VEILLE ANTHROPOCENE #47

berenice gagne
Anthropocene 2050
Published in
16 min readDec 18, 2020

Du 13 novembre au 18 décembre 2020

Dernière veille de cette année 2020 si inédite, avec quelques excellents articles à se mettre sous la dent pendant la débauche consumériste des fêtes, ou en guise de caillou dans la chaussure, comme les Romain·es appelaient le scrupule. En particulier, un article décoiffant qui revient sur les causes historiques de l’Anthropocène en étudiant la production de pétrole au Brésil dans le contexte postcolonial du 20ème siècle : « A Different Story in the Anthropocene: Brazil’s Post-Colonial Quest for Oil (1930–1975) » que je résume en français. Pendant ce temps en ville, on s’interroge sur une archéologie du futur qui pourra fouiller la géologie des villes pendant des millions d’années.

Série “Cast Out of Heaven”, une vue des bâtiments inachevés dans la nouvelle ville de Pardis, à 17 km au nord-est de Téhéran (Iran) © Hashem Shakeri

Pour vos inspirations de cadeaux de fin d’année, n’hésitez pas à faire un tour dans la dernière veille documentaire : pas moins de 80 nouvelles références dans de nombreux champs du savoir pour comprendre ce qui nous arrive.

Découvrez également 5 chroniques originales à écouter ou à lire sur des thématiques issues des veilles : Réensauvagement, Effondrement, Boire ou conduire, Compensation et Algorithmes.

Si vous avez des suggestions pour enrichir cette veille, n’hésitez pas à les partager : berenice.gagne@universite-lyon.fr Retrouvez la veille au fil de l’eau sur Twitter : @BereniceGagne et une sélection d’images sur Instagram : berenicegagne

URBAIN

- « Comment « faire territoire » dans le monde anthropocène ? » (Revue Sur-Mesure, 17/12/2020) et « Saint-Pierre-et-Miquelon ou l’exotisme anthropocène » : une crise à la fois socio-économique et écologique. L’archipel symbolise l’effondrement du mythe de la modernité face à l’anthropocène (AOC, 15/12/2020). Deux articles relatifs à l’ouvrage de Stéphane Cordobes, Si le temps le permet. Enquête sur les territoires du monde anthropocène (Berger-Levrault, 2020).

- « L’épidémie de Covid-19 et les usages enfantins de la ville » : en Europe, avant même l’épidémie, la mobilité autonome des enfants était déjà partout en recul au cours des dernières décennies. Le « processus de retrait des enfants des espaces publics des villes occidentales » génère « des indoor children », des enfants d’intérieur (comme les plantes, mais aussi, de plus en plus, comme les adultes) : des géographes néerlandais ont proposé cette expression « pour rendre compte du passage d’une époque où la présence non supervisée des enfants dans les espaces publics était perçue comme allant de soi, à une époque où ils ne peuvent plus les fréquenter que sous certaines conditions » (Rue89Lyon, 14/12/2020 et podcast à écouter)

- La Ville de Paris « souhaite se doter d’un opérateur qui permettra aux particuliers et aux entreprises de compenser leurs émissions de carbone en finançant des projets » visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre (par exemple l’installation de panneaux solaires). Pour mémoire, Paris a promis des Jeux olympiques et paralympiques neutres en carbone en 2024. Le Ville de Paris souhaite également créer un opérateur public d’énergie chargé de produire de l’électricité solaire et « de favoriser les achats groupés d’énergie verte ». L’objectif : 45 % d’énergies renouvelables dès 2030, dont 10 % de production locale (Le Monde, 11/12/2020). Une lecture à compléter par ma chronique à lire ou écouter : Compensation.

- Un entretien avec S. Harris Ali, Creighton Connolly et Roger Keil : depuis leur étude des réponses apportées à la crise du SRAS dans 3 villes globales (Toronto, Hong Kong et Singapour), ils travaillent sur les dimensions urbaines des pandémies (métropolitiques, 10/12/2020).

- Un dossier sur le métabolisme urbain : « les défis du circulaire à l’échelle de la ville » et « l’économie circulaire du bâtiment, sans tourner en rond » (Léonard, 08/12/2020).

- L’artificialisation galopante de la ville de Nairobi (Kenya) crée des îlots de chaleur (The Conversation, 08/12/2020).

- Exposition « Histoire naturelle de l’architecture. Comment le climat, les épidémies et l’énergie ont façonné la ville » dirigée par Philippe Rahm, au Pavillon de l’Arsenal : « « L’architecture est l’art de bâtir des climats » (AOC, 05/12/2020).

- « À Barcelone, un collectif féministe propose de repenser l’urbanisme et faire de la ville un vrai lieu de vie » pour toustes, c’est-à-dire également pour les femmes, les personnes âgées et les enfants (Reporterre, 04/12/2020).

- Une enquête sur les stratégies mises en œuvre à Singapour pour lutter contre la chaleur : la végétalisation ne suffit plus dans cette cité-État insulaire chaude et humide qui compte le plus de climatiseur par habitant d’Asie du Sud-Est. La conception des bâtiments et les technologies intelligentes sont mobilisées : des toitures ventilées en forme de pétale et des circuits de refroidissement d’eaux souterraines à la modélisation de données pour prévoir l’impact des décisions d’urbanisme sur les niveaux de chaleur (Bloomberg CityLab, 01/12/2020).

- Un entretien avec Mark Williams, professeur de paléobiologie à l’Université de Leceister (Royaume-Uni) sur les villes dans la perspective d’une géologie de l’Anthropocène : « Bien qu’ils n’occupent qu’une petite partie de la surface terrestre, les écosystèmes urbains consomment une grande quantité d’énergie et tirent leurs ressources matérielles d’un arrière-pays qui est mondial ». Un tel rayonnement des villes constitue une menace pour la stabilité des systèmes tels que l’atmosphère, la lithosphère, la biosphère et l’hydrosphère. Le paléobiologiste estime que « les villes laisseront un témoignage géologique de leur impact à l’échelle mondiale qui persistera pendant des millions d’années » (Anthropocene2050, 26/11/2020).

- Pablo Jensen, chercheur CNRS au laboratoire de physique de l’ENS de Lyon et à l’Institut des Systèmes complexes de Lyon, conteste une idée néolibérale de la ville comme système complexe qui impose “une vision simpliste des humains et le plus souvent un objectif à optimiser, décidé unilatéralement par le modélisateur” : “ces modèles complexes supposent que la gouvernance de la société, la dynamique du changement doit venir de l’extérieur, plutôt que des réflexions et de la créativité des acteurs qui vivent cette situation” (Le Monde, 20/11/2020).

- Le Haut conseil pour le climat a publié le rapport “Rénover mieux: leçons d’Europe” : une analyse des politiques publiques et des solutions de 4 pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) pour identifier des pistes afin d’accélérer la rénovation énergétique des bâtiments en France (Haut conseil pour le climat).

Série « Future Studies ». Fermes climatisées du Westland néerlandais qui travaillent 24 heures sur 24 et par tous les temps (3 mars 2017) © Luca Locatelli

ACADEMIQUE

- A écouter : un entretien avec les auteurs et autrices qui ont dirigé Cécile RENOUARD, Rémi BEAU, Christophe GOUPIL, Christian KOENIG (dir.), Manuel de la grande transition. Former pour transformer (Les Liens qui Libèrent, 2020). Cet ouvrage répond à la demande du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation d’un livre blanc sur la formation à la transition écologique et sociale dans l’enseignement supérieur. Il appelle à une refondation des programmes du supérieur pour intégrer les enjeux de la transition écologique et sociale. Son interdisciplinarité et sa transdisciplinarité apportent des connaissances fondamentales, des critiques, des modes d’actions concrets et une réflexion sur une éthique environnementale, philosophique et pédagogique (France inter, 19/11/2020).

AGRICULTURE

- 1% des exploitations agricoles cultivent 70% des terres agricoles mondiales: une étude pointe la croissance des inégalités d’accès à la terre et leurs conséquences sur la qualité de sols, la surexploitation des ressources, la déforestation, la pauvreté, les migrations (The Guardian, 24/11/2020).

ALIMENTATION

- « Et si on créait une Sécurité sociale de l’alimentation ? » : pour lutter contre la précarité alimentaire et accélérer la transition écologique de l’agriculture (Usbek & Rica, 14/12/2020).

- « Le recours à l’alimentation cellulaire marque un changement de société pour ne pas dire de civilisation » : une alerte sur la viande issue des biotechnologies présentée comme une alternative à l’élevage intensif (Le Monde, 13/12/2020).

- Publication du rapport « Future Food Systems » qui propose une réflexion prospective sur les systèmes alimentaires mondiaux (Global Panel on Agriculture and Food Systems for Nutrition, septembre 2020).

ARTS ET CULTURES

- Exposition « Nature Is Not Your Houselhold » : 13 designers graphiques et illustrateurs japonais ont réalisé des posters à partir de la pensée du philosophe Emanuele Coccia (Librairie Volume, Paris, du 14/12/2020 au 14/01/2021).

- A voir : une vidéo à couper le souffle, de l’artiste Kevin McGloughlin et du musicien Max Cooper, d’un paysage urbain sublimé qui se répète à l’infini (aeon, 10/12/2020).

- Un regard sur la création contemporaine liée au cirque et à l’Anthropocène, notamment à travers le « renouvellement de la cohabitation et de l’interaction entre humains et non-humains » (Anthropocene2050, 20/11/2020).

- La Biennale de Taipei « You and I don’t live on the same planet » dirigée conjointement par le philosophe Bruno Latour, le commissaire indépendant Martin Guinard et la commissaire indépendante Eva Lin, interroge les tensions géopolitiques et l’aggravation de la crise écologique en abordant les différences et les influences humaines d’un point de vue planétaire (hyperallergic, 20/11/2020).

DECHETS

- « Plastique : les dangers d’une pollution incontrôlée » : « Chaque minute, l’équivalent d’un camion-poubelle rempli de déchets plastiques se déverse dans les océans » (Le Monde, 14/12/2020).

- Racisme environnemental: le Golfe de Guinée considéré comme une poubelle pour les déchets toxiques et électroniques européens et états-uniens (The Conversation, 02/12/2020).

“La couronne de Yaye” (2019) Série « Beyond the border — A journey to Touba ». La figure féminine mystique avec une couronne faite d’un baobab porte une grande cape, typique de la communauté soufie de Bayefall au Sénégal © Maïmouna Guerresi

ECONOMIE

- Un article édifiant sur les matériaux en général, et les matériaux de la transition énergétique en particulier : leur disponibilité, le mirage de la dématérialisation, la gourmandise des technologies bas-carbone. Il pointe le besoin d’une « véritable réflexion sur la sobriété, non seulement énergétique mais également en matériaux ». « En l’absence de technologies de rupture, le cuivre et le cobalt pourraient être fortement critiques à l’horizon 2050 dans des scénarios climatiques ambitieux, au contraire de métaux plus traités dans l’actualité quotidienne comme le lithium et les terres rares ». « Les politiques de recyclage constituent par exemple un levier fondamental pour la réduction de la criticité sur les métaux ». (The Conversation, 17/12/2020).

- Une modélisation pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sans attenter à la souveraineté des pays pauvres : ajuster le prix du carbone en fonction des régions du monde (nature, 09/12/2020).

- A écouter : « Biodiversité : la dette cachée de nos économies », dont l’impact est plus durable que celui de la dette publique (France culture, 07/12/2020).

- Rationner plutôt que compenser : les économistes Christian de Perthuis et Géraud Guibert plaident ainsi pour un renforcement du système européen de quotas d’émission de CO2. Le système de plafonnement et d’échange des quotas de CO2 permet déjà aux industries européennes d’échanger des quotas de CO2, engendrant un prix pour le carbone, payable par les pollueurs. Malheureusement, des quotas gratuits sont généreusement distribués et le prix du carbone est trop faible. C’est pourquoi les deux économistes préconisent d’inclure les secteurs du transport et du bâtiment dans la politique de quotas, de tripler le prix du carbone et de corriger la distribution gratuite de quotas, créée initialement pour éviter les délocalisations vers des régions moins contraignantes. Le « mécanisme d’ajustement aux frontières », proposé par la Commission européenne et le futur président des Etats-Unis Joe Biden, sanctionnerait ainsi les pays ne décourageant pas les émissions de carbone. Pour que ce mécanisme ne s’apparente pas à une nouvelle forme de protectionnisme, les deux économistes appellent à « coupler la tarification carbone aux frontières à une initiative européenne d’allégement de la dette » des pays les plus pauvres (Le Monde, 04/12/2020). Une lecture à compléter par ma chronique à lire ou écouter : Compensation.

ENERGIES

- L’île de La Réunion prévoit de « remplacer le fioul et le charbon de ses centrales par de la biomasse, et entend aussi développer l’hydraulique, l’éolien et le solaire » pour atteindre une production d’électricité 100 % renouvelable en 2023 (Le Monde, 18/12/2020).

- La face cachée des voitures électriques : les désastres environnementaux causés par l’extraction du lithium, composant indispensable des batteries électriques (The Guardian, 08/12/2020).

- A écouter: “La face cachée des énergies vertes”, un documentaire sur le coût écologique de la transition énergétique. On pourrait également évoquer l’accaparement des terres autochtones pour produire ces énergies (France inter, 07/12/2020).

- Sur le pic pétrolier : une chronique de l’historien Jean-Baptiste Fressoz qui réprouve le recours à des outils néomalthusiens et technocratiques des années 1920–1930 (« quand des ingénieurs choisirent de penser l’économie avec les équations des démographes et des biologistes ») pour « penser l’énergie et son futur » en 2020. « Les néomalthusiens conçoivent la Terre à l’instar d’un bocal au sein duquel l’humanité commence à se sentir à l’étroit ». Selon lui, la question relative à l’énergie relève plutôt de la surabondance : « notre bocal contient bien trop de charbon, de pétrole et de gaz, et aucune limite dictée par la nature ne nous empêche de le transformer en fournaise ». « L’énergie est un phénomène économique, technique, politique — et pour tout dire historique » (Le Monde, 02/12/2020).

ENJEUX POST- ET DECOLONIAUX / PEUPLES AUTOCHTONES OU ORIGINAIRES

- « A Different Story in the Anthropocene: Brazil’s Post-Colonial Quest for Oil (1930–1975) » : un article absolument décoiffant sur les causes historiques de l’Anthropocène, qui se concentre sur le développement postcolonial du 20ème siècle et sur la notion de liberté dans une ancienne colonie, le Brésil, devenu producteur de pétrole entre 1930 et 1975. Dans un contexte mondial anti-impérialiste et dans le contexte de construction de la nation brésilienne, le pétrole est apparu pour de nombreux et nombreuses Brésilien·nes comme un facteur d’émancipation garantissant la souveraineté des ressources. A rebours des représentations attendues, la production de pétrole a engendré une transformation écologique qui promettait de débarrasser le pays des paysages coloniaux de l’exploitation, en liant positivement la nature et la nation : le pétrole comme solution contre la destruction des forêts tropicales ! Ce mythe fondateur de la nation brésilienne et cette vision romantique de la nature brésilienne ont participé à masquer l’ampleur de la pollution due à l’exploitation du pétrole. Cet article propose une bifurcation par rapport au scénario essentialiste de l’Anthropocène comme résultat de l’appétit consumériste insatiable des humains, hypothèse classique d’une analyse de la société industrielle occidentale. L’historien Antoine Acker met à nu les conséquences historiographiques de la mauvaise conscience coloniale européenne : comme l’écrit Pierre Charbonnier, « au lieu d’étudier les trajectoires historiques postcoloniales, nous avons trop souvent reconduit la soumission coloniale dans les récits de la catastrophe écologique ». Antoine Acker met en lumière un lien involontaire entre liberté et changement géologique dans l’analyse des causalités de l’Anthropocène (Past and Present, 28/11/2020).

- Histoire environnementale : une étude des conséquences de long-terme de la pollution métallique due aux mines de cuivre dans l’Ouest de la Tasmanie (région qui était la plus grande productrice de cuivre de l’hémisphère sud au 20è siècle) pendant la colonisation britannique souligne les liens entre pollution et colonialisme (The Anthropocene Review, 17/11/2020).

Série “Cast Out of Heaven”, une vue des bâtiments inachevés dans la nouvelle ville de Pardis, à 17 km au nord-est de Téhéran (Iran) © Hashem Shakeri

HUMAIN/VIVANT/NON-VIVANT

- « Les mycorhizes : réseaux sociaux des écosystèmes terrestres » : des champignons symbiotiques s’associent aux racines des plantes, augmentant ainsi la surface d’absorption d’eau et de nutriments. « Les filaments fongiques microscopiques étendent considérablement le système racinaire grâce à leur capacité incroyable à se connecter aux racines des plantes jusqu’à plusieurs kilomètres dans le sol ». Ces mycorhizes favorisent le développement des plantes et leur résistance (The Conversation, 07/12/2020). Ces réseaux constituent le support de la communication et de la coopération entre les arbres et les plantes des forêts : un dossier complet et interactif (The New York Times, 02/12/2020).

- Parasites, pas tant que ça ! “Les scientifiques découvrent que les parasites façonnent les écosystèmes en modifiant le comportement de leurs espèces hôtes” (The Guardian, 29/11/2020).

IDEES

- A écouter : un cycle de 6 séminaires de l’Université Paris-Dauphine sur l’Anthropocène : « Renseigner, narrer, transformer à l’heure des incertitudes écologiques », dont un du géographe Michel Lussault dans lequel il explique comment il a rencontré la question anthropocène à partir de son travail de géographie urbaine (France culture).

- Le numéro de décembre 2020 d’e-flux, revue électronique de débat et de critique sur l’art contemporain, est tout simplement incontournable : il commence par un édito de Martin Guinard & Bruno Latour, Ping Lin, « You and I Don’t Live on the Same Planet », puis rassemble des articles de penseurs et penseuses comme Dipesh Chakrabarty, Eduardo Viveiros de Castro et Déborah Danowski, Isabelle Stengers, Nadia Yala Kisukidi, Achille Mbembe, Pierre Charbonnier, Paul B. Preciado, Adam Tooze etc. (e-flux, décembre 2020, #114).

- La revue Risques Infos de l’Institut des Risques Majeurs (IRMa), consacre un dossier spécial à l’Anthropocène, et notamment un article de Michel Lussault l’Anthropocène, appréhendé comme un Urbanocène (Risques Infos, novembre 2020, #41).

- “Conflicts of Planetary Proportion — A Conversation”: un échange entre Bruno Latour et Dipesh Chakrabarty sur l’irruption de la dimension planétaire dans l’histoire, la philosophie et l’anthropologie. La planète n’est plus un décor naturalisé (Journal of the Philosophy of History, 19/11/2020).

- Un entretien avec l’historien Dipesh Chakrabarty, auteur en 2000 d’un essai phare des études post-coloniales appelant à provincialiser l’Europe, c’est-à-dire cesser de calquer les catégories de pensée et les concepts politiques occidentaux sur les mondes non occidentaux. Dans cet entretien avec le philosophe Mathieu Potte-Bonneville, il estime que le récit de la globalisation touche à sa fin et invite à une nouvelle perspective : la planète. Il souligne l’absence de mutualité dans la relation à la planète : « faire l’expérience de la planète, c’est faire une expérience complètement non-mutuelle », ce qu’il oppose à « la plupart des doctrines religieuses, le christianisme, l’islam, le judaïsme, voire l’hindouisme, qui vous font vous sentir spécial ». Il invite à s’inspirer des formes de pensée minoritaires, comme les pensées autochtones et celles « des groupes qui ont historiquement vécu en tant que minorités et ont développé une pensée qui n’était plus régie par le désir de dominer », qui ne considèrent pas les humains comme des êtres spéciaux (Centre Pompidou, 11/11/2020).

MIGRATIONS

- Quelques réflexions de François Gemenne, spécialiste de la géopolitique environnementale et des dynamiques migratoires, quant à la manière dont le changement climatique modifie notre rapport aux frontières (Heidi.News, 14/12/2020).

NUMERIQUE

- Une explication de l’inflation de la consommation d’énergie et de l’empreinte carbone de l’intelligence artificielle (IA). “Selon certaines estimations, l’entrainement d’une IA génère autant d’émissions carbone que la construction et l’usage de 5 voitures pendant toute leur durée de vie”. De quoi faire réfléchir sur le soi-disant modèle soutenable des smart cities ! (The Conversation, 14/12/2020).

- “L’IA va changer le monde, il est donc temps de changer l’IA” : un appel pour que la communauté scientifique qui travaille sur l’IA soit plus inclusive pour éviter les biais qui rendent l’IA moins efficace et éthiquement problématique (nature, 09/12/2020).

- « Les algorithmes pour contremaîtres » : les juristes Antonio Aloisi et Valerio De Stefano réfléchissent sur le travail à l’heure des algorithmes et des « prévisions sur une « fin du travail humain » imminente — remplacé par des machines et des logiciels » : ils rappellent que « la technologie peut être régulée, et [que] le progrès peut aller de pair avec le respect et la consolidation des droits de ceux qui travaillent ». Ils lèvent le rideau sur les coulisses du travail numérique, loin du mythe de l’intelligence artificielle libérant l’espèce humaine du labeur. Ils dévoilent l’exploitation, par des plateformes qui reconfigurent et précarisent le travail humain, de cohortes de tâcheron·nes du clic : il leur revient de « déclencher des processus, corriger des erreurs, faire du codage, réparer des vélos, des scooters et des voitures pour le covoiturage, ou encore cuisiner un hamburger, stocker et livrer des colis, aménager les allées des grands magasins ». Cette matérialité occultée du monde numérique remet le corps — humain — au centre, un corps qui paraît faible, vulnérable, fatigué dans cet univers où plane la menace du robot (Le Grand Continent, 08/12/2020).

- Des lectures à compléter par ma chronique à lire ou écouter : Algorithmes.

Série “Cast Out of Heaven”, déchets de la construction de la nouvelle ville de Pardis, à 17 km au nord-est de Téhéran (Iran) © Hashem Shakeri

PLANETE TERRE

- « Une rivière vivante est une rivière dont l’eau coule ». Un atlas inédit recense, à l’échelle du continent européen, les obstacles qui contrarient les cours d’eau et participent au déclin de la biodiversité. Pour un réseau fluvial de 1,65 million de kilomètres, on compte une moyenne de 0,74 ouvrage (barrages, seuils, gués, déversoirs, écluses, canalisations de dérivation etc.) par kilomètre (Le Monde, 18/12/2020).

- Une étude révèle que la masse de tout ce qui est fabriqué par l’humain (béton, routes, métaux etc.) vient de dépasser la biomasse sèche de l’ensemble du vivant (humains inclus). Le béton représente plus de la moitié du poids de ce qui est fabriqué par les humains, plaçant le secteur de la construction en tête. “L’humanité est en train de convertir les dépôts géologiques de surface en constructions socialement utiles, mais avec de larges conséquences pour les habitats naturels, la biodiversité et divers cycles climatiques et biogéochimiques”. Le plastique, plus léger, pèse tout de même 8 gigatonnes, soit 2 fois plus que l’ensemble des animaux vivants secs (c’est-à-dire sans compter l’eau qu’ils contiennent). Cette étude corrobore l’hypothèse de la Grande Accélération après la deuxième guerre mondiale. Toutefois elle “ne montre pas que tous les humains ne sont pas responsables à égalité de ce poids. Une visualisation géographique d’où se répartit cette masse anthropique serait intéressante” (Reporterre, 09/12/2020).

- Etude des effets de la géoingénierie solaire sur la sècheresse au Cap (Afrique du Sud). La technique gestion du rayonnement solaire revient à injecter des particules de soufre dans la stratosphère pour réfléchir une partie de la lumière du soleil. Cette technique controversée ne fait que pallier au réchauffement mais ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre. Elle risque d’augmenter les sècheresses en Asie, au Sahel et en Amérique du Sud, et d’endommager la couche d’ozone (The Conversation, 08/12/2020).

- Les tourbières stockent des quantités phénoménales de carbone. Mais elles pourraient disparaître sous la pression du réchauffement climatique et de l’agriculture (The Conversation, 07/12/2020).

- A écouter : « Cinq ans après l’accord de Paris, grand bond ou grand bluff ? », une série de 4 émissions d’analyse. « Chine, Etats-Unis, Russie, Union européenne : quelle est la réalité, cinq ans après la COP21, de la transition écologique de ces grandes puissances ? » (France culture, 07–10/12/2020).

POLITIQUE

- Après la publication du texte collectif “Mutation écologique, métamorphoses de l’action publique“, un long entretien avec l’ancienne Ministre de l’égalité du territoire et du logement, Cécile Duflot, réalisé en novembre 2020, sur la relation entre le politique et l’administration dans l’État (Autrement Autrement, 03/12/2020).

SANTE

- Santé environnementale : « Un rapport parlementaire adopté mercredi exhorte à s’attaquer aux causes environnementales de maladies comme l’obésité ou les cancers pédiatriques » (Le Monde, 16/12/2020).

- Le rapport du Lancet, « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique » alerte sur les conséquences néfastes du changement climatique sur la santé pour l’ensemble des régions du globe : « vagues de chaleur, transmissions de maladies infectieuses, carences alimentaires » (Le Monde, 03/12/2020).

SCIENCE

- Dans son numéro de novembre, Diagonal consacre un dossier aux « Risques climatiques, le temps d’agir », dont un article sur la perception des risques naturels majeurs dans les imaginaires japonais et français. Un article porte également sur les bains-douches comme nouvel équipement métropolitain : un projet cher au cœur de l’EUL (Diagonal, 210, novembre 2020).

SOCIETE

- Thématique cimetières : en France, les Parisiens sont invités à profiter de la biodiversité qu’offrent les cimetières (The Conversation, 13/12/2020). En Australie, où la plupart des territoires accordent des concessions à perpétuité, la question de l’espace occupé par les cimetières se pose pour le futur avec une population vieillissante croissante. Une occasion pour réfléchir sur la fonction et le sens des cimetières (The Conversation, 08/12/2020). Pour compléter cette réflexion, vous pouvez écouter le podcast du Mercredi de l’Anthropocène dédié à « La mort à l’heure de l’Anthropocène » (prise de notes également accessible via le lien).

- Un article très complet sur le poids écologique et social de l’industrie textile : une analyse de l’impact de chaque matière et des pistes pour produire des textiles de manière moins nocive (The Revelator, 10/12/2020).

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berenice gagne
Anthropocene 2050

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