Pelosi et le sang de Biden

Philippe Corbé
4 min readJul 11, 2024

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L’ancienne présidente de la Chambre étouffe habilement la candidature Biden.“Elle vous coupera la tête et vous ne réaliserez même pas que vous saignez” dit sa fille.

AP PHOTO/ANDREW HARNIK/PBS

Si Joe Biden renonce à sa candidature à la Maison-Blanche, quinze jours après le débat catastrophique qui a brisé les dernières illusions sur son vieillissement, l’histoire retiendra que c’est une femme plus âgée que lui qui l’aura poussé vers la retraite.

Nancy Pelosi a deux ans et huit mois de plus que Joe Biden, mais l’ancienne présidente de la Chambre des représentants, toujours élue et auréolée du titre inédit de Speaker Emerita, reste la femme la plus puissante de l’histoire politique américaine.

Sa fille a dit un jour que Nancy Pelosi, fille du maire de Baltimore dans les années 50, et réélue dix-huit fois dans sa circonscription de San Francisco, était une politicienne si habile que “elle vous coupera la tête et vous ne réaliserez même pas que vous saignez. C’est tout ce que vous devez savoir sur elle.

C’est ce qu’elle a fait ce mercredi matin en allant sur le plateau de Morning Joe sur MSNBC, la matinale que regarde chaque jour le président.

  • Question : “A-t-il votre soutien pour être la tête du ticket démocrate ?
  • Pelosi : “C’est au président de décider s’il va se présenter. Nous l’encourageons tous à prendre cette décision car le temps presse (…) Il est aimé, il est respecté. Les gens veulent qu’il prenne cette décision.”

Sauf que Biden a déjà pris cette décision.

Il l’a dit sur ABC vendredi dernier.

Il l’a redit lundi matin au téléphone dans cette émission Morning Joe en dénonçant les “élites du parti” qui le poussent à abandonner.

Il l’a redit dans une lettre rendue publique alors que les élus du Congrès revenaient en session à Washington après quelques jours de vacances parlementaires. Il a constaté que, malgré des appels à son retrait, beaucoup de démocrates hésitent à le forcer vers la sortie et pensent qu’il est trop tard. “L’affaire est close” insiste Alexandria Ocasio-Cortez, figure de l’aile gauche du parti, après avoir parlé avec le président.

Nancy Pelosi le sait bien. C ‘est pour cela que sa déclaration est frappante.

“C’est au président de décider s’il va se présenter”. Elle lui dit que la bonne décision reste à prendre, car celle de son maintien n’est pas sensée. Et qu’il faut se dépêcher.

Morning Joe est l’émission préférée du Président”, résume un conseiller démocrate à Semafor. “Elle sait qu’il regarde. Elle n’est pas idiote. Elle a choisi ses mots avec soin”.

Elle sait que Biden, enfermé dans sa fierté et son obstination, son côté irlandais dirait-il, fait mine de ne pas entendre la colère et la peur des élus du Congrès qui craignent de perdre non seulement la Maison-Blanche mais aussi le Sénat et tout espoir de reprendre la Chambre. Elle sait que cette tempête met Biden en colère, et renforce l’orgueil rancunier d’un homme qui pense avoir toujours été regardé de haut par les démocrates à la mode du moment, des équipes Clinton aux équipes Obama et leurs relais dans les cercles politico-médiatiques de Washington.

Mais elle sait qu’il l’écoute, elle.

D’un ton délicat, de façon respectueuse, elle dit au président que sa décision n’est pas la bonne, qu’il doit se dépêcher de changer d’avis, de mettre les intérêts de son pays avant les siens. Elle lui demande de faire son devoir.

Il est aimé, il est respecté, et les gens veulent qu’il prenne cette décision, pas moi,” dit Pelosi sur Morning Joe. “Je veux qu’il fasse ce qu’il décide de faire, et c’est comme ça.

Elle lui laisse même un peu d’espace pour qu’il puisse présenter une décision de retrait comme la sienne.

Donald Trump sait que Nancy Pelosi est redoutable. Il l’a affrontée lorsqu’ils étaient dans une sorte de cohabitation pendant deux ans, lui à la Maison-Blanche, elle à la tête de la Chambre.

La folle Nancy Pelosi est encore plus un fatras cognitif que l’escroc Joe l’endormi” écrit Trump sur son réseau Truth Social. “C’est une cinglée totale, qui m’a inculpé DEUX FOIS et a perdu. (…) La folle Nancy est une menace pour la démocratie.

C’est à propos dubras de fer avec Trump que la fille Pelosi disait de sa mère en 2019 “elle vous coupera la tête et vous ne réaliserez même pas que vous saignez.

Elle était arrivée à ses fins.

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Philippe Corbé

Journaliste / Auteur du roman "Cendrillon est en prison" et des essais "J’irai danser à Orlando" et "Roy Cohn, l’avocat du diable" chez Grasset