VEILLE THEMATIQUE SUR LES OUTILS ECONOMIQUES

berenice gagne
Anthropocene 2050
Published in
17 min readApr 29, 2021

Avril 2021

Lors d’un passage à la télévision fin 2019, le chercheur en sciences politiques François Gemenne a fait le buzz avec une proposition détonante : “Un geste simple pour sauver la planète ? Videz votre compte bancaire !”. Si l’auteur de l’Atlas de l’Anthropocène (Presses de Sciences Po, 2019) a réussi à marquer les esprits, c’est qu’il a mis le doigt sur une aporie : le modèle économique mondialisé qui sous-tend notre mode de vie a de plus en plus de mal à masquer ses limites (dont l’accroissement honteux des inégalités et la catastrophe écologique en cours), pourtant ses principes fondamentaux ne sont guère remis en cause. Les outils proposés pour répondre aux inégalités et à l’urgence environnementale émanent ainsi de la théorie économique dominante : théorie du ruissellement, monétisation de la nature et quantification des services écosystémiques.

Cette veille thématique vous invite à une exploration des outils économiques existant ou à inventer pour retrouver le sens commun entre l’économie et l’écologie.

📚 Quelques publications récentes en fin de post.

« Grace » © Aashay Singh

Retrouvez les veilles anthropocènes mensuelles de l’Ecole urbaine de Lyon : toute l’actualité du changement global pour comprendre ce qui nous arrive et le monde qui vient. A suivre au fil de l’eau sur Twitter et Instagram.

🎧📻 “Compensation”, une chronique à lire ou à écouter: de quoi la compensation écologique est-elle le nom ? Reforestation, conservation d’espaces sauvages, production d’énergies décarbonées : que révèle la compensation carbone de nos modes de vie et de notre mal-être ?

URBAIN

- Une exploration des sous-sols: comment transformer les infrastructures souterraines urbaines en mines de ressources stratégiques pour une économie plus circulaire ? “Les villes sont les mines du futur”: Jane Jacobs, The Economy of Cities (1969) (Anthropocene2050, 09/04/2021).

- Métabolisme urbain : l’aménagement de l’espace urbain anthropocène doit changer de paradigme, par exemple en appréhendant « les projets par les matériaux qu’ils produisent non plus en tant que déchets mais en tant que ressources. Le chantier prendrait alors valeur de mine urbaine » (Anthropocene2050, 11/03/2021).

BIODIVERSITE

- Le rapport Dasgupta, commandé par le gouvernement britannique au professeur d’économie de l’université de Cambridge Partha Dasgupta, traduit en termes économiques orthodoxes les effets de la crise de l’habitabilité de la planète. Ce rapport propose de quantifier les « services rendus par la nature » ou « services écosystémiques » pour mesurer le « coût dévastateur pour la nature » de la croissance. Il ne remet pas en cause la croissance mais appelle à une croissance plus soutenable qui prendrait en compte le « bien-être économique » qui intègrerait « les services rendus par la nature » (Le Monde, 02/02/2021).

CLIMAT

- Le rapport de la société d’assurance et de réassurance Swiss Re (qui assure de nombreuses sociétés d’assurance dans le monde) sur l’économie du changement climatique prévoit une baisse de 11 à 14 % de la production économique mondiale d’ici à 2050. Les pertes de production annuelles dues à la baisse du rendement de l’agriculture, aux maladies et à la montée des eaux dévastant les villes côtières sont estimées à 23 000 milliards de dollars. Les pays les plus pauvres, généralement plus exposés au changement climatique, sont les plus touchés car ils disposent de moins de moyens pour adapter leurs infrastructures et leur économie. Ce rapport va influencer les compagnies d’assurance dans la fixation de leurs prix comme dans leurs investissements (The New York Time, 22/04/2021).

- L’Organisation de coopération et de développement économiques « a examiné les prix effectifs du carbone en 2018 dans 44 pays membres et du G20 — responsables d’environ 80% des émissions dans le monde. Résultat, rares sont les États qui mettent en place des prix dissuasifs » (La Tribune, 30/03/2021).

- Une modélisation pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sans attenter à la souveraineté des pays pauvres : ajuster le prix du carbone en fonction des régions du monde (nature, 09/12/2020).

- Rationner plutôt que compenser : les économistes Christian de Perthuis et Géraud Guibert plaident ainsi pour un renforcement du système européen de quotas d’émission de CO2. Le système de plafonnement et d’échange des quotas de CO2 permet déjà aux industries européennes d’échanger des quotas de CO2, engendrant un prix pour le carbone, payable par les pollueurs. Malheureusement, des quotas gratuits sont généreusement distribués et le prix du carbone est trop faible. C’est pourquoi les deux économistes préconisent d’inclure les secteurs du transport et du bâtiment dans la politique de quotas, de tripler le prix du carbone et de corriger la distribution gratuite de quotas, créée initialement pour éviter les délocalisations vers des régions moins contraignantes. Le « mécanisme d’ajustement aux frontières », proposé par la Commission européenne et le futur président des Etats-Unis Joe Biden, sanctionnerait ainsi les pays ne décourageant pas les émissions de carbone. Pour que ce mécanisme ne s’apparente pas à une nouvelle forme de protectionnisme, les deux économistes appellent à « coupler la tarification carbone aux frontières à une initiative européenne d’allégement de la dette » des pays les plus pauvres (Le Monde, 04/12/2020).

- Prix social du carbone et engagement pour le climat : des pistes pour une comptabilité économique environnementale ? » (INSEE, 08/10/2020).

- Une analyse des différentes méthodologies de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre et de leurs biais. La méthode la plus fréquemment employée est la comptabilité à la consommation : « soit les émissions liées aux investissements (la formation de capital fixe) sont ignorées, soit elles sont attribuées au consommateur. Ceci exonère l’investisseur de toute responsabilité ». La comptabilité à la demande quant à elle « attribue les émissions de gaz à effet liées aux investissements à l’investisseur, car il en est le décideur et le principal bénéficiaire » (The Conversation, 30/09/2020).

Repas près d’une centrale à charbon en Chine © Adam Dean/PANOS

ECONOMIE

- A lire et à écouter : « Transition écologique, révolution comptable », un entretien avec l’expert-comptable et le chercheur en sciences de gestion Jacques Richard. Il postule que « les normes et systèmes comptables pourraient être une clé dans la crise sociale et environnementale que nous traversons » et il propose le nouveau modèle CARE (Comptabilité Alternative pour la Responsabilité Environnementale), un système comptable universel qui intègre l’humain et la nature (Anthropocene2050, 14/04/2021).

- « Décarbonation de l’économie : les défis de l’industrie lourde » : les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone imposent une réduction de 81 % des émissions de l’industrie, dont les ¾ sont représentés par l’industrie lourde. L’industrie lourde désigne « l’ensemble des procédés qui consistent à transformer une matière première « naturelle » en un matériau brut » impliquant une consommation énergétique importante. Les secteurs industriels les plus intensifs en énergie sont l’acier, l’aluminium, le verre, le ciment, l’éthylène, le chlore, l’ammoniac, le papier/carton et le sucre. Mais il convient de penser toute la chaîne de valeur : inutile par exemple de « relocaliser l’industrie pharmaceutique si l’industrie chimique reste à l’étranger ou si cette dernière est française mais carbonée ». Le premier objectif d’une stratégie de décarbonation est la sobriété : « produire moins, à partir de matières recyclées et via des procédés plus efficaces d’un point de vue environnemental ». Ensuite le mix énergétique doit s’affranchir des énergies fossiles. L’industrie lourde a beaucoup insisté sur les techniques de captation et de stockage du carbone qui représentent des défis technologiques et économiques majeurs. La décarbonation de l’industrie nécessite un accompagnement volontaire par les politiques publiques et « un alignement des stratégies de l’Europe, de l’État, des territoires et des entreprises » (The Conversation, 15/02/2021).

- Un appel à l’élaboration de règles comptables communes pour évaluer l’aide financière versée par les pays développés — majoritairement responsables du dérèglement climatique — au pays en développement — principalement impactés. Les pays développés s’étaient en effet engagés à verser un financement climatique à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. Les dernières données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) affichent une mobilisation de près de 80 milliards de dollars en 2018 et prévoient une atteinte de l’objectif de 100 milliards de dollars pour 2020. Or l’ONG Oxfam a estimé en octobre 2020 que le soutien financier dédié au climat par les pays développés n’avait pas dépassé 22,5 milliards de dollars en 2017–18. En décembre 2020, un groupe de recherche missionné par le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a révélé que les pays donateurs surévaluaient les données relatives au financement de la lutte contre le changement climatique. De tels désaccords alimentent la méfiance à l’approche de la COP26, présentée comme le sommet de la dernière chance. Les pays développés ont obtenu la création d’un Fonds vert pour le climat sous l’égide des Nations Unies, mais la plupart des pays donateurs préfèrent financer directement les pays concernés ou passer par l’intermédiaire de banques de développement multilatérales telles que la Banque mondiale. Par ailleurs, plus de 80% des financements climatiques sont des prêts, généralement accordés à des projets faisant la preuve d’un retour sur investissement, comme la production d’électricité. L’absence de règles comptables concertées et reconnues pour les financements climatiques (distinguant par exemple les financements effectivement versés des promesses de financement) apparaît donc comme un oubli majeur de la diplomatie climatique. Une instance de confiance (autre que l’OCDE qui représente essentiellement les pays riches) devrait être mobilisée pour élaborer ces règles communes : par exemple la Commission statistique de l’ONU ou l’Organisation internationale de normalisation (ISO) (nature, 06/01/2021).

- « L’Ademe souhaite que l’économie circulaire joue un rôle moteur dans la reprise de l’activité au service d’une croissance économique durable » (Banque des Territoires, 07/09/2020).

- A écouter : « Quel modèle économique pour la transition écologique ? » (France culture, 05/09/2020).

- A écouter : « Le capitalisme est-il voué à mourir ? », la prédiction de la fin du capitalisme est une ritournelle (France culture, 01/09/2020).

“Upside Down Devil Variation (Yellow)” (2015) © James Siena, Pace Gallery

IDEES

- Un constat dérangeant : « le dérèglement du climat, essentiellement alimenté par les émissions de CO2, et donc directement liées à l’activité économique », représente une part négligeable de la réflexion macroéconomique. « Sur les 77 000 articles publiés par les revues académiques les plus réputées en économie, seuls 57 concernaient le thème du changement climatique, soit une proportion de 0,074 % » (Le Monde, 26/04/2021).

- Une tribune de l’économiste et sociologue Pierre Veltz qui regrette l’absence de vision systémique de la loi sur le climat, le cantonnement de l’écologie hors du sempiternel récit sur l’amélioration de « l’efficacité de nos processus technico-économiques ». Il appelle à « marier la recherche d’efficacité avec celle de la sobriété ». Il s’interroge sur la définition de cette sobriété, trop souvent caricaturée comme reposant sur des renoncements individuels, en terme d’économie. « Le vrai défi est celui de l’invention d’une économie globalement et structurellement sobre, qui soit aussi socialement juste et créatrice de valeur et d’emplois de qualité, condition sine qua non de son acceptabilité » (Le Monde, 20/04/2021).

- A écouter : une série sur « Les économistes face à la nature » qui retrace l’histoire ancienne de la pensée économique de la nature, devenue propriété, ouvrant la voie à l’explosion de l’exploitation des ressources du capitalisme. Les modèles économiques néoclassiques sont-ils compatibles avec la protection de l’environnement et une croissance durable, ou la décroissance est-elle la seule voie d’une économie écologique ? (France culture, 09–11/02/2021).

- A lire ou à écouter : « Compensation », une chronique sur les illusions de la compensation carbone (Anthropocene2050, 08/12/2020).

POLITIQUE & GEOPOLITIQUE

- « Les riches, qui continuent de s’enrichir, polluent d’autant plus que leur patrimoine financier est important, et les politiques du gouvernement français les favorisent au détriment du reste de la population. Tel est le constat limpide énoncé par l’économiste Lucas Chancel qui défend un fort investissement public financé par l’impôt progressif pour renverser cette tendance et soutenir la transition écologique » (Reporterre, 14/04/2021).

- « Les banques devront publier l’impact de leurs investissements sur le climat » : Nouvelle-Zélande Aotearoa devient le premier pays au monde à adopter une loi imposant au secteur financier d’évaluer et de communiquer en toute transparence les conséquences de leurs placements sur le changement climatique (RTBF, 14/04/2021).

- Angel Gurría, Secrétaire général sortant de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), demande aux pays riches de se préoccuper en urgence de la crise sanitaire du coronavirus, mais aussi, des urgences environnementales mondiales comme d’une priorité. Il exhorte les pays à conditionner leurs aides à des exigences environnementales et à favoriser les projets environnementaux créateurs d’emplois pour une reprise verte. Il invite également à une tarification du carbone très significative. Alors que l’annonce de sa succession est attendue avant le 1er mars, l’OCDE devra choisir entre l’engagement en faveur de l’action climatique, au grand dam de certains gouvernements, et un rôle plus traditionnel de soutien à la croissance, déconnecté des préoccupations environnementales, et de suivi des indicateurs économiques (The Guardian, 17/02/2021).

SOCIETE

- “Le revenu inconditionnel pour repenser notre rapport au travail » : l’idée d’un revenu inconditionnel bouscule le modèle productiviste, questionne le sens de la valeur travail et le sens d’une société de surconsommation et de surproduction (rue89Lyon, 27/04/2021).

L’or de Sicile, Melilli (Italie), janvier 2020 © Alfonso Pinto. Malgré l’imposante présence d’usines pétrochimiques et le classement de la zone comme “site à dépolluer”, l’agriculture dans le nord-syracusain est fleurissante.

PUBLICATIONS RECENTES

Philippe AGHION, Céline ANTONIN, Simon BUNEL, Le Pouvoir de la destruction créatrice. Innovation, croissance et avenir du capitalisme (Odile Jacob, 2020).

Contre la décroissance et le retour à des technologies traditionnelles, les économistes avancent que l’innovation technologique, portée par un capitalisme orienté et régulé par l’Etat, est la réponse aux enjeux sociaux et environnementaux. En s’appuyant sur l’économiste autrichien du 20ème siècle Schumpeter, les auteurs et l’autrice soulignent la « destruction créatrice » du capitalisme : le principe de concurrence encourage un progrès continu car il pousse à toujours dépasser l’existant et à imposer des nouveautés (produits ou processus). Contre la collapsologie ambiante, les économistes affirment que l’inventivité qui a conduit à des technologies destructrices peut également générer des technologies vertes. Elle doit être stimulée par des politiques de soutien à la recherche et au développement et par une taxe carbone.

Kate ARONOFF, Overheated. How Capitalism Broke the Planet — And How We Fight Back (Bold Type Books, 2021).

La journaliste propose de repenser la politique en mobilisant le pouvoir de la démocratie pour limiter celui des entreprises pollueuses, créer des millions d’emplois bien rémunérés, œuvrer à la restauration écologique et construire une économie soutenable.

Cécile BONNEAU, Mathilde SALIN (dir.), « Urgence écologique : l’économie en transition », Regards croisés sur l’économie, n° 26 (La Découverte, décembre 2020).

« L’économie peut-elle faire sa transition ? ». Ce numéro propose d’étudier les soubassements idéologiques de notre vision de la nature comme une ressource à exploiter puis de tracer de « nouvelles perspectives pour les politiques économiques à venir ». Il rassemble des sociologues, des économistes et des philosophes dont Catherine Larrère, Jean-Baptiste Fressoz, Baptiste Monsaingeon, Céline Guivarch, Harold Levrel, Antoine Missemer, Alain Grandjean, Éloi Laurent, Aurélien Boutaud et Natacha Gondran.

James K. BOYCE, Petit manuel de justice climatique à l’usage des citoyens (Les Liens qui libèrent, 2020). Traduction d’Éloi Laurent.

Le projet de dividende carbone de l’économiste James Boyce propose de donner un prix au carbone afin de limiter les émissions de CO2 mais surtout d’en répartir les recettes fiscales sous forme de dividendes égaux pour toutes et tous. Concrètement : un bonus-malus reversé directement à chaque citoyenne et citoyen qui contribuerait à atténuer à la fois la crise climatique et la crise des inégalités.

Robert BOYER, Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie (La Découverte, 2020).

L’économiste, cofondateur de « l’école de la régulation », estime que le capitalisme sort « considérablement renforcé par cette pandémie ». L’économie de plates-formes des GAFA, grande gagnante, accentue les inégalités économiques et ne s’inquiète « ni de la production ni de l’amélioration des qualifications ». La pandémie a exacerbé la concurrence entre cette économie de plates-formes et les capitalismes d’Etat (ex : la Chine), déstabilisant les relations internationales (ex : rivalité Chine vs Etats-Unis) et risquant de précipiter l’effondrement de « projets de coordination régionale comme l’Union européenne » au profit des Etats nations. L’économiste propose une économie « anthropogénétique » qui satisfasse les besoins essentiels : au-delà de se nourrir, se vêtir et se loger, l’accès de toustes à une éducation de qualité, à une vie en bonne santé et à la culture, « condition de la vie en société ». « Il nous faut être capables de créer un modèle de production de l’humanité par l’humain » (Le Monde, 02/10/2020).

Eve CHIAPELLO, Antoine MISSEMER, Antonin POTTIER (dir.), Faire l’économie de l’environnement (Presses des Mines, 2020).

A l’exploitation des ressources répondent des efforts de la théorie économique pour penser ses conséquences et l’élaboration d’instruments d’intervention. Mêlant économie, sociologie et histoire, ces contributions explorent les multiples facettes de ces mises en économie de l’environnement à partir d’analyses historiques et contemporaines destinées à en montrer les enjeux et les limites.

Christian DE PERTHUIS, Covid-19 et réchauffement climatique. Plaidoyer pour une économie de la résilience (De Boeck supérieur, 2020).

L’économiste veut croire que « le choc du Covid-19, ayant touché simultanément des milliards d’humains », n’est pas qu’une simple parenthèse avant le « retour à la normale ». Il éclaire « les ruptures qui vont structurer le monde de demain » et analyse « ce que la catastrophe sanitaire peut changer pour l’action climatique » : « le monde post-Covid-19 sera plus numérisé et moins carboné. La redistribution des flux de personnes et des marchandises ouvre la voie d’une accélération de la transition énergétique. La tarification carbone distributive, celle de sociétés plus solidaires. L’économie post-Covid-19 devra reposer sur de nouveaux rapports au milieu naturel et à la multitude des êtres vivants le composant » (The Conversation, 12/10/2020).

Gaël GIRAUD, Felwine SARR, L’Économie à venir (Les Liens qui Libèrent, 2021).

Un dialogue entre les 2 économistes pour « repenser l’héritage des Lumières, réfléchir la modernité, déconstruire le capitalisme, retisser le lien social en décomposition, ou encore panser les blessures de la colonisation… Gaël Giraud et Felwine Sarr mêlent philosophie, spiritualité, politique et économie. Ils rappellent que l’économie n’est pas une finalité et insistent sur la nécessité pour l’humanité de se définir un projet plus grand que la maîtrise des instruments. Ils proposent non seulement de repenser la macroéconomie pour la faire dialoguer avec toutes les sciences afin de faire advenir une pensée de l’économie relationnelle, mais aussi de modifier les structures épistémologiques de nos sociétés dans leur ensemble ».

Alain GRANDJEAN, Nicolas DUFRENE, Une monnaie écologique (Odile Jacob, 2020).

Les deux économistes plaident pour le desserrement du carcan monétaire et proposent simplement que les banques centrales fabriquent l’argent nécessaire pour financer la transition écologique de l’économie française. Seule manière, disent-ils, de mobiliser les moyens nécessaires à la transition urgente vers une économie qui ne détruise pas le cadre de vie de l’espèce humaine.

Naomi KLEIN, Plan B pour la planète. Le New Deal vert (Actes Sud,2019).

Une compilation d’écrits qui propose de s’attaquer à la racine des problèmes en reconnaissant le lien inextricable entre le dérèglement climatique et les inégalités sociales et raciales. Naomi Klein défend l’adoption d’un New Deal vert pour éviter le risque d’une «barbarie climatique» : il s’agit d’investir massivement dans les services publics, les énergies renouvelables et la création d’emplois climatiques.

Eloi LAURENT, Et si la santé guidait le monde ? L’espérance de vie vaut mieux que la croissance (Les Liens qui Libèrent, 2020).

Pour l’économiste, la crise sanitaire du Covid-19 est révélatrice du suicide social et économique auquel nous conduit la destruction des écosystèmes. Postulant que le bien-être humain et la vitalité des écosystèmes sont liés, il propose que l’espérance de vie et la pleine santé se substituent aux indicateurs économiques comme le PIB et la croissance pour réorienter nos systèmes économiques vers la transition écologique (Entretien avec l’auteur : France inter, 11/11/2020).

Eloi LAURENT (dir.), « Écologie et inégalités » (Revue de l’OFCE, n°165, janvier 2020).

« La transition juste : un nouvel âge de l’économie et de l’environnement » Éloi Laurent ; « Inégalités sociales et écologiques : une perspective historique, philosophique et politique » Dominique Bourg ; « Inégalités mondiales et changement climatique » Céline Guivarch, Nicolas Taconet ; « Quelle justice climatique pour la France ? » Jean Jouzel, Agnès Michelot ; « Les dividendes du carbone : le cas des États-Unis » James K. Boyce ; « La fabrique des inégalités environnementales en France : approches sociologiques qualitatives » Valérie Deldrève ; « Soutenabilité des systèmes urbains et inégalités environnementales : le cas français » Éloi Laurent.

Laurent MAUDUIT, Prédations. Histoire des privatisations des biens publics (La Découverte, 2020).

« Alors que les controverses autour des privatisations n’ont longtemps intéressé que des cercles restreints, désormais des mobilisations citoyennes nombreuses s’opposent à ces opérations de prédation, considérant qu’il serait irresponsable d’abandonner des biens publics aux logiques concurrentielles. […] Toutefois l’analyse de ce processus montre que toutes les grandes vagues de nationalisations du XXe siècle ont débouché sur des échecs. C’est pourquoi l’auteur invite à former un nouvel avenir loin du capitalisme (comme du communisme) d’État: celui des communs ».

Jacques RICHARD, en collaboration avec Alexandre RAMBAUD, Révolution comptable. Pour une entreprise écologique et sociale (Editions de l’Atelier, 2020).

« Et si la réponse aux crises sociale et environnementale se trouvait dans la comptabilité, notamment celle des grandes sociétés capitalistes ? […] Dans ce manifeste pour une nouvelle entreprise écologique et sociale, Jacques Richard et Alexandre Rambaud montrent comment le système économique ne pourra devenir durable et vertueux que lorsqu’il mettra sur un pied d’égalité le capital financier et les deux autres composantes de toute activité économique : le capital humain (le personnel qui investit sa force de travail) et le capital naturel (toutes les choses qui rendent la vie humaine possible sur Terre). Les deux auteurs proposent également un rééquilibrage drastique des rapports de pouvoir dans les entreprises avec une nouvelle cogestion écologique qui s’appuie sur une conception de l’entreprise comme un commun ».

Pavlina R. TCHERNEVA, La garantie d’emploi. L’arme sociale du Green New Deal (La Découverte, 2021).

Donner un emploi à tous ceux et toutes celles qui désirent travailler : une question de volonté politique pour libérer l’action publique du chantage à l’emploi afin de répondre aux défis actuels de la société. L’économiste, conseillère économique de Bernie Sanders, propose la fin du chômage contre la fin du travail, un « nouveau contrat social » indissociable du Green New Deal.

Hélène TORDJMAN, La croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande (La Découverte, 2021).

L’économiste démonte les ressorts idéologiques, techniques et économiques du nouveau régime de «croissance verte» qui vise plus à sauvegarder le modèle industriel qu’à répondre aux enjeux du changement global. Carburants «biosourcés» qui intensifient la logique extractiviste, élargissement du droit de la propriété intellectuelle à toutes les sphères du vivant, attribution de prix aux «services écosystémiques», dispositifs de compensation écologique ou encore illusions d’une finance prétendument verte sont autant de stratagèmes pour garder le contrôle d’un système économique qui nous conduit à la ruine.

Alice VALIERGUE, Compensation carbone. La fabrique d’un marché contesté (Sorbonne Université Presses, 2021).

Une analyse sociologique du développement du marché de la compensation carbone malgré les oppositions qui dénoncent une inefficacité à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et un accaparement des terres des pays du Sud.

Pierre VELTZ, L’Économie désirable. Sortir du monde thermo-fossile (Seuil, 2021).

Le sociologue s’interroge sur “l’invention d’une économie globalement et structurellement sobre, qui soit aussi socialement juste et créatrice de valeur et d’emplois de qualité, condition sine qua non de son acceptabilité” (Le Monde, 20/04/2021). Si la sobriété est trop souvent caricaturée comme une série de renoncements individuels, elle n’est pas pensée de manière collective et désirable. Comment donc alléger les systèmes productifs et les réorienter vers les besoins essentiels des êtres humains : habiter, se nourrir, se déplacer ?

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Anthropocene 2050

🔭Veille & valorisation scientifique - Changement global, habitabilité, Anthropocène, justice sociale et environnementale