La dernière méta-analyse sur les bienfaits de la pleine conscience (juillet 2022)

Free Binder
6 min readAug 2, 2022

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J’ai tapé « mindfulness meta analysis » sur Google afin de consulter la dernière étude en date…

Chayadi et al. (2022)

Il s’agit d’une recherche portant sur “les effets de la MBI sur les symptômes dépressifs, anxieux et de fatigue liée au cancer chez les patients en oncologie”, datée du 14 juillet dernier. En se basant sur 36 études, l’équipe de recherche conclut que la MBI a un effet modéré sur la réduction de ces 3 symptômes. Elle conclut également que la MBI a un effet supérieur sur les symptômes d’anxiété et de dépression, en comparaison aux groupes contrôle :

Chayadi et al. (2022)

J’ai souvent essayé d’expliquer ici l’importance d’inclure des groupes contrôle ACTIF dans la recherche clinique sur les bienfaits de la pleine conscience. En effet, le recours à un protocole en double aveugle (placebo) n’étant pas possible dans ce champ de recherche, de plus en plus de voix critiques ont estimé qu’il fallait compenser cette faiblesse par l’intégration d’un protocole contrôlé actif.

Cela permet notamment de contrôler l’effet de nouveauté et de savoir quels sont les ingrédients réellement à l’oeuvre dans l’activité Mindfulness. Je l’ai aussi souvent dit : même les pontes du “Mind and Life Institute” (principal organe de promotion de la pleine conscience) s’accordent pour dire que la qualité de la recherche dans ce domaine doit s’améliorer en prenant en compte ces critiques.

Le moine Matthieu Ricard avec le prof. Richard Davidson, fondateur du “Center for Healthy Minds” de l’Université du Wisconsin, considéré en 2006 comme “l’une des personnalités les plus influentes au monde” par les rédacteurs du Time Magazine.

Ici, un article de 2015 signé par le prof. Davidson énumérant les nombreux challenges futurs, dont la question des groupes contrôle actif :

Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W. (2015)

C’est très clair : son équipe enjoint la communauté scientifique et les pouvoirs publics à garder en tête que les études robustes sur le sujet sont rares :

Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W. (2015)

Mais revenons à la méta-analyse publiée le 14 juillet dernier. 36 études prises en compte, donc, dont 20 n’étaient pas randomisées (!). C’est déjà particulier en soi, mais passons…

Chayadi et al. (2022)
Source : Wikipédia.org

Regardons alors quelles sont les 16 autres études randomisées (en fait 17 en comptant un “projet pilote”) incluses dans cette méta-analyse. L’article n’en parlant pas, c’est dans les annexes qu’on trouve les infos :

Chayadi et al. (2022)

L’annexe ne précisant pas la nature des groupes contrôle en question (ce qui ne va pas de soi), nous sommes donc obligés d’aller consulter les études les unes après les autres. Ce que j’ai fait.

Et là…, surprise (en fait non), on constate que seulement 4 études comportent des groupes contrôle actif et que seulement 1 intègre un contrôle actif spécifique (pour dire vite : un traitement de comparaison proche de la pleine conscience, type yoga ou relaxation).

Quelques notes personnelles :

Les types de contrôle des 16 (+1) études randomisées contrôlées prises en compte dans la méta-analyse en question.

Et encore… Parmi ces 4 études, on trouve comme groupes de comparaison : 1) Du “self-instructing MBSR”, donc sans intervention d’un professionnel de santé ; 2) Du “cancer recovery and health education classes”, ce qui pourrait s’apparenter à la catégorie “traitement usuel” ; 3) Un “traitement de méta-cognition”, dont les conclusions de l’étude en question soulignent que les 2 traitements obtiennent les mêmes résultats pour plusieurs indicateurs, comparés au groupe non-traité ; 4) Un traitement actif qui semble solide et dont l’étude conclut à… un effet faible sur les symptômes anxieux et très faible pour les symptômes dépressifs.

Les 13 études restantes comportent quant à elles : des groupes non-traités ; des groupes d’attente (qui reçoivent le traitement après les autres) ; des groupes traités comme d’habitude (“treatment as usual”).

Des groupes contrôle, certes, mais non actif.

Résumons : 4 études sur 36 intègrent un groupe contrôle actif. Seulement 1 intègre un contrôle spécifique (et conclut sur une efficacité très limitée). Voilà donc ce que l’on trouve lorsqu’on tape “Mindfulness meta analysis” sur Google Scholar en ce début de mois d’août 2022.

Une illustration parmi d’autres de la difficulté de ce champ de recherche à prendre en compte les critiques d’ordre méthodologique (et conceptuel) émises depuis maintenant plusieurs années. Les médias grand public (mais pas que) ont fait le reste…

Quelques titres de la presse française et suisse.

Mais on pourrait alors me rétorquer :

– Qu’en est-il du 2e résultat apparaissant sur Google ?

Dunning et al. (2022)

Je vous le dis tout de suite : il s’agit d’une méta-analyse (publiée le 12 juillet) s’intéressant à la MBI chez les enfants et adolescents – avec groupe contrôle actif – qui conclut plutôt sèchement à un effet très limité sur les symptômes dépressifs et sur l’anxiété. On y parle d’”enthousiasme […] ayant sans doute devancé les preuves”, ces dernières étant elles-mêmes jugées “de faible qualité et non concluantes”.

Dunning et al. (2022) [plus de détails dans cet article de Free Binder]

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Par Free Binder, août 2022.

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Pour aller plus loin :

Les dernières méta-analyses sur les bienfaits de la pleine conscience en milieu scolaire (octobre 2022), par Free Binder.

– “De la méthodologie de pleine conscience” (d’autres exemples d’études biaisées), par Free Binder.

– “Vers des soins complémentaires fondés sur des preuves”, commentaire (traduit) d’Allan H. Goroll, 2014.

– Un fil Twitter sur la différence entre homéopathie et effet “placebo”.

– Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W. (2015). Conceptual and methodological issues in research on mindfulness and meditation. The American psychologist, 70(7), 581–592. URL: https://doi.org/10.1037/a0039512 (un des auteurs est membre-fondateur du Mind & Life Institute)

– MacCoon, D. G., IMEL, Z. E., et al. (2012). The Validation of an Active Control Intervention for Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Behaviour Research and Therapy, January ; 50(1): 3–12. URL: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22137364/

– Goroll, A. H. (2014) “Moving Toward Evidence-Based Complementary Care”. JAMA Intern. Med., 174(3): 368–369. URL: https://hi.booksc.eu/dl/65206106/3c41c9

– Ronald E. Purser, R. E., Forbes, D., Burke, A., et al. (2016). Handbook of Mindfulness: Culture, Context, and Social Engagement. Mindfulness in Behavioral Health Series, Springer. URL: https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-44019-4

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