait si mal qu’ils devaient noter l’adresse reçue par SMS sur un Post-it avant d’appeler ou d’envoyer un SMS aux chauffeurs.
L’idée de commander un taxi via un site web fut abandonnée lorsque début mars 2009 lors de l’iPhone Software Roadmap Event Steve Jobs annonce 2 améliorations de l’iPhone qui allait faciliter la tâche des développeurs
> Les Apps : C’est le passage des sites web adaptés au format de l’iPhone- au application mobile autonome, ce que nous appelons désormais des Apps et la création d’unapp store qui sera mis en ligne en Juillet et qui sera ouvert aux développeurs pour leur permettre de distribuer directement leur app aux possesseurs d’iPhone.
> La mise en vente de la seconde version de l’iPhone, l’iPhone 3G équipé d’un GPS qui permettait à l’application Google Maps lancée auprès du public en Septembre 2008 d’être plus précise.
Ces 2 choses remettaient tout en question ! Voyant l’embarras de Salazar devant le problème à résoudre, Camp envoya une copie du magazine Wired de Février dans lequel il avait trouvé un article intitulé «La révolution du GPS» qu’il avait jugé très inspirant.
Je résume: tu es dans la merde, je t’envoie un magazine.
L’article listait 10 applications de géolocalisation qui, je site, «donnaient des informations qui permettent aux utilisateurs de faire des connexion et d’interagir avec le monde de façon que nous ne pouvons pas encore imaginer». Camp suggéra à Salazar d’appeler une des entreprises listées pour les aider.
C’est ainsi que Salazar contacta par mail le développeur d’un app appelée i-nap qui permettait aux voyageurs possesseurs d’iphone de spécifier le fuseau horaire auquel ils souhaitaient être réveillé. Le développeur, l’UI designer plutôt, Jelle Prins et son partenaire Joris Kluivers, prirent les choses en main et utilisèrent les dernières technologies de géolocalisation pour affiner le dispatch des chauffeurs, la visualisation de la voiture approchant pour le client et du chemin à suivre pour le chauffeur.
Note de bas de page : Jelle Prins deviendra le patron du design de Uber après que Travis ai racheté Moop.me son agence et Joris Kluivers finira chez APPLE au développement de SIRI.
08 Aout 2009, 11:13
Eté 2009, Camp officialisa la participation de Kalanick, son partenaire de brainstorming comme il l’appelait, en capitalisant Ubercab à 200 K$ en seed avec Kalanick comme unique associé avec 10% des parts. Ce n’est pourtant qu’en octobre, en rentrant de sa 3eme participation à la conférence «The Lobby» que Garrett introduisit par mail Travis à Oscar comme “Mega advisor”. De son coté, Travis commençait à être vraiment excité par l’idée qui prenait forme et qui passait de plus en plus de temps chaque semaine pour échanger avec Garrett et avancer sur le projet.
Ensuite, à l’automne, Garrett et Travis se rendirent à NYC pout rencontrer Salazar et essayer l’application pour la première fois en condition réelle dans le triangle Soho, Chelsea, Union Square. Ils recrutèrent plusieurs chauffeurs indépendants en leur confiant des iPhones avec une béta de l’App installée et des chargeurs en leur disant de continuer leur journée en gardant leur téléphone allumé. Ensuite, les 3 associés essayaient d’appeler les chauffeurs via l’App de différents endroits de Manhattan.
Résultat : C’était bourré de bug, ça ne marchait pas. Un des chauffeurs dit au moment de rendre l’iPhone que ça avait été difficile à utiliser. L’application ne répondant pas toujours à ses sollicitations. En plus, le téléphone posé sur la console ou sur le siège passager était loin d’être pratique. Par contre, il était complètement d’accord pour garder l’iPhone. Etrange.
Loin d’être découragé, le groupe alla prendre une pizza sur Prince street à Soho et échangèrent sur ce qu’il fallait corriger, déçus par le test mais convaincus du concept. Quand l’application fonctionnait, ils pouvaient voir la voiture du chauffeur qui avait accepté la course se déplacer en temps plus ou moins réel comme Pacman dans un couloir, ou ne plus se déplacer pendant un moment et faire un saut de 4 blocs d’un coup. Encore un bug à corriger… si ce bug était de leur ressort car à l’époque aux US seul AT&T fonctionnait avec l’Iphone. En tout cas, ça commençait à ressembler à l’application utilisée par James Bond qui avait inspiré Camp.
Plus tard, de retour en Californie Camp et Kalanick rencontrèrent Yishai Lerner, fondateur d’une boite de conseil en application mobile mob.ly et lui confièrent le re-développement certaines parties du code à partir de zéro.
Les Ingrédients de l’App Ubercab
Au delà de JavaScript, qui a été majoritairement utilisé pour développer l’application, Salazar s’est appuyé sur 6 technologies clés dont vous avez aujourd’hui besoin si vous souhaitez développer votre propre application Uber like. Ce que tentera de faire sans succès Salazar lui-même en 2013 avec l’application de covoiturage «Ride » et dont Ashton Kutcher sera un investisseur, mais ça c’est une autre histoire et un autre échec.
Concernant les app, je vous rappelle qu’il y 2 App à développer en même temps. Celle pour les chauffeurs et celle pour les clients. Et je reste simple car pour Uber les clients sont les chauffeurs. Vous me suivez ?
Les 6 technos sont les suivantes :
1. Enregistrement/connexion : Vous devez pouvoir vous enregistrer avec votre nom, téléphone et langue préférée. Une fois inscrit vous recevez un SMS pour vérifier votre numéro qui vous emmène ensuite sur la page de paiement. Cette partie utilise massivement JavaScript et Twillio pour les messages textes.
2. Réservation : Ce qui permet au chauffeur d’accepter ou refuser la course. Le dispatch en temps réel a été programmé en utilisant Node.js et Redis. Java et Objective-C ont eux été utilisés pour les applications mobiles de l’iPhone et par la suite d’Android.
3. La capacité de connaître la localisation du téléphone client ou chauffeur : Ce qui est la plus grande valeur ajoutée apportée par l’application. Uber utilise pour cela le CoreLocation framework de la couche core services de l’iphone OS. ILs utiliseront par la suite, la couche android.location sur Android, pour d’obtenir la situation géographique et l’orientation nord-sud du téléphone.
4. Direction point à point : Votre app doit évidemment fournir les directions au conducteur et à l’utilisateur. Si Salazar a utilisé corelocation au début, il est plus simple depuis 2012 de passer par MapKit pour iOS et Google Maps Android API pour Android afin de calculer la route la plus directe. Il faudra attendre 2015 pour que Google ajoute les informations de trafic. Ils ont bien sur commencé à utiliser Google Maps pour iPhone et Android avant de passer sur Apple Maps et très rapidement sur Waze.
5. Notifications Push et SMS : Votre utilisateur doit recevoir 4 notifications quand il effectue une réservation :
> Pour prévenir que le conducteur a accepté la demande avec le nom du conducteur, sa plaque d’immatriculation et le temps estimé de son arrivée
> Quand le chauffeur est en approche pour vous laisser le temps de vous préparer
> Quand il est arrivé
> Quand la course est terminée en rappelant le prix de la course et demandant de noter la course sur 5
C’est Twilio qui est utilisé pour la partie message texte, et les notifications sont poussées via le service Apple Push Notifications Service sur iOS et avec Google Cloud Messaging (GCM) pour Android App.
6. Calcul du prix et paiement : Au début le calcul du prix a été très simple. L’App additionnait la distance multipliée par un certain prix + le temps passé multiplié par un autre prix. Plus simple que les taxis qui faisaient une différence selon la vitesse de déplacement. Ensuite, les 2 montants sont additionnés et voilà. C’est pas la suite que les choses se sont compliquées avec des frais de prises en charge, des prix différents par ville et quartiers et… sur les conseils de l’un de leurs investisseurs les choses se compliqueront encore d’avantage quand ils feront évoluer leur prix en fonction du nombre de chauffeurs disponibles et de la demande.
C’est ce qui s’appelle la «Dynamic Price Charge», l’une des formules du Yield et qui créera un tollé auprès des clients.
Sachez que Uber na pas été la première application à annoncer le temps d’arrivée d’un chauffeur, ni la première à montrer sur une carte la voiture qui vient vous chercher. Cabulous et TaxiMagic étaient là avant. Par contre, indéniablement Uber a été la première application qui offrait une solution intégrée de la commande de taxi jusqu’au paiement de la course sans passer par du cash pour payer le chauffeur à la fin de la course. Pour cela Ubercab a rapidement signé des partenariats avec Braintree, le leader mondial de l’industrie du paiement mondial puis Stripe, Paypal, et Card.io selon les pays.
Coté investissement, Camp qui avait prévu 15 000 dollars pour développer le site ubercab.com. Il finira par dépenser 250 000 dollars rien que pour les proto.
En 2018, la somme totale d’heures nécessaire pour développer une app comme celle d’UBER peut être estimée à 5000 heures. Nous disposons aujourd’hui de beaucoup plus de facilités ! Il est désormais possible de trouver en libre service sur la plateforme de développement d’Android une page intitulée « Stratégies de géolocalisation» qui décrit de A à Z la façon d’implémenter la géolocalisation.
En 2009, Salazar a du défricher le sujet qui était nouveau. 5000 heures de programmation signifient qu’en fonction du tarif des développeurs qui varient en France de 40 à 70€ de l’heure, le développement de zéro d’une App aussi performante que celle d’Uber devrait coûter au minimum 40 000 euros.
Bien sur c’est sans compter le développement de l’algorithme qui permet de diriger les taxis en fonction de l’affluence. Pour cette partie là, comptez plusieurs années et quelques millions.
2010, lancement officiel d’UberCab
Début 2010, plus d’un an après le rendez-vous entre Garrett et Oscar Salazar à New-York, le redéveloppement de l’application était prête grâce au travail de Mob.ly et il était envisageable de passer à la vitesse supérieure : Lancer les opérations à San Francisco.
Mais qui allait superviser ce lancement ? Parce qu’en ce mois de janvier 2010, Camp et Kalanick s’étaient mis d’accord sur une chose : tous les deux voulaient utiliser l’application mais aucun des deux ne voulaient en diriger les opérations. Il fallait donc recruter quelqu’un. Quelqu’un qui ait un background de commercial, qui s’y connaisse un minimum en dev et qui ait la carrure d’un manager de terrain. Fastoche non ?
Le Tweet à 1 milliard de dollars
C’est donc Kalanick qui se chargea de trouver la perle rare. Enfin s’en chargea…le 6 janvier 2010, il posta un message sur Craigslist , leboncoin américain, et sur Twitter un message de moins de 140 caractères : “Looking 4 entrepreneurial product mgr/biz-dev killer 4 a location based service.. pre-launch, BIG equity, big peeps involved — ANY TIPS??”Ce qui donne en français Cherche pour produit entrepreneurial un manager/biz-dev tueur pour un service de location.. en prélancement. Grosse equity, et beaucoup de monde impliqué (il utilise Peeps -diminutifs de people-qui peut être traduit par beaucoup de monde ou beaucoup de monde important). Il termine l’annonce par une question : Des conseils ?
Le tweet a eu 2 RT, c’est tout ce dont il eut besoin. 3 minutes après sa publication, Travis reçu grâce à l’un de ces 2 RT un court message d’un certain Ryan Graves lui répondant “here’s a tip. Email-me graves.ryan (at)gmail.com”. Le mail fonctionne toujours.
Le tweet que le site timeofstartups.com qualifiera ce tweet de “Tweet à 1 milliard» est toujours en ligne. Le soir même, Kalanick et Graves se parlèrent au téléphone pendant 2 heures jusqu’à 1 heure du matin, heure de Chicago où vivait Ryan. C’est mignon.
A 27 ans, Ryan Graves avait un parcours d’entrepreneur salarié et d’iconoclaste qui ne pouvait que plaire à Kalanick. Entrepreneur salarié et pas intrapreneur parce que ses différentes aventures entrepreneuriales se faisaient en marge de ses emplois salariés. Tout en ayant un travail salarié stable, il cherchait à créer sa prochaine opportunité, pas à trouver un autre job.
Dans les grandes lignes, ce grand gaillard blond de 1m95 qui détonne à coté des 1m75 de Kalanick ressemble selon Chris Sacca à une pub pour les cigarettes des années 60. Après un Master d’économie à l’université de Miami — qui est dans l’Ohio au nord de Cincinnati, pas en Floride — Ryan trouvera un premier job à Partnersole, une boite de conseil lambda dans l’assurance qu’il quittera au bout d’un an pour rejoindre General Electric où il rejoindra le programme de formation Leadership en management de l’information.
Alors que techniquement, il avait une carte de visite GE et suivait une formation, il comprit rapidement qu’il pouvait arriver à 10h et disparaître à 16H00 sans que personne ne le sache, et ce, tout en ayant de très bonnes notations. Ah, la magie des grosses boites américaines.
Ce qui intéressera surtout Kalanick est que que pendant qu’il était planqué à GE — Ryan avait prouvé qu’il disposait d’un esprit d’entrepreneurs en menant une double, voir une triple carrière :
1 > Il prendra 4 mois de congé sans solde pour visiter le Laos, expérience qu’il rebrandera sur Linkedin comme ouvrez les guillemets “Action caritative destinée à renforcer l’alphabétisation au Laos”. Prouvant son talent du storytelling. Kalanick qui à cette époque voyageait à travers le monde ne pouvait qu’apprécier que Graves ait passé plusieurs mois à l’étranger.
2 > Ensuite il créera sa propre structure. Socialdreamium dans laquelle il travaillait soir et week-end et avec laquelle il commença à proposer des services de création de communauté avant de développer sa propre application qui aurait du ressembler à Hootsuite. Comme il l’explique sur Linkedin dans une phrase sans fin : “Nous avons terminé (comprendre : j’ai arrêté) le développement de notre application qui aidaient (comprendre : aurait éventuellement pu sans doute un jour aider) les communautés de managers à améliorer leur communication à travers de multiple réseaux sociaux mais nous avons réalisé que nous ne pourrions pas être concurrentiel sur un marché devenu aussi bondé”. Bah oui, les outils de com. sur les réseaux sociaux en 2010 c’est comme le sites de conférenciers en 2018 — Bref, il termine sur “N’ayant plus de ressources nous avons décidé de fermer boutique début 2009. La décision de fermer a été difficile mais la leçon retenue en valait la peine”. Parler d’échec et d’apprentissage ne pouvait que parler à Kalanick qui se présentait à l’époque comme l’entrepreneur le plus Non-chanceux de la Silicon Valley.
3 > Ensuite Ryan aura une expérience rapide chez Fourquare où il sera chargé d’animer la communauté des Power-Users. Il est évident que son objectif était de rejoindre une startup et être embauché par Foursquare aurait été pour lui le parfait job. Pour montrer au dirigeant de Foursquare qu’il était digne d’être recruté, il devint même maire de plusieurs banlieues de Chicago et créera des partenariat avec plusieurs bars sans l’aval de Foursquare. Heureusement pour lui, bien que ses collègues diront qu’il travaillait sans relâche, l’entreprise déclinera de le recruter.
L’information retenue par Kalanick du CV qu’il venait de recevoir de Ryan montrait qu’il semblait savoir créer et animer des communautés. Exactement la base de Ubercab qui se repose sur 2 communautés : les chauffeurs et les passagers. Pour construire ces communautés, un blog ou un compte Twitter n’allaient pas être suffisant. Il allait falloir rencontrer chaque chauffeur de limousine ou de black car l’un après l’autre, une entreprise après l’autre, une ville après l’autre, un pays après l’autre.
4 > Autre point commun avec Kalanick. Sa curiosité. Rien ne semblait l’arrêter de devenir un expert dans les domaines qui l’intéressait, notamment la tech. Pendant qu’il naviguait entre sa formation à GE et ses tentatives de rejoindre le monde des startups, il ne cessa pas de développer ses connaissances de l’écosystème startup de la silicon valley, de Chicago où il était établit et de New-york. Ce ne fut donc pas un hasard s’il fut l’un des premiers a lire le tweet de Kalanick qui s’appelait encore a l’époque konaTbone. Il le changera le 10 novembre 2010 pour travisk. Oui je me suis tapé tous ses tweets de son inscription à Twitter à mi-2011. Je le souhaite à Personne
En résumé, Le profil de Ryan Graves ne pouvait qu’intéresser Kalanick : Graves était un entrepreneur qui n’avait pas peur de travailler dur et le prouvait au point de cumuler les emplois pour atteindre son objectif sur le long terme qui était de rejoindre une Startup. Kalanick, qui avait d’autres chats à fouetter, ne perdit pas de temps et ne rencontra que Graves
C’est ainsi que quelques jours plus tard, le 14 janvier, 2010, le jour ou Kalanick publie sur Twitter : «Si vous créez une startup pour l’argent elle vaprobablement échouer, si vous la construisez pour qu’elle dure vous la vendrez probablement», Camp et Kalanick se rendirent à NY avec Yishais Lerner — le patron de Mob.ly celui qui avait récupérer le développement de l’app — pour rencontrer Oscar Salazar. Ils réitérèrent le test de 2009 avec 3 limousines équipées d’iPhones et la nouvelle version de l’app. Son fonctionnement était plutôt correct hormis qu’avec l’abonnement AT&T, le réseau pouvait avoir des trous de la taille de celui de la sécurité sociale.
C’est ce même soir du 14 janvier que Kalanick avait donné rendez-vous à Ryan Graves. Ryan s’était organisé en plaçant une formation GE à une heure de voiture de NY et pu rencontrer Kalanick dans un café de Soho.
Kalanick lui montra l’application et ils discutèrent pendant plus de 2 heures. Travis lui demanda de préparer un Powerpoint présentant ce qu’il pensait apporter à la startup pour la présenter à Garrett. En fait, en ce qui concernait Travis, il était embauché ! Ce qui fut confirmé par Garrett et Ryan devint directeur général d’Uber et devait être à pied d’oeuvre le 1er mars 2010. Deux semaines plus tard il déménagea à San Francisco pendant que sa femme institutrice restait à Chicago pour finir l’année scolaire.
Arrivé à SF il rencontra plusieurs créateurs de startup avec lesquels il était en contact. A commencer avec Brian Chesky — le fondateur de Airbnb — avec lequel il était en relation via Twitter qu’il rencontra au Rocco un café situé à un jet de pierre de l’appartement qui servait de bureau à Airbnb et à ses 15 salariés de l’époque. Ryan souhaitait parler avec lui du package qui lui avait été proposé par Camp et Kalanick. Quand il présenta l’activité de son nouvel employeur à Chesky, Graves le pitcha un peu comme s’il s’agissait d’un Airbnb de la voiture. Chesky lui dira que l’idée avait l’air cool mais que le marché pour les blacks cars devait être très limité. Interrogation que Camp avait déjà reçue fin 2008 quand il avait commencé à parler de son projet et que Graves et Kalanick ne cesseront d’avoir quand ils lanceront leur recherche de fonds.
Autre chose, c’est à ce moment là que Ryan découvrit qu’en fait l’app ne fonctionnait pas aussi bien, que ce que lui avait dit Kalanick qui lui avait vendu la 8e merveille du monde. Narratif, narratif.
Conrad, Salarié n°2 de Ubercab
De son coté, pendant que Travis s’occupait de trouver un commercial. Garrett reprit contact avec son réseau d’anciens de l’université de Calgary pour trouver le premier ingénieur d’Uber. Celui qui allait continuer de mettre à jour et optimiser l’application mobile. C’est ainsi qu’un ancien camarade de promo, Conrad Whelan, qui revenait d’un voyage en Espagne avec l’idée de quitter Calgary dès que possible deviendra le salarié N°2 de UBER. Ryan lui fut présenté dans un bar car il n’y avait pas encore de bureau. Jusque là, Graves travaillait dans des cafés ou des halls d’hôtels avec ordinateur et téléphone pour organiser ses rendez-vous. Mais un développeur n’est pas un commercial et il fallait rapidement trouver une solution pour proposer un endroit sédentaire àWhelan.
C’est Ryan qui trouva une solution temporaire. Encore grâce à Twitter, il avait rencontré le ceo-fondateur de ZOZI une agence de voyage en ligne qui avait une salle de conférence inoccupée. C’est ainsi qu’en avril 2010 UBER disposa de ses premiers bureaux — enfin bureaux… — il s’agissait de 2 tables face à face calées contre un mur entre 2 fenêtres dans une petite pièce du premier étage d’un immeuble en brique situé au 540 Washington Street, juste en face de l’entrée du parking de la tour Transamérica — l’immeuble triangulaire iconique de San Francisco.
Sitôt arrivé, Conrad n’avait pas de temps à perdre, nous étions en Avril et Travis et Garrett souhaitaient lancer les opérations au plus tard au début de l’été.
Pendant 2 mois et demi, Whelan étant de son coté en contact constant avec Oscar Salazar à New-York, Jose Uribe et sa femme au Mexique et avec l’équipe de Moby.ly à Palo Alto pour optimiser ET améliorer les 2 app. Notamment la partie inscription au service et l’intégration des moyens de paiement. A son arrivée l’app n’était qu’un système géolocalisé d’envoi et de réception de SMS. Ensuite, il s’attacha à améliorer l’algorithme de sélection du chauffeur le plus proche et d’affiner la précision du temps d’arrivée prévue de la voiture commandée. Ce qui lui prendra 3 ans !
A son arrivée, Conrad rencontra un petit problème inattendu. Vous vous rappelez que la première version de l’app a été développée par Salazar, pote d’université de Garrett et de nationalité mexicaine, qui a fait bosser 6 mois un couple d’amis aussi mexicain ?
Vous vous rappelez aussi que la version 2 avait été améliorée par un néerlandais pour finalement être reprise par une société de San Francisco pour la version 3 dont disposait aujourd’hui l’équipe. Et bien cette version 3, malgré les différentes itérations qui finalement n’avaient touchés que la partie de géolocalisation de l’app, et bien cette version 3 était toujours en espagnol.
Pour la petite histoire, quand en Juillet, Ryan McKillen, un nouveau développeur qui sera le 3e salarié rejoindra la petite équipe, il fut surpris de trouver sur les bureaux de Whelan des dictionnaires et des livres d’informatique en Espagnol. Devant son incompréhension, Conrad Whelan lui dira “Bienvenido a Uber”.
Pendant ce temps là, le job de Ryan était plutôt basique. La priorité avait été mise dans le recrutement de chauffeurs. Il devait donc appeler du matin au soir les chauffeurs de San Francisco qu’il identifiait dans les pages jaunes et dans Yelp pour leur parler de l’app et leur proposer un rendez-vous s’ils le souhaitaient. Ces rendez-vous étant destinés à les faire parler de leur quotidien autant que pour parler de leur app.
1/3 des appels raccrochait immédiatement, 1/3 l’écoutait au cas où… avant de raccrocher et le reste semblait intéressé au moins pour se rencontrer et voir de visu à quoi ressemblait cette app.
Pour ceux qui ont l’habitude de démarcher au téléphone, plus d’un tiers de personnes intéressées n’est pas si mal. D’habitude c’est plutôt 1 sur 20 ou 1 sur 30. Le soir, Ryan passait un peu de temps à lire des bouquins sur le développement conseillé par Whelan pour mieux comprendre les technologies sur lesquelles il travaillait.
Le 21 mars il s’inscrira comme développeur Apple et écrira «Mon père m’a dit un jour qu’il faut toujours investir dans soi-même».
Kalanick devient plus impliqué
Le 27 mars Kalanick organisa au JamPad une réunion avec des chauffeurs de limo pour leur présenter l’application. C’est ce même jour que pour la première fois, il twitta le #ubercab pour écrire à sa petite communauté que “ubercab is coming» et qu’un chauffeur @micah partagea sur Twitter que grace à Ubercab il venait de gagner 5$. Le début de la fortune.
Au début, il fallut de la patience et de la persévérance à Ryan pour expliquer comment utiliser une application à la place d’un service de dispatch par radio. Mais la carrure de Graves et sa poignée de main solide lui permettait d’entrer dans un garage plein d’arméniens suspicieux et de repartir avec des hugs.
De son coté, Kalanick donnait un coup main de plus en plus appuyé. Autoproclamé Chief Incubator, il était désormais impliqué en quart temps. Un quart temps pour Kalanick signifiant 24 heures par semaine. Il appelait aussi les compagnies de chauffeurs et accompagnait Graves dans ses visites aux garages de limousines pour leur faire installer et essayer le prototype de l’app. Kalanick n’ayant pas encore d’app définitive, ni de chiffres permettant de prouver la traction de celle-ci auprès du public de chauffeur et de clients, il devaient se concentrer sur le commercial en remettant la recherche de financement après la publication de l’app sur l’Appstore qui approchait.
Cette recherche de financement allait devenir urgente car Ryan et Travis s’aperçurent rapidement que donner un iPhone avec l’app pré-installée était le meilleur moyen d’avoir une oreille attentive. Ils commençaient donc à offrir des Iphones 3GS 8GB avec abonnement et chargeur allume cigare. Dans quelques mois Ubercab allait devenait devenir l’un des plus importants clients de AT&T.
Le 29 avril commencèrent les tests de l’app à San Francisco en pleine nuit. Kalanick twitta à 4h27 du matin «En train de tester Ubercab à San Francisco en ce moment. Est ce que quelqu’un veut faire une course ?» Réponse à son tweet : Zéro. Devant l’absence de réaction. Reconnaissez qu’à 4h27 du matin, c’est moyen étonnant, il twitta un message moins lacunaire : « Laisser moi ré-essayer : je teste une app pour iphone qui permet de commander une limousine à la demande. Et en majuscule : Est-ce que quelqu’un veut une course ?» Une seule réponse…
Et nous arrivons au mois de Mai 2010 avec un imprévu, Mob.ly, en charge de développer la partie géolocalisation de l’app, fut acquis par Groupon et la consigne de leur acquéreur fut très claire : Arrêter les projets en court. Très mauvaise nouvelle pour l’équipe d’uber dont l’app venait d’être soumise aux services d’Apple pour validation. Graves, assisté de Kalanick les supplia de terminer le chantier jusqu’à la mise en ligne sur l’Appstore. Ce qu’ils acceptèrent.
Avec une date plus ou moins précise de mise en ligne de l’app sur l’app store, Kalanick qui rongeait son frein depuis un moment allait pouvoir lâcher les chevaux et se mettre à plein temps — enfin à plein temps du temps qu’il consacrait à Uber — pour attaquer la recherche de fonds d’amorçage — enfin d’Angel round — car l’amorçage avait techniquement été fait quand Camp avait investit 180 000 dollars et lui 20 000 l’année précédente.
Travis confirma ce que lui avait dit Garrett : Il était impossible d’avoir l’air sérieux dans sa recherche de financement sans un CEO. Evidemment les deux paires d’yeux se tournèrent à l’unisson vers le seul salarié à temps plein qui n’était pas ingénieur et qui avait avec expérience commerciale. C’est ainsi que Ryan Graves devint le CEO de Ubercab. Il le restera jusqu’en Décembre quand Travis prendra le rôle et que s’achèvera cette histoire. Ou pas.
Lancement officiel de l’app Uber sur l’app store
Enfin, l’app fut officiellement approuvée et listée dans l’App store américain que le 21 mai 2010. Plus besoin aux chauffeurs et passagers de suivre un lien de téléchargement pour télécharger l’app via un lien disponible sur le site ubercab.com, l’app était disponible directement sur son iPhone.
Hormis la mise en ligne de l’App sur l’App store, il n’y a pas eu de célébration de lancement selon la mythologie startup. Uber s’est lancée calmement, un chauffeur à la fois pendant que les clients arrivaient l’un après l’autre. Les prix de Uber étant supérieurs à ceux des taxis., nous ne sommes pas encore en 2012 avec UberX. Ces clients provenaient du réseau relationnel d’entrepreneurs de Camp, Kalanick et Graves. Ce n’est que plus tard, beaucoup plus tard, que Uber orchestra le lancement de ses services dans de nouvelles villes. Nous en reparlerons.
En 2010, avec leur slogan publicitaire «Ubercab, le chauffeur privé pour tout le monde» la stratégie marketing de départ était simple : faire profiter de leur lifestyle à ceux qui en avaient les moyens. Leur cible était également très claire : la gentry entrepreneuriale de San Francisco souhaitant se déplacer facilement sans avoir à conduire. La même cible que Elon Musk avait visé quelques années au auparavant avec son Roadster Tesla.
Pendant que Ryan Graves continuait à passer ses journées à faire connaître l’app aux chauffeurs et au grand public Garrett et Travis commencèrent enfin à taper aux portes des investisseurs en commençant par leurs amis entrepreneurs et ceux qui avaient déjà investi dans StumbleUpon et Red Swoosh.
Et les choses ne se passèrent pas très bien, enfin au début.
…
Lors du prochain épisode, nous allons suivre Camp et Kalanick dans leur première levée de fonds et rencontrer avec eux les investisseurs qui ont fait parti du deal et ceux qui regrettent encore de ne pas l’avoir fait...
La suite : Garrett et Travis vont toucher le fond
Benjamin Chaminade est un conférencier et entrepreneur franco-australien spécialiste en innovation, management et Ressources Humaines.