#04 — All I know is I gotta get away from me*
Doc Martens dissimulées sous le tailleur pantalon dont la ceinture frôle l’aisselle, j’avance dans le lotissement avec un sourire à la con.
Lestée par une mallette de démonstration renfermant tubes à essai et nitrate d’argent, j’y crois dur comme du poil de fox terrier ! Mon leitmotiv ? « J’ai 21 ans, l’âge de raison. Chuis commerciale, non ? ».
Prête à conquérir le monde, je sonne. En fait de monde, la porte s’ouvre sur un centenaire. Et merde ! Je prétends chercher une dame qui n’a rien à voir pour esquiver, l’air de rien. Fuite. Faut pas exagérer.
De retour à la voiture, bien calée dans mon siège, j’appelle ma hiérarchie qui m’encourage justement à vendre mes produits auprès du 4ème âge, « cible idéale ». J’émets une réticence molle -car, il faut bien le dire, en deux semaines, je n’ai rien vendu- puis raccroche, circonspecte.
Quand enfin je me lève, je marche en direction d’un banc, m’agenouille en fait à terre et, dans une succession de hoquets douloureux, vomis sur l’herbe quantité de bile.
C’est alors que je prends conscience d’être observée. Mâchoire et mains tremblantes, je relève la tête, essuyant les commissures de mes lèvres. À quelques mètres de là, le Lapin de la Vérité se tient, grave, immobile, le regard rivé sur moi.
Une poignée de secondes, un frétillement d’oreilles sans équivoque plus tard, il détale, tout lapin qu’il est. Je comprends instantanément ce qu’il me reste à faire.
*Get away — Smash, The Offrspring
Après le moshpit de l’estomac, la quête se poursuit en épisode #05 >