Série 2 : Optimiser la gestion des risques de production au sein des PME africaines.

Team Ashanti
Ashantiventures
Published in
9 min readAug 18, 2017

Deuxième série de notre parcours sur la gestion des risques au sein des PME du continent. Après les risques fournisseurs, nous nous intéressons cette fois-ci aux risques liés à la production. A l’instar de l’approvisionnement, la production sur le continent africain dans le cadre d’une PME peut s’avérer quelque peu complexe. En effet, nos pays soumettent cette activité à des risques importants, de par leurs caractéristiques structurelles, technologiques, économiques,mais aussi… sociales. De notre expérience, quatre points paraissent être les plus essentiels à traiter en vue de sécuriser vos productions. Nous détaillerons chacun d’eux, dans le souci, non seulement, de vous faire comprendre en quoi ils sont déterminants, mais aussi celui de vous faire comprendre comment les gérer.

Inutile de préciser que dans l’application de ces recommandations, charge vous revient de faire le travail d’adaptation nécessaire à votre entreprise, si besoin est.
Pour illustrer nos propos, nous conserverons le cas type d’une TPE productrice de yaourts à boire.

1-Sécuriser l’accès à l’énergie

Dans tous les secteurs productifs, l’énergie est un intrant indispensable, qu’il soit utilisé pour transformer la matière première (des cuves avec un mélangeur électrique pour assembler les ingrédients du yaourt), pour conditionner le produit fini (des remplisseuses-scelleuses automatiques de pots), ou pour le stocker (une chambre froide pour garder les pots au frais). En Afrique subsaharienne, en sécuriser l’accès constitue un enjeu absolument majeur.

Dans cette région du monde, la fourniture d’électricité souffre de nombreux maux. Le taux d’accès à l’électricité est de 29% en Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud. Par habitant et par an, il est consommé en moyenne 160 kWh en Afrique subsaharienne, contre 4810 kWh en Afrique du Sud, soit 30 fois plus. Un bilan bien sombre que les entrepreneurs, à défaut de pouvoir changer dans l’immédiat, doivent intégrer, et contourner avec intelligence.

En ce sens, il est important de vous poser les deux questions suivantes.

  • Quelle est l’influence l’électricité sur ma production ?
  • Quel est la part de l’électricité dans le coût total de mon produit/service ?
Copyright Ashanti Ventures

Dans le cas 1, l’énergie électrique est à la fois un élément non déterminant dans votre activité, et un faible poste de dépense. C’est le cas typique d’une entreprise d’import-export de marchandises manufacturées. L’électricité, est un élément de confort, ou un intrant administratif. Elle sert à climatisation des bureaux, l’alimentation des ordinateurs et imprimantes, ou à l’éclairage des magasins. Ce n’est donc pas un input décisif. Dans ce cas, libre charge à l’entreprise au vu de sa situation financière d’investir dans un groupe électrogène, ou pas, la question n’ayant ici rien de stratégique.

Dans le cas 2, l’énergie électrique a une incidence réelle sur la capacité de l’entreprise à délivrer les outputs (ses produits/services), mais elle ne représente qu’un coût marginal de ses dépenses. C’est ici le cas d’une entreprise proposant des services en génie informatique. Sur une mission de développement logiciel par exemple, les salaires des ingénieurs et les outils de développement occuperont plus de 90% des coûts. L’électricité ne représentera que quelques pour cents et sera pourtant indispensable à l’avancée du travail car les ordinateurs et serveurs ont besoin doivent être alimentés. Dans ce cas, vous aurez besoin d’évaluer le caractère durable ou périodique des coupures de courant, la perte de business subite par les coupures, et le montant d’investissement que demande une source d’énergie alternative. C’est en fonction de ces trois éléments que vous pourrez décider de subir le délestage sans besoin d’investissement si cela est passager et que vous êtes en période de faible activité, d’investir dans un groupe électrogène si le risque de perte business est hautement plus important que le coût d’un groupe électrogène, ou de trouver un entre deux qui pourrait être par exemple, le recours ponctuel à la location d’un groupe électrogène.

Dans le cas 3, l’électricité n’a pas une grande incidence sur vos outputs, mais elle représente cependant un poste de dépense important. Nous sommes ici dans le cadre d’un restaurant climatisé d’une grande capitale africaine. L’électricité n’est pas un élément influençant directement les prix à la carte, mais plutôt un poste de coût indirect important qui est répercuté. Dans ce cas, la question à se poser est résolument « marketing ». Quelle importance accordent les clients au fait que le restaurant soit climatisé ? Quelle incidence cela aurait-il que cet élément disparaisse ? Peut-on améliorer le confort en substituant un autre élément à la climatisation ? A ces questions, il faudra bien sûr rajouter celles du cas 2 afin d’apprécier si il est nécessaire d’investir dans une source d’énergie alternative.

Dans le cas 4, l’électricité est à la fois un input décisif, et un poste de dépense important dans la structure des coûts du produit. C’est le cas de notre exemple type, la PME fabricante de yaourt à boire. Ici, du fait de son utilité dans la chaîne de production, son caractère indispensable dans le stockage, l’électricité est une ressource cruciale, et donc abondamment consommée. L’investissement dans une source d’énergie alternative n’est donc pas — contrairement aux cas précédents — un sujet à réflexion, mais une nécessité absolue. Il est important que le nécessaire soit fait pour que la production puisse se poursuivre dans les meilleures conditions. Il reviendra donc à l’entrepreneur de trouver des voies et moyens pour réduire ses coûts sur d’autres postes de dépenses importants afin d’amortir l’achat d’un groupe électrogène. En occurrence sur le lait, le sucre, les emballages, ou la main d’œuvre, référez-vous à la Série 1 dont les conseils vous seront utiles pour challenger vos fournisseurs.

Aussi, dans le cas où la conjecture énergétique viendrait à durer, il est important pour l’entreprise de restructurer son activité en tenant compte de ces nouveaux paramètres. Investir dans une éolienne, ou des panneaux solaires, pourraient à long terme représenter des choix bien avisés.

2- Investir dans le bon outil productif

Les enjeux à ce niveau sont de deux ordres. Ils concernent le choix du matériel, et le montage financier de l’acquisition.

En ce qui concerne le choix, il est utile de vous poser quelques questions importantes.

Quelle est la bonne taille pour l’outil productif ?

Dans le cadre de notre usine de yaourt, au motif que le marché se porte bien, ne vous orientez pas tête baissée vers une machine d’une capacité de 5000 pots/jours alors que vous n’en vendez actuellement que 1000 sur la même durée ! Même en ayant des perspectives de croissance très positives, elles restent ce qu’elles sont : des perspectives. Il vous faudra rigoureusement mettre en parallèle de cela la trésorerie dont vous disposez présentement et à moyen terme, les mouvements de prix possibles au niveau des matières premières, la dynamique des concurrents, et la menace de nouveaux arrivants sur le marché. C’est à la lumière de ces éléments qu’il faudra juger de la taille idéale de l’outil productif.

Pour quelle qualité opter ?

Quasiment peu importe l’outil de production à acquérir, vous aurez le choix entre des marques, et donc des technologies différentes. Ce n’est pas le prix qui devrait ici être le premier élément déterminant mais le rapport qualité/prix. Ne vous demandez pas ce que le matériel vous coûte, sans le déduire automatiquement de ce qu’il vous rapporte. Ce sont bien ces deux données qui sont indispensables au choix que vous allez faire. Ensuite, intéressez-vous aux dépenses de fonctionnement et d’entretien du matériel. Il s’agit là d’éléments qui rajoutés au prix d’achat affiché, ont la capacité de changer la donne. Un produit à la base accessible et bon marché peut se révéler être un gouffre financier aux vu des nombreux frais d’entretien ou de la consommation gourmande, alors qu’un autre affiché à un tarif plus élevé peut se révéler être économe en consommation, et techniquement peu capricieux. Enfin, il est important que la technologie employée soit à la portée d’utilisation et d’entretien par les ressources humaines dont vous disposez.

Pour illustrer ces propos, supposons que l’on veuille équiper la fabrique de yaourt d’une chambre froide. Il faudra donc pour trancher entre les différents modèles se demander : quelle chambre froide est utilisable par le personnel actuel ? Quelle chambre froide est réparable par les techniciens dans le pays ? Quelle chambre refroidit le plus rapidement une quantité x de yaourt ? Quelle est la consommation énergétique des différentes chambres froides ? Qu’en est-il des frais d’entretien éventuels sur la durée, et bien entendu si il existe un système de garantie ou d’assistance technique?

Financer intelligemment l’acquisition de l’outil productif

Une fois l’outil choisi, il faut maintenant en financer l’acquisition. Cette question essentielle touche la gestion des risques financiers dont nous traiterons dans une des séries à venir. En attendant, deux options s’offrent à vous : le financement bancaire si vous suivi le conseil n°12 de notre article « 66 infos & conseils pratiques aux jeunes entrepreneurs d’Afrique ». Sinon, écrivez-nous via le formulaire sur notre site internet ashantiventures.com. Nous serons ravis de lire le projet de croissance que vous portez pour votre entreprise.

3-Bien manager les ressources humaines dans la production

Au cœur de vos entreprises, les Hommes. La production dépend en grande partie de votre capacité à former vos salariés à l’outil productif, à professionnaliser leur approche, et à les fidéliser. A combien de jeunes promoteurs de PME est-il déjà arrivé de faire face à des difficultés à trouver les compétences recherchées, des travailleurs professionnels, ou encore des employés qui ne “désertent” au delà de quelques mois d’apprentissage et de salaires. Il vous faut donc gérer ces trois enjeux de front.

Bien former vos salariés à l’outil productif

Selon votre activité, et la technologie que vous utilisez, cette phase peut avoir plus ou moins d’importance. Si toutefois elle en a, ne la négligez pas ! Enseignez à vos collaborateurs tout ce qu’ils ont besoin de savoir pour être le plus utile et le plus productif possible dans leur travail. Ceci dit, sachez garder les « secrets » de fabrication ! Il faut être transparent, et donc donner au salarié tous les outils de réussite. Pas naïf, ce reviendrait à lui donner tous les outils nécessaires pour se muer demain en un concurrent (redoutable ?).

Ainsi, dans le cadre de notre fabrique de yaourt, les ouvriers doivent être parfaitement rompus à la manipulation des différents outils de production, de conditionnement, et de stockage. Toutefois, les arômes entrant dans la composition de chaque parfum peuvent être préparés ailleurs, dans un lieu qui leur serait inconnu et jamais mentionné. Notez pour l’histoire que c’est ainsi que les industriels de agroalimentaire conservent leurs recettes secrètes. Chaque composant est produit par un fournisseur différent. Faites donc preuve de créativité !

Professionnalisez vos salariés

Non respect du planning de production, qualité variable de la production, perte de compétitivité de vos produits, insatisfaction des clients et des consommateurs finaux. Voilà ce que pourraient être vos problèmes avec des collaborateurs et salariés peu professionnels. Insistez sur trois choses : la ponctualité, le travail bien fait, et l’esprit d’équipe. Instaurez un système de pointage, offrez des primes aux salariés les plus ponctuels, des malus à ceux qui le sont le moins. Distribuez des moustiquaires chaque année, le paludisme ne devrait plus être un motif de congé maladie. Responsabilisez-les et faites-leur contrôler chacun le travail de l’autre. Toutes les semaines faites une activité en commun pour souder les esprits.

Fidélisez vos salariés

C’est là aussi un enjeu important. Voici trois questions qui vous aideront à trouver la bonne chose à faire. Qu’est-ce qui motive mes collaborateurs à travailler dans ma société plutôt que dans une autre ? Quelles sont les motivations finançables ? (Couverture maladie familiale, 13ème mois, etc.) Quelles sont les motivations non finançables ? (Bonne ambiance au travail, manque d’alternatives pour eux ailleurs, esprit d’appartenance, autonomie, etc.). Faites ensuite une liste de ce qui à coup sûr les ferait partir, et trouvez comment écarter ces choses. Enfin, faites une liste de ce qui à coup sûr les ferait rester, et attelez-vous à faire de ces choses une réalité.

Assurez le suivi de production

Une fois que vous vous êtes occupé des machines et des Hommes, reste à gérer le produit. Logiquement deux éléments sont ici importants. La gestion quantité, et celle de la qualité. Ces deux paramètres dépendent bien d’une part du choix de l’outil productif, et de l’autre du bon management des ressources humaines de production que nous avons déjà traité plus haut. L’enjeu ici est d’avoir in fine, des produits dans les quantités nécessaires, avec une conformité parfaite de chaque unité à la qualité convenue. Le tout dans le juste temps imparti.

Par Naofal ALI, MP @ Ashanti Ventures

--

--