Elle Macpherson ou la théorie des efforts

Thomas bart
8 min readJun 29, 2016

Il y a quelques jours, j’attendais un prospect dans une salle d’attente. J’ai commencé à lire les magazines. Quoi de mieux pour préparer un rdv que de se vider la tête ? Bien évidemment, je me suis jeté sur un magazine people avec son lot de photos racoleuses.

Je fus stupéfait lorsque j’ai vu la plastique de Elle Macpherson sur la plage en maillot de bain. J’ai montré les photos à la personne qui m’accompagnait. Elle était moins impressionnée que moi. La chirurgie esthétique et la génétique y étaient pour beaucoup. Selon elle, tout le monde serait comme Elle Macpherson. Je n’étais pas d’accord. Le débat a vite été interrompu par le prospect qui est venu nous chercher.

Le RDV qui a suivi s’est bien passé. Nous avons proposé un plan mais qui incluait des changements importants. Autant sur l’organisation que sur les méthodes de travail. Le prospect était convaincu par notre proposition mais semblait réticent à la poursuivre. Il voyait trop de difficultés pour faire progresser l’équipe à ce niveau. Il n’avait pas les bonnes personnes en interne. Avec une autre équipe, cela aurait été jouable. Je lui ai dit qu’en terme d’humain, tout est possible. Il m’a regardé bizarrement. Alors je lui ai fait part de ma théorie sur Elle Macpherson et les efforts.

Lorsque j’avais 20 ans, ce qui était cool sur Internet

Lorsque j’ai fini mes études, il y avait deux boîtes qui étaient cools. Tout le monde voulait bosser dans l’une d’entre elles : Nokia & Yahoo. A l’époque, Google n’était même pas un embryon de ce qu’il est aujourd’hui. Facebook n’existait pas. Ni Twitter. Et l’iPhone n’était pas encore dans les labos d’Apple. A l’époque, Adobe Flash était cool ! Des personnes cherchaient à devenir des experts de ce sujet.

Tout ce que j’ai pu apprendre pendant mes études sur le digital est devenu obsolète. Les compétences que je vends aujourd’hui comme consultant n’existaient pas. Et les compétences techniques dont je dispose aujourd’hui seront dépassées dans 5 ans. Et obsolètes dans 10 ans. Et encore, je suis peut-être optimiste.

La seule chose qui n’a pas beaucoup évolué, c’est le savoir être. Et je ne peux pas dire que je l’ai appris pendant mes études. Plus on avance, moins les compétences techniques sont nécessaires. Je vous invite à lire cet excellent billet à ce sujet.

Si je n’avais pas vite évolué à la sortie de mes études, je serai devenu comme la compétence de Flash. Inutile. Et si je n’évolue pas, je pourrai devenir comme la compétence Flash.

Les cours d’anglais ou comment ne pas apprendre !

Dans mon entourage, une personne se trouve limitée professionnellement par ses connaissances en anglais. C’est devenu un frein à sa progression. Elle atteint des postes de direction dans une boîte tournée vers l’international. Elle doit avoir un très bon niveau d’anglais. Comprendre et répondre ne suffisent plus. Il faut savoir “leader” en anglais.

Sa première réaction est très saine. “Je dois faire progresser mon niveau d’anglais”. Sa deuxième réaction me laisse perplexe. “Je vais utiliser mon droit à la formation. J’ai le droit à l’équivalent de 60 heures de cours. Je vais pouvoir progresser de cette manière.”

Le présent s’arrête là pour l’instant. Mais je vais tenter de prédire la suite. Suite à ses cours, cette personne sera satisfaite. Elle aura le sentiment d’avoir progressé. Puis dans quelques mois, elle va réaliser qu’elle n’a pas tant progressé que cela. Elle sera toujours mal à l’aise dans les réunions internationales. Pourquoi ? Parce qu’avec 60 heures de cours, on ne progresse pas. On corrige des fautes. Mais on ne devient pas bilingue.

Un niveau d’anglais ne progresse que parce que c’est un travail de chaque instant. Nous vivons dans un monde digital où tout est ouvert et disponible. Et cela en quelques clics et le plus souvent gratuitement. Quel est l’impact de 60 heures de cours d’anglais contre des centaines d’heures de vidéo Ted sous titrés en anglais ? Contre des centaines de milliers d’articles en anglais ? Des centaines d’heures de podcast sur tous les sujets ? Contre la possibilité d’échanger en anglais sur des forums ? Si cette personne souhaite faire progresser son anglais, cela doit devenir un travail de tous les jours. Les cours d’anglais sont utiles. Ils vous aident à corriger des fautes et à apprendre des règles de grammaire. Mais ils ne vous aident pas à parler anglais. Apprendre facilement et sans effort est bien une chimère.

Aujourd’hui, je rencontre des personnes qui veulent s’orienter vers le numérique. On me demande des conseils pour développer des compétences en digital. Je réponds toujours la même chose :

  1. Crée un site. Cela coûte quelques dollars sur wordpress.com.
  2. Lis et applique tous les conseils que tu peux trouver sur Internet.
  3. Travaille tous les jours en mode agile et itératif.

Si la personne applique cette règle. En un an, elle maitrisera Google Analytics. La création de contenu. Le SEO. La publicité Adsense. Les réseaux sociaux. Les partenariats. Le gain d’Adsense sera investi dans le SEM et le SMO. Bref, avec un peu de système D, dans un an, elle en saura plus que la plupart des personnes qui bossent en agence de com’ digital.

Je n’ai pas fait de formation. Je n’ai pas suivi de cours. Ce fut ma formation au digital.

La seule manière d’apprendre : Faire !

Toujours lorsque j’étais étudiant, le modjo de mon école était “apprendre à apprendre”. Je réalise à quel point c’est bête. Il n’y a qu’une seule manière d’apprendre. C’est faire. Il n’y a pas d’apprentissage de l’apprentissage.

Amy Cuddy lors de sa conférence Ted

Comme l’explique dans cette vidéo de TED, “You have to fake it, until you make it, until you become it.”

La première fois que je suis passé sur scène pour mon cours de théâtre, je n’étais pas très content de ma prestation. Pour me rassurer, je suis allé voir mon prof de théâtre et je lui ai demandé son avis. J’espérais qu’il me dise que j’avais été bon. Mais non, il m’a dit que j’avais été nul. Puis il a ajouté. Comme tout le monde. Même Gérard Depardieu a été nul la première fois où il est monté sur scène. Si je n’avais pas été nul, il y aurait eu un problème.

Pour réussir, il faut tester et essayer. Et se planter. Et recommencer. Et se replanter. Puis avancer. Il faut mettre un effort à chaque instant.

Pensez qu’il y a une équipe parfaite pour réussir un projet est réjouissant. Comme tout le monde on préférerait vivre en théorie. Car en théorie, tout se passe bien. Sauf que l’on vit dans la réalité. Et que pour réussir, il faut faire des efforts incessants pour qu’ils soient féconds. Et cela demande des efforts. Beaucoup d’effort. Connaissez-vous vous le taux moyen de personne qui vont au bout d’un mooc ? Pour les meilleurs, on estime ce chiffre à 10% ! 1 personne sur 10 qui s’est volontairement inscrit à un cours a été au bout.

Pour reprendre mon exemple de Elle Macpherson. Bien évidemment, elle a certainement des avantages que beaucoup n’ont pas. Mais pour être comme elle est à son âge, elle doit y consacrer des efforts très importants. Dans la salle de sport ou face à une assiette, nous sommes tous égaux. L’association du sport et d’une hygiène de vie lui permettent de garder son corps de 20 ans. Pour fréquenter des personnes qui sont mannequins, je peux vous garantir que leur physique est du en partie à leur ADN. Mais seulement en partie. Car par ailleurs, ils ont une hygiène de vie remarquable. Passé 30 ans, pour avoir un corps de 20 ans, cela demande des efforts. Et plus l’âge passant, plus l’effort demandé pour le même résultat est important.

René Girard, philosophe français

On cherche souvent à se voiler la face en se disant que pour les autres, c’est facile. Qu’ils ont eu de la chance et parfois c’est vrai. Certains parlent anglais parce qu’ils ont eu de la chance de voyager voire même de vivre à l’étranger. Et cela est vrai pour tous les sujets. On regarde les autres (avec notre désir mimétique cher à René Girard) et on se dit que l’on aimerait être comme eux. Sauf que l’on ne voit pas les efforts que cela demande pour en arriver là.

Alors oui, impulser des changements dans une organisation, c’est long et difficile. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. On peut toujours se rassurer pour se dire que cela pourrait être différent. Mais sauf que cela ne change pas notre situation. Il n’y a qu’une seule manière de changer sa réalité. C’est arrêter de rêver une autre qui nous serait favorable. Il n’y a qu’une seule manière de changer : C’est de se retrousser les manches. Et d’accepter que l’effort va être long et parfois pénible.

Une fois mon exposé terminé, le prospect m’a dit que je n’avais pas tort. Mais néanmoins, ce projet demandait un investissement considérable. Et qu’il y avait déjà de nombreux autres projets en cours. Et que les projets allaient se parasiter entre eux. Ce à quoi je lui ai répondu que c’était le cas du loto ou la théorie des objectifs. Mais ça, c’est une autre théorie.

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Thomas bart

Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland