Les histoires d’un étudiant sans histoires

Partie 5

Alma Mater
Alma Mater
4 min readJan 9, 2018

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Retrouvez les parties précédentes ici : Partie 1 , Partie 2, Partie 3, Partie 4

« Putain, Raph, je te jure, lança le jeune homme à l’autre bout du fil la voix tremblante, il faut que tu me sortes de là ! »

Les deux enquêteurs du dimanche étaient toujours assis à leur table au Pedro & Peña, extrêmement tendus : ils avaient laissé Faï, la jeune asiatique, partir après s’être moqué d’elle et la seule information qu’ils avaient réussi à en tirer était le fait que c’était Julien, un de leurs amis proches, qui était venu le chercher le soir précédent. Une fois qu’ils eurent appelé le camarade en question, ce ne fut que des lamentations et des appels à l’aide qu’ils reçurent en réponse.

Alors que Clément tentait tant bien que mal à se rapprocher le plus possible pour entendre la conversation, Raph demanda le plus calmement possible :

« Que je te sorte d’où, Julien ? Respire un bon coup et essaye de reprendre ton calme.

- Que je reprenne mon calme ?! S’exclama-t-il avec une pointe de fureur. Elle va revenir et je vais l’avoir dans le cul ! »

La main de l’étudiant se crispait sur le téléphone.

« Qui va revenir ? Où es-tu, bordel ? Demandait-il encore avec plus de conviction.

- Je suis chez moi, répondit-il en sanglotant. Et je suis attaché, je ne peux pas bouger le bras droit. Elle va revenir dans quelques dizaines de minutes. Elle a dit qu’elle reviendrait vite avec de quoi me faire crier… Oh mon dieu… Elle est complètement folle !

- Écoute, ne raccroche pas, nous arrivons avec Clément, dit-il en lui faisant signe de se lever. Tant que tu peux rester en ligne, reste. »

Il n’entendit pour réponse que des reniflements. Ils prirent leurs manteaux posés sur les banquettes, les enfilèrent, puis sortirent en toute hâte, oubliant même de saluer Pedro derrière son comptoir. Il était inutile de prendre le métro, courir prendrait moins de temps que d’attendre sur le quai. Alors qu’ils traversaient les rues en bousculant quelques personnes, Raph continuait de poser des questions pour calmer l’homme retenu contre son gré :

« Pourquoi tu n’as pas tenté de nous appeler avant ? Nous aurions pu venir t’aider plus tôt.

-J’ai claqué tout mon forfait hier soir à t’appeler pour savoir où tu étais, dans la boîte de nuit… Putain, mais si je ne t’avais pas perdu rien de tout ça ne serait arrivé ! Qu’est-ce que tu branlais ? »

Encore trois carrefours.

« Je… je ne sais pas, avoua-t-il alors qu’il pouvait voir le Panthéon au bout de la rue. J’ai fait un blackout. Je ne me rappelle de rien. C’est pour ça qu’on t’appelait, on voulait savoir ce que j’avais fait la veille… C’est Faï qui nous a mis sur ta voie.

-Faï ?

-La jeune fille avec qui j’étais quand tu es venu me chercher. »

Encore deux croisements.

« Oui, je m’en souviens… Elle avait du vomi partout sur elle. Un chef-d’œuvre venant de ta part, selon la légende… commenta-t-il en esquissant un sourire qui s’entendait au téléphone.

-Il parait. Je n’en ai que de vagues souvenirs. Je suis tout de même étonné de voir que même dans les pires moments, les blagues pipi, caca, et vomi nous fassent toujours autant rire… Bref ! Nous sommes bientôt là. Il nous reste combien de temps encore, selon toi ?

-Dix minutes… Voir moins, estima t-il et la panique semblait revenir en lui. Grouillez vos culs !

-On sprinte, ne raccroche pas, je laisse l’appel tourner. »Le téléphone en main, Raph prit la tête de la course pour se rendre au plus vite chez son ami en détresse. Julien était un des premiers amis qu’il s’était fait à la fac en arrivant en première année de licence : ils en avaient passé des soirées à boire ensemble, à rire et à se raconter des histoires. D’habitude, c’était un personnage toujours souriant, prêt à rire et sans complexes, (une journée où il ne lâchait pas un rôt était mauvais signe), alors le voir comme cela rendait l’étudiant très nerveux.

Ils arrivèrent au dernier carrefour, et tournèrent à droite à la rue Saint-Jacques : après encore quelques minutes de course, ils arrivèrent devant la cour qui menait à l’appartement.

22345A, se remémora rapidement l’étudiant en tapant le code sur le panneau de l’entrée, avant de pénétrer dans la cour, puis dans la cage d’escalier : les deux compères étaient essoufflés, et monter quatre étages en plus les achèverait fatalement, mais ils n’avaient pas le choix.

Raph remit le téléphone à l’oreille pour savoir si Julien était toujours là, et il était bel et bien toujours présent, mais ce n’était plus à lui qu’il parlait. Masqué par sa bruyante respiration provoquée par la montée des marches, il arrivait tout de même à entendre une voix féminine : elle était arrivée avant eux.

Dans un sursaut d’adrénaline, il raccrocha, escalada les marches trois par trois en se tirant grâce à la rambarde, pour enfin arriver dans le couloir en question, suivi de près par Clément. Au bout de celui-ci, la porte de l’appartement de Julien était ouverte, et dans son encadrement, une jeune femme blonde de petite taille leur tournait le dos.

Guillaume Girier

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