Des réponses et de la suite dans les idées

Francois Massol
5 min readDec 30, 2019

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A la suite des tribunes parues dans les colonnes du Monde et de la pétition lancée ici il y a quelques semaines, quelques autres textes intéressants sont parus ou nous ont été adressés. Une liste non exhaustive :

Au moment où la loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui s’annonce va redéfinir la politique française en matière d’ESR pour plusieurs années, nous appelons à la plus grande vigilance. Car tandis qu’un énorme travail collectif des personnels de l’ESR a abouti à de nombreuses propositions très concrètes, celles consignées dans le rapport au gouvernement auquel vous avez contribué prennent largement le contre-pied de ces attentes. Si c’est là l’orientation choisie dans cette loi, celle d’un «struggle for life» dont vous êtes pourtant tellement éloigné, nous appelons tous les personnels de l’ESR à la combattre par tous les moyens. (extrait de la tribune parue dans Libération le 20/1/2020)

“[…] Je vais enfin évoquer brièvement notre actualité à tous, c’est-à-dire la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui est en préparation. Notre PDG a eu des mots qui ont fait réagir. Je voudrais, pour contribuer à la réflexion, raconter une histoire qui commence dans les années 70–80 à Montpellier avec un groupe de chercheurs un peu “baba cool” — Pierre-Henri, Isabelle, François, Janice, Nicole et quelques autres, et leur patriarche Louis Thaler — qui avaient pour eux un intérêt pour les concepts nouveaux de l’écologie et de l’évolution, une ouverture vers l’international, déjà, et surtout la volonté de mettre la science, le contenu, au premier plan. Ces jeunes chercheurs de l’époque ont développé leur thématique, ont interagi, puis le noyau a grossi, d’autres collègues se sont joints à eux, des jeunes, des moins jeunes, des français, des étrangers; pas forcément les plus renommés, simplement des gens qui avaient envie de s’inscrire dans l’aventure intellectuelle qui était en train de se dérouler ici.
Moi-même, quand j’ai rejoint Montpellier dans les années 90, j’ai été frappé par le bouillonnement, l’énergie qui se dégageait de cette communauté. Puis d’autres leaders ont pris le relai, Philippe, Agnès et d’autres encore, on s’est structuré, on a cultivé nos interfaces avec l’agronomie, la santé, l’informatique notamment.

Et puis un jour en 2018, quelqu’un a Shanghai a décidé de classer les universités pas seulement globalement, mais aussi par thème. Et là on s’est rendu compte qu’on était premiers mondiaux, devant Harvard, devant Stanford, devant Cambridge, devant tout le monde. Et pourtant, à Montpellier, pas un d’entre nous n’arrive à la cheville des grands pontes de Harvard, Cambridge ou Stanford en termes de CV, de bibliométrie, ou de financement. Non, ce qui fait notre force, c’est qu’on est nombreux, cohésifs, et surtout convaincus que c’est en mettant chacun en position de contribuer au mieux qu’on ira vers les meilleures réalisations collectives, et qu’on aura un vrai impact, ce qui est le cas je crois. Je pense que vous aurez compris le sens de mon message:
instaurer plus de compétition encore entre chercheurs, précariser cinq personnes pour glorifier la sixième, tout cela n’améliorera pas notre production, au contraire cela la dégradera presque à coup sûr. C’est en tout cas l’opinion d’un Darwiniste, premier de la classe à Shanghai. […]”

  • Un extrait du discours prononcé par Johanna Siméant-Germanos lors de la remise de sa médaille d’argent du CNRS en Novembre 2019 :

“[…] Je parlais de la dimension collective de la recherche, mais même la partie la plus individuelle de la recherche, elle a ses soubassements dans les institutions, des institutions de l’Enseignement supérieur et la recherche qu’il n’a jamais été aussi important d’habiter avec fermeté, sans se laisser faire par le dogmatisme du marché et des managers.

Parce que cette joie de la recherche, elle suppose d’avoir l’esprit libre pour s’y adonner: si j’ai pu développer les idées et les questions qui me tenaient à cœur, changer de terrain, passer de la sociologie du militantisme aux études africaines, revenir à de la sociologie de l’international, m’intéresser un peu aux politiques publiques, c’est parce que je suis fonctionnaire depuis 23 ans, que je le suis devenue très peu de temps après ma thèse, et cette tranquillité d’esprit a fait que je n’étais pas obligé de me soumettre aux dernières modes, au montage de projets disproportionnés pour ramener de l’argent et être évaluée sur ce critère, ou à l’injonction à répondre à une demande sociale dont il n’est jamais dit ce qu’elle demande, la demande sociale.

Cette joie, je la souhaite aux doctorantes et aux doctorants merveilleux que j’ai la chance d’accompagner. Et je leur souhaite de ne pas attendre trop longtemps avant de la connaître. De ne pas avoir à trop plier l’échine devant les injonctions au marketing de soi, au classement de Shanghai, au conformisme que peut générer la concurrence. Si l’on pouvait au moins débarrasser les chercheurs du souci du lendemain pour ce qui les concerne, afin qu’ils puissent se consacrer à des soucis bien plus collectifs, sur nos lendemains climatiques et politiques, ce serait formidable. Nous sommes à moins de 250 postes de chercheurs CNRS ouverts au concours cette année, une pente qui se confirme. Et c’est donc très joyeusement que je suggérerai, comme nombre de collectifs de chercheurs, de dégonfler au profit du CNRS et de postes pérennes la baudruche des près de 7 milliards annuels du Crédit impôt recherche, dont même la Cour des Comptes a l’air de douter qu’il ait grande efficacité : de quoi créer de vrais postes de chercheurs, assez libres pour continuer à accroître la connaissance.”

A suivre…

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