Comment faire la différence entre escrime civile et escrime militaire pour la fin du Moyen Âge ?

HistOuRien
5 min readFeb 6, 2018

--

L’escrime médiévale s’avère plus complexe que ce que nous imaginons ou ce qui nous est souvent représenté dans les œuvres de fiction. Elle peut, très schématiquement, être divisée en deux branches (qui s’entremêlent aussi) : l’escrime “militaire” et la “civile”. Toutefois, certaines réactions et commentaires vis-à-vis de mon article sur “Le combat dans le spectacle de reconstitution médiévale […]” m’ont permis de constater que les différences entre ces deux formes d’escrime semblent encore mal connues auprès de certains de mes lecteurs et peuvent parfois prêter à confusion. En effet, j’ai tendance à employer régulièrement ces qualificatifs comme si ces notions étaient courantes, ce qui n’est évidemment pas le cas. Il m’est donc apparu nécessaire de clarifier ces termes afin de permettre une meilleure compréhension de mes écrits passés et à venir.

Il ressort de certains commentaires que les termes “civile” et “militaire”, dans mes articles, paraissent faire référence au statut des pratiquants eux-mêmes : si les escrimeurs sont des civils (bourgeois, marchands, serfs, paysans,…) ou des militaires (hommes d’armes, soldats, mercenaires, …). Cependant, dans le sens où j’emploie ces termes, cela n’est pas le cas. En effet, mon propos se réfère au contexte dans lequel cette escrime est pratiquée et donc aux types de sources employées pour étudier ces différentes pratiques de l’épée. En effet, la différence entre les deux types d’escrime réside davantage dans le cadre qui entoure l’exercice de ces disciplines.

Lorsque j’évoque l’escrime militaire, je fais référence à celle employée sur un champ de bataille. Nous n’avons que peu de sources concrètes sur les techniques mises en oeuvre lors des affrontements. Pourtant, nous pouvons affirmer sans trop de doutes, que cette escrime présente des caractéristiques particulières qui dépendent grandement du contexte dans lequel elle est employée (règles d’engagement, lois implicites qui régissent le combat, protections employées, …). C’est ainsi que l’escrime militaire à l’épée n’est pratiquement utilisée que par des hommes d’armes ou “chevaliers” (même si ces termes ne se recouvrent pas totalement). L’épée demeure, de fait, l’apanage de cette élite guerrière. Cela implique aussi le port de pièces défensives efficaces et souvent à la pointe de la technologie (voir “L’évolution de l’équipement de l’homme d’armes […]”) ce qui conduit à une manière adaptée de combattre comme l’emploi de la technique à “demi-épée” lorsque les pièces d’armure de plate recouvrent de plus en plus la cotte de maille. Qui plus est, la règle implicite de capturer et de rançonner et non de tuer les adversaires nobles suppose l’emploi de techniques non-létales lors de l’opposition entre hommes d’armes. De plus, le peu d’espace de manœuvre lors d’une mêlée ne permettait certainement pas d’effectuer des mouvements amples ce qui devait aussi influencer le style de combat.

Cela implique des différences dans l’équipement des protagonistes et donc l’emploi de techniques d’escrime adaptées. Tous ces éléments nous guident vers une escrime militaire privilégiant les manœuvres d’estoc et d’étourdissement ainsi que les techniques visant à soumettre ou à maîtriser le combattant adverse. Par contre, nous pouvons supposer que face à un piéton de basse extraction, celui-ci n’ayant aucune valeur pécuniaire et possédant des protections plus précaires, l’homme d’armes pratiquait certainement une escrime plus expéditive et, peut-être même, moins technique.

L’escrime civile, quant à elle, aurait été plutôt employée dans le cadre judiciaire. Les protagonistes ne sont donc pas forcément des civils cependant le contexte n’est pas celui de la guerre. Cette pratique intervient dans la situation d’un duel d’ordalie appelé aussi jugement de Dieu ou duel judiciaire. Dans les circonstances qui opposent deux partis lors d’un jugement, à la demande de l’un des partis, le juge décide de confier le jugement de culpabilité à “Dieu” en organisant un combat régi par des règles variables (selon la situation, le type de litige et/ou le statut social des protagonistes). Dieu étant sensé protéger celui qui est dans son droit, la personne qui remportait la victoire (selon les règles) remportait le procès. L’escrime civile pouvait probablement aussi être employée dans le cadre de duels d’honneur (assez proches de l’ordalie) ou d’affrontements urbains.

Cette escrime est caractérisée par l’emploi d’un équipement différent et donc de techniques adaptées. Elle emploie les frappes de tailles et d’estocs car elle est le plus souvent pratiquée sans protections notoires (en vêtements civils). En effet, lors d’un combat judiciaire, dans de nombreux cas, l’un des deux combattants remporte la victoire au premier sang ou à la mort de l’adversaire. (voir “[…] Les traités médiévaux d’escrime sont-ils fiables pour étudier le combat civil?”)

Toutefois, ces deux escrimes sont intrinsèquement liées entre elles et certaines techniques employées dans l’une pouvaient certainement être aussi mises en pratique dans l’autre (voir “[…] Peut-on employer les traités médiévaux d’escrime pour étudier le combat militaire?”). Nous pouvons, notamment, constater que certains duels judiciaires pouvaient se dérouler en armure, probablement dans le cas où les deux protagonistes étaient des hommes d’armes. Les techniques employées dans ces circonstances pouvaient, certainement, se rapprocher de celles utilisées sur les champs de bataille.

Vous pouvez maintenant me faire part de vos commentaires sur les différentes idées que j’ai émises ici. Vous pouvez aussi me confier vos propres observations sur le sujet et, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager, à le liker et à me suivre sur “Medium”. Il vous est possible aussi de faire un tour sur ma page Facebook.

Si, comme moi, vous êtes passionnés d’Histoire militaire médiévale, vous pouvez aussi aller voir cette bibliographie non-exhaustive d’Histoire militaire médiévale.

Vous pouvez aussi acquérir ces ouvrages de référence dans le domaine :

Illustration tirée du Manuscrit de Gotha de Hans Talhoffer, f°87v.

--

--