De la méthodologie de pleine conscience

Free Binder
22 min readApr 15, 2022

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Cette page est un compte rendu actualisé des études évaluant les effets positifs de la méditation de pleine conscience (Mindfulness) qui me sont soumises par des internautes sur Twitter (21 pour l’instant). Voici donc quelques observations non-exhaustives, suivie d’une petite conclusion sur l’état de l’art. Spoiler : les études cliniques n’ont pas (encore) prouvé grand chose à ce sujet…

Illustration par Ben Wiseman.

1) “Mindfulness Meditation-Based Pain Relief Employs Different Neural Mechanisms than Placebo and Sham Mindfulness Meditation-Induced Analgesia”, Zeidan et al, Journal of Neuroscience, 2015.

– Pas de double aveugle. C’est le cas de l’ensemble des études décrites ci-dessous (ce n’est par ailleurs pas spécifique aux études sur la pleine conscience), je ne le précise donc pas à chaque fois ;

– Des groupes traitement de moins de 20 individus ;

– Une recherche en partie financée par le Mind and Life Institute, un think tank/institut de recherche lié au Dalaï-Lama à l’origine de la promotion de la méditation de pleine conscience (plus loin : MPC). C’est le cas de beaucoup d’études, je ne le précise donc pas à chaque fois ;

– Un auteur (principal) proche de ce même institut.

A gauche : Zeidan, 2015. A droite : site internet du Mind and Life Institute.

2) “Effectiveness and Cost-Effectiveness of Mindfulness-Based Cognitive Therapy Compared with Maintenance Antidepressant Treatment in the Prevention of Depressive Relapse or Recurrence: A Randomized Controlled Trial, Kuyken et al, The Lancet, 2015.

– Pas de groupe contrôle actif (on ne sait pas ce qui est réellement attribuable à la MPC) ;

– Contrairement à ce qu’écrit la journaliste de l’article de Sciences & Avenir qui m’a été initialement soumis sur Twitter, cette étude cherchait à savoir si la MPC peut avoir des effets bénéfiques supérieurs aux anti-dépresseurs. Leur conclusion est que ce n’est pas le cas ;

– L’analyse coût-bénéfice démontre que la MPC n’est pas plus rentable que les anti-dépresseurs ;

– Pour les patients à « risque faible », les traitements traditionnels sont recommandés (might be). Pour les patients à haut risque, des traitements plus « intensifs » comme la MPC pourraient être recommandés (could be) ;

– 2 auteurs (dont le principal) sont des promoteurs actifs de la pratique de la MPC, notamment à travers la Mindfulness Network Community Interest Company (360 € la retraite sur Zoom, ça vous dit ?) ;

– L’auteur principal est directeur d’un institut de recherche (à l’Université d’Oxford) en partie financé par le Mind and Life Institute (voir plus haut).

Kuyken, 2015.
Kuyken, 2015.
Kuyken, 2015.
Le “Mindfulness Network” et le “Mindfulness Research Centre” de l’Université d’Oxford.

3) “Randomized Controlled Trial of Mindfulness Meditation for Generalized Anxiety Disorder: Effects on Anxiety and Stress Reactivity, Hoge et al, J Clin Psychiatry, 2013.

– Il y a bien un groupe contrôle actif ;

– Certaines échelles d’analyse utilisées concluent en effet sur une supériorité de la MPC dans le traitement des troubles anxieux (comparé à une méthode plus traditionnelle), mais ce n’est pas le cas pour d’autres. Sans développer ici davantage, on peut relever que parmi les premières échelles, on trouve des échelles “globales” censées offrir une rapide évaluation de l’état général du patient, alors que les secondes sont plus fines et concernent davantage le niveau d’anxiété (= l’objet de l’étude en question). En effet, pour que ces échelles soient réellement significatives, une série de pré-requis (historique du patient, infos par des tiers, etc.) sont nécessaires. Il faudrait se pencher de plus près sur le protocole en question, mais on peut déjà se poser la question : est-ce le cas ici ? Pas sûr.

– Echantillon très petit (dixit les auteurs) ;

– « Nos résultats ne sont pas complètement généralisables » (dixit les auteurs) ;

– L’auteur principal a bénéficié de financements du Mind and Life Institute.

A gauche et au milieu : Hoge, 2013. A droite : site internet du Mind and Life Institute

4) “Meditation Experience is Associated with Increased Cortical Thickness”, Lazar et al, Neuroreport, 2005.

– On est dans autre chose (imagerie cérébrale). Première observation des résultats : « l’épaisseur moyenne sur tout le cortex ne diffère pas de manière significative selon le groupe observé » (= pratiquants de la MPC versus non-pratiquants) ;

– Les auteurs relèvent que leurs résultats sont forcément de nature corrélationnels et qu’« une relation causale entre l’épaisseur du cortex et la pratique de la méditation ne peut pas être inférée. »

– L’auteur principal a bénéficié de financements du Mind and Life Institute ;

– L’auteur principal est une promotrice active de la pratique de la MPC, notamment à travers l’organisation de retraites Mindfulness.

Lazar, 2005.
A gauche : site internet du Mind and Life Institue. A droite : retraite Mindfulness à Singapour.

5) Forever Young(er): Potential Age-Defying Effects of Long-Term Meditation on Gray Matter Atrophy, Luders et al, Frontiers in Psychology, 2015.

– Analyse d’images cérébrales pour observer la corrélation (et non la causalité, c’est écrit dans l’introduction) entre le ralentissement de la diminution (naturelle) du volume de l’encéphale – ou matière grise – et la pratique de la méditation ;

– De manière générale, il n’y a pas de différence dans l’évolution de la perte de matière grise entre les 2 groupes (pratiquants/non-pratiquants) ;

– La suite est plus encourageante : la diminution de la matière grise semble moins prononcée chez certaines catégories de pratiquants, notamment en ce qui concerne la « matière grise locale » (voxel). Un bon point pour la MPC, donc (on fait confiance aux images). Mais on pourrait aussi s’attarder sur la méthode d’échantillonnage (par ex. années d’expérience des pratiquants entre 4 et 46 ans, etc.) ;

– Les auteurs reconnaissent que la liste des effets bénéfiques de la méditation sur différentes régions du cerveau n’est que « pure spéculation » (!) ;

– Compte-tenu de la nature de leur étude, les auteurs souhaitent souligner qu’« il est impossible d’en déduire clairement des causalités » ;

– Tout cela « pourrait être une conséquence de certains traits personnels ». En effet, les effets positifs observés pourraient être liés à d’autres facteurs que la pratique de la méditation ;

– Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir le véritable potentiel de la méditation vis-à-vis de nos cerveaux vieillissants, dixit les auteurs.

– L’auteur principal semble être une promotrice active de la MPC, notamment de par sa participation à une organisation proche du Mind and Life Institute.

Luders, 2015.
Luders, 2015.
L’organisation “Advances in Meditation Research” dont fait partie l’auteur principal de cette étude (source : Facebook).

6) “Measuring the Efficacy and Sustainability of a Mindfulness-Based In-Class Intervention”, Randima Fernando et al, Mindful Schools & University of California, Davis, 2012.

– Pas de groupe contrôle actif ;

– Un auteur (principal) qui semble déjà acquis à la cause.

Fernando, 2012.
Le “Buddhist Insight Network”

7) “Mindfulness Meditation Activates Altruism”, Iwamoto, S.K. et al, Sci Rep, [10, 6511], 2020.

– Pas de groupe contrôle actif ;

– Les résultats montrent que certaines variables (par ex. ethnicity) ont plus de deux fois plus d’effet sur les participants que la “séance” de méditation ;

– Un design de recherche franchement étonnant : le groupe traité doit regarder une vidéo de méditation en ligne pendant 10 minutes. Les chercheurs observent ensuite si, lors d’une partie du “jeu du dictateur”, les participants donnent davantage d’argent à une œuvre de charité. L’étude conclut sur le fait que l’on peut “identifier une relation entre la méditation de pleine conscience et la coopération”, ce qui implique un “potentiel bénéfice sociétal” notamment dans le cadre de collectes de fonds par des ONG ou des entreprises à vocation sociale ;

– Sur de nombreux points, le protocole ne respecte pas les recommandations émises par les fondateurs-mêmes de la MPC (voir ci-après) ;

– Un des auteurs est affilié à un “centre de recherche” Mindfulness (Mindful Awareness Research Center, UCLA) qui promeut activement cette pratique et dont le directeur est aussi auteur de plusieurs best-sellers sur… la Mindfulness.

8) “Meditation Programs for Psychological Stress and Well-being: A Systematic Review and Meta-analysis”, Goyal, M. et al, JAMA Intern Medicine, [174(3)], 2014.

Dans cette méta-analyse s’appuyant sur des études a priori méthodologiquement robustes, Goyal et al. tentent d’aborder l’efficacité (et l’efficacité comparative) de la méditation de pleine conscience et transcendantale en ce qui concerne le stress psychologique et le bien-être. Ils se concentrent sur des essais cliniques randomisés utilisant des contrôles actifs impliquant des patients souffrant de troubles mentaux ou physiques.

Les études passées en revue sont catégorisées selon qu’elles impliquent un contrôle actif “non spécifique” (qui contrôle le temps, l’attention et les attentes vis-à-vis du traitement) ou “spécifique”, telle que l’exercice ou la relaxation musculaire progressive. Seuls 3 % des essais publiés examinés remplissaient ces critères d’inclusion, ce qui représente au final 47 essais cliniques (sur 18’753).

Goyal, 2014.

Les résultats, dans l’ensemble, ne montrent pas beaucoup de bénéfices de la méditation en ce qui concerne le soulagement de la souffrance ou l’amélioration de la santé globale, hormis le fait que la méditation de pleine conscience fournit un “degré faible” mais “peut-être significatif” de soulagement de la détresse psychologique.

Goyal, 2014.
Goyal, 2014.

Comme le relève A. H. Gorall dans son commentaire introductif Moving Toward Evidence-Based Complementary Care (2014), “les réductions faibles mais potentiellement significatives de la détresse liée à l’anxiété et à la dépression associées aux programmes de pleine conscience de courte durée plaident en faveur de l’examen de leur utilisation comme moyen de modérer le besoin d’intervention psychopharmacologique”.

Précisons néanmoins que la preuve modérée d’un bénéfice sur la gestion de l’anxiété à 8 semaines (0.38, Cohen’s d) retombe à une preuve faible à 3–6 mois (0.22). Même constat pour la gestion de l’état dépressif (0.23) et de la douleur.

Niveau de preuve selon la taille d’effet (Cohen’s d).

Précisons aussi que la méditation ne montre aucun effet statistiquement significatif sur l’ensemble des autres variables de stress psychologique et de mesure du bien-être analysées dans le cadre de cette méta-analyse, tout comme le fait que, en comparaison avec des ECR avec groupes contrôle actif spécifique (= en comparaison avec d’autres TCC), la méditation ne montre aucun bénéfice statistiquement significatif.

Goyal, 2014.

Dans l’énumération des limites de cette recherche (sur lesquelles je ne reviens pas ici), les auteurs notent finalement que certains des résultats sont incohérents, ce qui peut être dû à la diversité des conditions cliniques et du type de groupes contrôle utilisés. Une autre possibilité, disent-il, est que “les ateliers de méditation n’ont aucun effet réel sur bon nombre des résultats qui sont incohérents”. À méditer.

“Tant les études sur la pleine conscience sont de bonne qualité méthodologique qu’à la fin il n’y a plus d’effet.”

9) “The Effects of Meditation, Yoga, and Mindfulness on Depression, Anxiety, and Stress in Tertiary Education Students: A Meta-Analysis”, Breedvelt et al, Frontiers in Psychiatry, 2019.

– Méta-analyse portant sur 24 études. Seulement 4 avaient un groupe contrôle actif (10 en “wait list”, 10 en “no treatment”) ;

– Seulement 1 présentait un « low risk of bias » ;

– Résultat : aucune preuve que la méditation fait mieux que le groupe contrôle ;

– En conclusion, les auteurs estiment que les recherches futures doivent être beaucoup plus rigoureuses, car la plupart des études ne sont pas robustes du point de vue méthodologique ;

– Les auteurs ne trouvent pas de lien entre pratique de la méditation dans le temps et effets positifs ;

– Un des auteurs est employé par une fondation offrant des cours en ligne de Mindfulness.

Breedvelt, 2019.

10) “Standardised mindfulness-based interventions in healthcare: an overview of systematic reviews and meta-analyses of RCTs”, Gotink et al, PLoS One, 2015. [Rétraction: 2019].

(Note : étonnamment, cet article et le suivant m’ont été transmis en juin 2022 par un docteur en psychologie cognitive.)

– L’article de cette étude a été rétracté pour causes de lacunes méthodologiques et conflits d’intérêt non déclarés. La page Wikipédia “Pleine conscience” en fait d’ailleurs mention.

Extrait de la page Wikipédia “Pleine conscience”.
Avis de rétractation de l’article précité, PLOS One, 2019.

On notera encore quelques éléments :

– Méta-analyse comportant 23 études (dont 15 comportant des groupes contrôle actif) ;

– Quelques résultats : dans certains RCT, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) obtiennent un meilleur score que la MBSR en ce qui concerne la réduction de la phobie sociale (social anxiety) ;

– En ce qui concerne les patients avec des troubles anxieux et dépressifs : “l’effet sur la gravité des symptômes disparaît pratiquement […] en comparaison avec le [groupe de] traitement actif ;

– “Dans la santé mentale, il y a davantage de résultats ambigus : certains troubles s’améliorent, d’autres comme la phobie sociale et la schizophrénie réagissent mieux à un traitement traditionnel.”

– “Les recherches futures devraient probablement se concentrer sur des comparaisons avec traitement [= groupe contrôle] actif.”

Gotink, 2015.

11) “Mindfulness-based cognitive therapy for the treatment of current depressive symptoms: a meta-analysis”, Goldberg et al, Cognitive Behaviour Therapy, 2018.

– Méta-analyse sur 13 études, 7 ne contenaient pas de groupe contrôle actif ;

– L’abstract : « Il y a des preuves que les études avec une qualité méthodologique plus élevée montrent des effets plus faibles après traitement [MBCT] »

– Encore : « La MBCT semble être efficace pour les échantillons présentant des symptômes dépressifs […], bien qu’un nombre limité d’études aient testé ses effets […] sur le long terme. »

– Plus loin : La MBCT est supérieure selon des critères de contrôle non-spécifique (on ne sait pas exactement quels ingrédients sont à l’oeuvre), mais elle ne l’est pas sur le long terme ;

– La MBCT ne montre aucune différence en comparaison avec les groupes contrôle actif, sur le court et long terme : « Cela suggère que la MBCT est peut-être d’efficacité similaire aux autres thérapies communément offertes » (thérapie cognitive, psychoéducation, etc.) ;

– Les auteurs estiment en conclusion que « des recherches futures sont nécessaires pour pouvoir établir les effets à long terme de la MBCT pour les […] symptômes dépressifs [afin de] déterminer si la MBCT peut être recommandée pour la dépression actuelle et rémittente ».

– Cette étude a été co-financée par le Mind & Life Institute ; Un des auteurs est membre-fondateur du Mind & Life Institute ; L’auteur principal est membre-fondateur d’un institut de recherche lié au Mind & Life Institute.

Goldberg, 2018.

12) “Absence of structural brain changes from mindfulness-based stress reduction: Two combined randomized controlled trials”, Tammi R. A. Kral et al., Science Advances, 2022.

Quelques extraits choisis :

  • “Une méta-analyse récente a révélé que la proportion de publications de haute qualité dans ce domaine ne s’est pas améliorée au fil du temps”.
  • “Les études qui prétendent montrer des changements dans la structure cérébrale suite aux ateliers […] basés sur la pleine conscience (MBSR) sont largement référencées malgré des limitations méthodologiques majeures. Ici, nous présentons les résultats d’un vaste ensemble de données […] avec groupes contrôle actif [en évaluant] les changements dans le volume de matière grise, la densité de matière grise et l’épaisseur corticale.”
Kral, 2022.
  • “Dans l’étude la plus vaste et la plus rigoureusement contrôlée à ce jour, nous n’avons pas réussi à reproduire les résultats antérieurs et n’avons trouvé aucune preuve que la MBSR produisait des changements neuroplastiques par rapport à l’un ou l’autre des groupes témoins, que ce soit au niveau du cerveau entier ou de régions spécifiques. […] Cette étude visait à reproduire […] des travaux antérieurs démontrant une augmentation de la densité de matière grise après un entraînement à la méditation de pleine conscience dans l’hippocampe, le cortex cingulaire postérieur, le cervelet, le tronc cérébral [etc.].”
Kral, 2022.
  • “Nous nous attendions à trouver une augmentation de la densité de matière grise […] et un volume réduit pour l’amygdale, conformément aux travaux antérieurs. Nous avons également émis l’hypothèse que ces effets seraient plus importants pour les participants qui passaient plus de temps à pratiquer la méditation de pleine conscience. Nous n’avons trouvé aucune différence de groupe […] à l’appui de ces hypothèses.”
  • “Notre étude apporte des preuves que les améliorations liées à la MBSR […] peuvent ne pas être spécifiques à la pratique de la méditation de pleine conscience, mais plutôt liées à d’autres aspects […] communs à des interventions similaires (par exemple : l’apprentissage des compétences de bien-être). […] Malgré l’absence de différences de groupe dans le changement de la structure cérébrale régionale, nous avons observé que […] plus les participants passaient de temps à pratiquer la MBSR en dehors de la classe, plus leur réduction du volume de l’amygdale droite était importante, […] par rapport au groupe contrôle actif. En moyenne, les participants avec moins de 27 heures de temps total de pratique MBSR n’ont eu aucun changement dans le volume de l’amygdale […].”
Kral, 2022.
  • “Par conséquent, il est peu probable que la pratique de la méditation de pleine conscience pendant moins de 22 minutes par jour pendant quelques mois entraîne un changement structurel de l’amygdale. […] Bien que l’étude actuelle fournisse ainsi des preuves initiales que les réductions du volume de l’amygdale liées à la MBSR peuvent dépendre du degré d’engagement dans la pratique [voir quelques lignes plus haut], l’effet était faible […]. Ainsi, il doit être interprété avec prudence et justifier des tentatives de reproduction dans des travaux futurs.”
  • “Il est important que les recherches futures examinent les différences individuelles dans l’engagement et l’efficacité de la MBSR, ainsi que la durée et la durée optimales de la pratique quotidienne pour qu’une intervention de méditation de pleine conscience confère des avantages.”
Kral, 2022.
  • Il faut tout de même sauver la face : “Les changements dans les premiers stades de la formation à la méditation de pleine conscience comme lors d’une formation MBSR chez des personnes précédemment non formées, peuvent être différents des changements dans les stades ultérieurs ou pour des interventions plus longues. Dans ce sens, une étude récente et puissante évaluant un entraînement à la méditation similaire à la méditation de pleine conscience, mais avec une durée 50 % plus longue que la MBSR, a révélé des augmentations significatives de l’épaisseur corticale par rapport à deux interventions de contrôle actif […].”
  • Ce à quoi on pourrait répéter (voir plus haut) que, dans le cadre de cette étude de 2022 : “L’effet était faible et n’a pas survécu aux analyses de sensibilité. Ainsi, il doit être interprété avec prudence”. Et ajouter encore que “les effets significatifs [liés à la durée de la pratique de la pleine conscience] étaient limités à l’amygdale, et les relations avec les 8 autres régions observées n’étaient pas significatives”. Cette différence par rapport au groupe contrôle est donc “de niveau tendanciel” et “non significative dans les analyses de sensibilité”.

Résumons : la formation MBSR mondialement vantée de Mr. Kabat-Zinn (d’une durée de 8 semaines) est trop courte et ne montre pas d’effet significatif structurel sur le cerveau.

Abstract, Kral, 2022.

13) “The effects of mindfulness-based interventions on symptoms of depression, anxiety, and cancer-related fatigue in oncology patients: A systematic review and meta-analysis”, E. Chayadi, N. Baes, L. Kiropoulos, PLOS One, 2022.

Pour tenter l’expérience, j’ai tapé « mindfulness meta analysis » sur Google Scholar afin de consulter la dernière étude en date (14 juillet 2022). En se basant sur 36 études, l’équipe de recherche conclut que la MBI a un effet modéré sur la réduction de ces 3 symptômes. Elle conclut également que la MBI a un effet supérieur sur les symptômes d’anxiété et de dépression, en comparaison aux groupes contrôle.

Quelques observations :

  • 20 études sur 36 ne sont pas randomisées.
  • Concernant les 16 ERC, l’annexe de l’article ne précise pas la nature des groupes contrôle (ce qui ne va pas de soi, car on ne sait pas à quoi est comparé le groupe traité) et nous oblige donc à consulter les études les unes après les autres pour obtenir l’information :
Quelques notes…
  • Seulement 4 études comportent des groupes contrôle actif.
  • Seulement 1 intègre un contrôle actif spécifique.
  • Parmi les 4 études avec contôle actif, on trouve comme groupes de comparaison : 1) Du “self-instructing MBSR”, donc sans intervention d’un professionnel de santé ; 2) Du “cancer recovery and health education classes”, ce qui pourrait s’apparenter à la catégorie “traitement usuel” ; 3) Un “traitement de méta-cognition”, dont les conclusions de l’étude en question soulignent que les 2 traitements obtiennent les mêmes résultats pour plusieurs indicateurs, comparés au groupe non-traité ; 4) Un traitement actif qui semble solide et dont l’étude conclut à un effet faible sur les symptômes anxieux et très faible pour les symptômes dépressifs.
  • Les 13 études restantes comportent quant à elles : des groupes non-traités ; des groupes d’attente (qui reçoivent le traitement après les autres) ; des groupes traités comme d’habitude (“treatment as usual”). Des groupes contrôle, certes, mais non actif.

Résumons : 4 études sur 36 intègrent un groupe contrôle actif. Seulement une intègre un contrôle spécifique (et conclut sur une efficacité très limitée).

Voir l’article complet sur ce blog : “La dernière méta-analyse sur les bienfaits de la pleine conscience”(juillet 2022)

14) “Review: Meta-analysis on mindfulness-based interventions for adolescents’ stress, depression, and anxiety in school settings: a cautionary tale”, N. Fulambarkar et al., Child Adolescent Mental Health, 28 juin 2022.

  • Se présente dès le titre comme une “mise en garde” (cautionary tale).
  • Méta-analyse concernant les MBI (Mindfulness-Based Intervention) dans le traitement des symptômes liés au stress, à la dépression et à l’anxiété chez les adolescents en contexte scolaire.
  • Les auteurs relèvent en introduction que les MBI sont actuellement appliqués en milieu scolaire pour des adolescents présentant les symptômes ci-dessus alors que “les conclusions générales sur l’efficacité de ces interventions restent floues.” En effet, si des travaux antérieurs ont pu conclure sur des résultats prometteurs, l’équipe de recherche rappelle que ceux-ci n’étaient pas homogènes, notamment en ce qui concerne le type de participants et d‘intervention.
à gauche : Les tailles d’effet des 9 études prises en compte dans la méta-analyse de Fulambarkar et al. (2022). / à droite : Wikipédia.fr.
  • En contradiction avec certains travaux, leurs résultats (qui, faute de mieux, couvrent seulement 9 études avec essais randomisés contrôlés – dont seulement 4 avec groupe contrôle actif) suggèrent que les MBI appliqués au milieu scolaire ont un effet significatif positif sur la réduction du stress chez les ados, mais pas sur l’anxiété ni sur les symptômes dépressifs.
  • Cet effet significatif sur le stress est modéré (Hedge’s g = 0,55) et disparaît néanmoins lorsqu’on le compare avec les groupes contrôle actif.
  • Comparés au contrôle actif, les interventions de pleine conscience ne montrent donc aucun effet significatif sur ces 3 symptômes. D’où la nécessité, selon les auteurs, de ne pas “extrapoler les résultats des essais cliniques”.
Les tailles d’effet (Hedge’s g), Fulambarkar, 2022.

D’où la nécessité également d‘avoir davantage d’études à disposition pour déterminer l’efficacité des MBI en milieu scolaire : dans la mesure où “les interventions en milieu scolaire qui réduisent les niveaux de stress représentent un avantage important”, ces résultats pourraient, selon les auteurs, “éclairer l’utilisation efficace des ressources” et “s’assurer que les adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété bénéficient de ressources autres et/ou complémentaires”.

15) “Do mindfulness-based programmes improve the cognitive skills, behaviour and mental health of children and adolescents? An updated meta-analysis of randomised controlled trials”, D. Dunning, K. Tudor K, L. Radley, et al., Evidence-Based Mental Health, 12 juillet 2022.

  • S’intéresse “aux compétences cognitives et comportementales ainsi qu’à la santé mentale des enfants et adolescents”.
  • C’est une réactualisation d’une recherche de 2019, visant à dresser l’état de l’art, à laquelle les auteurs ont ajouté 33 études supplémentaires. Les résultats de ce précédent travail “suggéraient que les MBI montraient une efficacité prometteuse, mais mettaient en évidence un manque d’essais contrôlés randomisés (ECR) de haute qualité et suffisamment robustes.”
  • Cette mise à jour prend en compte 66 travaux au total, avec études randomisées et contrôles actif et passif — comprenant parfois un suivi après-traitement (follow-up).
Tailles d’effet comparées aux contrôles actif et passif (Dunning, 2022).
La taille d’effet et l’interprétation du Cohen’s d.
  • Par rapport aux groupes contrôle passif, ces nouveaux résultats montrent que les interventions de pleine conscience étaient faiblement efficaces pour améliorer l’anxiété/le stress, l’attention, le fonctionnement exécutif et le comportement négatif et social (Cohen’s d = 0,12 à 0,35).
  • “Par rapport au contrôle actif, les interventions (sélectives) étaient efficaces uniquement pour réduire l’anxiété/le stress et améliorer la pleine conscience (d = 0,11 et 0,24, respectivement).
  • Dans les études avec suivi après-traitement, il n’y avait pas d’effets significatifs des interventions de pleine conscience.”
  • Enfin, “il n’y avait aucune preuve que les interventions améliorent le bien-être.”
Après suivi (Dunning, 2022).

En conclusion, les auteurs soulignent que “l’enthousiasme pour les interventions de pleine conscience chez les jeunes a sans doute devancé les preuves” et que ces dernières, “bien qu’elles montrent des résultats prometteurs pour certains critères de jugement, sont en général de faible qualité et non concluantes.”

Dunning et al., 2022.

16) “The Effect of School-Based Mindfulness Interventions on Anxious and Depressive Symptoms: A Meta-analysis”, S. Phillips, M. Mychailyszyn, School Mental Health, 14, 22 janvier 2022.

  • Méta-analyse combinant les résultats de 36 études et visant à “synthétiser la littérature sur les interventions de pleine conscience en milieu scolaire qui ciblent les symptômes anxieux et dépressifs chez les jeunes et à comparer l’efficacité de ces interventions avec des groupes contrôle actif et sur liste d’attente” (wait-list).
  • L’abstract nous indique que, dans l’ensemble, des effets significativement faibles ont été trouvés en ce qui concerne les symptômes anxieux et dépressifs, mais aucune différence significative en comparaison aux groupes contrôle actif ou en attente. Ce qui suggère que “les interventions de pleine conscience peuvent ne pas fournir d’avantages supplémentaires pour ces symptômes”.

En conclusion, les auteurs relèvent que leurs résultats remettent en question l’efficacité [des interventions de pleine conscience] actuellement mises en œuvre pour traiter l’anxiété et la dépression des jeunes en milieu scolaire.”

***

Nous arrivons au terme de ce bref panorama. Nous pouvons, semble-t-il, tirer au moins 3 conclusions :

  1. Il manque encore de solides preuves scientifiques concernant les bienfaits de la méditation sur notre corps et notre esprit. Sa pratique peut s’avérer être bénéfique, mais la science ne l’a pas (encore) solidement démontré ;
  2. Les études soulignant des effets positifs qui sont généralement citées dans la presse grand public (mais pas seulement) sont souvent réalisées par des chercheurs eux-mêmes adeptes de la pleine conscience, voire qui en sont des promoteurs actifs ;
  3. Le Mind and Life Institute ainsi que d’autres organisations (dont nous parlons ici) ayant des intérêts communs peuvent compter sur un important (et fascinant) réseau auprès de nombreux acteurs de la société, de la petite salle de classe au WEF de Davos, en passant par les librairies et le monde académique (de Stanford à Oxford, entre autres). A méditer.

… Un réseau tentaculaire à l’image de cet électroencéphalogramme :

Le moine bouddhiste Matthieu Ricard.

D’autres études (sans groupe contrôle, sans groupe contrôle actif, sans mesure de la pleine conscience, etc.) :

17) “Mindfulness meditation and the immune system: a systematic review of randomized controlled trials”, D. S. Black & G. M. Slavich, Ann N Y Acad Sci, 1373(1):13–24, 2016. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4940234/

18) “Depression relapse prophylaxis with Mindfulness-Based Cognitive Therapy: Replication and extension in the Swiss health care system”, G. Bondolfi et al., J Affect Disord, 122(3): 224–231, 2010. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2866251/

19) “The Effect of Mindfulness-Based Therapy on Anxiety and Depression: A Meta-Analytic Review”, S. G. Hofmann et al., J Consult Clin Psychol., 78(2): 169–183, 2010. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2848393/

20) “Efficacy of Mindfulness-Based Cognitive Therapy in Prevention of Depressive Relapse”, W. Kuyken et al., JAMA Psychiatry, 73(6):565–574, 2016. https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2517515

21) “Quels sont les bénéfices académiques, cognitifs, socio-émotionnels et psychologiques des interventions basées sur la pleine conscience en milieu scolaire ?, A. Theurel et al., A.N.A.E, 154; 337-352, 2018. https://www.unige.ch/fapse/sensori-moteur/actualites/a-la-une/benefices-des-interventions-basees-sur-la-pleine-conscience-en-milieu-scolaire

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Par Free Binder, février 2022 [dernière mise à jour : 11.10.2022].

Suivre sur Twitter.

Notes :

– Les 5 premières études sont mentionnées dans l’article du magazine Sciences et Avenir ci-dessus et sont souvent citées dans la presse grand public.

– Quelques jours après mon thread initial à ce sujet (dès le 05.02.2022), France Info traitait de cette information en illustrant 3 des études ci-dessus. Lien : https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-fake-la-meditation-de-pleine-conscience-a-t-elle-vraiment-des-effets-positifs-sur-la-sante_4954041.html

– Articles 10 & 11 ajoutés en juin 2022.

Pour aller plus loin :

– Un fil Twitter sur la différence entre homéopathie et effet “placebo”.

– Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W. (2015). Conceptual and methodological issues in research on mindfulness and meditation. The American psychologist, 70(7), 581–592. URL: https://doi.org/10.1037/a0039512 (un des auteurs est membre-fondateur du Mind & Life Institute)

– MacCoon, D. G., IMEL, Z. E., et al. (2012). The Validation of an Active Control Intervention for Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Behaviour Research and Therapy, January ; 50(1): 3–12. URL: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22137364/

– Goroll, A. H. (2014) “Moving Toward Evidence-Based Complementary Care”. JAMA Intern. Med., 174(3): 368–369. URL: https://hi.booksc.eu/dl/65206106/3c41c9

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